Language of document : ECLI:EU:T:2023:436

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque figurative XTRADE – Cause de nullité relative – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c) du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Éléments de preuve produits pour la première fois devant la chambre de recours – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑67/22,

Guma Holdings Ltd, établie à Limassol (Chypre), représentée par Mes M. Oleksyn et M. Stępkowski, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

XTB S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me P. Maślak-Stępnikowska, avocate,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg et I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 26 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Guma Holdings Ltd, demande la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 novembre 2021 (affaire R 981/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 avril 2018, la société X-Trade Brokers Dom Maklerski Spółka Akcyjna, qui est le prédécesseur en droit de l’intervenante, XTB S.A., a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 7 juillet 2014, pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 9, 35, 36 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciel ; programmes informatiques de traitement de données ; logiciels de sécurisation des transactions par carte de crédit ; bases de données informatiques ; bases de données informatiques ; logiciels d’autorisation d’accès aux bases de données ; bases de données (électroniques) » ;

–        classe 35 : « Publicité et marketing ; publicité ; services de marketing direct ; publicité par correspondance ; services de publicité et de promotion des ventes ; publicité ; services de publicité et de promotion des ventes ; services de publicité et de promotion des ventes ; publicité et marketing ; conseil en gestion d’entreprise ; conseils en acquisition d’entreprises ; services de conseil aux entreprises en matière de traitement des données ; services de conseil aux entreprises en matière d’insolvabilité ; services de conseil aux entreprises en matière de mise à disposition de systèmes de gestion de la qualité ; services de recherches et de conseils en matière commerciale ; recherches pour affaires ; services d’informations et de recherches commerciales ; services d’analyses, de recherche et d’informations relatifs aux affaires ; planification de stratégies de marketing ; systématisation des données dans des bases de données informatiques ; compilation d’informations au sein de bases de données informatiques ; services publicitaires liés à des bases de données ; systématisation des données dans des bases de données informatiques ; collecte et systématisation d’informations dans des bases de données informatiques ; systématisation des données dans des bases de données informatiques ; mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques ; informations d’affaires ; services d’agences de marketing » ;

–        classe 36 : « Agences de courtage de titres sur des marchés étrangers des valeurs mobilières et de transactions sur la commission d’opérations à terme de titres sur des marchés étrangers ; services financiers ; services d’investissement ; services de finances personnelles ; services d’investissement ; gestion de portefeuilles financiers ; informations et données économiques/financières, services de conseils et d’expertises économiques/financières ; transferts et transactions financières et services de paiement ; services de conseils en investissements ; services de conseils en investissements ; services de conseils en investissements ; courtage de matières premières ; services de conseils en investissements ; services de conseils en investissements ; services de conseils en investissements » ;

–        classe 41 : « Services de renseignements concernant l’éducation fournis en ligne à partir d’une base de données informatique ou d’internet ; publication de matériel accessible via des bases de données ou internet ; publication de matériel accessible via des bases de données ou internet ; éducation ; services de formation professionnelle ; services d’éducation ; publication de matériel éducatif ; formation à l’exploitation de systèmes de logiciels ».

4        La demande en nullité était fondée sur les droits sur la dénomination sociale « X-Trade Brokers » utilisée en tant que nom commercial dans la vie des affaires en Allemagne pour, notamment, « des services de courtage et des services financiers » relevant de la classe 36, et protégée en vertu des articles 5 et 15 du Markengesetz (loi allemande sur les marques).

5        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement.

6        Le 20 mars 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

7        Le 19 mai 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours, au motif que l’intervenante avait prouvé un usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires en Allemagne dont la portée n’était pas seulement locale pour des « services de courtage et services financiers » relevant de la classe 36. Par conséquent, elle a conclu que la décision de la division d’annulation, dans laquelle il avait été considéré que les deux premières conditions établies à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’étaient pas satisfaites, devait être annulée. En ce qui concerne les autres conditions prévues par le droit allemand applicable, l’affaire a été renvoyée à la division d’annulation en vue de la poursuite de la procédure.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée et rejeter la demande en nullité dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, y compris dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’intervenante, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

12      La requête ne comportant, hormis la demande de condamnation de l’EUIPO et de l’intervenante aux dépens, qu’un chef de conclusions visant formellement à la réformation de la décision attaquée, il en ressort que, par ce chef de conclusions, la requérante demande nécessairement, non seulement la réformation de la décision attaquée, mais aussi l’annulation de cette dernière, ce qui se déduit, au demeurant, de la présentation des moyens à l’appui de son recours [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, EU:T:2014:89, points 15 et 16 et jurisprudence citée]. Le recours ainsi défini est donc recevable.

