Language of document : ECLI:EU:T:2004:25

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL
28 janvier 2004 (1)

Pêche – Organisation commune des marchés – Indemnité compensatoire pour les thons destinés à l'industrie de la transformation – Répartition entre les organisations de producteurs – Changement d'affiliation de producteurs – Incidence sur la répartition de l'indemnité – Base juridique – Principe de confiance légitime

Dans les affaires jointes T-142/01 et T-283/01,

Organización de Productores de Túnidos Congelados (OPTUC), établie à Bermeo (Espagne), représentée, dans l'affaire T-142/01, par Mes J.-R. García-Gallardo Gil-Fournier et M. Moya Díaz, avocats, et, dans l'affaire T-283/01, par Mes García-Gallardo Gil-Fournier et J. Guillem Carrau, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme S. Pardo Quintillán et, dans l'affaire T–142/01, également par M. L. Visaggio, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Organización de Productores Asociados de Grandes Atuneros Congeladores (Opagac), établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Casas Robla et V. Arrastia de Sierra, avocats,

partie intervenante dans l'affaire T-142/01,

ayant pour objet des demandes visant à l'annulation du règlement (CE) n° 584/2001 de la Commission, du 26 mars 2001, modifiant les règlements (CE) nº 1103/2000 et nº 1926/2000, prévoyant l'octroi de l'indemnité compensatoire aux organisations de producteurs pour les thons livrés à l'industrie de transformation durant les périodes allant du 1er juillet au 30 septembre 1999 et du 1er octobre au 31 décembre 1999 (JO L 86, p. 4), ainsi qu'à l'annulation de l'article 2, paragraphe 2, et de l'annexe de chacun des règlements (CE) de la Commission n° 585/2001, du 26 mars 2001, n° 808/2001, du 26 avril 2001, nº 1163/2001, du 14 juin 2001, et n° 1670/2001, du 20 août 2001, prévoyant l'octroi de l'indemnité compensatoire aux organisations de producteurs pour les thons livrés à l'industrie de transformation durant la période allant, respectivement, du 1er janvier au 31 mars 2000, du 1er avril au 30 juin 2000, du 1er juillet au 30 septembre 2000 et du 1er octobre au 31 décembre 2000 (respectivement JO L 86, p. 8; JO L 118, p. 12; JO L 159, p. 10, et JO L 224, p. 4),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES



composé de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi et M. Vilaras, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 18 septembre 2003,

rend le présent



Arrêt




Contexte juridique et factuel

1
L’article 18 du règlement (CEE) nº 3759/92 du Conseil, du 17 décembre 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture (JO L 388, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 3318/94 du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L 350, p. 15), prévoit l’octroi d’une indemnité compensatoire lorsqu’il est constaté que, pour un trimestre calendaire, les prix des thons destinés à l’industrie de transformation se situent à un niveau inférieur à un seuil de déclenchement déterminé. Il est libellé comme suit:

«1.     Une indemnité peut être accordée aux organisations de producteurs pour les quantités de produits figurant à l’annexe III [à savoir différentes espèces de thon], pêchées par leurs membres, puis vendues et livrées à l’industrie de transformation établie sur le territoire douanier de la Communauté et destinées à la fabrication industrielle des produits relevant du code NC 1604. Cette indemnité est accordée lorsqu’il a été constaté, pour un trimestre de calendrier, que simultanément:

le prix de vente moyen constaté sur le marché communautaire

et

le prix franco frontière visé à l’article 22 majoré, le cas échéant, de la taxe compensatoire dont il a été frappé

se situent à un niveau inférieur à un seuil de déclenchement égal à 91 % du prix à la production communautaire du produit considéré.

Avant le début de chaque campagne de pêche, les États membres établissent ou mettent à jour et communiquent à la Commission la liste des industries visées au présent paragraphe.

2.       Le montant de l’indemnité ne peut en aucun cas dépasser:

ni la différence entre le seuil de déclenchement et le prix de vente moyen du produit considéré sur le marché communautaire,

ni un montant forfaitaire égal à 12 % de ce seuil.

3.       Le volume des quantités de chacun des produits susceptibles de bénéficier de l’indemnité est plafonné à un montant égal à la moyenne des quantités vendues et livrées, aux conditions visées au paragraphe 1, au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédant le trimestre pour lequel l’indemnité est versée.

4.       Le montant de l’indemnité accordée à chaque organisation de producteurs est égal:

au plafond défini au paragraphe 2 pour les quantités du produit considéré, écoulées conformément au paragraphe 1, qui ne sont pas supérieures à la moyenne des quantités vendues et livrées aux mêmes conditions par ses adhérents au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédant le trimestre pour lequel l’indemnité est versée,

à 50 % du plafond défini au paragraphe 2 pour les quantités du produit considéré supérieures à celles définies au premier tiret, qui sont égales au solde des quantités résultant d’une répartition des quantités éligibles au titre du paragraphe 3 entre les organisations de producteurs.

La répartition est faite entre les organisations de producteurs concernées en proportion de la moyenne de leurs productions respectives au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédant le trimestre pour lequel l’indemnité est versée.

5.       Les organisations de producteurs répartissent l’indemnité accordée à leurs adhérents au prorata des quantités produites par ceux-ci et vendues et livrées aux conditions visées au paragraphe 1.

6.       Les modalités d’application du présent article, et notamment le montant ainsi que les conditions d’octroi de l’indemnité, sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 32.»

2
Sur la base du règlement nº 3759/92, tel que modifié, et notamment de son article 18, paragraphe 6, la Commission a adopté, le 21 janvier 1998, le règlement (CE) nº 142/98, établissant les modalités d’application relatives à l’octroi de l’indemnité compensatoire pour les thons destinés à l’industrie de la transformation (JO L 17, p. 8).

3
Le 1er juillet 1998, trois entreprises (Nicra 7 SL, Aitzugana SL et Igorre SL, ci‑après les «entreprises concernées») affiliées à l’Organización de Productores de Túnidos Congelados (organisation de producteurs de thons congelés, ci-après l’«OPTUC» ou la «requérante»), l’une des deux organisations de producteurs de thons établies en Espagne, ont quitté celle-ci et ont adhéré à l’autre organisation, l’Organización de Productores Asociados de Grandes Atuneros Congeladores (organisation des producteurs associés armateurs de grands thoniers congélateurs, ci-après l’«Opagac»).

