Language of document : ECLI:EU:T:2020:316

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 juillet 2020 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Exercice de promotion 2018 – Décision de non‑promotion – Recours en annulation – Méconnaissance des exigences de forme – Articles 76 et 78, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal – Recevabilité – Droits de la défense – Obligation de motivation – Comparaison des mérites »

Dans l’affaire T‑138/19,

WH, demeurant à Alicante (Espagne), représentée par Me E. Fontes Vila, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė et M. K. Tóth, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du 18 juillet 2018 par laquelle l’EUIPO a établi la liste définitive des fonctionnaires promus dans le cadre de l’exercice de promotion 2018, en tant que cette décision n’y a pas inclus le nom de la requérante, et, d’autre part, de la décision du 18 décembre 2018 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination compétente a rejeté la réclamation introduite par la requérante contre ladite décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, WH, est une fonctionnaire [confidentiel] de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Au moment de l’introduction du recours, elle faisait partie du groupe de fonctions « Assistant » et disposait du grade AST 7, avec une ancienneté de grade acquise à partir du 1er avril 2012.

2        Le 23 avril 2018, une procédure de promotion des fonctionnaires de l’EUIPO a été lancée au titre de l’exercice 2018. Le directeur exécutif de l’EUIPO de l’époque a établi une liste de fonctionnaires proposés pour une promotion sur le fondement de l’avis du comité consultatif de gestion. Le nom de la requérante ne figurait pas sur cette liste.

3        Le 15 juin 2018, la liste mentionnée au point 2 ci-dessus a été communiquée aux fonctionnaires de l’EUIPO et il leur a été indiqué qu’ils avaient la possibilité d’interjeter appel devant le comité paritaire de promotion et de reclassement (ci-après le « comité paritaire ») dans les dix jours ouvrables à partir de la communication de ladite liste, à savoir jusqu’au 2 juillet 2018.

4        Le 28 juin 2018, la requérante a contesté la liste des fonctionnaires proposés pour une promotion mentionnée au point 2 ci-dessus auprès du comité paritaire et a demandé à ce que son nom soit inclus dans cette liste.

5        Le 12 juillet 2018, après avoir examiné le cas de la requérante, une recommandation à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») a été adoptée par le comité paritaire. Dans cette recommandation ledit comité a préconisé d’accorder une promotion à la requérante. Cette recommandation n’a pas été adoptée à l’unanimité. La présidente du comité paritaire, directrice du département des ressources humaines de l’EUIPO, a signé ladite recommandation après avoir exprimé un avis contraire. La motivation dudit avis a été annexée à la recommandation en question.

6        Le 18 juillet 2018, le directeur exécutif de l’EUIPO a, en sa qualité d’AIPN, établi la liste définitive des fonctionnaires promus dans le cadre de l’exercice de promotion 2018, sur laquelle ne figurait pas le nom de la requérante (ci-après la « décision de non‑promotion »).

7        Le 10 septembre 2018, la requérante a formé, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation contre la décision de non‑promotion.

8        Le 18 décembre 2018, le vice-président délégué du conseil d’administration de l’EUIPO a, en qualité d’AIPN, rejeté la réclamation de la requérante.

 Procédure

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2019, la requérante a introduit le présent recours. La requête a été régularisée le 23 mars 2019.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2019, l’EUIPO a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      Le 15 juillet 2019, la requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

12      Par ordonnance du 12 septembre 2019, le Tribunal a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

13      Le 17 octobre 2019, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la quatrième chambre.

14      Le 24 octobre 2019, l’EUIPO a déposé le mémoire en défense.

15      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 26 novembre 2019.

16      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

17      Le 9 janvier 2020, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, invité la requérante à déposer au greffe du Tribunal la décision de non‑promotion.

18      La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti.

 Conclusions des parties

19      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « déclarer l’absence de motifs de rejet de la réclamation » ;

–        « lui accorder rétroactivement la promotion qu’elle mérite ».

20      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « déclarer l’absence de motifs de rejet du recours » ;

–        « rendre un arrêt faisant entièrement droit à son recours ».

 En droit

 Sur les fins de non-recevoir soulevées par l’EUIPO 

22      Dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité, soulevée sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’EUIPO fait valoir que les deux chefs de conclusions formulés dans la requête sont irrecevables, le premier au motif qu’il vise à demander au Tribunal de statuer par arrêt déclaratoire et le second au motif qu’il revient à demander au Tribunal de prononcer une injonction à son égard. Par ailleurs, il soutient que la formulation de l’argumentation figurant dans la requête est confuse et incompréhensible.