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

13      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 7 juillet 2014, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

14      Par suite, en l’espèce, d’une part, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs mémoires, à l’article 8, paragraphe 4 et à l’article 60, paragraphe 1, sous c) du règlement 2017/1001, comme visant, respectivement, l’article 8, paragraphe 4 et l’article 53, paragraphe 1, sous c), d’une teneur, en substance, identique, du règlement no 207/2009. D’autre part, en ce qui concerne les règles de procédure, la demande de nullité en cause, déposée le 12 avril 2018, et le recours devant la chambre de recours, introduit le 19 mai 2020, sont régis par les dispositions du règlement 2017/1001 et du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

 Sur le fond

15      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens tirés, le premier, du caractère tardif et irrecevable des observations et pièces présentées pour la première fois devant la chambre de recours, le deuxième, d’une motivation insuffisante de la décision attaquée et, le troisième, d’une violation, en substance, de l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

 Sur le premier moyen

16      La requérante invoque une violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625. Elle fait valoir qu’aucun motif ne justifiait la recevabilité des éléments de preuve qui ont été produits par l’intervenante pour la première fois devant la chambre de recours afin de démontrer l’existence d’un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, et qui sont énumérés au point 10 de la décision attaquée (ci-après les « nouveaux éléments de preuve »). Selon elle, ladite chambre a donc excédé les limites de son pouvoir discrétionnaire en la matière.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement n207/2009, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, de ce même règlement et que les quatre conditions énoncées audit paragraphe sont remplies.

19      Selon les deux premières conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le signe (non enregistré en tant que marque) invoqué par le demandeur en nullité doit être utilisé dans la vie des affaires au sein de l’Union européenne et avoir une portée qui n’est pas seulement locale.

20      À cet égard, il découle de la règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission du 13 décembre 1995 portant modalités d'application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) et de la disposition, d’une teneur, en substance, identique, de l’article 7, paragraphe 2, sous d) du règlement délégué 2018/625, que, dans l’hypothèse où une opposition est fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le demandeur doit apporter la preuve, non seulement de l’acquisition et de l’étendue de la protection de ce droit antérieur, mais également de la « permanence » dudit droit. Par analogie, le droit antérieur invoqué à l’appui d’une demande en nullité doit encore exister au moment de l’introduction de cette demande [voir arrêt du 18 juillet 2017, Alfonso Egüed/EUIPO – Jackson Family Farms (BYRON), T‑45/16, EU:T:2017:518, point 83 et jurisprudence citée]. Cela implique, normalement, que le signe en cause doit encore être utilisé au moment de l’introduction de la demande en nullité. En effet, c’est justement l’utilisation de ce signe dans la vie des affaires qui constitue le fondement de l’existence de droits à ce signe [arrêt du 23 octobre 2013, Dimian/OHMI – Bayer Design Fritz Bayer (Baby Bambolina), T‑581/11, non publié, EU:T:2013:553, point 27].

21      En outre, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 prévoit que l’EUIPO « peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile ». Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du même règlement, et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [arrêt du 27 octobre 2021, Jiruš/EUIPO – Nile Clothing (Racing Syndicate), T‑356/20, non publié, EU:T:2021:736, points 22 et 23]. En précisant que l’EUIPO « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, cette disposition l’investit en effet d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43, et du 27 octobre 2021, Racing Syndicate, T‑356/20, non publié, EU:T:2021:736, point 24).