4
Le 30 juillet 1998, les autorités espagnoles ont communiqué à la Commission ce changement d’affiliation ainsi que les données concernant les débarquements de thons réalisés en 1995, en 1996, en 1997 et au premier semestre de 1998 par les navires appartenant à ces entreprises, et cela afin que la Commission procède à la modification des «statistiques» établies, aux fins de l’octroi de l’indemnité compensatoire visée à l’article 18 du règlement n° 3759/92, sur la base des données précédemment transmises par ces autorités.

5
Le 17 décembre 1999, le Conseil a adopté le règlement (CE) nº 104/2000, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture (JO L 17, p. 22), lequel a abrogé et remplacé, à compter du 1er janvier 2001, le règlement nº 3759/92. L’article 27 du règlement nº 104/2000 reproduit le libellé de l’article 18 du règlement nº 3759/92, tel que modifié, exception faite de modifications apportées au paragraphe 1, deuxième tiret, et à l’article cité au paragraphe 6.

6
La Commission a ensuite adopté, sur la base du règlement nº 3759/92, et notamment de son article 18, paragraphe 6, les règlements (CE) n° 1103/2000, du 25 mai 2000 (JO L 125, p. 18), et n° 1926/2000, du 11 septembre 2000 (JO L 230, p. 10), prévoyant l’octroi de l’indemnité compensatoire aux organisations de producteurs pour les thons livrés à l’industrie de transformation durant les périodes trimestrielles comprises, respectivement, entre le 1er juillet et le 30 septembre 1999 et entre le 1er octobre et le 31 décembre 1999. Parmi les organisations de producteurs bénéficiaires desdites indemnités figurent l’OPTUC et l’Opagac.

7
Le 20 juillet 2000, les autorités espagnoles, ayant constaté que la Commission n’avait pas procédé aux modifications sollicitées, ont demandé à l’OPTUC et à l’Opagac de lui fournir les chiffres relatifs aux quantités de thon commercialisées par les entreprises concernées sur le territoire de l’Union européenne au cours des années 1996 et 1997, ainsi que du premier semestre de 1998. Elles soulignaient, en effet, que lesdites organisations ne lui avaient auparavant fourni que les données relatives aux débarquements effectués par ces entreprises, alors que c’étaient les quantités commercialisées dans l’Union européenne qui faisaient l’objet d’une indemnisation.

8
Le 16 octobre 2000, les autorités espagnoles ont transmis à la Commission les données définitives sur les quantités de thon vendues et livrées à l’industrie de transformation communautaire (ci-après les «quantités commercialisées») par les membres de ces deux organisations de producteurs entre le 1er juillet 1995 et le 30 juin 1998.

9
Les règlements nos 1103/2000 et 1926/2000 n’ayant pas pris en compte le transfert des entreprises concernées de l’OPTUC vers l’Opagac aux fins de la répartition entre les organisations de producteurs des quantités éligibles à l’indemnité compensatoire (ci-après les «quantités indemnisables»), l’Opagac, en considérant que les quantités qui lui avaient été accordées par lesdits règlements n’étaient, de ce fait, pas correctes, a introduit, le 24 novembre 2000, un recours en annulation devant le Tribunal à l’encontre des dispositions pertinentes de ces règlements (affaire T-359/00).

10
Le 26 mars 2001, la Commission a adopté, sur la base du règlement nº 104/2000, et notamment de son article 27, paragraphe 6, le règlement (CE) nº 584/2001, du 26 mars 2001, modifiant les règlements n° 1103/2000 et n° 1926/2000 (JO L 86, p. 4). La Commission reconnaît, aux considérants 3 à 5 du règlement n° 584/2001, que les données définitives transmises le 16 octobre 2000 par les autorités espagnoles affectaient la répartition des quantités indemnisables entre l’OPTUC et l’Opagac, telle que fixée aux annexes des règlements nos 1103/2000 et 1926/2000, et que ces derniers devaient être modifiés en conséquence.

11
La nouvelle répartition des quantités indemnisables concernant les troisième et quatrième trimestres de 1999, établie respectivement aux annexes I et II du règlement nº 584/2001, remplaçant les annexes des règlements nos 1103/2000 et 1926/2000, se caractérise, par rapport à la répartition résultant de ces derniers, par une diminution des quantités attribuées pour chaque trimestre à l’OPTUC en ce qui concerne les «albacores ne pesant pas plus de 10 kilogrammes par pièce» et le «listao», et par une augmentation correspondante de celles attribuées à l’Opagac pour ces mêmes produits et trimestres.

12
À la suite de l’adoption du règlement nº 584/2001, par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 21 juin 2001, l’affaire T-359/00 a été radiée du registre des affaires du Tribunal.

13
Sur la base du règlement n° 104/2000, et notamment de son article 27, paragraphe 6, la Commission a en outre adopté, successivement, les règlements (CE) nos 585/2001, du 26 mars 2001 (JO L 86, p. 8), 808/2001, du 26 avril 2001 (JO L 118, p. 12), 1163/2001, du 14 juin 2001 (JO L 159, p. 10), et 1670/2001, du 20 août 2001 (JO L 224, p. 4), prévoyant l’octroi aux organisations de producteurs de l’indemnité compensatoire pour les thons livrés à l’industrie de transformation durant les périodes comprises, respectivement, entre le 1er janvier et le 31 mars 2000, entre le 1er avril et le 30 juin 2000, entre le 1er juillet et le 30 septembre 2000 et entre le 1er octobre et le 31 décembre 2000.

14
L’article 2 de chacun de ces quatre règlements fixe, en son paragraphe 1, le volume global des quantités indemnisables pour le trimestre concerné et définit, en son paragraphe 2 et par renvoi à une annexe du même règlement, la répartition de ce volume global entre les organisations de producteurs. Il est constant que cette répartition est notamment faite en attribuant à l’Opagac et en décomptant à l’OPTUC les moyennes de production antérieures des entreprises concernées.

15
Enfin, le 9 novembre 2001, la Commission a adopté le règlement (CE) nº 2183/2001 établissant les modalités d’application du règlement nº 104/2000 en ce qui concerne l’octroi de l’indemnité compensatoire pour les thons destinés à l’industrie de la transformation (JO L 293, p. 11). Ledit règlement abroge le règlement n° 142/98 et est applicable depuis le 1er janvier 2002. Son article 3 est libellé comme suit:

«1.     L’indemnité est accordée aux organisations de producteurs, dans les limites des volumes fixées à l’article 27, paragraphe 3, du règlement [...] n° 104/2000, pour les produits figurant à l’annexe III dudit règlement, pêchés par leurs membres et qui ont été vendus et livrés à l’industrie de la transformation établie sur le territoire douanier de la Communauté, et destinés à une transformation complète et définitive en produits relevant de la position 1604 du SH.