23      Dans le cadre du mémoire en défense, l’EUIPO soutient que, en dépit de la modification des conclusions du recours, apportée dans les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité du 17 juillet 2019, et du caractère irrecevable d’une telle modification au cours de la procédure, lesdites conclusions reviennent à demander au Tribunal de prononcer un arrêt déclaratoire et rendent ainsi le recours irrecevable.

24      En outre, l’EUIPO observe que le manque de clarté quant à la portée du recours ressort encore plus nettement de la circonstance que la requête n’est pas assortie de l’acte faisant grief à la requérante, à savoir la décision de non‑promotion. Il souligne que la requérante renvoie uniquement à la liste des fonctionnaires proposés pour une promotion (voir point 2 ci-dessus). De plus, selon l’EUIPO, la jurisprudence selon laquelle un recours dirigé contre une décision de rejet de la réclamation a pour effet de saisir le juge de l’Union européenne de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation avait été présentée ne saurait être appliquée en l’espèce. À ce titre, il souligne que, même après sa régularisation, la requête n’est pas assortie de l’acte faisant grief à la requérante, et ce en violation de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 21, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

25      Enfin, l’EUIPO maintient que l’unique moyen invoqué par la requérante au soutien de son recours est vague.

26      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante rétorque que son recours est clair tant en ce qui concerne l’exposé des moyens et des arguments soulevés qu’en ce qui concerne le petitum. La requérante indique qu’elle soulève des vices de procédure, tels que le défaut de motivation de la décision de non‑promotion et la violation de l’article 90 du statut résultant du fait que la décision de rejet de la réclamation a été prise par la personne ayant adopté tant la liste des fonctionnaires proposés pour une promotion que la recommandation du comité paritaire. Enfin, elle précise qu’elle ne demande pas au Tribunal de prononcer des injonctions à l’encontre de l’EUIPO, mais de constater l’illégalité de la décision de non-promotion et, sur cette base, de condamner l’EUIPO à en éliminer les effets.

 Sur l’intelligibilité de la requête

27      L’EUIPO fait valoir, en substance, que la requête ne répond pas aux exigences minimales prévues à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu conjointement avec l’article 53 dudit statut, et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, au motif que les moyens et arguments de la requête ne sont pas formulés d’une façon cohérente et compréhensible.

28      À titre liminaire, il importe de rappeler que, conformément aux dispositions mentionnées au point 27 ci-dessus, toute requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens et les conclusions de la partie requérante. Ces éléments doivent être exposés de façon suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 14 juillet 2016, Alcimos Consulting/BCE, T‑368/15, non publiée, EU:T:2016:438, point 42 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, comme cela ressort du point 48 ci‑après, s’il est vrai que le contenu de la requête ne présente pas une rigueur et une clarté optimales, ses lacunes ne font pas obstacle à ce que les conclusions et les moyens qui y sont présentés soient malgré tout identifiables, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus.

30      En outre, force est de constater qu’il ressort du mémoire en défense que l’EUIPO a pu se défendre au fond.

31      Il convient donc de rejeter l’exception d’irrecevabilité du recours en ce qu’elle est fondée sur l’absence de clarté des moyens et des arguments soulevés dans la requête.

 Sur le premier chef de conclusions

32      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de « déclarer l’absence de motifs de rejet de la réclamation ». Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal « de rendre un arrêt faisant entièrement droit à [son] recours ».

33      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE, T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734, point 17 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, EU:T:2004:90, point 19 et jurisprudence citée).

34      En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable, de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être regardées comme dirigées contre l’acte initial (voir arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE, T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734, point 18 et jurisprudence citée).

35      Une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE, T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734, point 19 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, la décision du 10 septembre 2018 rejetant la réclamation de la requérante confirme la décision de non‑promotion. Par ailleurs, la décision du 10 septembre 2018 répond aux griefs soulevés par la requérante dans le cadre de la réclamation et, à cette occasion, révèle la motivation de la décision de non‑promotion en exposant les raisons pour lesquelles la requérante n’a pas été promue. Dans ces circonstances, il convient de considérer que le seul acte faisant grief à la requérante est la décision de non‑promotion et que la légalité de cette décision doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision du 10 septembre 2018 (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE, T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734, point 20 et jurisprudence citée).

