Language of document : ECLI:EU:T:2023:645

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

18 octobre 2023 (*)

« Aides d’État – Marché roumain du transport aérien – Aide accordée par la Roumanie en faveur de TAROM dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Garantie d’État sur les emprunts – Décision de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Qualité pour agir – Atteinte substantielle à la position du requérant sur le marché en cause – Recevabilité – Aide destinée à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire – Évaluation du dommage – Lien de causalité – Difficultés financières préexistantes du bénéficiaire – Principe de non-discrimination – Libre prestation des services – Liberté d’établissement – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑332/21,

Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.), établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes E. Vahida, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, V. Bottka et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 octobre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.), demande l’annulation de la décision C(2020) 6910 final de la Commission, du 2 octobre 2020, relative à l’aide d’État SA.56810 (2020/N) – Roumanie – COVID-19 : Aide en faveur de TAROM (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Compania Nationala de Transporturi Aeriene Romane « TAROM SA » (ci-après « TAROM ») est une compagnie aérienne roumaine opérant à partir d’une plate-forme aéroportuaire unique, située à l’aéroport international OTP Henri-Coandă de Bucarest (Roumanie). Elle est principalement active dans le transport aérien de passagers, de fret et de courrier. Au début de l’année 2020, TAROM employait 1 795 personnes et possédait une flotte de 29 aéronefs. TAROM exploitait des lignes tant nationales qu’internationales.

3        Après une phase de prénotification, qui avait commencé le 10 avril 2020, la Roumanie a notifié, le 29 septembre 2020, à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide en faveur de TAROM sous la forme d’une garantie de l’État roumain d’un montant de 93 876 360,11 lei roumains (RON) (environ 19 330 000 euros) sur un prêt de six ans (ou un certain nombre de prêts) qui serait contracté par TAROM sur le marché (ci-après la « mesure en cause »). L’État roumain fournira une garantie couvrant 100 % du montant du ou des prêts ainsi que les intérêts et les commissions qui y sont afférents pour couvrir les pertes engendrées par la pandémie de COVID-19.

4        La mesure en cause est fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et vise à indemniser TAROM pour le dommage directement subi, pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2020 (ci-après la « période concernée »), en raison des restrictions en matière de déplacement et des autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19 (« containment measures »).

5        Le 2 octobre 2020, la Commission, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a conclu que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et qu’elle était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

II.    Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

8        Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9) et que, dès lors, elle a qualité pour agir afin de défendre ses droits procéduraux. Deuxièmement, elle fait valoir que sa position concurrentielle sur le marché a été substantiellement affectée par la mesure en cause, qu’elle est directement concernée par celle-ci et que, dès lors, elle est recevable pour contester également le bien-fondé de la décision attaquée.

9        La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours.

10      Il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, comme en l’espèce, non seulement elle déclare les mesures concernées compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

11      En l’espèce, la Commission a décidé, à l’issue d’un examen préliminaire, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Dans la mesure où la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette phase, ont été dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui viserait à l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections serait recevable dès lors que l’auteur de ce recours tendrait à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

12      Au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente de la bénéficiaire d’une mesure d’aide figure parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

13      En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante est une concurrente de TAROM et que, dès lors, elle est une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, ayant qualité pour agir afin de sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

14      Quant à la qualité de la requérante pour contester le bien-fondé de la décision attaquée, il importe de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).

15      La décision attaquée, qui a été adressée à la Roumanie, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il appartient au Tribunal de vérifier si la partie requérante est directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de cette disposition.

16      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 53).

17      Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien‑fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme un « intéressé », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée).

18      À cet égard, la Cour a jugé que la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 57 et jurisprudence citée).

19      Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 58 et jurisprudence citée).

20      Il en découle que cette condition peut être satisfaite si la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure concernée est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 59 et jurisprudence citée).

21      S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, il convient de rappeler que la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 60 et jurisprudence citée).

22      La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 61).

23      En outre, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante apporte des éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique des marchés en cause, ou encore quant à ses parts de marché ou à celles du bénéficiaire de la mesure en cause ou d’éventuels concurrents sur ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 65).

24      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la requérante a apporté des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.

25      En l’espèce, la requérante soutient, en substance, qu’elle constituait la première compagnie aérienne sur le marché roumain en termes de parts de marché en 2019 et qu’elle était le concurrent le plus proche, le plus direct et le plus important de TAROM sur ce même marché.

26      À cet égard, premièrement, la requérante a fait valoir qu’elle détenait, en 2019, la part de marché la plus élevée sur le marché roumain des services de transport aérien de passagers, à savoir 29 %, tandis que TAROM, Blue Air et Ryanair DAC détenaient respectivement des parts de marché équivalentes à 15,3 %, 12,8 % et 7,4 % cette même année.

27      Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’elle était en concurrence directe avec TAROM respectivement sur huit et quatre lignes aériennes entre des paires de villes « point d’origine/point de destination » (ci-après les « lignes O&D ») en 2020 et 2021. De plus, elle avance que les lignes sur lesquelles elle était en concurrence directe avec TAROM étaient plus importantes économiquement que celles que TAROM partageait avec d’autres compagnies aériennes.

28      La Commission ne conteste pas ces données.

29      Troisièmement, la requérante soutient que, avant la survenance de la pandémie de COVID-19 et l’octroi de l’aide, elle avait entrepris une expansion considérable sur le marché roumain, ce qui n’est pas contesté par la Commission. À cet égard, la requérante avance qu’elle exploitait 159 lignes à destination ou au départ de la Roumanie en 2019 et en exploite désormais 164. De plus, sa croissance aurait été constante au cours des dix dernières années et sensiblement supérieure à celle de TAROM. En effet, entre 2010 et 2019, l’augmentation du nombre de sièges de la requérante aurait été de 5,6 millions en moyenne à l’arrivée et au départ, soit 1,3 fois plus que le volume de TAROM qui était de 4,5 millions de sièges supplémentaires. En outre, la requérante avance qu’elle dispose d’une flotte de 140 appareils Airbus de la famille A 320 et avait prévu la livraison d’un nombre conséquent d’appareils entre le 1er juin 2021 et le 31 décembre 2027 afin d’augmenter sa flotte, laquelle lui permettrait d’ouvrir de nouvelles lignes aériennes et de nouvelles bases, notamment en Roumanie.

30      En conséquence de l’octroi de l’aide d’État, la requérante se trouverait dans une situation désavantageuse par rapport à TAROM, dans la mesure où, contrairement à cette dernière, elle n’aurait pas bénéficié d’une aide qui l’aurait aidée à atténuer l’impact de la pandémie de COVID-19 et à reprendre ses activités en Roumanie. Selon la requérante, la mesure en cause permettrait à TAROM de se maintenir sur le marché en tant que concurrent subventionné en échappant aux conséquences négatives de la pandémie de COVID-19.

31      Les éléments relevés aux points 26 à 30 ci-dessus, pris ensemble, permettent de constater que la requérante a démontré qu’elle constituait la principale concurrente de TAROM sur un certain nombre de lignes O&D sur le marché roumain, qu’elle était en concurrence directe avec TAROM sur un certain nombre de lignes O&D et qu’elle avait entrepris une expansion considérable sur le marché roumain. En l’absence de la mesure en cause, TAROM aurait fait face à un risque de sortie du marché, car sa situation financière était mauvaise et sa position sur le marché se serait détériorée davantage. Cela aurait placé la requérante dans une position susceptible de lui permettre, en l’absence de l’aide, de gagner des parts de marché au détriment de TAROM.

32      L’ensemble de ces éléments démontre que l’octroi de la mesure en cause était susceptible prima facie de porter substantiellement atteinte à la position concurrentielle de la requérante sur le marché, en provoquant notamment un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure (voir la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus).

33      Partant, il convient de conclure que la requérante a démontré à suffisance de droit que la mesure en cause était susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur le marché et que, dès lors, elle est individuellement concernée par la décision attaquée.

34      Quant à la question de savoir si la requérante est directement concernée par la décision attaquée, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un concurrent du bénéficiaire d’une aide est directement concerné par une décision de la Commission autorisant un État membre à verser celle-ci lorsque la volonté dudit État d’y procéder ne fait nul doute (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, points 43 et 44, et du 15 septembre 2016, Ferracci/Commission, T‑219/13, EU:T:2016:485, point 44 et jurisprudence citée), comme c’est le cas en l’espèce.

