Language of document : ECLI:EU:T:2023:671

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

25 octobre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Q – Marque de l’Union européenne figurative antérieure Q – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑458/21,

Quantic Dream, établie à Paris (France), représentée par Me A. Grolée, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Quentia GmbH, établie à Gersthofen (Allemagne), représentée par Me A. Kohn, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Quantic Dream, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2021 (affaire R 2070/2020‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 mai 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant notamment des classes 9, 35 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels, programmes d’ordinateur, applications logicielles téléchargeables, supports d’enregistrement magnétiques, disques compacts, DVD et autres supports d’enregistrement numériques » ;

–        classe 35 : « Gestion des affaires commerciales ; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente en gros et au détail ; reproduction de documents ; services de vente en gros et au détail de logiciels » ;

–        classe 42 : « Conception de logiciels, recherche et développement de logiciels, mise à jour de logiciels ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 122/2019, du 2 juillet 2019.

5        Le 21 août 2019, Quentia GmbH, l’intervenante, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure, telle que reproduite ci-après, déposée le 19 juin 2014 et enregistrée le 19 mars 2016 sous le numéro 13 016 464, désignant les produits et les services relevant notamment des classes 9, 35 et 42 et correspondant, pour certains produits et certains services de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels, à savoir logiciels de logistique et de gestion d’entrepôts ; périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs » ;

–        classe 35 : « Conseils aux entreprises, en particulier dans le domaine de la logistique et des transports et de l’utilisation de logiciels dans ces domaines ; compilation, systématisation, mise à jour et entretien de données dans des banques de données informatiques ; services de vente au détail et en gros de logiciels informatiques, matériel informatique, appareils de bureau, imprimantes, photocopieuses, télécopieurs, équipements de bureau polyvalents » ;

–        classe 42 : « Conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; maintenance et mise à jour de logiciels ».

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Par décision du 28 septembre 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 30 octobre 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, sur le fondement des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours et a fait droit à l’opposition formée par l’intervenante et a, en substance, considéré qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

11      En particulier, la chambre de recours a relevé, premièrement, que le public pertinent était le grand public de l’Union européenne dont le niveau d’attention était normal pour les produits relevant de la classe 9 et le public spécialisé faisant preuve d’un niveau d’attention plus élevé pour les services relevant des classes 35 et 42. Elle a décidé de se concentrer sur la partie anglophone du public pertinent. Deuxièmement, ladite chambre a considéré que les produits et les services visés par la marque demandée étaient en partie similaires et en partie identiques à ceux couverts par la marque antérieure. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel, étaient identiques sur le plan phonétique et ne pouvaient pas être comparés sur le plan conceptuel. Enfin, quatrièmement, selon la chambre de recours, la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque normal.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition formée contre la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

 En droit

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), le deuxième, de la violation de l’article 7 TFUE, le troisième, de la violation de l’article 58 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, le quatrième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

16      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, le quatrième moyen. Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que, en l’espèce, il n’existe pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de tous les éléments de l’affaire.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

21      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

22      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne remet pas en cause les appréciations de la chambre de recours relatives au public pertinent, à son niveau d’attention ainsi qu’à la comparaison des produits et des services en cause.

23      D’une part, à cet égard, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne le public pertinent, que la chambre de recours a considéré que le territoire pertinent était celui de l’Union. Toutefois, elle a décidé de se concentrer sur le public anglophone. De même, la chambre de recours a indiqué que les produits relevant de la classe 9 s’adressaient au grand public faisant preuve d’un niveau d’attention normal et que les services relevant des classes 35 et 42 s’adressaient à un public spécialisé faisant preuve d’un niveau d’attention plus élevé.

24      D’autre part, s’agissant de la comparaison des produits et des services concernés, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient en partie identiques et en partie similaires.

25      Il y a lieu d’approuver ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur la similitude des signes

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne les similitudes visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il y a lieu de comparer les signes figuratifs suivants :

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–       Sur la perception de la marque demandée

28      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée sera perçue par la grande majorité du public pertinent comme une lettre « q » stylisée dans les couleurs noire et bleue. Selon elle, la marque demandée ne présente pas les caractéristiques classiques de la lettre « q », mais peut être divisée en deux parties, la partie gauche, en noir, correspondant à la lettre « q », et la partie droite, en bleu, à la lettre « d ». Elle ajoute que la « séparation visuelle par la ligne [...] blanche » du signe demandé et l’utilisation de deux couleurs différentes induisent à l’analyser à la lumière du nom de la requérante. En outre, même sans la « disséquer », le consommateur aurait probablement besoin de plus de temps pour analyser ladite marque. Ainsi, la chambre de recours n’aurait pas pris en considération l’ensemble des facteurs pour décider que la marque demandée consistait en une version stylisée de la lettre « q » et pouvait uniquement être interprétée comme telle.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