2.       Les États membres procèdent à la vérification des volumes fixés à l’article 27, paragraphe 3, du règlement [...] n° 104/2000 au regard des variations qui seraient intervenues dans l’affiliation aux organisations des producteurs. Ils en informent la Commission.»


Procédure

16
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2001, la requérante a introduit un recours en annulation à l’encontre, d’une part, du règlement nº 584/2001 et, d’autre part, de l’article 2, paragraphe 2, et de l’annexe de chacun des règlements nos 585/2001, 808/2001 et 1163/2001 (affaire T-142/01).

17
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 novembre 2001, la requérante a ensuite formé un recours en annulation à l’encontre du règlement n° 1670/2001 (affaire T-283/01), en demandant au Tribunal d’ordonner la jonction de cette affaire et de l’affaire T-142/01.

18
Dans l’affaire T-142/01, la procédure écrite s’est achevée le 13 février 2002.

19
Dans l’affaire T-283/01, la procédure écrite s’est achevée le 12 février 2002, la requérante n’ayant pas demandé à être autorisée à compléter le dossier à la suite de la communication de la décision du Tribunal, prise conformément à l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, de ne pas faire procéder à un deuxième échange de mémoires.

20
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2002, l’Opagac a demandé à intervenir dans l’affaire T-142/01 au soutien des conclusions de la défenderesse. La défenderesse n’a pas soulevé d’objections à l’encontre de cette demande d’intervention. La requérante n’a pas présenté d’observations à cet égard dans le délai imparti.

21
Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 27 février 2002, les affaires T-142/01 et T‑283/01 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, du fait de leur connexité, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

22
Par ordonnance du 27 septembre 2002, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis l’intervention de l’Opagac (ci-après également l’«intervenante») dans l’affaire T-142/01 au soutien des conclusions de la défenderesse. Toutefois, la demande d’intervention ayant été déposée après l’expiration du délai visé à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure, l’intervenante a seulement été autorisée à présenter ses observations, sur la base du rapport d’audience qui lui serait communiqué, lors de la procédure orale.

23
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a demandé aux parties requérante et défenderesse de répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

24
Le 17 septembre 2003, l’intervenante a informé le Tribunal qu’elle renonçait à participer à l’audience et a transmis des observations écrites au fond, prétendument rédigées à la lumière du rapport d’audience qui lui avait été communiqué. Ces observations n’ont toutefois pas été versées au dossier, l’intervenante n’étant autorisée qu’à présenter des observations orales lors de l’audience.

25
Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 18 septembre 2003.


Conclusions des parties

26
Dans l’affaire T-142/01, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler le règlement nº 584/2001;

annuler l’article 2, paragraphe 2, et l’annexe de chacun des règlements nos 585/2001, 808/2001 et 1163/2001;

ordonner toute mesure qu’il jugera appropriée afin que la défenderesse se conforme aux obligations qui lui incomberaient en vertu de l’article 233 CE et, en particulier, ordonner qu’elle procède à un nouvel examen de la situation;

condamner la défenderesse aux dépens.

27
Dans l’affaire T-283/01, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler l’article 2, paragraphe 2, et l’annexe du règlement nº 1670/2001;

ordonner toute mesure qu’il jugera appropriée afin que la défenderesse se conforme aux obligations qui lui incomberaient en vertu de l’article 233 CE et, en particulier, ordonner qu’elle procède à un nouvel examen de la situation;

condamner la défenderesse aux dépens.

28
Dans les deux affaires, la défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours;

condamner la requérante aux dépens.

29
Dans sa demande d’intervention relative à l’affaire T-142/01, l’intervenante soutient les conclusions de la défenderesse et demande que la requérante soit condamnée aux dépens.


Sur la recevabilité du recours dans l’affaire T-142/01

30
À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques. Dès lors, bien que la défenderesse, dans ses mémoires en défense et en duplique, n’ait pas soulevé de fin de non-recevoir dans l’affaire T‑142/01, il appartient au Tribunal d’examiner, même d’office, si le recours a bien été introduit dans les délais prescrits (voir, notamment, arrêts de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, p. 479; du 5 juin 1980, Belfiore/Commission, 108/79, Rec. p. 1769, point 3; du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, Rec. p. 3133, point 12; arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑29/89, Rec. p. II-787, point 13).

31
À cet égard, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties requérante et défenderesse à se prononcer sur la question de savoir si, à la lumière de l’article 230, cinquième alinéa, CE et des articles 101 et 102 du règlement de procédure, le recours dans l’affaire T-142/01 n’avait pas été présenté hors délai en ce qui concerne les règlements nos 584/2001 et 585/2001, publiés le 27 mars 2001.

Arguments des parties

32
La requérante soutient que le recours a été présenté dans les délais. Elle fait valoir notamment que, conformément à la version espagnole de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le délai de recours a commencé à courir le 11 avril 2001. En effet, il découlerait des termes «a partir del final del decimocuarto dia siguiente a la fecha de la publicación del acto en el Diario Oficial» («à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de l’acte au Journal officiel») que le dies a quo se situe au début du quinzième jour suivant la publication de l’acte, en l’occurrence le 11 avril 2001 à 0 heure. Selon la requérante, cette interprétation respecte la motivation sous-tendant les articles 101 et 102 du règlement de procédure, qui envisageraient le début, et non la fin, du délai de recours. Dans cette optique, il serait injustifié de fixer le début dudit délai à minuit, à la fin d’une journée déjà écoulée, au lieu de le fixer à 0 heure, au début d’une journée qui commence, car, dans le cas contraire, les parties ne se verraient pas garantir une utilisation pleine et entière des délais. Or, en ajoutant les dix jours du délai de distance, le délai de recours aurait expiré le 21 juin 2001 à minuit.

33
À titre subsidiaire, dans l’éventualité où le Tribunal ne retiendrait pas cette interprétation, la requérante, en soulignant que la version espagnole du règlement de procédure est ambiguë et qu’elle présente des difficultés particulières d’interprétation, invoque l’existence d’une erreur excusable.

34
La défenderesse estime que le recours dirigé contre les règlements nos 584/2001 et 585/2001 est tardif, puisqu’il aurait dû être présenté au plus tard le 20 juin 2001 à minuit.

Appréciation du Tribunal

35
S’agissant en l’espèce d’un recours dirigé contre des actes publiés au Journal officiel des Communautés européennes, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, aux termes de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, «[l]orsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai est à compter, au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel».