35      Dès lors, la requérante est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

B.      Sur le fond

36      À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission a erronément appliqué l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et commis une erreur manifeste d’appréciation dans son examen de la proportionnalité de l’aide ; le deuxième, d’une violation des principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de la liberté d’établissement ; le troisième, de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen ; le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation.

1.      Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a fait une application erronée de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et a commis une erreur manifeste d’appréciation dans son examen de la proportionnalité

37      Le premier moyen se divise en deux branches, tirées, la première, de ce que la Commission a commis des erreurs concernant l’évaluation des dommages et, la seconde, de ce que la Commission a méconnu l’avantage concurrentiel obtenu par TAROM.

a)      Sur la première branche, tirée de ce que la Commission a commis des erreurs dans son évaluation des dommages

38      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante soulève quatre griefs.

1)      Sur le premier grief de la première branche du premier moyen, tiré de ce que la Commission a commis une erreur dans l’évaluation des dommages, en ce qu’elle s’est fondée sur un scénario contrefactuel erroné selon lequel TAROM aurait été en mesure, en l’absence de la pandémie de COVID-19, d’enregistrer les mêmes résultats financiers qu’en 2019

39      Le premier grief de la première branche du premier moyen s’articule, en substance, en quatre sous-griefs, tirés, le premier, de ce que les deux méthodes d’évaluation des dommages utilisées par la Commission s’appuient sur des suppositions erronées, le deuxième, de ce que lesdites méthodes d’évaluation ne prennent pas en considération quatre facteurs importants, le troisième, de ce que les garanties visant à prévenir le risque de surcompensation sont insuffisantes et, le quatrième, de ce que la Commission a omis d’évaluer la méthode de répartition des coûts fixes utilisée par TAROM dans le cadre d’une analyse ligne par ligne.

i)      Sur le premier sous-grief, tiré de ce que les deux méthodes d’évaluation des dommages s’appuient sur des suppositions erronées

40      À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer que, dans la section 2.6 de la décision attaquée, la Commission a décrit les deux méthodes utilisées par les autorités roumaines pour calculer le montant des dommages subis par TAROM pendant la période concernée, en raison des restrictions en matière de déplacement et des autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19.

41      S’agissant de la méthode détaillée dans la section 2.6.1 de la décision attaquée (paragraphes 32 et 33) (ci-après la « première méthode »), celle-ci se fondait sur la liste des recettes et des coûts d’exploitation de TAROM enregistrés ligne par ligne. Plus particulièrement, les autorités roumaines ont comparé, d’une part, les résultats réels de TAROM pendant la période concernée et, d’autre part, les résultats de TAROM pour la période allant du 16 mars au 30 juin 2019, c’est-à-dire dans le cadre d’un scénario contrefactuel hypothétique sans restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID‑19. Le montant total des dommages subis par TAROM correspondait à la différence entre ces deux résultats, étant précisé que ces derniers correspondaient, dans les deux scénarios, à la différence entre les recettes et les coûts (fixes et variables) de TAROM. Il convient par ailleurs de noter que cette méthodologie exclut les coûts d’exploitation évités. Le tableau figurant au paragraphe 33 de la décision attaquée illustre la méthodologie décrite ci-dessus. Selon la première méthode, les pertes nettes totales de TAROM éligibles à la compensation étaient estimées à un montant de 19,33 millions d’euros.

42      En ce qui concerne la méthode exposée dans la section 2.6.2 de la décision attaquée (paragraphes 34 à 37) (ci-après la « seconde méthode »), celle-ci était basée sur une comparaison des bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) de TAROM pendant la période du 1er mars au 30 juin 2020 avec ceux de la même période en 2019. Dans la mesure où les chiffres résultant de la méthode fondée sur l’EBITDA n’étaient pas disponibles sur une base journalière, mais uniquement mensuelle, le calcul du montant des dommages subis par TAROM pendant la période concernée a été ajusté. Le tableau figurant au paragraphe 37 de la décision attaquée illustre la méthodologie décrite ci-dessus. En vertu de la seconde méthode, les pertes nettes totales de TAROM éligibles à la compensation étaient estimées à un montant de 21,53 millions d’euros.

43      Ainsi qu’il ressort du paragraphe 39 de la décision attaquée, les autorités roumaines ont considéré que le montant des dommages estimé avec la première méthode apparaissait plus prudent que celui estimé avec la seconde méthode. Par conséquent, elles ont déterminé le montant de l’aide en cause en se fondant sur la première méthode.

44      Au paragraphe 69 de la décision attaquée, la Commission s’est référée aux deux méthodes de calcul du dommage, utilisées par les autorités roumaines, et, au paragraphe 70 de cette décision, a constaté que le montant de l’aide en cause ne dépassait pas le montant du dommage calculé en utilisant les deux méthodes de calcul dudit dommage.

45      Cela étant précisé, il convient à présent d’examiner les arguments soulevés par la requérante dans le cadre du présent sous-grief.

46      La requérante soutient, en substance, que la Commission a effectué une évaluation erronée du montant des dommages directement causés par la pandémie de COVID-19 à TAROM en se fondant sur un mauvais scénario contrefactuel.

47      Afin de déterminer ce montant, la Commission a élaboré un scénario contrefactuel selon lequel, en l’absence de restrictions, TAROM aurait enregistré, pendant la période concernée, les mêmes résultats que ceux enregistrés pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2019.

48      Il convient de constater que, comme la Commission l’a par ailleurs confirmé lors de l’audience, les données historiques de 2019, lesquelles constituaient les données disponibles les plus récentes, reflétaient une année d’activité normale pour TAROM, dans la mesure où il n’y avait pas eu une circonstance extraordinaire, telle qu’une pandémie ou un changement du modèle commercial de la compagnie aérienne. En conséquence, ces données s’avéraient plus fiables que le recours à d’hypothétiques prévisions établies par l’entreprise.

49      Il s’ensuit que la Commission n’avait dès lors aucune raison de fonder le calcul de l’évaluation des dommages sur des prévisions établies par TAROM plutôt que sur des chiffres réels historiques a fortiori plus précis et plus fiables.

50      De plus, contrairement à ce que prétend la requérante dans sa réplique, le caractère « normal » de l’année 2019 n’implique pas nécessairement une stabilité des résultats financiers de TAROM au cours des années précédentes. La variation des résultats financiers annuels de TAROM depuis 2001 qui est mise en avant par la requérante est d’ordre conjoncturel et non structurel et, en tout état de cause, ne suffit pas pour remettre en cause la décision de la Commission d’approuver le scénario contrefactuel au regard des chiffres financiers de 2019.

51      En outre, s’agissant de la première méthode, la requérante soutient que la décision attaquée ne permet pas d’analyser les lignes ainsi que les dépenses et les recettes dont les autorités roumaines ont pu tenir compte et qui ont été approuvées par la Commission.

52      Or, il ressort des paragraphes 32 et 33 de la décision attaquée que, pour chacune des lignes desservies par TAROM, les pertes de revenus d’exploitation comprennent les pertes liées aux recettes tarifaires provenant de la vente de billets ainsi que celles liées aux recettes additionnelles ou accessoires (réservation de sièges et surclassement, notamment). Pour ce qui est des coûts, elles englobent les coûts variables [les coûts du carburant, les frais et les charges, les coûts d’entretien, les commissions de l’Association du transport aérien international (IATA) et les coûts de restauration] et les coûts fixes (en particulier les frais de personnel et les coûts de marketing).

53      En ce qui concerne la seconde méthode, la requérante souligne que celle-ci s’appuie sur une appréciation erronée des pertes enregistrées par TAROM au cours de la période allant du 16 au 31 mars 2020. En particulier, elle reproche à la Commission de ne pas avoir démontré l’exclusion de tout risque de surestimation des dommages dans la mesure où la période de compensation commence le 16 mars 2020, à savoir à partir de la seconde moitié du mois de mars 2020, tandis que la période de calcul des dommages sur la base de l’EBITDA débute le 1er mars 2020 et que la Commission assimile la baisse du nombre de passagers de 78 % survenue du 16 au 31 mars 2020 à la perte d’EBITDA de 78 % enregistrée par TAROM au cours de cette même période.