30      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que la marque demandée était un signe figuratif et serait perçue par la grande majorité du public pertinent comme une lettre « q » stylisée dans les couleurs noire et bleue. Elle a ajouté que ce signe pourrait être perçu comme la lettre « q » associée à la lettre « d » uniquement après une analyse approfondie et à condition de connaître le nom de la requérante. Or, ni le grand public ni le public spécialisé n’effectueraient, selon la chambre de recours, une telle appréciation.

31      Il y a lieu de relever que la marque demandée présente les caractéristiques de la lettre « q » et sera perçue comme telle, même si sa forme est plus carrée qu’ovale. Dès lors, la conclusion de la chambre de recours est exempte d’erreur d’appréciation. L’utilisation de deux couleurs dans ladite marque n’est pas de nature à infirmer cette conclusion.

32      À cet égard, il y a lieu de rappeler que si, afin de conclure à l’existence d’un risque de confusion, il n’est pas nécessaire de constater que ce risque existe pour la totalité du public pertinent, il incombe à la partie requérante de démontrer que l’analyse effectuée par la chambre de recours est erronée à l’égard d’une partie significative du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2021, Capella/EUIPO – Cobi.bike (GOBI), T‑286/20, non publié, EU:T:2021:239, point 38 et jurisprudence citée]. En effet, selon la jurisprudence, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque [voir arrêt du 20 novembre 2017, Stada Arzneimittel/EUIPO – Urgo recherche innovation et développement (Immunostad), T‑403/16, non publié, EU:T:2017:824, point 50 et jurisprudence citée].

33      Or, en l’espèce, la requérante n’a apporté aucun élément de preuve de nature à établir que seule une partie négligeable du public pertinent serait susceptible de percevoir la marque demandée comme une lettre « q ».

34      De surcroît, il y a lieu de relever que la requérante n’exclut pas qu’une partie du public, « si [elle] prend le temps d’étudier le signe [demandé] », puisse y percevoir une référence à la lettre « q ». Or, à cet égard, il y a lieu d’ajouter que la chambre de recours a considéré, sans que la requérante ait remis cela en question, que les services concernés relevant des classes 35 et 42 s’adressaient au public spécialisé manifestant un niveau d’attention plus élevé que la moyenne.

35      Quant à l’allégation selon laquelle la marque demandée pourrait être perçue comme une combinaison des lettres « q » et « d », cela impliquerait, ainsi que l’avait relevé la chambre de recours, que le public connaisse le nom de la requérante. Or, il suffit de constater que la marque demandée ne comporte pas l’indication du nom de la requérante.

36      À cet égard, il importe de rappeler que la comparaison doit s’effectuer entre les signes tels qu’ils ont été enregistrés ou tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement, indépendamment de leur usage isolé ou conjoint avec d’autres marques ou mentions [voir arrêt du 28 avril 2021, Asolo/EUIPO – Red Bull (FLÜGEL), T‑509/19, non publié, EU:T:2021:225, point 95 et jurisprudence citée].

37      Il s’ensuit que les considérations de la chambre de recours selon lesquelles une partie significative du public pertinent percevra la marque demandée comme une représentation de la lettre « q » ne sont pas entachées d’erreur d’appréciation.

–       Sur l’appréciation des éléments dominants et distinctifs des signes en cause

38      La requérante soutient que, en considérant que l’élément distinctif de la marque antérieure était la lettre « q », la chambre de recours l’aurait réduite, à tort, à son élément verbal et aurait analysé la marque demandée par rapport à la lettre « q », dans sa version uniquement verbale. Selon elle, il existe des incohérences dans le raisonnement de la chambre de recours en ce que cette dernière reconnaît que les signes en conflit contiennent des éléments graphiques et que ces éléments graphiques doivent être pris en compte, mais n’accorde aucun poids à cette présentation graphique. De surcroît, de l’avis de la requérante, les marques en conflit seraient composées, chacune, d’un seul élément, de sorte qu’il ne saurait y avoir d’élément dominant. La présentation graphique serait inhérente auxdits signes. Ainsi, la chambre de recours aurait dû accorder plus de poids au graphisme de chaque signe ou, à tout le moins, du signe demandé.

39      L’EUIPO considère que la chambre de recours était fondée à indiquer que la police de caractères et la couleur de la marque antérieure ne jouaient que des rôles mineurs. Il rappelle que les éléments verbaux sont en principe plus distinctifs que les éléments figuratifs.