22      Par ailleurs, l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 encadre l’exercice du pouvoir d’appréciation prévu à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les faits invoqués et les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours. En effet, cette disposition prévoit ce qui suit :

« Conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement [2017/1001], la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves répondent aux exigences suivantes :

a) ils semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire ; et

b) ils n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées ou examinées d’office par la première instance dans la décision objet du recours. »

23      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 19 à 22 de la décision attaquée, que les conditions prévues à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 étaient remplies et que les nouveaux éléments de preuve présentés étaient recevables. En effet, après avoir constaté, au point 21 de ladite décision, que ces nouveaux éléments avaient été produits par l’intervenante en réponse à la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les éléments produits devant elle étaient insuffisants, elle a considéré, d’une part, que le cas d’espèce ne concernait pas une situation dans laquelle aucun élément de preuve n’avait été produit concernant l’Allemagne, et, d’autre part, que les éléments de preuve produits au stade du recours devant elle étaient pertinents et complétaient les éléments présentés précédemment devant ladite division.

24      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater, s’agissant de la première condition énoncée au point 22 ci-dessus, qu’elle est satisfaite en l’espèce, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

25      S’agissant de la deuxième condition mentionnée au point 22 ci-dessus, il convient de rappeler qu’une preuve complémentaire est celle qui se caractérise par un lien avec d’autres preuves déjà présentées au préalable dans le délai imparti et qui vient s’ajouter à ces dernières preuves [arrêt du 19 janvier 2022, Masterbuilders, Heiermann, Schmidtmann/EUIPO – Cirillo (POMODORO), T‑76/21, non publié, EU:T:2022:16, point 40].

26      À cet égard, il y a lieu d’observer que l’intervenante avait invoqué et produit devant la division d’annulation un nombre significatif d’éléments de fait et de preuve visant à prouver l’usage du nom commercial en cause en Allemagne pour les services de courtage et des services financiers afin d’établir le grief avancé au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009. En outre, elle avait fourni devant ladite division certains éléments de preuve concernant l’usage du nom commercial en cause en Allemagne au cours des trois années précédant la date de dépôt de la demande en nullité, à savoir le 12 avril 2018, période pour laquelle cette division avait conclu que l’intervenante n’avait pas prouvé la permanence de son droit antérieur en Allemagne. Il s’agit des annexes 1, 3, 4, 7 et 44 qui sont décrites au point 7 de la décision attaquée, comprenant des extraits du site Internet www.xtb.com datés du 9 avril 2018, un extrait du registre polonais datée du 10 avril 2017 faisant référence, notamment, à la succursale allemande de l’intervenante, une licence datée de 2017 octroyée par l’autorité polonaise de surveillance financier à l’intervenante concernant les services en cause, un document émis par l’autorité fédérale allemande de surveillance financière daté du 15 avril 2016 mentionnant la succursale allemande de l’intervenante et un arrêt du tribunal de district de Munich de 2017 impliquant l’intervenante.

27      Ensuite, devant la chambre de recours et en réponse à la décision de la division d’annulation, l’intervenante a également produit les nouveaux éléments de preuve, qui portaient sur l’usage du nom commercial en cause durant, notamment, la période allant d’avril 2015 à avril 2018. Ces nouveaux éléments comprenaient, notamment, des rapports financiers annuels consolidés de l’intervenante pour les années 2017, 2018 et 2019.

28      Dans ces conditions, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les nouveaux éléments de preuve venaient compléter les preuves déjà présentées par l’intervenante devant la division d’annulation concernant la permanence du droit antérieur jusqu’à l’introduction de sa demande en nullité, de sorte que la deuxième condition prévue à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 était remplie.

29      Ce faisant, la chambre de recours pouvait, conformément au pouvoir d’appréciation dont elle dispose en vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, admettre les nouveaux éléments de preuves présentés par l’intervenante.

30      Les arguments de la requérante, à cet égard, ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette appréciation.

31      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a admis la recevabilité des nouveaux éléments de preuve en considérant à tort que ces preuves ont été fournies en réponse à des conclusions tirées ou examinées d’office par la division d’annulation doit être rejeté, dans la mesure où la requérante se fonde sur une compréhension erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il est observé au point 23 ci-dessus, ladite chambre a explicité que ces nouveaux éléments avaient été produits par l’intervenante en réponse à la conclusion de ladite division selon laquelle les éléments produits devant elle étaient insuffisants. Elle n’a pas considéré, dès lors, que les conclusions de cette division concernant le défaut de permanence de l’usage du droit antérieur étaient tirées d’office.