36
D’autre part, il ressort de l’article 101, paragraphe 1, du même règlement de procédure que les délais de procédure prévus, notamment, par le traité CE et par ledit règlement sont calculés en excluant le jour au cours duquel survient l’événement à partir duquel ils sont comptés et prennent fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois si le délai en cause est exprimé en mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement à partir duquel les délais sont à compter.

37
Il convient de remarquer que, dans l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, il a été pris soin de préciser que le délai de recours est à compter, au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), du même règlement, «à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication». L’article 102, paragraphe 1, dudit règlement accorde donc au requérant quatorze jours entiers en plus du délai de recours normal de deux mois et le dies a quo est, dès lors, reporté au quatorzième jour suivant la date de publication de l’acte en cause (ordonnance du Tribunal du 19 janvier 2001, Confindustria e.a./Commission, T‑126/00, Rec. p. II‑85, point 15).

38
S’agissant, en l’espèce, du délai de deux mois, visé à l’article 230, cinquième alinéa, CE, le dies a quo a ainsi été reporté du 27 mars 2001, date de publication des règlements nos 584/2001 et 585/2001 au Journal officiel des Communautés européennes, au 10 avril 2001, ce qui procurait à la requérante un délai supplémentaire de quatorze jours entiers, y compris la journée du 10 avril 2001 jusqu’à minuit (ordonnance Confindustria e.a./Commission, précitée, point 16).

39
En vertu de l’article 101, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, selon lequel un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le dies a quo, le délai de recours a pris fin à l’expiration du 10 juin 2001.

40
Le fait que cette date correspondait à un dimanche n’a pas entraîné le report, en application de l’article 101, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, de l’expiration du délai à la fin du jour ouvrable suivant. En effet, le délai de recours a été augmenté de dix jours, en raison de la distance, en vertu de l’article 102, paragraphe 2, de ce même règlement. Or, selon une jurisprudence constante, l’article 101, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure ne trouve à s’appliquer que dans le cas où le délai de recours complet, délai de distance inclus, prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal (ordonnance de la Cour du 15 mai 1991, Emsland-Stärke/Commission, C-122/90, non publiée au Recueil, point 9; arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, BASF e.a./Commission, T-80/89, T‑81/89, T‑83/89, T‑87/89, T‑88/89, T‑90/89, T‑93/89, T‑95/89, T‑97/89, T‑99/89, T‑100/89, T‑101/89, T‑103/89, T‑105/89, T‑107/89 et T‑112/89, Rec. p. II-729, point 62, et ordonnances du Tribunal du 20 novembre 1997, Horeca‑Wallonie/Commission, T‑85/97, Rec. p. II‑2113, points 25 et 26, et Confindustria e.a./Commission, précitée, point 18).

41
En l’espèce, compte tenu du délai de distance de dix jours, le délai complet imparti pour l’introduction d’un recours contre les règlements nos 584/2001 et 585/2001 est venu à échéance le mercredi 20 juin 2001, à minuit, ce jour ne figurant pas sur la liste des jours fériés légaux établie à l’article 1er de l’annexe I du règlement de procédure de la Cour, tel qu’en vigueur à cette époque, applicable au Tribunal en vertu de l’article 101, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de procédure.

42
Il s’ensuit que le présent recours, introduit le 21 juin 2001, a été formé tardivement en ce qui concerne les règlements nos 584/2001 et 585/2001.

43
Pour autant que la requérante se prévaut de la teneur de la version espagnole de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure pour contester la tardiveté de son recours et, à titre subsidiaire, pour justifier d’une erreur excusable, il y a lieu de relever, premièrement, que les termes utilisés à l’article 102, paragraphe 1, de la version espagnole dudit règlement sont clairs et n’étayent nullement l’interprétation avancée par la requérante. En effet, en précisant que le délai de recours est à compter «a partir del final del decimocuarto dia siguiente a la fecha de la publicación del acto en el Diario Oficial», cette disposition fait clairement entendre que le quinzième jour suivant la publication de l’acte, en l’occurrence le 11 avril 2001, est le premier qui doit être entièrement pris en compte dans le calcul du délai de recours.

44
Il y a lieu de rappeler, deuxièmement, que, selon une jurisprudence constante, l’application stricte des réglementations communautaires concernant les délais de procédure répond à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêts de la Cour du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749, point 10, et du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, point 11; ordonnance du Tribunal du 1er juin 1999, Meyer/Conseil, T‑74/99, Rec. p. II‑1749, point 13). Or, la réglementation relative aux délais applicable en l’espèce ne présente pas de difficulté d’interprétation particulière, de sorte qu’une erreur excusable de la part de la requérante, qui justifierait une dérogation à l’application stricte de ladite réglementation, ne saurait être reconnue (ordonnance Confindustria e.a./Commission, précitée, point 21).

45
Enfin, la requérante n’a pas établi ni même invoqué l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure qui permettrait au Tribunal de déroger au délai en cause sur la base de l’article 45, deuxième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut.

46
Il résulte de ce qui précède que le recours dans l’affaire T-142/01 doit être rejeté comme étant irrecevable en tant qu’il est dirigé contre les règlements nos 584/2001 et 585/2001.


Sur le fond

47
Le Tribunal n’examinera donc au fond que les demandes en annulation visant les règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001. À l’appui de ces demandes, la requérante invoque, dans chacune des affaires jointes, deux moyens. Le premier moyen est tiré de ce que les mesures contestées auraient été adoptées sans base juridique valable. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de confiance légitime.

Sur le premier moyen, tiré de ce que les mesures contestées auraient été adoptées sans base juridique valable

48
La requérante soutient, premièrement, que la Commission a erronément adopté les règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001 sur la base juridique du règlement n° 104/2000 et, deuxièmement, que l’institution, par ces mêmes règlements, a effectué sans aucune base juridique une répartition des quantités indemnisables entre les deux organisations de producteurs concernées, fondée sur un transfert des droits de l’OPTUC vers l’Opagac, entraînant pour la première organisation une importante réduction de ses moyennes de production et, partant, des indemnités compensatoires lui revenant.

Première branche: les règlements attaqués ont été adoptés sur une base juridique erronée

    Arguments des parties

49
La requérante fait valoir que le règlement nº 104/2000 constitue une base juridique erronée, qui ne permettait pas l’adoption des règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001. À cet égard, elle fait observer que les périodes trimestrielles visées par ces derniers sont toutes antérieures au 31 décembre 2000 et relevaient donc du règlement n° 3759/92 et non du règlement n° 104/2000, ce dernier n’ayant pris effet qu’à compter du 1er janvier 2001.