40      L’intervenante soutient que la représentation graphique de la marque en cause n’affecterait pas son contenu conceptuel et ne serait généralement pas aussi dominante que ce dernier. Elle avance que le consommateur est habitué à deviner une certaine forme pour une lettre, même si elle n’est pas écrite de manière habituelle.

41      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en ce qui concerne la marque demandée, que la lettre « q » était l’élément dominant de celle-ci en ajoutant que la représentation graphique ne pouvait pas être négligée et avait une incidence sur la perception du public pertinent. En ce qui concerne la marque antérieure, elle a relevé que la lettre « q » était l’élément distinctif de cette marque. Lors de la comparaison sur le plan visuel des signes en conflit, la chambre de recours a utilisé l’expression « élément dominant » pour les deux signes.

42      À cet égard, il convient de rappeler que lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

43      L’application de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus présuppose, toutefois, que la marque en cause soit un signe complexe. Or, il est constant que les signes en conflit sont constitués d’un seul élément, de sorte que, en l’espèce, l’identification d’un élément dominant n’est pas possible. Il en va de même pour l’élément distinctif, qui peut être déterminé uniquement en présence d’une marque complexe.

44      Il s’ensuit que, en qualifiant l’aspect verbal des marques en conflit, à savoir la lettre « q », d’élément dominant ou distinctif desdites marques, la chambre de recours a commis une erreur de d’appréciation. Il conviendra néanmoins d’apprécier si cette erreur a eu une incidence sur le raisonnement de la chambre de recours.

–       Sur la comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

45      Premièrement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la requérante soutient que lesdits signes « ont été artificiellement réduits à la lettre “ q ”, sous sa forme verbale ». De surcroît, la chambre de recours aurait reconnu que ces signes diffèrent dans leur représentation graphique, mais n’en aurait tiré aucune conséquence. Ainsi, la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en considérant qu’il y avait une similitude visuelle entre les signes en conflit.

46      L’EUIPO estime que la conclusion de la chambre de recours est exempte d’erreur d’appréciation. Les couleurs et la police de caractères de la marque antérieure n’auraient qu’une incidence mineure sur la comparaison des signes en conflit.

47      L’intervenante soutient que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes sont identiques en ce qui concerne leur élément dominant est correcte. Elle indique que la chambre de recours a tenu compte des différentes représentations graphiques des signes en conflit.

48      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle étant donné qu’ils étaient identiques en ce qui concerne leur élément dominant, mais différaient par leur représentation graphique.

49      À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que les signes en conflit soient similaires en ce qu’ils sont composés d’une lettre unique, à savoir la lettre « q », leur stylisation graphique est très différente. En effet, tandis que la marque antérieure, de couleur rouge, est représentée dans une police de caractères standard, la marque demandée est hautement stylisée. Cette dernière se présente sous une forme plutôt carrée, est divisée en deux parties par une ligne blanche oblique et est représentée dans les couleurs bleue et noire. Ainsi, les différences de stylisation sont clairement perceptibles sur le plan visuel.

50      Tel est d’autant plus le cas qu’il s’agit d’éléments très courts, qui sont constitués d’une seule lettre, de sorte que le public pertinent est plus à même de percevoir aisément de telles différences [voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2009, Arcandor/OHMI – dm drogerie markt (S-HE), T‑391/06, non publié, EU:T:2009:348, point 41, et du 23 février 2022, Ancor Group/EUIPO – Cody’s Drinks International (CODE-X), T‑198/21, EU:T:2022:83, point 31].

51      Dans ces conditions, il convient de constater que le degré de similitude visuelle des signes en cause doit être qualifié de faible. En considérant que le degré de similitude visuelle était moyen, la chambre de recours a donc commis une erreur d’appréciation.

52      En ce qui concerne l’erreur d’appréciation commise par la chambre de recours en ce que cette dernière a considéré, à tort, l’élément verbal comme étant l’élément dominant de la marque demandée et l’élément distinctif de la marque antérieure (voir point 44 ci-dessus), il convient de relever que celle-ci a nécessairement eu une incidence sur la conclusion relative à la similitude visuelle. Même si ladite chambre a tenu compte de la stylisation des signes en conflit, en raison de l’erreur commise, elle a accordé un poids excessif à l’aspect verbal desdits signes.