32      Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas complémentaires aux éléments de preuve présentés devant la division d’annulation, puisque ces derniers n’avaient pas trait à l’usage du nom commercial en cause dans les trois années précédant la date de dépôt de la demande en nullité, doit également être rejeté. D’une part, cet argument repose sur une prémisse factuelle erronée. Ainsi qu’il ressort du point 26 ci-dessus, des éléments de preuves concernant toute la période pertinente ont été déposés par l’intervenante devant ladite division afin de démontrer la permanence du droit antérieur invoqué. D’autre part, et en tout de cause, il suffisait, pour admettre les nouveaux éléments de preuve, que certains éléments visant à prouver la permanence de l’usage du nom commercial en cause aient été présentés devant la division d’annulation [voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 2019, Guiral Broto/EUIPO – Gastro & Soul (Café del Sol et CAFE DEL SOL), T‑89/18 et T‑90/18, non publié, EU:T:2019:331, point 43, et du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, points 47 et 60]. Il n’est pas contesté que tel était le cas en espèce.

33      Troisièmement, pour autant que la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’aurait pas dû admettre ces éléments de preuve, puisque l’intervenante aurait pu les fournir devant la division d’annulation, cet argument doit être rejeté. En effet, une éventuelle prise en compte d’éléments de preuve supplémentaires de l’usage d’un nom commercial en cause, produits pour la première fois devant la chambre de recours, ne requiert pas nécessairement que l’intéressé se soit trouvé dans l’impossibilité de produire ces éléments devant la division d’annulation (voir, par analogie, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 117). Au contraire, l’interprétation prônée par la requérante de l’application de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 serait de nature à restreindre le pouvoir d’appréciation octroyé à ladite chambre en vertu de ces dispositions, tel qu’évoqué aux points 21 et 22 ci-dessus, et de nuire aux principes de sécurité juridique et de bonne administration justifiant ce pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 48).

34      Au vu de ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans l’application de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 et, par conséquent, elle a correctement exercé son pouvoir d’appréciation tel que prévu dans l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Il convient, dès lors, de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

35      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a manqué à son obligation de motivation concernant sa décision et a violé l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon elle, ladite chambre n’a pas respecté le seuil nécessaire pour considérer que les exigences préalables établies à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n207/2009 étaient remplies.

36      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

37      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du 14 septembre 2022, Privatbrauerei Eichbaum/EUIPO – Anchor Brewing Company (STEAM), T‑609/21, non publié, EU:T:2022:563, point 24 et jurisprudence citée].

38      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement un par un tous les raisonnements articulés des parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 14 septembre 2022, STEAM, T‑609/21, non publié, EU:T:2022:563, point 25 et jurisprudence citée). En ce sens, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués, ce qui implique qu’elle ne nécessite pas toujours une prise de position explicite sur tous les éléments avancés ou demandés par les intéressés [voir arrêt du 14 septembre 2022, Lotion/EUIPO (BLACK IRISH), T‑498/21, non publié, EU:T:2022:543, point 64 et jurisprudence citée].

39      Ensuite, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 14 septembre 2022, BLACK IRISH, T‑498/21, non publié, EU:T:2022:543, point 63 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, il convient d’observer que, en dépit de l’intitulé du deuxième moyen, l’ensemble des arguments présentés dans le cadre de ce moyen, à l’exception d’un entre eux, porte sur le bien-fondé de l’appréciation effectuée par la chambre de recours en ce qui concerne l’application de l’article 8, paragraphe 4 du règlement no 207/2009, eu égard aux éléments de preuve fournies par l’intervenante. En effet, par cette argumentation, la requérante allègue que ladite chambre a commis une erreur en concluant que l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires en Allemagne, dont la portée n’était pas seulement locale, a été prouvé pour les « services de courtage et services financiers » relevant de la classe 36.

41      Le seul argument de la requérante visant l’absence de motivation, contenu au point 33 de la requête, consiste à faire valoir que la chambre de recours n’a pas expliqué, aux points 77 à 80 de la décision attaquée, pourquoi l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires en Allemagne, dont la portée n’était pas seulement locale, avait été prouvé pour les « services de courtage et services financiers ».