37      Dès lors, il convient de considérer que, par son premier chef de conclusions, la requérante cherche à obtenir du Tribunal qu’il contrôle la légalité de la décision de non‑promotion lui faisant grief, au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, et donc, implicitement mais nécessairement, à obtenir l’annulation de cette décision. Les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité confirment d’ailleurs cette interprétation.

38      S’agissant des arguments de l’EUIPO visant à faire valoir que la requérante n’a pas déposé, devant le Tribunal, l’acte lui faisant grief, il importe de rappeler que, selon l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête est accompagnée, s’il y a lieu, des pièces indiquées à l’article 21, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, au nombre desquelles figure l’acte dont l’annulation est demandée. Le paragraphe 6 de l’article 78 du règlement de procédure dispose que, « [s]i la requête n’est pas conforme aux conditions énumérées aux paragraphes 1 à 5, le greffier fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de la production des pièces mentionnées ci-dessus [et que, à] défaut de cette régularisation dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de ces conditions entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ».

39      En l’espèce, il est constant que la requérante n’a pas annexé la décision de non‑promotion à la requête.

40      Cependant, il importe de relever que, contrairement aux prévisions de l’article 78, paragraphe 6, du règlement de procédure, le greffier du Tribunal n’a pas invité la requérante à régulariser son recours en lui fixant un délai pour produire la décision de non‑promotion, les conclusions de la requête ne visant expressément que le rejet de la réclamation.

41      Ainsi, la requérante ne saurait être privée de la possibilité, prévue à l’article 78, paragraphe 6, du règlement de procédure, de régulariser la requête au regard des dispositions du paragraphe 1 du même article.

42      En effet, il importe de relever que, en l’absence d’une invitation à régulariser la requête, adressée par le greffier à la partie requérante, les dispositions de l’article 78, paragraphe 6, du règlement de procédure font obstacle à ce que le Tribunal déclare le recours irrecevable pour non-respect des conditions visées au paragraphe 1 du même article (voir, par analogie, arrêts du 11 décembre 2008, Evraets/Commission, F‑92/07, EU:F:2008:172, point 21, et du 11 décembre 2008, Acosta Iborra e.a./Commission, F‑93/07, EU:F:2008:173, point 19 et jurisprudence citée).

43      Au demeurant, premièrement, il convient de souligner que, dans sa décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a indiqué que l’acte attaqué par la requérante était, en substance, la décision de non-promotion. Deuxièmement, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, la requérante a déposé ladite décision au greffe du Tribunal. Or, cette décision consiste uniquement en une liste de fonctionnaires promus dans laquelle le nom de la requérante ne figure pas. Ainsi, l’absence de dépôt de cet acte concomitamment au dépôt de la requête ne saurait faire obstacle à ce que le Tribunal contrôle la légalité de la décision de non-promotion.

44      Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO à l’égard du premier chef de conclusions.

 Sur le second chef de conclusions

45      Par son second chef de conclusions, la requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal de lui accorder rétroactivement la promotion qu’elle mérite. Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante précise qu’elle ne demande pas au Tribunal de prononcer une injonction à l’égard de l’EUIPO. Elle explique qu’elle demande simplement de constater l’illégalité de la décision de non-promotion et, sur cette base, de condamner l’EUIPO à en éliminer les effets.

46      Le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie d’omettre l’analyse de l’une des fins de non-recevoir soulevées par l’EUIPO et de fournir une réponse sur le fond (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52 ; du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, EU:C:2004:173, point 26, et du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 155).

47      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, étant donné que le second chef de conclusions de la requérante apparaît, en tout état de cause, étroitement lié au bien‑fondé de ses conclusions en annulation de la décision de non‑promotion, il convient d’examiner d’abord si les arguments invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions en annulation sont fondés, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir invoquée par l’EUIPO à l’égard du second chef de conclusions.

 Sur le fond

48      La requérante indique formellement soulever un moyen unique, tiré de la violation de ses droits de la défense. Cependant, premièrement, elle soutient que la décision de non‑promotion est entachée d’un défaut de motivation. Deuxièmement, elle conteste, en substance, le bien-fondé de cette décision, en alléguant l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Troisièmement, la requérante avance des arguments visant à faire valoir que la décision de non‑promotion ainsi que la décision de rejet de sa réclamation n’ont pas été adoptées à l’issue d’une procédure régulière, c’est-à-dire de manière indépendante et impartiale, engendrant ainsi une violation de ses droits de la défense.