54      À cet égard, il convient de constater que la différence d’EBITDA entre mars 2019 et mars 2020 fait ressortir des pertes considérables subies par TAROM en mars 2020 en comparaison de mars 2019. En l’absence de données quotidiennes sur l’EBITDA, lesquelles n’étaient disponibles en l’espèce que sur une base mensuelle, la Roumanie a calculé la perte d’EBITDA au prorata pour la période du 16 au 31 mars 2020, et l’estimation totale des dommages correspondant pour la période comprise entre le 16 mars et le 30 juin 2020. Elle en a conclu, ainsi qu’il ressort du paragraphe 36 de la décision attaquée, que 78 % des pertes subies par TAROM en mars 2020 pouvaient être attribuées à la seconde moitié du mois de mars 2020.

55      Il y a lieu de préciser que ce pourcentage a été déterminé sur la base du calcul de la variation relative du nombre de passagers sur les vols exploités par TAROM entre mars 2019 et mars 2020, ainsi que cela est exposé dans le tableau no 6 figurant au paragraphe 36 de la décision attaquée. En calculant la différence absolue du nombre total de passagers entre mars 2019 et mars 2020, les autorités roumaines ont considéré que 22 % de la baisse totale du nombre de passagers constatée était survenue sur la première moitié du mois de mars 2020, tandis que 78 % de cette baisse concernait la seconde moitié de ce même mois.

56      Dans la mesure où la Roumanie a imposé des mesures de confinement très strictes à partir du 16 mars 2020, il convient de considérer, comme l’a fait à juste titre la Commission dans la décision attaquée, que la plus grande partie de ces pertes est survenue au cours de la seconde moitié du mois de mars 2020 et résulte de la chute des recettes provenant de la vente de billets d’avion aux passagers et, partant, de la diminution du nombre de passagers transportés. Ainsi, les pertes sont la conséquence directe de la baisse du nombre de passagers. À cet égard, il convient de souligner que la requérante n’a pas avancé d’élément permettant de considérer que l’approche fondée sur la vente de billets, qui est une donnée objective, était inadéquate.

57      En outre, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû croiser ses résultats en utilisant d’autres critères, comme le nombre de vols, est dénué de pertinence. En effet, les recettes d’une compagnie aérienne ne proviennent pas du nombre de vols exploités, mais du nombre de passagers transportés à bord de ses avions.

58      Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission d’avoir estimé, à tort, que les résultats financiers de TAROM pour la période concernée auraient été identiques à ceux réalisés par celle-ci pour la période allant du 16 mars au 30 juin 2019. À cet égard, elle fait valoir, en substance, que TAROM se trouvait en mauvaise santé financière entre 2015 et 2019 et que, dès lors, en l’absence des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19, la situation de TAROM aurait pu se détériorer davantage en 2020 par rapport à 2019. En supposant que, en l’absence de telles restrictions, les résultats de TAROM auraient été, pendant la période concernée, les mêmes que ceux enregistrés pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2019, la Commission aurait surestimé les dommages.

59      Toutefois, les données chiffrées citées par la requérante, issues de la décision C(2020) 1160 final de la Commission, du 24 février 2020, concernant l’aide d’État SA.56244 (2020/N) – Roumanie – Aide au sauvetage de TAROM, ainsi que les articles de presse auxquels elle fait référence démontrent que TAROM avait subi des pertes s’élevant à un montant de 38,8 millions d’euros en 2018 et à 36,5 millions d’euros en 2019. Il s’ensuit, en réalité, que la situation financière de TAROM s’était légèrement améliorée en 2019 en comparaison avec celle de 2018. Dès lors, ces chiffres ne corroborent pas l’argument de la requérante selon lequel les résultats financiers de la compagnie auraient été encore moins bons en 2020 (en l’absence des restrictions de voyage) qu’en 2019.

60      En outre, quant à la question de savoir si, comme le soutient la requérante, la Commission aurait dû procéder à une analyse complexe des données financières historiques de TAROM sur les trois à cinq dernières années, ainsi qu’à un « contrôle de sensibilité », pour déterminer les résultats financiers de celle-ci en 2020 en l’absence de restrictions, il convient de constater que la requérante ne fournit pas d’éléments permettant de comprendre les raisons pour lesquelles une telle méthode aurait été plus appropriée que celle utilisée par la Commission.

61      Enfin, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, au lieu de se fonder sur les résultats réels de TAROM pendant la période du 16 mars au 30 juin 2019, la Commission aurait dû prendre en considération les plans de liquidité ou de restructuration établis par TAROM avant le commencement de la pandémie de COVID‑19 pour la période concernée. En effet, en l’absence d’éléments de preuve démontrant que l’utilisation des données historiques les plus récentes concernant la période du 16 mars au 30 juin 2019 n’était pas fiable, il convient de considérer, comme l’a d’ailleurs souligné la Commission lors de l’audience, que ces données constituaient une base de référence plus appropriée pour l’examen du scénario contrefactuel qu’un scénario contrefactuel fondé sur des estimations prévisionnelles des résultats futurs de TAROM sur ces lignes.

62      Il résulte de ce qui précède que le premier sous-grief du premier grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

ii)    Sur le deuxième sous-grief, tiré de ce que les deux méthodes d’évaluation ne prennent pas en considération quatre facteurs importants

63      La requérante fait valoir que, dans le cadre de son examen du scénario contrefactuel, la Commission n’a pas tenu compte de quatre facteurs importants pendant la période concernée, à savoir, premièrement, les coûts de maintenance de la flotte de TAROM, deuxièmement, la variation des prix du kérosène, troisièmement, la concurrence accrue avec les autres compagnies aériennes et, quatrièmement, la distinction entre les dommages causés par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 et les pertes dues aux difficultés préexistantes de TAROM. L’absence de prise en compte de ces quatre facteurs aurait eu pour effet d’empêcher TAROM d’atteindre, pendant la période concernée, les mêmes résultats financiers que ceux atteints pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2019, ce qui aurait eu pour effet de surestimer les dommages.

64      La Commission conteste les arguments de la requérante.

65      À titre liminaire, s’agissant des deux premiers facteurs, il y a lieu de relever que la requérante a présenté certains indices visant à démontrer que, en l’absence de restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID‑19, les coûts de maintenance de la flotte de TAROM et les coûts de carburant de celle-ci auraient été plus élevés pendant la période concernée que pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2019 et que, dès lors, dans son examen du scénario contrefactuel, la Commission aurait dû anticiper une hausse de ces coûts pendant la période concernée.

66      Premièrement, la requérante fait valoir que les coûts de maintenance de la flotte de TAROM, laquelle était vieillissante et peu homogène, auraient été plus élevés en 2020 qu’en 2019, compte tenu du fait que, selon une étude de la RAND Corporation intitulée « The Maintenance Costs of Aging Aircraft » (les coûts de maintenance des avions vieillissants) (ci-après l’« étude de la RAND Corporation »), les coûts de maintenance des aéronefs commerciaux augmenteraient de 3,5 % à 17,6 % chaque année de la vie utile d’un aéronef.

67      À cet égard, d’une part, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que l’étude de la RAND Corporation date de l’année 2006 et est fondée sur un nombre limité de compagnies aériennes actives sur le marché nord-américain. Par conséquent, compte tenu de l’ancienneté et de la portée géographique de l’étude, sa valeur probante aux fins de déterminer si les coûts de maintenance de la flotte de TAROM auraient augmenté entre 2019 et 2020 en l’absence de restrictions de voyage ne peut qu’être limitée.

68      D’autre part, il convient de relever que, selon cette étude, dans le cas des aéronefs âgés de plus de douze ans, les coûts de maintenance n’augmentent que très peu, à savoir de 0,7 %, pendant chaque année additionnelle de leur vie utile. Par conséquent, compte tenu du fait que, selon les informations fournies par la requérante, l’âge moyen de la flotte de TAROM était de quinze ans, il ne saurait être conclu, sur la base de cette étude, que les coûts de maintenance de la flotte de TAROM auraient changé de manière significative entre 2019 et 2020.

69      Dans sa réplique, la requérante ajoute que, selon des données de l’IATA de décembre 2019, les frais d’exploitation (« operating expenses ») des aéronefs auraient augmenté de 3,8 % en 2019 et auraient été censés augmenter de 3,5 % en 2020. Toutefois, il convient de relever que la notion de « frais d’exploitation » des aéronefs est plus large que celle de « coûts de maintenance » et que la requérante reste en défaut de préciser la corrélation entre ces données et son argument relatif aux coûts de maintenance.