42      S’il est vrai que les points 77 à 80 de la décision attaquée, figurant sous le titre « Usage pour les services financiers et services de courtage », ne contiennent pas d’explications sur l’usage du nom commercial en cause pour les services de courtage et services financiers relevant de la classe 36, il y a lieu de constater toutefois que l’analyse présentée aux points 56 à 76 de ladite décision concerne précisément l’évaluation des éléments de preuves portant sur un tel usage.

43      D’ailleurs, le raisonnement exposé aux points 56 à 76 de la décision attaquée a permis à la requérante de comprendre la décision attaquée et de la contester quant au fond à cet égard. Dès lors, ladite décision satisfait aux exigences rappelées aux points 37 à 39 ci-dessus.

44      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter l’argument de la requérante visant un défaut de motivation comme non fondé.

45      Les autres arguments présentés dans le cadre du deuxième moyen, concernant le bien-fondé de l’appréciation effectuée par la chambre de recours doivent être rejetés comme inopérants en tant qu’ils sont invoqués au soutien dudit moyen. Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble comme non fondé.

 Sur le troisième moyen

46      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, et de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lus en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, sous b), et l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement délégué 2018/625.

47      En premier lieu, la chambre de recours aurait erronément apprécié des éléments de preuve produits par l’intervenante pour étayer l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires dépassant une simple portée locale ainsi que la permanence d’un droit antérieur invoqué. La requérante renvoie, à cet égard, aux arguments qu’elle a développés dans le cadre de ses premier et deuxième moyens, selon lesquels un tel usage n’a pas été démontré, signifiant que ladite chambre ne pouvait pas, à bon droit, considéré que les deux premières conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 étaient remplies.

48      En second lieu, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte du fait que l’intervenante n’avait pas satisfait l’obligation d’identifier clairement le contenu du droit national invoqué en produisant des publications des dispositions pertinentes de la jurisprudence, signifiant que les deux autres conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 ne seraient pas remplies en l’espèce.

49      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

50      Comme indiqué au point 18 ci-dessus, en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, de ce même règlement et que les quatre conditions énoncées audit paragraphe sont remplies.

51      Conformément à l’article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c) du règlement no 207/2009, l’existence d’un signe autre qu’une marque enregistrée permet de s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions, à savoir, premièrement, ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires, deuxièmement, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, troisièmement le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union, ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque de l’Union, et, quatrièmement, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces quatre conditions limitent le nombre des signes autres que des marques qui peuvent être invoqués pour contester la validité d’une marque de l’Union sur l’ensemble du territoire de l’Union [voir arrêt du 21 janvier 2016, BR IP Holder/OHMI – Greyleg Investments (HOKEY POKEY), T‑62/14, non publié, EU:T:2016:23, point 19 et jurisprudence citée].

52      Selon la jurisprudence, les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée du signe invoqué, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et doivent donc être uniquement interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, ledit règlement établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement [arrêt du 14 février 2019, Mouldpro/EUIPO – Wenz Kunststoff (MOULDPRO), T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 62]. En outre, comme indiqué au point 19 ci-dessus, il appartient au demandeur en nullité de présenter les faits pertinents et les éléments de preuve de la réalisation de ces conditions.

53      Comme indiqué au point 20 ci-dessus, dans le cadre de l’appréciation des conditions prévues par l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le demandeur doit apporter la preuve, non seulement de l’acquisition et de l’étendue de la protection de son droit antérieur, mais également de la « permanence » dudit droit (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, BYRON, T‑45/16, EU:T:2017:518, point 83).

54      Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n’ont pas, en eux-mêmes, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société, tandis qu’un nom commercial ou une enseigne ont pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour les produits ou les services », au sens de l’article 4 du règlement no 207/2009. Toutefois, le signe constituant la dénomination sociale pourrait être utilisé de telle façon qu’il s’établisse un lien entre ce signe et les produits commercialisés ou les services fournis. En effet, dans la mesure où cette condition est remplie, le fait qu’un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l’entreprise n’exclut pas qu’il puisse être utilisé en tant que marque et remplisse sa fonction essentielle pour désigner des produits ou des services [voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Savant Systems/EUIPO – Savant Group (SAVANT), T‑110/16, non publié, EU:T:2017:521, points 25 et 26 et jurisprudence citée], ou en tant que signe donnant à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque, au sens de ladite disposition.