49      L’EUIPO conteste les moyens et arguments de la requérante. Il fait notamment valoir que la requérante avance un prétendu défaut de motivation de la décision litigieuse sans développer une véritable argumentation à cet égard. Par ailleurs, il explique que la décision de non‑promotion est fondée.

50      Il convient d’abord d’examiner les arguments de la requérante visant à soulever des vices relatifs à la procédure administrative ayant conduit tant à l’adoption de la décision de non‑promotion qu’à l’adoption de la décision de rejet de la réclamation.

 Sur la régularité de la procédure d’adoption de la décision de nonpromotion et de la décision de rejet de la réclamation

51      La requérante fait valoir, en substance, que le fait que la décision de non‑promotion a été adoptée en suivant l’avis négatif de la présidente du comité paritaire et non la recommandation favorable à sa promotion adoptée à la majorité par ledit comité viole ses droits de la défense. Elle considère que cette violation est aggravée par le fait que le rejet de sa réclamation préalable formée contre la décision de non‑promotion a été préparé par un agent placé sous l’autorité de la personne qui présidait le comité paritaire, à savoir la directrice du département des ressources humaines, laquelle, dans le cadre dudit comité, avait exprimé un avis défavorable à sa promotion. Selon la requérante, la violation de ses droits de la défense découle du fait que la première instance et la deuxième instance de l’EUIPO, appelées à statuer sur sa situation, non seulement ne sont pas indépendantes l’une de l’autre, mais se confondent.  Enfin, en substance, selon la requérante, la circonstance que la décision de rejet de sa réclamation a été signée par une personne qui occupait le poste de vice-président du conseil d’administration uniquement depuis un mois n’a pas permis de compenser les irrégularités qui ont pesé sur la procédure d’adoption de la décision de rejet de sa réclamation.

52      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

53      À titre liminaire, il convient de préciser que, ainsi que cela a été indiqué par l’EUIPO dans le mémoire en défense, s’agissant des décisions portant sur la promotion du personnel, l’AIPN compétente est le directeur exécutif de l’EUIPO, en vertu de la décision MB-17-01 du conseil d’administration de l’EUIPO, du 21 mars 2017, délégant au directeur exécutif de l’EUIPO les compétences conférées par le statut à l’AIPN. En outre, selon l’article 2, paragraphe 7, de cette décision, s’agissant des réclamations formées contre des décisions de non‑promotion adoptées par le directeur exécutif de l’EUIPO, l’AIPN compétente est le conseil d’administration par l’entremise de son président. Les règles de procédure applicables aux réclamations à l’encontre des décisions du directeur exécutif sont prévues par l’article 4 de la décision MB-17-05 du conseil d’administration de l’EUIPO, du 6 juin 2017, relative à la procédure concernant l’exercice, par le conseil d’administration, des compétences de l’autorité investie du pouvoir de nomination et de l’autorité autorisée à conclure des contrats de travail. Cette décision figure à l’annexe II du règlement MB‑1‑16 du conseil d’administration de l’EUIPO, du 31 mai 2016, établissant le règlement intérieur du conseil d’administration de l’EUIPO. Les décisions du conseil d’administration de l’EUIPO MB-17-01 et MB-17-05 ont été adoptées sur le fondement des dispositions figurant à l’article 124, paragraphe 1, sous h), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21), et à l’article 128, paragraphe 2 et paragraphe 4, sous n), du même règlement.

54      Il importe également de rappeler qu’il ressort expressément des termes de l’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que, dans le cadre d’une procédure de promotion, l’AIPN est tenue d’effectuer son choix sur la base d’un examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, en tenant notamment compte des rapports dont ils ont fait l’objet. À cette fin, elle dispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, EU:T:2000:225, point 59 et jurisprudence citée).

55      En outre, chaque fonctionnaire susceptible d’être promu doit s’attendre à ce que ses mérites soient comparés à ceux des autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade concerné (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, EU:T:2000:225, point 61 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, en premier lieu, force est de constater que, en vertu des dispositions mentionnées au point 53 ci-dessus, le directeur exécutif de l’EUIPO, exerçant les fonctions de l’AIPN, était l’autorité compétente pour adopter la décision de non‑promotion. En outre, ainsi qu’il ressort du point 54 ci-dessus, lors de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, l’AIPN était libre de choisir la procédure ou la méthode qu’elle estimait la plus appropriée. De surcroît, l’examen effectué par le comité paritaire sur la base de l’appel interjeté devant lui par la requérante, même à le supposer mené en comparant les mérites de la requérante à ceux des autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade concerné, n’avait pas pour effet de se substituer à l’examen comparatif qui devait être effectué par l’AIPN.