50
La défenderesse met en exergue le fait que le règlement nº 104/2000, et notamment son article 27, paragraphe 6, constituait la seule base juridique valable pour les règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001, tous adoptés au cours de l’année 2001 et fixant les indemnités compensatoires correspondant, respectivement, aux deuxième, troisième et quatrième trimestres de l’année 2000.

51
Toutefois, elle souligne que ce sont les conditions fixées par le règlement nº 3759/92 qui devaient être prises en considération pour arrêter une décision relative à l’octroi d’une indemnité compensatoire pour lesdits trimestres. Or, tel aurait été le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressortirait du considérant 3 de chacun des règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001. Dès lors, ce serait à tort que la requérante allègue que le règlement n° 104/2000 a été appliqué à ces mêmes trimestres.

    Appréciation du Tribunal

52
Dans le cadre de la première branche du premier moyen, qui porte sur l’application du droit ratione temporis, il y a lieu de distinguer, au vu du caractère imprécis des allégations de la requérante, d’une part, un aspect d’ordre substantiel, ayant trait à l’identification des dispositions matérielles en matière d’indemnité compensatoire régissant les situations envisagées dans les règlements attaqués, et, d’autre part, un aspect d’ordre procédural, ayant trait à l’identification de la base juridique proprement dite, c’est-à-dire de la disposition qui fonde l’adoption de ces actes, en déterminant la compétence communautaire et les procédures devant être suivies pour leur adoption.

53
En premier lieu, s’agissant de l’aspect d’ordre substantiel, il convient de constater que le considérant 3 de chacun des règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001 énonce que «[l]es conditions prévues par le règlement [...] n° 3759/92 devraient être retenues aux fins de la décision d’accorder l’indemnité compensatoire pour les produits concernés pour [le trimestre visé par chacun de ces règlements]».

54
La Commission a donc appliqué, dans les trois règlements attaqués, les dispositions matérielles du règlement n° 3759/92. Le grief de la requérante, pris dans son aspect substantiel, manque donc en fait.

55
Par ailleurs, il est constant, d’une part, que la requérante n’attaque, par les présents recours, que l’attribution des quantités indemnisables aux organisations de producteurs OPTUC et Opagac, telle qu’elle résulte de l’article 2, paragraphe 2, et de l’annexe de chacun des règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001 et, d’autre part, qu’il n’y a pas de différence de contenu entre les dispositions matérielles du règlement n° 3759/92, tel que modifié, et celles du règlement n° 104/2000 qui régissent l’attribution des quantités indemnisables aux organisations de producteurs (ci-après les «OP»). En effet, le libellé de l’article 18, paragraphes 3 à 5, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, est identique à celui de l’article 27, paragraphes 3 à 5, du règlement n° 104/2000.

56
Tout conflit de lois dans le temps faisant donc défaut en l’occurrence, à supposer même que la Commission, dans les règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001, ait appliqué les dispositions matérielles du règlement n° 104/2000, le grief de la requérante, pris dans son aspect substantiel, serait en tout état de cause dépourvu de fondement.

57
En second lieu, s’agissant de l’aspect d’ordre procédural, il convient de constater que les règlements attaqués mentionnent tous, dans leurs visas, le règlement n° 104/2000, «et notamment son article 27, paragraphe 6».

58
Ainsi, la Commission a adopté les règlements attaqués notamment sur la base juridique dudit paragraphe, lequel établit que les modalités d’application de l’article 27 du règlement n° 104/2000, et notamment le montant ainsi que les conditions d’octroi de l’indemnité, sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 104/2000, lequel article fait, à son tour, renvoi aux articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23). De même, l’article 18, paragraphe 6, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, a pour objet de préciser que les modalités d’application de cet article, et notamment le montant ainsi que les conditions d’octroi de l’indemnité, sont arrêtées selon la procédure prévue à l’article 32 de ce dernier règlement.

59
Or, la requérante se limite à critiquer le choix du règlement n° 104/2000 comme base juridique des règlements attaqués, en laissant entendre que la Commission aurait dû se référer au règlement n° 3759/92, tel que modifié. Toutefois, elle ne fait état d’aucune différence de régime procédural dans ces règlements pouvant donner lieu à un conflit de lois dans le temps.

60
En tout état de cause, à supposer même qu’un tel conflit soit susceptible de se présenter en l’espèce, il y a lieu de rappeler que les règles procédurales sont généralement censées s’appliquer également aux situations juridiques nées antérieurement à leur entrée en vigueur (arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9).

61
Dès lors, en soulignant que le règlement n° 104/2000 est entré en vigueur postérieurement aux périodes trimestrielles visées par les règlements attaqués, la requérante n’a nullement établi que le choix par la Commission dudit règlement comme base juridique des règlements attaqués était erroné.

62
La présente branche du premier moyen doit donc être rejetée.

Seconde branche: la répartition entre les OP des quantités indemnisables effectuée par les règlements attaqués est dépourvue de base juridique

    Arguments des parties

63
La requérante fait valoir que la répartition entre les OP des quantités indemnisables effectuée par les règlements attaqués ne saurait trouver une base juridique valable, ni dans le règlement n° 3759/92, ni dans le règlement n° 142/98 d’application de ce dernier, ni dans le règlement n° 104/2000, aucun de ces textes ne prévoyant de dispositions autorisant la Commission, lors d’un changement d’affiliation aux OP, à décompter à une OP la part de production que le membre sortant lui avait apportée lors des trois dernières campagnes de pêche pour la transférer à une autre OP. En particulier, aussi bien l’article 18, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement nº 3759/92, tel que modifié, que l’article 27, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement nº 104/2000 prévoiraient que l’un des principaux paramètres pour le calcul et la répartition entre les OP des quantités indemnisables de thons consiste en l’estimation des moyennes de production de chaque OP au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédant le trimestre pour lequel l’indemnité est versée.

64
À l’appui de cette argumentation, la requérante invoque la jurisprudence de la Cour, dont il ressortirait qu’un règlement d’application, adopté en vertu d’une habilitation contenue dans un règlement de base, ne peut pas déroger aux dispositions de ce dernier, dont il découle (arrêt de la Cour du 10 mars 1971, Deutsche Tradax, 38/70, Rec. p. 145).

65
Par ailleurs, la requérante ajoute que les dispositions d’application du règlement n° 104/2000 contenues dans le règlement n° 2183/2001 n’offrent pas non plus à la Commission une base juridique l’habilitant à opérer un transfert de moyennes de production d’une OP vers une autre en cas de changement d’affiliation de leurs membres. Par ce règlement, notamment son article 3, paragraphe 2, la Commission n’aurait fait que transférer aux États membres la responsabilité de résoudre le problème lié aux changements d’affiliation des producteurs. En tout état de cause, la requérante souligne que le règlement n° 2183/2001 n’était pas applicable à l’époque des faits.