70      Par ailleurs, le fait, soulevé par la requérante dans la réplique, que, dans la décision C(2020) 5830 final de la Commission, du 20 août 2020, relative à l’aide d’État SA.57026 (2020/N) – Roumanie –  COVID-19 : Aide en faveur de Blue Air, la Commission avait pris en compte, pour calculer les dommages subis par la compagnie aérienne Blue Air, la circonstance selon laquelle la réorganisation de la flotte de cette compagnie aurait entraîné notamment une augmentation importante des coûts de maintenance en 2020 par rapport à 2019, est dénué de pertinence en l’espèce. En effet, comme le soutient à juste titre la Commission, TAROM n’a pas effectué, en 2019, une réorganisation de sa flotte similaire à celle effectuée par Blue Air en 2019.

71      Deuxièmement, selon la requérante, les coûts du carburant varient de manière significative d’une année à l’autre et, partant, la Commission ne pouvait pas présumer que ceux-ci resteraient stables entre 2019 et 2020.

72      À cet égard, la requérante renvoie à des données montrant l’évolution des prix du carburant pour avion et de l’huile brute pendant la période allant de juin 2014 à juin 2021, dont il ressort, d’une part, que le prix du carburant a fluctué de manière très significative pendant cette période, en connaissant des baisses et des hausses abruptes à de courts intervalles de temps. D’autre part, ces données montrent que ledit prix était significativement plus élevé en 2019 qu’en 2020.

73      La requérante invoque également des prévisions de l’Energy Information Administration (Agence d’information sur l’énergie, États‑Unis) de janvier 2020, selon lesquelles le prix du carburant augmenterait de 4,2 % en 2020 par rapport à 2019.

74      Dans son mémoire en défense, la Commission a cité, quant à elle, un extrait d’un communiqué de presse de l’IATA de décembre 2019 selon lequel, à cette date, l’IATA avait prévu une baisse des prix du carburant pour avion en 2020 par rapport à 2019.

75      Il ressort des éléments de preuve relevés aux points 72 à 74 ci-dessus que les prévisions faites avant la survenance de la pandémie de COVID-19 en ce qui concernait l’évolution des prix du carburant pour avion pendant l’année 2020 n’étaient pas toutes concordantes, certaines prévisions escomptant une hausse desdits prix, d’autres prévoyant une baisse de ceux-ci. En réalité, ces divergences tendent plutôt à démontrer qu’il n’existait aucune certitude quant à l’évolution du prix du carburant pour avion pendant la période concernée. En outre, compte tenu de la nature hautement volatile desdits prix, comme le démontrent les données présentées par la requérante elle-même, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis d’anticiper leur évolution.

76      Partant, la requérante n’a pas présenté d’indices concordants et cohérents susceptibles de démontrer que, en l’absence de restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID‑19, les coûts de maintenance de la flotte de TAROM et les coûts de carburant de celle-ci auraient été plus élevés pendant la période concernée que pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2019.

77      Troisièmement, concernant l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû tenir compte, dans son examen du scénario contrefactuel, de l’intensification de la concurrence entre les compagnies aériennes à bas coûts, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la requérante n’a pas quantifié les pertes de TAROM qui seraient dues à ce prétendu accroissement de la concurrence entre les compagnies aériennes à bas coûts.

78      Partant, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante sur ce point n’est pas étayée et reste complètement hypothétique.

79      Quatrièmement, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a violé son obligation de motivation et a commis une erreur manifeste d’appréciation, car, dans son évaluation des dommages, elle n’a pas opéré une distinction entre, d’une part, les dommages causés à TAROM par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 et, d’autre part, les pertes dues aux difficultés préexistantes de TAROM. 

80      À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Dès lors, seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires (arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, EU:C:2006:130, point 79). Il s’ensuit que les aides susceptibles d’être supérieures aux pertes encourues par les bénéficiaires de ces aides ne relèvent pas de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié, EU:C:2004:711, points 40 et 41).

81      En particulier, selon la jurisprudence, le fait générateur du dommage, tel que défini dans la décision attaquée, doit être la cause déterminante du dommage auquel l’aide en cause vise à remédier et être directement à l’origine de ce dernier. Un lien direct n’existera que lorsque le dommage est la conséquence directe de l’événement en question sans dépendre de l’interposition d’autres causes. Ainsi, il incombe à la Commission de s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir si le fait générateur est véritablement la cause déterminante du dommage causé au bénéficiaire de l’aide concernée ou si, au contraire, une partie de ce dommage est due aux difficultés préexistantes de ce bénéficiaire [voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19), T‑665/20, EU:T:2021:344, points 45 et 58].

82      Cela étant, le fait que le bénéficiaire d’une aide soit une entreprise en difficulté ne fait pas obstacle à ce qu’il se voie accorder une aide d’État au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

83      En l’espèce, il convient de constater, d’une part, que TAROM était une entreprise en difficulté lors de l’octroi de la mesure en cause et avait préalablement bénéficié d’une aide au sauvetage et, d’autre part, que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence explicitement à la distinction entre les dommages causés par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 et les pertes causées par les difficultés préexistantes de TAROM.

84      Toutefois, il ressort de la décision attaquée que la méthodologie utilisée par les autorités roumaines pour calculer les dommages subis par TAROM, décrite au point 41 ci-dessus, ne prend en considération que les recettes et les coûts de TAROM directement liés à ses activités de transport aérien de passagers sur l’ensemble des lignes exploitées par celle-ci. Ces recettes et ces coûts ont ainsi été directement affectés par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19. Les difficultés préexistantes potentielles que TAROM a subies sont neutres par rapport aux dommages causés par les restrictions liées à la pandémie de COVID-19.

85      Il ressort également de la décision attaquée que la requérante n’a identifié aucun poste de coûts spécifique qui, selon elle, aurait dû être exclu du calcul des dommages effectué par la Commission ou traité différemment par celle-ci, en raison du fait que ces coûts auraient été causés par les difficultés préexistantes de TAROM.

86      Partant, la requérante n’a présenté aucun indice ou élément de preuve susceptible de suggérer, et encore moins de démontrer, que, en l’espèce, la mesure en cause aurait compensé, ne serait-ce qu’en partie, des pertes de TAROM causées par ses difficultés préexistantes.

87      Il résulte de ce qui précède que le deuxième sous-grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

iii) Sur le troisième sous-grief, tiré de l’insuffisance de garanties visant à prévenir le risque de surcompensation

88      La requérante soutient, en substance, que les garanties visant à prévenir le risque de surcompensation sont insuffisantes. En effet, l’évaluation ex post des dommages mise en place afin d’éviter la surcompensation présenterait des limites.

89      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de constater, ainsi qu’il ressort des paragraphes 31 et 71 de la décision attaquée, que la quantification des dommages devait être vérifiée et certifiée par un expert indépendant à la fin de l’exercice comptable sur la base des comptes financiers de TAROM. Cette dernière s’était engagée à fournir aux autorités roumaines, au plus tard le 30 avril 2021, un rapport complet sur l’ensemble des recettes et des coûts liés à ses activités de transport de passagers exercées pendant la période d’indemnisation. De plus, les autorités roumaines devaient fournir à la Commission, avant le 30 juin 2021, les résultats de l’évaluation ex post du préjudice subi par TAROM pendant la période de compensation, sur la base des comptes audités de TAROM, et, dans l’hypothèse où cette évaluation devait montrer que TAROM avait fait l’objet d’une surcompensation, elles devaient veiller à ce que la compagnie aérienne rembourse cette surcompensation, intérêts compris.

90      Par ailleurs, il convient de relever que, tel qu’il ressort du paragraphe 40 de la décision attaquée, les autorités roumaines s’étaient engagées, à titre de garantie supplémentaire, à exclure le bénéfice de la mesure en cause dans l’hypothèse où TAROM serait responsable des dommages ou n’aurait pris aucune mesure visant à les atténuer ou n’aurait pas mené ses activités avec la diligence requise ou dans le respect de la législation applicable. Cependant, il ressort du paragraphe 72 de ladite décision que TAROM ne se trouvait pas dans une telle situation et qu’elle avait pris diverses mesures afin de minimiser son dommage lié à la pandémie de COVID-19. D’autres garanties figurent également aux paragraphes 40 et 73 de la décision attaquée, telles que l’interdiction du cumul de la mesure en cause avec une autre aide pour les mêmes coûts éligibles.