57      Il s’ensuit que le directeur exécutif de l’EUIPO, en qualité d’AIPN compétente pour établir la liste des fonctionnaires promus sur la base d’un examen comparatif des mérites de ces derniers, n’était pas lié par la recommandation du comité paritaire. Ainsi, le simple fait que la décision de non‑promotion s’avère correspondre à un avis défavorable à la promotion de la requérante, exprimé par la présidente du comité paritaire (à savoir la directrice du département des ressources humaines) lors de l’adoption par ce dernier de la recommandation favorable à la promotion de la requérante, ne saurait constituer une raison suffisante pour douter de l’indépendance et de l’impartialité du directeur exécutif et de son aptitude à exercer sa marge d’appréciation et à remplir sa fonction d’AIPN conformément à la jurisprudence rappelée aux points 54 et 55 ci-dessus.

58      En d’autres termes, le simple fait que la directrice du département des ressources humaines ait pu exprimer un avis négatif quant à la promotion de la requérante ne saurait permettre à cette dernière de soutenir que le directeur exécutif se serait cru lié par cet avis ou qu’il ne se serait pas livré à un examen comparatif des mérites des candidats à la promotion et que, de ce fait, ses droits de la défense ont été violés.

59      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante visant à faire valoir que ses droits de la défense ont été davantage violés au motif que la décision de rejet de la réclamation a, en substance, été adoptée par la personne ayant exprimé, au sein du comité paritaire, un avis contraire à sa promotion, il convient de procéder aux observations suivantes.

60      Ainsi que cela ressort de la décision de rejet de la réclamation, la réglementation interne de l’EUIPO est contenue dans la décision MB-17-05 mentionnée au point 53 ci‑dessus. Cette réglementation prévoit, à son article 4, paragraphe 3, que le projet de réponse à une réclamation, introduite au sens de l’article 90 du statut, est préparé par le département des ressources humaines compétent en collaboration avec le service juridique. Ledit projet est ensuite transmis au président du conseil d’administration quatre semaines avant la date fixée par le statut pour répondre à la réclamation, afin notamment de lui permettre de donner instruction à l’EUIPO de procéder à des modifications du projet de décision. Enfin, la décision finale est adoptée par le président du conseil d’administration de l’EUIPO.

61      En outre, il importe de préciser que, selon l’article 126, paragraphe 1, du règlement 2015/2424, le conseil d’administration élit un président et un vice-président parmi ses membres. Le vice-président remplace de droit le président en cas d’empêchement.

62      En l’espèce, la requérante fait valoir que la décision de rejet de la réclamation a été rédigée par un agent qui travaillait dans le département des ressources humaines placé sous l’autorité de la directrice de ce département qui, en sa qualité de présidente du comité paritaire, avait exprimé un avis contraire à sa promotion.

63      Or, selon la jurisprudence, il découle tant de la nature de la procédure de réclamation que de la combinaison des dispositions des paragraphes 1 et 2 de l’article 90 du statut que cette procédure ne constitue pas une procédure d’appel, mais a pour objectif d’obliger l’autorité dont dépend le fonctionnaire à reconsidérer sa décision à la lumière des objections éventuelles de celui-ci (arrêt du 21 octobre 1980, Vecchioli/Commission, 101/79, EU:C:1980:243, point 31). Il en résulte que le membre d’une institution qui, en qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, a adopté une décision faisant grief à un fonctionnaire n’est pas tenu de s’abstenir de participer au processus décisionnel relatif à la réclamation présentée par ledit fonctionnaire contre la décision en cause.

64      Il s’ensuit, a fortiori, qu’un agent travaillant dans le département des ressources humaines sous l’autorité de celui qui, en sa qualité de président du comité paritaire, a exprimé un avis défavorable à la promotion de la requérante peut, sans pour autant adopter la décision finale, préparer un projet de réponse à la réclamation de la requérante.

65      Au demeurant, selon la réglementation interne de l’EUIPO, un projet de réponse à une réclamation est préparé en collaboration avec le service juridique et est, en outre, susceptible d’être modifié par le président du conseil d’administration de l’EUIPO, en sa qualité d’AIPN.