53      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir examiné lesdits signes dans leur ensemble et conteste la conclusion selon laquelle ces signes seraient identiques sur le plan phonétique. D’après la requérante, la marque demandée étant davantage un signe graphique qu’un mot sous une forme stylisée, il serait difficile d’admettre qu’elle serait automatiquement prononcée comme la lettre « q ». En outre, ce signe pourrait, selon elle, ne pas être prononcé du tout.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient identiques sur le plan phonétique, étant donné que la représentation graphique n’avait aucune incidence à cet égard.

56      À cet égard, il doit être relevé que l’appréciation de la chambre de recours est exempte d’erreur d’appréciation, à tout le moins en ce qui concerne la partie du public pertinent qui percevra les signes en conflit comme des représentations de la lettre « q ». En effet, la partie du public pertinent, qui percevra lesdits signes comme des représentations de la lettre « q », les prononcera de manière identique.

57      Force est de constater que l’argumentation de la requérante ne porte que sur la partie du public pertinent qui ne percevra pas les signes en conflit comme une représentation de la lettre « q ». Or, à cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 32 ci-dessus, il suffit qu’une partie non négligeable du public pertinent perçoive lesdits signes comme une référence à la lettre « q ». Tel est le cas en l’espèce (voir point 37 ci-dessus), de sorte que l’argument de la requérante ne peut qu’être rejeté.

58      Troisièmement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, il convient d’approuver l’appréciation de la chambre de recours, au demeurant non contestée par la requérante, selon laquelle lesdits signes ne comportent aucune signification pour le public pertinent et, partant, qu’il n’était pas possible, en l’espèce, de procéder à la comparaison conceptuelle.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

59      S’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, la requérante soutient que la question n’est pas de savoir si la lettre « q » a une signification ou non pour les produits et les services concernés ou, du moins, elle fait valoir que ce ne serait pas le seul critère à prendre en compte. Selon elle, la marque antérieure est un signe court, une représentation classique d’une simple lettre et correspond à un signe dont la forme est très simple. L’absence de toute particularité de présentation, combinée à la simple présence d’une simple lettre, « aurait pu conduire la chambre de recours à se montrer plus sévère dans l’appréciation du caractère distinctif de ce signe ». Le caractère distinctif de la marque antérieure devrait découler de la présentation graphique de la lettre « q ». De surcroît, la requérante soutient qu’il est établi que les signes courts bénéficient d’une protection limitée. Ainsi, si la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif, il serait assez faible et la majeure partie de ce caractère distinctif découlerait de sa présentation graphique. En outre, la requérante se réfère aux décisions des divisions d’opposition de l’EUIPO qui auraient considéré que le degré de distinctivité des marques constituées par une lettre unique serait inférieur à la normale et reposerait principalement sur la manière spécifique dont les lettres seraient représentées graphiquement.

60      L’EUIPO fait valoir que l’argument de la requérante selon lequel les lettres uniques sont généralement intrinsèquement dépourvues de caractère distinctif a déjà été rejeté par le Tribunal. Dans la mesure où les marques enregistrées consistant en une lettre unique représentée en un caractère standard bénéficient d’une présomption de validité, leur degré de caractère distinctif doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services concernés. De même, la simple existence d’autres marques antérieures comportant la lettre unique « q » n’entraîne pas nécessairement un caractère distinctif faible de la marque antérieure. L’EUIPO ajoute que la décision de la division d’opposition de 2010 a été rendue avant que sa pratique consistant toujours à refuser des marques composées d’une lettre unique n’ait été modifiée et que, concernant la décision de la division d’opposition de 2020, la chambre de recours ne saurait être liée par les décisions d’instances inférieures.

61      L’intervenante soutient que la chambre de recours était fondée à considérer que la lettre « q » était distinctive pour les produits et les services couverts par la marque antérieure.

62      En l’espèce, la chambre de recours a indiqué que l’intervenante n’avait pas explicitement fait valoir que sa marque présentait un caractère particulièrement distinctif en raison d’un usage intensif ou d’une renommée. En conséquence, l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure a reposé sur son caractère distinctif intrinsèque que la chambre de recours a considéré comme étant normal. De surcroît, la chambre de recours a relevé que la lettre « q » n’était pas descriptive ou dépourvue de caractère distinctif pour les produits ou les services concernés.

63      Contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, pour déterminer le caractère distinctif d’une marque, il convient d’apprécier globalement l’aptitude plus ou moins grande de ladite marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 22).