55      Par ailleurs, l’usage effectif d’un signe se rapporte au marché sur lequel son titulaire exerce ses activités commerciales. Ainsi, aux fins de l’appréciation de l’usage d’un signe dans la vie des affaires d’un Etat membre, au sens de l’article 8, paragraphe 4 du règlement no 207/2009, le public pertinent auquel le signe a vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement les consommateurs finaux, mais également des spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels [voir, par analogie, arrêt du 13 octobre 2021, Schneider/EUIPO – Frutaria Comercial de Frutas y Hortalizas (Frutaria), T‑12/20, non publié, EU:T:2021:702, point 43].

56      En l’espèce, s’agissant des deux premières conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, la chambre de recours, après avoir examiné et évalué les éléments de preuve fournis par l’intervenante, a conclu que l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires en Allemagne dont la portée n’était pas seulement locale, aux dates pertinentes, était prouvé pour les « services de courtage et services financiers » relevant de la classe 36.

57      En premier lieu, la chambre de recours a examiné, aux points 56 à 73 de la décision attaquée, les dimensions économique et temporelle de l’usage du nom commercial en cause. Elle a notamment pris en compte, à cet égard, les rapports financiers de l’intervenante pour les années 2017 à 2019, des rapports parus dans des publications spécialisées allemandes, qui incluent des articles sur l’activité de la succursale allemande de l’intervenante sur le marché pertinent ainsi que des entretiens avec des dirigeants de cette dernière, un communiqué de presse qui a été distribué au nom de la même succursale par une agence de relations publiques, des prix obtenus en Allemagne par ladite succursale allemande, ainsi qu’un arrêt du tribunal de district de Munich du 25 juillet 2017.

58      En second lieu, la chambre de recours a examiné, aux points 74 à 76 de la décision attaquée, la dimension géographique de l’usage du nom commercial en cause et les preuves qui portaient sur un usage en Allemagne.

59      À cet égard, il convient de constater que la chambre de recours s’est donc référée à de nombreux éléments de preuve précis démontrant l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires pour les « services de courtage et services financiers » relevant de la classe 36. Ces éléments portaient sur la perception et la connaissance du nom commercial en cause par les destinataires des services en cause et par des professionnels du marché financier pertinent et permettaient, donc, de prouver à suffisance de droit un lien entre l’usage du nom commercial en cause et la prestation des services d’un courtier en ligne.

60      Les arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

61      Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel les données relatives au chiffre d’affaires, contenues dans les états financiers de l’intervenante, n’étaient pas en mesure de fournir une preuve effective de l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires en rapport avec les services en cause ne saurait prospérer. En effet, comme il est signalé au point 62 de la décision attaquée, ces rapports financiers, qui présentent la dénomination sociale de l’intervenante, laquelle comprend le nom « X-Trade Brokers », sur leur première page et dans l’entête de chaque page, indiquent que l’activité principale de l’intervenante consistait en la prestation de services de courtage et présentent la valeur du chiffre d’affaires et la répartition géographique de celui-ci. Étant également audités par un cabinet d’audit indépendant, ces rapports constituent donc une indication très fiable de l’utilisation significative du signe pour la commercialisation des services qu’il vise, contrairement aux arguments de la requérante. Ce constat n’est pas susceptible d’être affecté par l’argument de la requérante tiré de l’absence de pertinence du constat formulé par la chambre de recours, au point 61 de ladite décision, selon lequel les rapports financiers témoignaient également de l’opération par l’intervenante d’une succursale en Allemagne.

62      Deuxièmement, la requérante ne saurait, non plus, tirer profit des éléments de preuve mentionnés par la chambre de recours montrant l’usage de l’expression « xtb online trading » et du logo correspondant, ainsi que de l’abréviation « XTB », plutôt que du nom commercial en cause « X-Trade Brokers ». À cet égard, il convient d’observer, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante ne conteste pas qu’il existe de nombreux exemples dans les éléments de preuve produits par l’intervenante, tels que les annexes A 8, A 9, A 20, A 22, A 28, et A 31, démontrant l’usage du nom commercial « X-Trade Brokers » seul, sans être accompagné par la dénomination sociale complète « X-Trade Brokers Dom Maklerski S.A. ».