66
S’agissant de la finalité de l’indemnité compensatoire en cause, la requérante l’identifie dans l’objectif consistant à encourager l’industrie européenne de transformation du thon et à garantir que les producteurs puissent écouler la partie de leur production qu’ils ne peuvent pas commercialiser sur le marché des produits frais. Un plafond des quantités indemnisables serait fixé afin qu’il ne soit pas plus rentable d’apporter le thon à la transformation que de le vendre en tant que produit frais.

67
En outre, la requérante met en exergue le fait que les bénéficiaires des indemnités compensatoires sont les OP et non les producteurs. Cela ressortirait notamment de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2183/2001.

68
Le fait de permettre que les indemnités octroyées aux OP, qui encourent d’importants frais de gestion, puissent varier considérablement dans un court laps de temps, comme cela aurait été le cas avec l’adoption des règlements attaqués, porterait atteinte à la stabilité budgétaire des OP et, en fin de compte, à la finalité pour laquelle elles ont été créées. Les OP, dont la Commission tenterait de renforcer le rôle dans le cadre de sa politique en matière de pêche, seraient l’instrument parfait pour concentrer l’offre face à la demande et pour réguler les prix.

69
La requérante soutient qu’il y a lieu de faire une distinction entre, d’une part, le critère d’attribution aux OP des quantités indemnisables – consistant à assigner aux OP des quantités en proportion de la moyenne de production de chacune d’entre elles au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédentes – et, d’autre part, la répartition de ces quantités entre les membres de l’OP, qui est réalisée sur la base de la production de ceux-ci durant la période considérée. Ainsi, elle prétend qu’elle aurait dû recevoir, pour les trimestres visés par les règlements attaqués, un montant reflétant sa moyenne de production au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédant le trimestre considéré.

70
Dans le cadre de ses allégations en fait, ainsi que dans les développements consacrés à son premier moyen, la requérante affirme que les entreprises l’ayant quittée le 1er juillet 1998 pour s’affilier à l’Opagac n’ont pas respecté les statuts de l’OPTUC, notamment leur article 12 qui prévoit, conformément aux règles communautaires en matière de reconnaissance des OP, qu’un membre ne pourra quitter l’organisation qu’après un délai de trois ans à compter de son admission et à condition qu’il ait donné à l’organisation, par courrier écrit avec accusé de réception, un préavis d’un an. La requérante fait valoir que ces entreprises ont toutes quitté l’OPTUC sans respecter la deuxième de ces conditions, Aitzugana et Igorre ayant, de plus, violé également la première de ces conditions.

71
Elle précise que, le départ de ces entreprises de l’OPTUC n’ayant donc pris effet que le 1er juillet 1999, la Commission aurait dû prendre en compte, dans la répartition des quantités indemnisables entre les OP, des chiffres différents pour les trimestres de référence de l’année 1997, de l’année 1998 et de l’année 1999.

72
La défenderesse admet que ni le règlement n° 3759/92 ni ses modalités d’application n’évoquent expressément le cas de changements d’affiliation survenus au sein des OP. Elle considère, toutefois, que c’est à tort que la requérante insiste sur l’existence d’un vide juridique dans la réglementation pertinente. En effet, la solution retenue dans les règlements attaqués, consistant à déterminer l’indemnité revenant à une OP pour un trimestre considéré en allouant à cette OP la moyenne de production antérieure de tous les producteurs qui, au cours de ce trimestre, lui sont affiliés, se déduirait de l’interprétation de cette réglementation, compte tenu de l’objectif poursuivi par l’instauration de plafonds calculés en fonction des moyennes de production antérieures, qui est de prévenir un développement anormal de la production, lequel aurait pour corollaire une dérive des coûts qui y sont afférents.

73
Elle réfute les arguments de la requérante fondés sur l’exigence de stabilité budgétaire des OP, en faisant remarquer que ces dernières sont financées par des ressources propres, essentiellement les cotisations de leurs adhérents et d’éventuelles aides nationales et communautaires, et que l’indemnité compensatoire est octroyée en faveur des producteurs et non des OP.

74
Enfin, elle excipe de l’absence de preuve et du caractère tardif des allégations de la requérante portant sur la violation de ses statuts par les entreprises concernées et sur la prise d’effet au 1er juillet 1999 de la désaffiliation de celles-ci.

    Appréciation du Tribunal

75
Par cette seconde branche de son premier moyen, qu’elle tire de l’absence de base juridique justifiant la répartition entre les OP des quantités indemnisables, telle que réalisée par les règlements attaqués, la requérante ne remet pas en cause la compétence de la Commission pour procéder à la répartition entre les OP des quantités indemnisables, mais la façon dont la Commission, par les règlements attaqués, a procédé à cette répartition au vu du changement d’affiliation aux OP des entreprises concernées.

76
Force est de constater que le cas d’un changement d’affiliation aux OP n’est pas explicitement envisagé par l’article 18 du règlement n° 3759/92, tel que modifié, ni par d’autres dispositions que la défenderesse aurait pu prendre en considération au moment de l’adoption des règlements attaqués.

77
Cependant, selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une lacune existe dans la réglementation d’une organisation commune de marché, il convient de rechercher la solution à la lumière des buts et objectifs de l’organisation commune de marché, en tenant compte de considérations d’ordre pratique et administratif (arrêt de la Cour du 30 janvier 1974, Hannoversche Zucker, 159/73, Rec. p. 121, point 4).

78
Il convient, en particulier, d’examiner si l’article 18 du règlement n° 3759/92, tel que modifié, peut être interprété en ce sens que, même en l’absence de précisions concernant les modalités d’attribution des quantités indemnisables en cas de changement d’affiliation aux OP, ses dispositions permettent de dégager la méthode que la Commission doit suivre dans un pareil cas (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mai 1983, Darthenay, 87/82, Rec. p. 1579, points 16 à 21). Par ailleurs, aux fins de l’interprétation d’une disposition, il convient de considérer, outre son libellé, l’économie générale et la finalité de la réglementation dont cette disposition fait partie (arrêt de la Cour du 5 décembre 1996, Merck, C‑267/95 et C-268/95, Rec. p. I‑6285, point 22).

79
En premier lieu, s’agissant du libellé de l’article 18, paragraphe 4, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, et de l’économie générale de cet article, notamment de ses paragraphes 3 à 5, il en ressort que le mécanisme d’attribution à chaque OP des quantités indemnisables s’articule essentiellement autour de trois étapes.