66      Ainsi, le seul fait que, conformément aux dispositions internes (voir point 60 ci-dessus), le projet de réponse à la réclamation a été rédigé par un agent travaillant dans le département des ressources humaines dont la directrice avait exprimé, au sein du comité paritaire, un avis défavorable à la promotion de la requérante ne saurait démontrer que l’AIPN ayant statué sur la réclamation, à savoir, en l’espèce, le vice-président du conseil d’administration, n’était pas indépendante et se confondait avec ladite directrice.

67      La décision de rejet de la réclamation et l’avis négatif figurant dans la recommandation du comité paritaire ayant été adoptés par des personnes différentes sur le fondement, au surplus, de motifs différents, ainsi que cela ressort des pièces versées au dossier et qu’il sera précisé en réponse au moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, la requérante ne saurait se borner à soutenir, en n’étayant ses allégations d’aucun élément, que ses droits de la défense ont été violés en raison d’une prétendue absence d’indépendance de l’AIPN ayant adopté la décision de rejet de la réclamation.

68      En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, que l’autorité ayant adopté la décision de rejet de sa réclamation, à savoir le vice-président du conseil d’administration, avait commencé d’occuper cette fonction peu de temps avant de statuer sur sa réclamation et que, dans ces circonstances, cette autorité n’a pas pu remédier aux irrégularités qui ont entaché la procédure d’adoption de ladite décision.

69      Cependant, dès lors qu’aucune irrégularité n’a été constatée s’agissant de la procédure d’adoption de la décision de rejet de la réclamation, le fait que cette décision a été adoptée par le vice-président du conseil d’administration en poste depuis peu de temps ne saurait, à lui seul, suffire pour établir une quelconque irrégularité de ladite procédure. En effet, la requérante ne mentionne aucune disposition ni aucun principe qui devrait faire obstacle à ce que le vice-président du conseil d’administration, régulièrement en fonction, adopte une décision de rejet d’une réclamation.

70      Au regard de ce qui précède, les arguments visant à invoquer l’existence d’irrégularités dans la procédure d’adoption de la décision de non‑promotion et de la décision de rejet de la réclamation doivent être rejetés.

 Sur la motivation de la décision de non-promotion

71      La requérante critique le caractère insuffisant de la motivation de la décision de non‑promotion en faisant valoir que, sur le site Intranet des ressources humaines de l’EUIPO, il est uniquement indiqué, sans autres explications : « vous n’êtes pas proposée pour la promotion ».

72      À titre liminaire, pour répondre à l’argument de l’EUIPO selon lequel la requérante n’aurait pas développé une véritable argumentation pour faire valoir que la décision de non‑promotion était entachée d’un défaut de motivation, il importe de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constituent des moyens d’ordre public qui peuvent, et même doivent, être soulevés d’office par le juge de l’Union (arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 24, et du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 42). Ainsi, l’absence d’argumentation avancée par la requérante à cet égard ne saurait faire obstacle à ce que le Tribunal contrôle si la décision de non‑promotion est ou non entachée d’un défaut de motivation.

73      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 77 et jurisprudence citée).

74      Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué (voir arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 78 et jurisprudence citée).

75      Si l’AIPN n’est tenue de motiver une décision de promotion ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des candidats non promus, elle a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 79 et jurisprudence citée).

76      En outre, l’AIPN n’est pas tenue de révéler au fonctionnaire non promu l’appréciation comparative qu’elle a portée sur lui et sur les autres fonctionnaires éligibles à une promotion ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que les fonctionnaires promus devaient l’être. Il suffit que l’AIPN indique au fonctionnaire concerné, dans la décision de rejet de la réclamation, le motif individuel et pertinent justifiant la décision de ne pas le promouvoir (voir, en ce sens, ordonnance du 16 septembre 2013, Bouillez/Conseil, T‑31/13 P, EU:T:2013:521, point 26 et jurisprudence citée).

77      En d’autres termes, dans le cadre d’une procédure affectant un grand nombre de fonctionnaires, il ne saurait être exigé de l’AIPN qu’elle motive sa décision de non‑promotion à l’occasion de la décision de rejet de la réclamation au-delà des griefs invoqués dans ladite réclamation, en expliquant notamment pour quelles raisons chacun des fonctionnaires promus avait des mérites supérieurs à ceux de l’auteur de la réclamation. En matière de promotion, la décision de rejet de la réclamation, dont la motivation est censée coïncider avec la motivation de la décision de non-promotion, doit se rapporter à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2015, Maggiulli/Commission, F‑61/14, EU:F:2015:20, point 16 et jurisprudence citée).