91      En outre, il convient de rappeler que le résultat de l’estimation du montant des dommages obtenu en utilisant la première méthode est apparu plus prudent que celui obtenu en utilisant la seconde méthode, ainsi qu’il ressort des paragraphes 39 et 70 de la décision attaquée. À cet égard, il y a lieu de relever que, en plus de la méthode retenue, une autre méthode a été appliquée par les autorités roumaines afin de vérifier la plausibilité du calcul obtenu. En l’espèce, cette vérification recourt à la méthode de l’EBITDA et vise à réduire le risque d’une surcompensation des dommages.

92      Partant, la Commission a veillé à ce que des garanties nécessaires visant à éviter une surcompensation des dommages subis par TAROM soient mises en place.

93      Ensuite, s’agissant du reproche de la requérante selon lequel la décision attaquée ne mentionne pas si une évaluation ex post du caractère approprié du choix du scénario contrefactuel sera entreprise, il suffit de constater qu’il n’était pas nécessaire que la Commission réalise une telle évaluation, l’objectif de l’évaluation ex post visée au paragraphe 71 de la décision attaquée étant de vérifier le montant des dommages subis par TAROM pendant la période concernée sur la base de ses comptes audités, et non de remettre en cause le caractère approprié du choix du scénario contrefactuel. Dès lors, le troisième sous-grief du premier grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

iv)    Sur le quatrième sous-grief, tiré de ce que la Commission a omis d’évaluer la méthode de répartition des coûts fixes utilisée par TAROM dans le cadre d’une analyse ligne par ligne

94      La requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir examiné l’incidence significative potentielle du choix de la méthode de répartition des coûts fixes sur l’évaluation des dommages dans la mesure où TAROM aurait exploité certaines lignes durant la période concernée. Elle fait valoir à cet égard que, dans le cadre d’une analyse effectuée ligne par ligne, il convient d’exclure les coûts fixes liés à l’exploitation desdites lignes.

95      La requérante relève que, dans la mesure où un opérateur économique rationnel n’exploiterait pas des lignes déficitaires, TAROM a pris la décision d’exploiter ces lignes pendant la pandémie de COVID-19, car elle s’attendait à dégager un bénéfice sur ces lignes et que, par conséquent, elle ne pouvait pas réclamer une compensation pour ces lignes en les incluant dans l’analyse ligne par ligne. Ainsi, elle soutient que la Commission aurait dû exclure les coûts fixes exposés par TAROM pour exploiter ces lignes durant la période concernée. Tout d’abord, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du paragraphe 12 de la décision attaquée, que TAROM a dû annuler la quasi-totalité de ses vols réguliers entre le 26 mars et le 17 mai 2020 et n’a effectué, durant la période de l’état d’urgence (du 16 mars au 14 mai 2020), que des vols cargo exceptionnels pour du matériel et des fournitures médicales et des vols charters pour le rapatriement de citoyens roumains travaillant à l’étranger, à la demande des autorités roumaines et dans des conditions différentes des conditions commerciales normales.

96      Ensuite, le paragraphe 13 de la décision attaquée indique que, à la suite de l’état d’urgence, pendant la période de l’état d’alerte (du 14 mai au 16 juillet 2020), TAROM a repris ses activités à un niveau très réduit avec seulement quelques vols vers et depuis certaines destinations et que des restrictions de vol spécifiques ont continué à s’appliquer sur les lignes à destination et en provenance de pays étrangers, y compris de plusieurs États membres, jusqu’au 16 juillet 2020 au moins.

97      Il y a par ailleurs lieu de souligner que chaque ligne, indépendamment de la question de savoir si elle a été exploitée par TAROM pendant la période concernée, et indépendamment du fait qu’elle soit rentable ou déficitaire, occasionne des coûts fixes, tels que les coûts de maintenance des aéronefs ou le paiement des salaires, de sorte qu’une compagnie aérienne doit nécessairement supporter ces coûts.

98      Partant, compte tenu du fait que les lignes prises en compte pour le calcul des dommages ont été affectées par des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 et ont engendré des coûts fixes indépendamment de la question de savoir si elles ont été exploitées par TAROM pendant la période concernée, c’est à juste titre que la Commission a approuvé l’inclusion desdits coûts fixes dans le calcul des dommages, la requérante n’ayant pas démontré que, ce faisant, il y aurait eu une surcompensation.

99      Dès lors, il convient de rejeter l’argument de la requérante.

100    Il résulte de ce qui précède que le quatrième sous-grief du premier grief de la première branche du premier moyen doit être écarté et, par conséquent, le premier grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

2)      Sur le deuxième grief de la première branche du premier moyen, tiré de ce que la Commission a surestimé les dommages directement causés par les restrictions de voyage imposées par la Roumanie

101    La requérante relève, en substance, que la Commission a inclus dans le calcul des dommages pendant la période concernée des pertes de revenus qui n’étaient pas directement liées aux restrictions de voyage imposées par la Roumanie et d’autres États membres et qu’elle a surestimé, dès lors, le montant des dommages subis par TAROM. À cet égard, elle rappelle que, pendant la période du 11 au 30 juin 2020, les opérations de TAROM n’étaient que partiellement affectées par des restrictions de voyage et fait ainsi valoir que, pour cette période, les dommages auraient dû être limités aux lignes qui étaient toujours soumises auxdites restrictions de voyage. Partant, la Commission aurait présumé, à tort, que l’intégralité des dommages pendant la période concernée était imputable aux restrictions de voyage.

102    La Commission conteste les arguments de la requérante.

103    En premier lieu, il convient de relever que, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des paragraphes 3 et 62 de la décision attaquée, l’objectif de la mesure en cause est d’indemniser TAROM pour les dommages causés par les restrictions de voyage et les autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19 durant la période allant du 16 mars au 30 juin 2020.

104    La Commission a décrit, aux sections 2.1.1. et 2.1.2. de la décision attaquée, les restrictions de voyage imposées par les États membres et notamment la Roumanie. S’agissant en particulier des restrictions imposées par cette dernière, il est indiqué, aux paragraphes 9 et 10 de la décision attaquée, que les autorités roumaines ont adopté diverses mesures entre le 11 mars et le 16 juillet 2020 visant à endiguer la propagation de la pandémie de COVID-19, lesquelles comprenaient la suspension progressive de la plupart des vols commerciaux à l’intérieur, à destination et en provenance de la Roumanie pendant la période de confinement à proprement parler, à savoir du 24 mars au 14 mai 2020, mais également au-delà. Il est par ailleurs précisé, au paragraphe 8 de la décision attaquée, que la Roumanie a déclaré l’état d’urgence le 16 mars 2020, lequel a, après avoir fait l’objet d’une prolongation, pris fin le 14 mai 2020 et a été remplacé, à compter de cette date, par l’état d’alerte, lequel a, après avoir fait l’objet d’une prolongation, été finalement levé le 16 juillet 2020.

105    Pendant la période de l’état d’alerte, tous les vols commerciaux ont été interdits à destination et en provenance de l’Autriche, de la Belgique, de la Suisse, de la France, de l’Allemagne, de l’Iran, de l’Italie, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l’Espagne, des États-Unis et de la Turquie. Toutefois, le 11 juin 2020, les autorités roumaines ont autorisé la reprise des vols à destination de l’Autriche et de l’Allemagne uniquement, les restrictions ayant continué à s’appliquer au reste des lignes jusqu’au 16 juillet 2020 au moins.

106    Ces restrictions ont eu un impact très significatif sur les activités de TAROM pendant la période concernée, y compris pendant la période allant du 11 au 30 juin 2020. Interrogée à cet égard lors de l’audience, la Commission a précisé, d’une part, que TAROM n’avait effectué que huit vols isolés entre le 11 et le 30 juin 2020, en provenance ou à destination de l’Autriche et de l’Allemagne et, d’autre part, qu’elle avait pris en considération les revenus résultant de ces vols dans sa méthode de calcul, lesquels ont été comptabilisés comme revenus de vol de passagers parmi d’autres revenus tels que ceux provenant des vols cargo, de fret ou de rapatriement.

107    En second lieu, il convient de souligner que les effets négatifs des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 ont persisté durant un certain laps de temps après leur levée formelle en raison de l’existence d’une période de démarrage nécessaire faisant immédiatement suite à cette levée. Ainsi, la levée formelle d’une restriction sur une ligne donnée ne se traduit pas par une reprise immédiate des vols. En effet, d’une part, comme le souligne à juste titre la Commission, les compagnies aériennes doivent, après la levée partielle des restrictions, réajuster leurs horaires et leur personnel ainsi que repositionner leurs vols pour les liaisons rouvertes. D’autre part, comme elle le fait valoir également, les voyageurs doivent eux aussi disposer d’un délai suffisant pour planifier leurs voyages.