64      Ce caractère doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou de ces services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

65      Quant aux marques constituées d’une lettre unique, le législateur a explicitement inclus les signes composés d’une lettre dans la liste de signes pouvant constituer une marque de l’Union européenne, figurant à l’article 4 du règlement 2017/1001, et que les articles 7 et 8 de ce règlement, relatifs aux refus d’enregistrement, ne prévoient pas de règles spécifiques pour les signes composés d’une lettre. Ainsi, une lettre est, en soi, susceptible de conférer à une marque un caractère distinctif [voir arrêt du 9 novembre 2022, L’Oréal/EUIPO – Heinze (K K WATER), T‑610/21, non publié, EU:T:2022:700, point 55 et jurisprudence citée]. Partant c’est à juste titre que l’EUIPO indique que l’argument selon lequel les marques constituées d’une lettre unique sont généralement intrinsèquement dépourvues de caractère distinctif a déjà été rejeté par le Tribunal.

66      Toutefois, il ressort de la jurisprudence qu’un signe constitué d’une seule lettre est, en principe, doté d’un minimum de caractère distinctif ou d’un faible, voire très faible, caractère distinctif, lorsque ladite lettre n’est pas stylisée ou uniquement légèrement stylisée ou encore lorsque les autres éléments figuratifs du signe en cause ne sont pas frappants. En revanche, lorsqu’un signe est constitué d’une lettre hautement stylisée ou accompagnée d’autres éléments figuratifs relativement travaillés, ce signe peut se voir reconnaître un caractère distinctif normal ou moyen (voir arrêt du 9 novembre 2022, K K WATER, T‑610/21, non publié, EU:T:2022:700, point 56 et jurisprudence citée).

67      À cet égard, il y a lieu de relever que si, comme le font valoir l’EUIPO et l’intervenante, conformément à la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, il n’en demeure pas moins qu’un signe constitué d’une seule lettre doit, également conformément à la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus, être stylisé ou accompagné d’autres éléments figuratifs relativement travaillés pour que ce signe puisse se voir reconnaître un caractère distinctif normal.

68      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 49 ci-dessus, la marque antérieure est représentée dans une police de caractères standard et dans la couleur rouge, de sorte qu’elle n’est que très légèrement stylisée. Partant, en application de la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure doit être regardé comme faible, même lorsque, comme l’a estimé la chambre de recours, la lettre « q » n’a pas de signification pour les produits et les services couverts par cette marque.

69      Il s’ensuit que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif normal est entachée d’erreur d’appréciation.

70      Ainsi qu’il ressort des points 44, 51 et 69 ci-dessus, la chambre de recours a commis, d’une part, une erreur d’appréciation en considérant que l’aspect verbal des marques en conflit, à savoir la lettre « q », était l’élément dominant ou distinctif desdites marques et, d’autre part, des erreurs d’appréciation en considérant que le degré de similitude visuelle était moyen et que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal. Ces erreurs ont nécessairement vicié le raisonnement de la chambre de recours relatif à l’appréciation du risque de confusion, dans la mesure où notamment, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est fondée sur le degré moyen de similitude visuelle pour considérer que les représentations graphiques différentes des signes en conflit n’étaient pas suffisantes pour exclure un risque de confusion, y compris pour le public faisant preuve d’un niveau d’attention plus élevé.

71      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’accueillir le quatrième moyen et, par voie de conséquence, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens de la requérante.

 Sur le deuxième chef de conclusions de la requérante

72      En ce qui concerne le deuxième chef de conclusions de la requérante visant à ce que le Tribunal rejette l’opposition formée contre la marque demandée et, ainsi, réforme la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris de position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que ladite chambre était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

73      En l’espèce, force est de constater que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies. En effet, ainsi qu’il ressort du point 70 ci-dessus, les erreurs d’appréciation commises par la chambre de recours ont nécessairement vicié l’appréciation globale du risque de confusion. De même, force est de relever que, ainsi qu’il ressort du point 18 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est concentrée sur la perception des signes en conflit par le public anglophone de l’Union. Or, il n’est pas exclu que la perception desdits signes par les autres parties du public pertinent diffère de celle du public anglophone.

74      Partant, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer la décision que la chambre de recours était tenue de prendre et ne peut donc exercer son pouvoir de réformation, de sorte que le chef de conclusions de la requérante tendant au rejet de l’opposition formée contre la marque demandée doit être rejeté.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

76      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

77      S’agissant de la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO et l’intervenante soient également condamnés aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, il convient de rappeler, d’une part, que les frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition ne peuvent pas être considérés comme des dépens récupérables [voir arrêt du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, non publié, EU:T:2013:214, point 164 et jurisprudence citée].

78      D’autre part, en ce qui concerne les dépens exposés par la requérante devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, il y a également lieu de condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2021 (affaire R 2070/20204) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO et Quentia GmbH supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par Quantic Dream, y compris ceux qu’elle a exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.