80
Premièrement, le volume global des quantités indemnisables est fixé conformément au paragraphe 3. Il correspond au chiffre le moins élevé, entre les quantités totales commercialisées au cours du trimestre au titre duquel l’indemnité est versée (ci-après le «trimestre à indemniser») et la moyenne des quantités totales commercialisées au cours du même trimestre des trois campagnes de pêche précédant le trimestre à indemniser (ci-après la «période de référence»).

81
Deuxièmement, il est procédé, pour chaque OP, à l’attribution des quantités indemnisables à 100 % du plafond de l’indemnité, défini au paragraphe 2, conformément au paragraphe 4, premier alinéa, premier tiret. Ces quantités correspondent, pour chaque OP, au chiffre le moins élevé entre les quantités commercialisées au cours du trimestre à indemniser (ci-après également la «production du trimestre à indemniser») par ses adhérents et la moyenne des quantités commercialisées au cours de la période de référence (ci-après également la «moyenne de production antérieure») par ses adhérents.

82
Troisièmement, au cas où une différence positive est constatée entre, d’une part, le volume global des quantités indemnisables fixé au titre du paragraphe 3 et, d’autre part, la somme des quantités indemnisables à 100 % attribuées aux OP au titre du paragraphe 4, premier alinéa, premier tiret, cette différence (ci-après le «solde des quantités») fait l’objet d’une répartition entre les OP, les quantités correspondantes étant indemnisables à 50 % du plafond de l’indemnité défini au paragraphe 2.

83
La répartition visée au point précédent ne concerne, toutefois, que les OP pour lesquelles la production du trimestre à indemniser dépasse la moyenne de production antérieure (les OP «concernées» au sens du paragraphe 4, deuxième alinéa, lu en combinaison avec le paragraphe 4, premier alinéa, deuxième tiret), et elle est faite, conformément au paragraphe 4, deuxième alinéa, en proportion de la moyenne de «leurs productions respectives» au cours de la période de référence.

84
Or, en ce qui concerne l’attribution des quantités indemnisables à 100 % (voir point 81 ci-dessus), il y a lieu de noter que l’article 18, paragraphe 4, premier alinéa, premier tiret, lorsqu’il mentionne, pour une OP, la moyenne de production antérieure de «ses adhérents», semble se référer aux entreprises affiliées à l’OP au cours du trimestre à indemniser.

85
En revanche, en ce qui concerne l’attribution des quantités indemnisables à 50 % moyennant répartition du solde des quantités entre les OP concernées (voir points 82 et 83 ci-dessus), l’article 18, paragraphe 4, deuxième alinéa, se réfère aux «productions respectives» des OP au cours de la période de référence, termes qui laissent subsister des doutes quant à la question de savoir s’ils désignent la somme des quantités commercialisées par les producteurs qui étaient membres de l’OP au cours de la période de référence ou bien la somme des quantités commercialisées au cours de cette période par les producteurs qui sont membres de l’OP durant le trimestre à indemniser.

86
En second lieu, s’agissant de la finalité de l’article 18 du règlement n° 3759/92, tel que modifié, il y a lieu de constater que, aux termes du vingtième considérant du règlement n° 3759/92, les indemnités compensatoires prévues par cet article visent à protéger le niveau des revenus des producteurs communautaires de thons destinés à l’industrie de la transformation contre des baisses de prix à l’importation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 février 1988, France/Commission, 264/86, Rec. p. 973, point 20).

87
Compte tenu de cet objectif, rappelé également au septième considérant du règlement n° 3318/94 et au considérant 29 du règlement n° 104/2000, il y a lieu de considérer que les bénéficiaires de ces indemnités sont les producteurs et non les OP. S’il ressort des termes de plusieurs dispositions que l’indemnité compensatoire est «accordée» aux OP (voir article 18, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, ainsi que l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4 du règlement d’application n° 142/98) et «versée» à celles-ci par l’État membre concerné (article 7, paragraphe 1, du règlement n° 142/98), il ressort tout aussi bien de la réglementation applicable que cette indemnité «est reversée à ses membres par l’[OP]» (article 7, paragraphe 2, du règlement n° 142/98; voir également article 18, paragraphe 5, du règlement n° 3759/92, tel que modifié).

88
Dès lors, les OP ne fonctionnant que comme des intermédiaires dans le mécanisme de comptabilisation et de liquidation des indemnités compensatoires, l’exigence de stabilité budgétaire desdites OP, invoquée par la requérante, s’avère dénuée de pertinence. Et, en effet, il résulte du règlement n° 3759/92 lui-même, et aujourd’hui du règlement n° 104/2000, que tout autres sont les sources de financement de l’activité des OP. Il suffit, à cet égard, de mentionner les contributions des adhérents [voir article 5, paragraphe 1, sous d), point 3, du règlement n° 104/2000] et, le cas échéant, des non-adhérents (voir article 5, paragraphe 4, du règlement n° 3759/92) et les aides des États membres (à titre d’exemple, voir article 7 du règlement n° 3759/92, et article 10, paragraphe 1, et article 11 du règlement n° 104/2000).

89
Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, pour déterminer l’indemnité revenant à une OP pour un trimestre considéré conformément à l’article 18, paragraphe 4, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, il est nécessaire de lui allouer la moyenne de production antérieure de tous les producteurs qui, au cours de ce trimestre, sont affiliés à cette OP.

90
Si l’on en jugeait autrement, des distorsions injustifiées et inéquitables se produiraient au niveau des véritables bénéficiaires des indemnités compensatoires, à savoir les producteurs, dont le niveau des revenus, que ces indemnités visent à protéger, serait susceptible d’être sérieusement affecté par des changements d’affiliation aux OP.

91
En effet, si, nonobstant un changement d’affiliation, les quantités indemnisables restaient plafonnées, pour chaque OP, en fonction de la moyenne de production antérieure des producteurs qui étaient affiliés ᅠ l’OP au cours de la période de référence, une OP ayant accueilli des nouveaux adhérents devrait, au titre de l’article 18, paragraphe 5, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, répartir entre tous les producteurs affiliés lors du trimestre à indemniser, y compris les nouveaux adhérents, et en proportion de leur production du trimestre à indemniser, une indemnité qui serait toutefois calculée sur la base d’un volume de quantités indemnisables qui ne serait proportionné ni à la production du trimestre à indemniser ni à la moyenne de production antérieure de ses membres. En substance, l’entrée d’un nouveau membre pénaliserait indûment les autres membres de l’OP en les obligeant à partager avec ce nouveau membre, selon les productions respectives du trimestre à indemniser, une indemnité qui demeurerait calculée sur la base d’un volume de quantités indemnisables déterminé sans tenir compte de la moyenne de production antérieure du nouveau membre.