108    Partant, il convient de relever que, pendant la période du 11 au 30 juin 2020, la grande majorité des lignes aériennes à destination ou en provenance de la Roumanie continuait à être soumise à des restrictions de voyage imposées en raison de la pandémie de COVID-19. Dans ce contexte, si TAROM a, certes, opéré un nombre très limité de vols pendant cette période en provenance ou à destination de l’Autriche et de l’Allemagne, il n’en reste pas moins que la levée des restrictions de voyage a eu lieu de manière progressive et qu’une période de démarrage était nécessaire à la suite de la levée formelle desdites restrictions, ainsi qu’il a été relevé au point 107 ci-dessus. Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait surestimé les dommages directement causés par les restrictions de voyage.

109    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

110    Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la levée des restrictions aurait été annoncée plusieurs semaines à l’avance, il ne peut être ignoré le fait que certaines restrictions, dont la levée à une date précise avait pourtant été annoncée bien en amont, aient dû in fine être prolongées en raison d’un rebond soudain et inattendu de la pandémie de COVID-19. En conséquence, les restrictions de voyage en provenance et à destination des pays cités au point 105 ci-dessus, à l’exception des vols à destination de l’Autriche et de l’Allemagne, ont continué à s’appliquer jusqu’au 16 juillet 2020 au moins, et ce malgré la reprise planifiée initialement par TAROM pour le 16 juin 2020.

111    Deuxièmement, en ce qui concerne le reproche de la requérante selon lequel la Commission a supposé, sans toutefois le prouver, que la période de démarrage durerait toute la seconde partie du mois de juin 2020, il y a lieu d’observer, à l’instar de la Commission, qu’il ressort des tableaux nos 3 et 4 de la décision attaquée que le nombre de passagers et les recettes de TAROM ont respectivement diminué de 93 % et de 85,3 % en juin 2020 par rapport au mois de juin 2019. Ces chiffres sont à eux seuls suffisants pour démontrer que, en l’espèce, malgré la levée de certaines restrictions de voyage en juin 2020, TAROM n’avait pas effectué une reprise significative de ses activités au cours de ce mois et avait donc continué à subir des pertes directement causées par les restrictions de voyage et les autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19.

112    Troisièmement, si la requérante ne conteste pas le fait que certains dommages puissent survenir peu de temps après la fin d’un événement extraordinaire, elle soutient, en revanche, qu’il y a lieu d’établir l’existence d’un lien de causalité directe entre ces dommages et ledit événement, ce que la Commission aurait omis de faire. En l’espèce, il convient de considérer que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 61 de la décision attaquée, les dommages subis par TAROM pendant la période concernée, y compris celle allant du 11 au 30 juin 2020, sont directement liés à la pandémie de COVID-19 en raison des restrictions de voyage et des autres mesures de confinement visant à endiguer ladite pandémie. Le lien de causalité entre l’événement extraordinaire et les dommages subis par TAROM n’a donc pas été interrompu pendant l’ensemble de la période concernée. En tout état de cause, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que la décision attaquée indique clairement que la mesure en cause vise à garantir l’indemnisation de TAROM uniquement pour les pertes subies qui sont directement imputables à ladite pandémie.

113    Quatrièmement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle les pertes enregistrées par TAROM sur ses lignes intérieures ne sont pas la conséquence des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, il convient de considérer que celle-ci n’est étayée par aucun élément de preuve. De plus, il ressort du paragraphe 10 de la décision attaquée (voir point 104 ci-dessus) que les vols commerciaux à l’intérieur de la Roumanie ont eux aussi été progressivement suspendus pendant la période de confinement et au-delà.

114    Cinquièmement, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante fondée sur deux décisions de la Commission, à savoir la décision du 29 décembre 2020, aide d’État SA.59188 (2020/NN) – Italie – COVID-19 – Aide en faveur d’Alitalia, et la décision du 26 mars 2021, aide d’État SA.61676 (2021/NN) – Italie – COVID-19 – Aide en faveur d’Alitalia, par lesquelles cette dernière a approuvé deux aides octroyées par la République italienne en faveur de la compagnie aérienne Alitalia dans le contexte de la pandémie de COVID-19, il y a lieu de constater que la référence à ces deux décisions est dénuée de pertinence dès lors que, d’une part, les périodes concernées dans lesdites décisions sont différentes de celle couverte par la décision attaquée et, d’autre part, la méthode utilisée par la Commission pour estimer le montant des dommages subis par Alitalia se fonde sur une évaluation portant sur certaines lignes spécifiques exploitées par cette dernière et non, comme en l’espèce, sur une approche globale couvrant l’ensemble des liaisons assurées par TAROM. 

115    Sixièmement, s’agissant des références faites par la requérante aux points 15 bis et 15 ter de la communication de la Commission du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aides d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), dans sa version modifiée le 1er février 2021 (JO 2021, C 34, p. 6), il suffit de constater que ces dispositions n’étaient pas applicables ratione temporis au moment de l’adoption de la décision attaquée.

116    Il résulte de ce qui précède que le deuxième grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

3)      Sur le troisième grief de la première branche du premier moyen, tiré de ce que la Commission a commis des erreurs dans l’évaluation des coûts évités

117    La requérante soutient que l’évaluation des coûts évités effectuée dans la décision attaquée est « opaque ». En substance, la Commission n’aurait pas vérifié si, pendant la période concernée, TAROM avait, outre la suppression des services de restauration pour passagers, la mise en place des vols cargo et la suspension des vols enregistrant des taux de non-présentation élevés, adopté d’autres mesures visant à éliminer l’ensemble de ses coûts évitables pour ainsi réduire au minimum ses dommages ou si, au contraire, elle avait encouru des coûts qu’elle aurait pu éviter, ce qui aurait eu pour effet de surestimer lesdits dommages. Dans cette dernière hypothèse, la partie des dommages ayant été surestimée, résultant de la prise en compte de coûts évitables mais non évités, n’aurait pas été directement causée par les restrictions de voyage, mais par la négligence de TAROM. La requérante s’appuie à cet égard sur l’arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission (C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 33).

118    La Commission conteste les arguments de la requérante.

119    Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 32, sous b), de la décision attaquée, l’évaluation des dommages effectuée sur la base de la première méthode prenait en considération les coûts d’exploitation « évités ». Cette notion était expliquée dans le paragraphe susvisé.

120    La Commission a par ailleurs également précisé, au paragraphe 68 de la décision attaquée, que les coûts « évités » correspondaient aux coûts que TAROM aurait supportés pendant la période concernée si ses opérations n’avaient pas été affectées par les restrictions liées à la pandémie de COVID-19, mais qu’elle n’a pas eu à supporter du fait des opérations annulées. Les coûts évités tels que les coûts de carburant, les coûts de personnel, les redevances et les charges ont été quantifiés en comparant les coûts enregistrés au cours de la période correspondante en 2019 et les coûts réels supportés par TAROM pendant la période d’indemnisation.

121    Dans ces circonstances, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’y a pas lieu de considérer que l’évaluation des coûts évités, telle qu’elle est exposée dans la décision attaquée, est « opaque ».

122    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû s’assurer que la mesure en cause ne compensait pas des coûts subis par TAROM qui étaient « évitables », mais qu’elle n’avait pas évités, il suffit de constater que celui-ci est trop général et n’est pas étayé.

123    En effet, la requérante reste en défaut de préciser quels seraient concrètement les postes de coûts que TAROM aurait encourus sur les lignes concernées, alors qu’elle aurait pu les éviter, et qui, dès lors, auraient dû être exclus du calcul des dommages subis par celle-ci.

124    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief de la première branche du premier moyen comme non fondé.

4)      Sur le quatrième grief de la première branche du premier moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas évalué les dommages causés par les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 à des compagnies aériennes autres que TAROM

125    La requérante soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, car elle aurait dû examiner non seulement le dommage subi par TAROM en raison de la pandémie de COVID-19, mais aussi celui subi par ses concurrents. Selon la requérante, un « événement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE affecte par définition plusieurs ou toutes les parties prenantes d’un secteur ou d’une économie. Ainsi, de nombreuses autres compagnies aériennes auraient subi des dommages en Roumanie en conséquence des restrictions de voyage imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Cette disposition serait dès lors destinée à réparer les dommages subis également par les concurrents de TAROM, et non seulement par cette dernière.