63      En outre, il existe des éléments de preuve, comme notamment des communications adressées aux clients de l’intervenante et les rapports financiers, où le nom commercial « X-Trade Brokers » se trouve en juxtaposition avec l’abréviation « XTB », ce qui permet aux consommateurs d’établir un lien clair entre les deux. Par ailleurs, il y a lieu de noter qu’il est habituel d’utiliser des acronymes ou des abréviations du signe complet pour les services proposés en ligne, et que de telles preuves peuvent être prises en compte, entre autres éléments, dans le contexte d’une appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, BYRON, T‑45/16, EU:T:2017:518, point 56).

64      Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel les articles dans la presse allemande évoquant la succursale allemande « X-Trade Brokers », mentionnés aux points 65 à 70 de la décision attaquée, ne permettent pas d’établir que le nom commercial en cause a effectivement été utilisée dans la vie des affaires liée à des services de courtage et des services financiers n’est pas convaincant. En effet, les éléments de preuve en cause, qui sont nombreux et comprennent non seulement des rapports parus dans des publications spécialisées allemandes mais également des entretiens avec des dirigeants de l’intervenante, un communiqué de presse, des prix obtenus et un dépliant, mettent en exergue le degré de connaissance, par le public, du nom commercial en cause, spécifiquement en connexion avec la fourniture des services financiers, notamment par la succursale allemande de l’intervenante. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont notamment pertinentes les utilisations faites du signe dans la publicité et la correspondance commerciales [voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2011, K-Mail Order/OHMI – IVKO (MEN’Z), T‑279/10, non publié, EU:T:2011:472, point 27 et jurisprudence citée]. C’est donc à bon droit que la chambre de recours en a tenu compte dans son analyse.

65      Quatrièmement, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a eu tort de faire référence à l’arrêt du tribunal de district de Munich le 25 juillet 2017 est dépourvu de pertinence. Si la requérante relève qu’il est uniquement conclu dans cet arrêt que le signe X-Trade Brokers était protégé en tant que dénomination sociale en vertu du droit allemand et que l’usage du nom commercial « XTRADE » pour désigner certains produits ou services n’était nullement interdit, il convient d’observer que ladite chambre s’est limité à observer, au point 71 de la décision attaquée, que l’usage du signe X-Trade Brokers depuis 2009 était davantage corroboré par cet arrêt. Or, la requérante ne formule aucune critique à l’encontre de ce constat. En outre, dans la mesure où cette chambre n’a pas invoqué le dispositif dudit arrêt dans le cadre de son raisonnement concernant l’usage du nom commercial en cause dans la vie des affaires d’Allemagne, le grief de la requérante selon lequel la même chambre a dénaturé ce dispositif ne saurait prospérer. Partant, l’argument susmentionné doit être écarté.

66      Ensuite, s’agissant des deux dernières conditions prévues par l’article 8, paragraphe 4 du règlement no 207/2009, au point 82 de la décision attaquée, la chambre de recours a décidé de renvoyer l’affaire à la division d’annulation sur le fondement de l’article 71, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Partant, elle ne s’est pas prononcée sur la satisfaction de ces deux conditions dans la décision attaquée.

67      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, conformément à l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, en statuant sur un recours, la chambre de recours peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure. Selon le deuxième paragraphe de cet article, si la chambre de recours renvoie l’affaire à l’instance ayant adopté la décision faisant l’objet du recours, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours pour autant que les faits de la cause sont les mêmes.

68      Ainsi, la chambre de recours n’a pas examiné dans la décision attaquée les troisième et quatrième conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et a décidé de renvoyer cet examen à la division d’annulation, comme elle était en droit de faire. Dès lors, les arguments de la requérante concernant l’analyse de ces deux conditions sont inopérants, conformément aux arguments de l’EUIPO.

69      Eu égard à l’ensemble de considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont conclu à la condamnation de la requérante aux dépens de la présente instance. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

72      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure administrative devant l’EUIPO. À cet égard, il suffit de relever que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 3 du dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens exposés dans ladite procédure [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Guma Holdings Ltd est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.