92
Puisque la solution appliquée par la défenderesse, concernant les dispositions litigieuses des règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001, se déduit directement de l’article 18, paragraphe 4, du règlement n° 3759/92, tel que modifié, lu à la lumière de l’économie générale et de la finalité de l’article 18 lui-même, force est de constater que la défenderesse n’a ni violé cet article ni dépassé ses compétences d’exécution.

93
S’agissant des griefs de la requérante fondés sur la violation de ses statuts par les entreprises concernées et sur la prise d’effet au 1er juillet 1999 de la désaffiliation de celles-ci (voir points 70 et 71 ci-dessus), ils doivent être écartés sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si une violation des règles statutaires d’une OP concernant le départ de ses membres doit être prise en compte par la Commission lorsqu’elle arrête les règlements portant détermination des quantités indemnisables à attribuer à chaque OP.

94
En effet, c’est à juste titre que la défenderesse a excipé de l’absence de preuve et du caractère tardif de ces allégations. D’une part, la requérante n’a fourni aucune preuve des éléments factuels à la base de son affirmation selon laquelle les trois entreprises concernées n’auraient pas respecté les conditions prescrites par l’article 12 des statuts de l’OPTUC pour la désaffiliation. D’autre part, elle n’a ni allégué ni démontré avoir soumis aux autorités nationales ou à la Commission, en temps utile pour que celles-ci puissent en tenir compte en vue de l’adoption des règlements attaqués, une quelconque contestation quant à la régularité de la désaffiliation de ces entreprises au regard desdits statuts.

95
Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement la question de la date de prise d’effet de cette désaffiliation, force est de constater que l’argumentation de la requérante est inopérante. En effet, puisque, en vertu des dispositions attaquées des règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001, les moyennes de production antérieure des entreprises concernées ont été décomptées à l’OPTUC au motif que ces entreprises étaient désormais affiliées à l’Opagac au cours des trimestres à indemniser par ces règlements, le fait que la désaffiliation de celles-ci ait pu prendre effet au 1er juillet 1999 au lieu du 1er juillet 1998 est dépourvu de toute pertinence, dans la mesure où les trimestres à indemniser, soit les deuxième, troisième et quatrième trimestres de l’année 2000, étaient tous postérieurs à l’une et à l’autre de ces dates.

96
Par conséquent, il y a lieu de rejeter également la deuxième branche du premier moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de confiance légitime

Arguments des parties

97
La requérante soutient qu’il ressort de la jurisprudence (arrêts de la Cour du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C‑368/89, Rec. p. I‑3695, et du 22 avril 1997, Road Air, C‑310/95, Rec. p. I‑2229) que l’application rétroactive d’un acte d’une institution communautaire est contraire au principe de sécurité juridique si elle entraîne, pour l’intéressé, une situation juridique moins favorable et si la confiance légitime de ce dernier n’est pas dûment respectée. Or, la confiance légitime de la requérante aurait été violée par les règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001, dans la mesure où ceux-ci ont appliqué rétroactivement une nouvelle réglementation.

98
À cet égard, la requérante souligne que les règlements initialement adoptés, ne prévoyant aucune disposition relative aux conséquences d’un changement d’affiliation des membres d’une OP, avaient fait naître chez ses membres, dès leur publication, des espérances claires et évidentes, constitutives d’une confiance légitime que tous les règlements attaqués auraient rompue.

99
La défenderesse conteste le bien-fondé des arguments de la requérante et maintient que les règlements attaqués n’ont pas porté atteinte au principe de confiance légitime.

Appréciation du Tribunal

100
Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. En outre, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée (arrêts de la Cour du 1er février 1978, Lührs, 78/77, Rec. p. 169, point 6, et du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44).

101
En l’espèce, le simple fait que la réglementation relative à l’organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture, et, en particulier, l’article 18 du règlement n° 3759/92, tel que modifié, ne contenait pas de règles explicites visant à clarifier la méthode à suivre dans l’attribution des quantités indemnisables lorsque des changements d’affiliation interviennent au sein des OP n’a pu fonder, dans le chef de la requérante ou de ses membres, aucune confiance légitime dans l’application de la méthode préconisée par la requérante.

102
Ainsi qu’il ressort de l’analyse de la seconde branche du premier moyen (voir points 75 et suivants ci-dessus), la Commission n’a d’ailleurs tiré en l’espèce aucune interprétation imprévisible de la réglementation pertinente, et notamment de l’article 18 du règlement n° 3759/92, tel que modifié. À l’instar d’un opérateur prudent et avisé, et au vu des objectifs du mécanisme de l’indemnité compensatoire qu’elle ne pouvait pas ignorer, la requérante aurait dû douter, dès l’époque où elle a pris connaissance du changement d’affiliation des entreprises concernées, que les moyennes de production antérieure de celles-ci lui resteraient acquises.

103
Quant au fait que, dans les règlements nos 1103/2000 et 1926/2000, la Commission n’ait pas tenu compte du transfert des membres de l’OPTUC vers l’Opagac lors de la détermination des moyennes de production antérieure de chaque OP, il ne saurait avoir fait naître une confiance légitime, dans le chef de la requérante ou de ses membres, quant à la répétition d’une telle modalité de comptabilisation à l’occasion de toute répartition ultérieure des quantités indemnisables pour les périodes trimestrielles à venir. En effet, le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué ni pour justifier (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 45) ni pour exiger la répétition d’une interprétation incorrecte d’un acte.

104
Enfin, la Commission n’ayant fait qu’interpréter et appliquer des dispositions en vigueur tant durant les périodes de référence visées par les règlements nos 808/2001, 1163/2001 et 1670/2001 que durant les trimestres pour lesquels ces règlements ont accordé l’indemnité compensatoire, il n’y a pas lieu, en l’espèce, de conclure à l’existence de l’application rétroactive d’une réglementation nouvelle aux effets de situations nées sous l’empire d’une réglementation antérieure.

105
Le présent moyen ne saurait, dès lors, être accueilli.

106
Il résulte de tout ce qui précède que les présents recours doivent être rejetés dans leur ensemble.


Sur les dépens

107
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la défenderesse, conformément aux conclusions de cette dernière.

108
Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que l’intervenante dans l’affaire T-142/01 supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

déclare et arrête:

1)
Les recours sont rejetés.

2)
La requérante est condamnée aux dépens exposés par la défenderesse.

3)
L’intervenante supportera ses propres dépens.

Tiili

Mengozzi

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1
Langue de procédure: l'espagnol.