126    La Commission conteste les arguments de la requérante.

127    Aux termes de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, sont compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires.

128    En l’espèce, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la Commission retenue dans la décision attaquée selon laquelle la pandémie de COVID-19 devait être regardée comme étant un « événement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Par ailleurs, il résulte notamment des paragraphes 4 à 10 de la décision attaquée que la pandémie de COVID-19 a conduit à l’interruption de la majeure partie du transport aérien de passagers, eu égard, notamment, aux restrictions de voyage et aux autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19 ainsi qu’à la fermeture des frontières de plusieurs États membres de l’Union européenne, dont la Roumanie.

129    Il s’ensuit que la requérante relève, à juste titre, que TAROM n’est pas la seule entreprise, ni la seule compagnie aérienne, à être affectée par l’événement extraordinaire en cause.

130    Toutefois, il n’en demeure pas moins, ainsi que le fait valoir la Commission dans son mémoire en défense, qu’il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier aux dommages causés par un « événement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

131    Plus particulièrement, d’une part, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE oblige les États membres à notifier à la Commission leurs projets en matière d’aides d’État avant leur mise à exécution, il ne les oblige pas, en revanche, à octroyer une aide (ordonnance du 30 mai 2018, Yanchev, C‑481/17, non publiée, EU:C:2018:352, point 22).

132    D’autre part, une aide peut être destinée à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire, conformément à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas à l’intégralité de ces dommages [arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 56].

133    Par conséquent, il ne découle ni de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ni de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE que les États membres seraient obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un événement extraordinaire, de sorte qu’ils ne sauraient pas non plus être tenus d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages [arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 57].

134    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’était pas tenue d’évaluer, dans la décision attaquée, les dommages causés aux compagnies aériennes autres que TAROM [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 95].

135    Il résulte de ce qui précède que le quatrième grief de la première branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé et, par voie de conséquence, la première branche dans son ensemble.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission a méconnu l’avantage concurrentiel obtenu par TAROM

136    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit car, dans son appréciation de la proportionnalité de la mesure en cause, elle a sous-estimé la valeur de l’avantage octroyé à TAROM, en ne prenant en compte que le montant nominal de la trésorerie accordée à celle-ci par le biais de la mesure en cause, mais non l’avantage concurrentiel obtenu par elle grâce à cette mesure, lequel se traduirait par un renforcement de la position de TAROM sur le marché.

137    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

138    À cet égard, il convient de relever que, aux fins de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, l’avantage procuré par cette aide à son bénéficiaire n’inclut pas l’éventuel bénéfice économique réalisé par celui-ci par l’exploitation de cet avantage. Un tel bénéfice peut ne pas être identique à l’avantage constituant ladite aide, voire s’avérer inexistant, sans que cette circonstance puisse justifier une appréciation différente de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 92).

139    Par analogie, il s’ensuit que seul l’avantage constituant l’aide doit être pris en considération aux fins de l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. En revanche, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir déterminé l’existence d’un éventuel bénéfice économique résultant de cet avantage [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 120].

140    Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’un éventuel avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire allégué de la mesure en cause [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, sous pourvoi, EU:T:2021:465, point 121].

141    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen et, dès lors, le premier moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de la liberté d’établissement

142    La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé les principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de liberté d’établissement, au motif que la mesure en cause ne bénéficie qu’à TAROM.

143    La Commission conteste les arguments de la requérante.

144    Il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions du traité FUE ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51).

a)      Sur la violation du principe de non-discrimination

145    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49).

146    Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26).

147    Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].

148    La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée autorise un traitement discriminatoire qui ne serait ni approprié ni nécessaire pour atteindre l’objectif de la mesure en cause, à savoir réparer les dommages causés par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19. La requérante constate que TAROM détient 15,3 % du marché roumain et a donc subi environ 15,3 % des dommages causés par la pandémie de COVID-19. Si la mesure en cause était accordée à toutes les compagnies aériennes opérant en Roumanie, l’objectif de la mesure serait atteint sans discrimination. À cet égard, la décision attaquée n’expliquerait pas la raison pour laquelle la mesure en cause a été octroyée seulement à TAROM, alors même que les autres compagnies aériennes opérant en Roumanie auraient également subi des dommages résultant des restrictions de voyage et des mesures de confinement imposées dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Selon la requérante, la mesure en cause serait une mesure de « nationalisme économique évident ».

149    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que la mesure en cause vise uniquement à indemniser TAROM pour les dommages directement causés à la suite de l’instauration des restrictions de voyage et d’autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19 (paragraphes 3 et 62 de la décision attaquée).

150    Or, s’il est, certes, vrai, que l’ensemble des compagnies aériennes qui opèrent en Roumanie ont été affectées par les restrictions susmentionnées et qu’elles ont, par voie de conséquence, toutes subi, à l’instar de TAROM, un dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de leurs vols à la suite de l’instauration desdites restrictions, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il a été relevé aux points 130 à 133 ci-dessus, il ne découle ni de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ni de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE que les États membres seraient obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un événement extraordinaire, de sorte qu’ils ne sauraient non plus être tenus d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages.

151    En deuxième lieu, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que celle en cause, ne bénéficie, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est pourtant inhérente au caractère individuel de ladite mesure [arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (Finnair I ; Covid-19), T‑388/20, sous pourvoi, EU:T:2021:196, point 81].  

152    Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies.

153    En troisième lieu, et en tout état de cause, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne bénéficie qu’à TAROM, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre.

154    Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de cette mesure, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne bénéficie qu’à TAROM, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

155    En l’espèce, s’agissant de l’objectif de la mesure en cause, la requérante ne conteste pas que l’indemnisation d’un dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation des vols d’une compagnie aérienne à la suite de l’instauration de restrictions de voyage et d’autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19 permet de remédier aux dommages causés par cette pandémie. La requérante ne conteste pas non plus que la pandémie de COVID-19 constitue un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

156    S’agissant des modalités d’octroi de la mesure en cause, il ressort notamment des points 49, 53, 59, 68 et 73 de l’arrêt du 4 mai 2022, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM; aide au sauvetage) (T‑718/20, sous pourvoi, EU:T:2022:276), que TAROM jouait un rôle déterminant pour assurer la connectivité régionale à l’intérieur de la Roumanie, mais également la connectivité internationale du pays étant donné qu’elle exploitait un grand nombre de lignes aériennes intérieures et internationales, dont certaines à titre exclusif. En outre, cette compagnie aérienne disposait d’un réseau en étoile qui lui permettait de proposer une connexion avec l’aéroport de Bucarest (Roumanie) aux passagers en provenance des aéroports régionaux alors que ses concurrents présents sur les lignes intérieures autres que celles que TAROM était seule à exploiter disposaient de réseaux avec des vols de point à point. Or, la connexion vers des destinations nationales ou internationales à partir de l’aéroport de Bucarest est de nature à assurer la connectivité régionale. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, comme cela est indiqué au point 95 ci-dessus, TAROM a effectué, durant la pandémie de COVID-19, des vols cargo exceptionnels afin d’acheminer du matériel et des fournitures médicales ainsi que des vols charters destinés au rapatriement de citoyens roumains travaillant à l’étranger.

157    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, selon les informations produites par la requérante en annexe de la requête, TAROM constituait la deuxième compagnie aérienne de Roumanie, dès lors qu’elle détenait 15,3 % de part de marché en 2019 et la requérante était quant à elle la première compagnie aérienne du pays avec une part de marché de 40,8 % la même année.

158    La requérante fait néanmoins valoir que ces circonstances ne permettent pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause. Elle considère, en effet, que cette différence de traitement n’est pas proportionnée, puisque cette mesure accorde à TAROM l’intégralité de l’aide destinée à remédier au dommage en cause alors que TAROM ne subirait que 15,3 % de ce dommage.

159    À cet égard, il résulte des éléments mentionnés au point 156 ci-dessus que cette faible part de marché n’est pas de nature à influer sur le constat selon lequel TAROM exerçait un rôle déterminant pour la connectivité de la Roumanie dans son ensemble et surtout pour la connectivité de certaines régions roumaines.

160    De plus, s’agissant de la référence de la requérante à l’arrêt du 14 avril 2021, Ryanair/Commission (SAS, Danemark ; Covid-19) (T‑378/20, EU:T:2021:194), il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que, dans cette affaire, la part de marché de la compagnie aérienne constituait seulement un élément pris en considération parmi d’autres pour conclure que le bénéficiaire de l’aide en cause avait été plus impacté que ses concurrents par les restrictions en raison de son modèle d’affaires et de son rôle dans la connectivité du Danemark. Il convient de tirer la même conclusion dans la présente affaire.

161    Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait pris en considération les restrictions de voyage imposées par d’autres État membres que la Roumanie comme source de restrictions de voyage, il y a lieu d’observer que ces restrictions ont été mises en place afin de faire face à la pandémie de COVID-19 et que, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, elles garantissent l’existence d’un lien de causalité direct entre les dommages subis par TAROM et ladite pandémie.

162    En outre, s’agissant de la question de savoir si la mesure en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, il convient de constater que, comme cela est indiqué aux paragraphes 39 et 70 de la décision attaquée, l’estimation du montant des dommages a été réalisée avec deux méthodes proposées par les autorités roumaines et le montant estimé avec la première méthode a été retenu dans la mesure où celui-ci était inférieur à celui obtenu avec la seconde méthode (voir point 43 ci-dessus).

163    Enfin, il convient d’ajouter que la requérante n’établit pas qu’une allocation de la mesure en cause à toutes les compagnies aériennes qui opèrent en Roumanie, en fonction de leur part de marché, n’aurait pas privé d’effet utile ladite mesure.

164    Il y a dès lors lieu de constater que la différence de traitement en faveur de TAROM était appropriée aux fins de remédier aux dommages et que l’octroi de la mesure à TAROM uniquement n’a pas été au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par celle-ci.

165    Il s’ensuit, en tout état de cause et pour autant que la différence de traitement instituée par la mesure en cause puisse être assimilée à une discrimination, qu’il était justifié de n’accorder le bénéfice de la mesure en cause qu’à TAROM et que ladite mesure ne viole pas le principe de non-discrimination.

b)      Sur la violation des principes de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement

166    D’une part, il convient de rappeler que les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C‑66/14, EU:C:2015:661, point 26 et jurisprudence citée).

167    D’autre part, la libre prestation des services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation des services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation des services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C‑382/08, EU:C:2011:27, point 22).

168    C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transport aérien peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 38). Or, ainsi que le relève à juste titre la requérante, le législateur de l’Union a adopté le règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), sur le fondement de cette disposition, qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, points 23 et 24).

169    En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante soutient, en substance, que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services du fait de son caractère discriminatoire.

170    Or, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne bénéficie qu’à TAROM, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à la dissuader d’effectuer des prestations de services depuis la Roumanie et à destination de la Roumanie ou d’exercer sa liberté d’établissement dans cet État membre. Elle reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que la mesure en cause produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qui, ainsi qu’il a été considéré aux points 153 à 163 ci-dessus, sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier aux dommages causés à TAROM par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

171    Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services de la requérante. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services.

172    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen

173    La requérante soutient, en substance, que l’examen mené par la Commission était incomplet et insuffisant, comme le démontreraient notamment ses arguments avancés au soutien des premier et deuxième moyens. Or, cela témoignerait de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et à permettre à la requérante de présenter ses observations.

174    La Commission conteste les arguments de la requérante.

175    Il convient de constater que ce moyen est dépourvu de contenu autonome. En effet, dans le cadre d’un tel moyen, la partie requérante peut invoquer, aux fins de la préservation des droits procéduraux dont elle bénéficie dans le cadre de la procédure formelle d’examen, uniquement des moyens de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure notifiée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81), aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 35, et du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59), comme le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire ou l’existence de plaintes provenant de parties tierces. Or, il convient de relever que le troisième moyen reprend de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier et deuxième moyens sans mettre en évidence d’éléments spécifiques relatifs à l’existence d’éventuelles difficultés sérieuses.

176    Pour ces motifs, il convient de constater que, le Tribunal ayant examiné et rejeté lesdits moyens, il y a lieu de rejeter également le troisième moyen.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

177    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, dans la mesure où, premièrement, elle n’a pas évalué la valeur de l’avantage concurrentiel accordé à TAROM ; deuxièmement, elle a omis de motiver son calcul du montant de l’aide et ignoré la fraction des pertes de TAROM provenant de ses difficultés antérieures à la pandémie de COVID-19 ; troisièmement, elle n’a pas vérifié si TAROM avait pris des mesures d’atténuation des dommages au cours de la période concernée et s’est uniquement fiée à la confirmation de la Roumanie allant dans ce sens ; quatrièmement, elle n’a pas examiné si la mesure en cause n’était pas discriminatoire et si elle était compatible avec le règlement no 1008/2008 et les principes de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement.

178    La Commission conteste les arguments de la requérante.

179    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée) et doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).

180    En l’espèce, s’agissant de la nature de l’acte en cause, la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article, qui, quant à elle, est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide.

181    Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 65).

182    À cet égard, premièrement, pour autant que la requérante fasse référence à l’avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire de la mesure en cause, il suffit de constater, ainsi qu’il résulte des points 138 à 140 ci-dessus, que la Commission n’avait pas à prendre en considération un tel avantage aux fins d’apprécier la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, de sorte qu’elle n’avait pas non plus à le mentionner dans la décision attaquée.

183    Deuxièmement, en ce qui concerne le calcul du montant de l’aide et la fraction des pertes provenant des difficultés préexistantes de TAROM, il ressort des paragraphes 32 à 39 de la décision attaquée que la méthode de calcul des dommages utilisée a été explicitée et que le montant des dommages estimé avec la première méthode a été choisi afin de déterminer le montant de l’aide en cause, étant donné qu’il était inférieur à celui estimé avec la seconde méthode et apparaissait dès lors comme le plus prudent. De plus, comme cela est indiqué aux paragraphes 31 et 71 de la décision attaquée, le montant des dommages devait faire l’objet d’une évaluation ex post. En outre, s’agissant de la distinction entre les difficultés préexistantes et celles liées à la pandémie de COVID-19, il ressort des paragraphes 32 et 33 de la décision attaquée que la méthode de calcul utilisée par les autorités roumaines pour évaluer les dommages a permis d’opérer une telle distinction et d’identifier les dommages causés uniquement par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19, ainsi qu’il a été relevé aux points 79 à 86 ci-dessus.

184    Troisièmement, la requérante soutient que la Commission n’a pas vérifié si TAROM avait pris des mesures d’atténuation des dommages durant la période concernée et s’est uniquement fiée à la confirmation de la Roumanie allant dans ce sens. À cet égard, il convient de considérer que, dans la mesure où il a été conclu que le montant des dommages subis par TAROM avait été correctement évalué et n’avait pas fait l’objet d’une surestimation, la Commission pouvait à juste titre se fonder sur le seul engagement des autorités roumaines à exclure le bénéfice de la mesure en cause s’il était constaté, lors d’une vérification ex post, que TAROM était responsable des dommages. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 72 de la décision attaquée, TAROM avait pris des mesures afin d’agir avec diligence et de minimiser ses dommages.

185    Quatrièmement, s’agissant du principe de non-discrimination et de ceux relatifs à la libre prestation des services et à la liberté d’établissement, il convient, certes, de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque les bénéficiaires de l’acte, d’une part, et d’autres opérateurs exclus, d’autre part, se trouvent placés dans une situation comparable, l’institution de l’Union, auteur de l’acte, est tenue d’exposer, dans le cadre d’une motivation spécifique, en quoi la différence de traitement ainsi instaurée est objectivement justifiée (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 82). Toutefois, à la différence de la mesure concernée dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, laquelle constituait un régime d’aides, la mesure en cause en l’espèce est une mesure d’aide individuelle et, par conséquent, la Commission n’était pas obligée d’apporter, dans la décision attaquée, une motivation spécifique en ce qui concernait la compatibilité de ladite mesure avec ces principes.

186    En tout état de cause, la décision attaquée contient des éléments permettant de comprendre le rôle important que TAROM jouait pour la desserte aérienne de la Roumanie et pour l’économie roumaine et, par conséquent, les raisons pour lesquelles la Roumanie a choisi cette compagnie comme seul bénéficiaire de la mesure en cause, ainsi qu’il ressort des points 156 et 159 ci-dessus.

187    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est suffisamment motivée et que, par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

188    Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

189    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.) est condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.