78      Enfin, il résulte d’une jurisprudence bien établie qu’un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de le comprendre (voir arrêt du 16 octobre 2018, OY/Commission, T‑605/16, non publié, EU:T:2018:687, point 65 et jurisprudence citée).

79      En l’espèce, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a expliqué que le statut ne conférait aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissaient toutes les conditions pour être promus et notamment la condition d’avoir atteint le seuil de promotion. Elle a également précisé que la décision de promouvoir un fonctionnaire dépendait de l’analyse comparative des mérites des fonctionnaires promouvables appartenant au même groupe et au même grade.

80      Plus précisément, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a indiqué que, à la suite de la comparaison de la situation de la requérante avec celle des fonctionnaires du même groupe et du même grade, les performances de cette dernière avaient été jugées inférieures à celles de ses collègues. L’AIPN a en outre précisé qu’un des rapports d’évaluation pris en compte depuis sa dernière promotion contenait une appréciation négative et qu’un autre comportait une évaluation globale acceptable malgré quelques lacunes. L’AIPN a précisé qu’elle avait également dû prendre en compte la circonstance que les performances de la requérante, en termes de productivité, avaient été irrégulières. À ce titre, l’AIPN a souligné que le dernier rapport d’évaluation de la requérante, établi au titre de l’année 2017, montrait que, malgré le fait que, par rapport aux années précédentes, le travail de la requérante était exclusivement consacré à la rédaction de notifications d’objections et de décisions de refus, sa contribution en termes de productivité était inférieure aux valeurs de référence pour ces deux types de missions. Enfin, l’AIPN a relevé qu’aucun des fonctionnaires du groupe de fonctions « Assistant » et de grade AST 7 ayant été promus n’avait obtenu une appréciation du type « acceptable malgré quelques lacunes » lors du dernier exercice d’évaluation. Ainsi, conformément au statut et aux instructions de travail de l’EUIPO, l’AIPN a, en tenant compte de la recommandation du comité paritaire et du vote discordant de la présidente dudit comité, adopté la décision de non‑promotion en raison notamment de la comparaison finale des mérites des fonctionnaires du même groupe et du même grade que la requérante.

81      Il convient également de rappeler qu’une jurisprudence constante admet que, pour autant qu’une motivation ait été fournie par l’AIPN au stade précontentieux, comme en l’espèce, des précisions complémentaires puissent être apportées en cours d’instance lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 80 et jurisprudence citée). Or, l’EUIPO a fourni des précisions dans le mémoire en défense. Ces précisions permettent ainsi de constater que la dernière promotion de la requérante est intervenue en 2012, que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a pris en compte tous les rapports d’évaluation de la requérante depuis cette date, qu’elle a fait référence à l’appréciation négative figurant dans le rapport d’évaluation établi au titre de l’année 2014, qu’elle s’est fondée sur plusieurs rapports d’évaluation pour soutenir que la productivité de la requérante n’avait pas été constante au cours des différentes années prises en considération et, enfin, qu’elle a fait référence au dernier rapport d’évaluation, établi au titre de l’année 2017, pour affirmer que sa productivité était inférieure au niveau requis par le grade et le poste qu’elle occupait.

82      Il ressort de ce qui précède que la décision de non‑promotion, lue avec la décision de rejet de la réclamation, a été adoptée dans un contexte connu par la requérante, fait référence aux critères prévus à l’article 45 du statut et indique clairement à la requérante les motifs individuels et pertinents justifiant sa non-inscription sur la liste des fonctionnaires promus au grade AST 8 au titre de l’exercice de promotion 2018. La motivation de la décision de non‑promotion, telle que révélée par la décision de rejet de la réclamation, et d’ailleurs précisée sur certains aspects par l’EUIPO dans le mémoire en défense, est ainsi suffisante, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 72 à 78 ci-dessus, pour permettre à la requérante de comprendre les raisons à l’origine de ladite décision et d’exercer ses droits de la défense.

83      L’argument tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit donc être rejeté.

 Sur l’erreur manifeste d’appréciation alléguée

84      Premièrement, la requérante soutient, en substance, qu’elle méritait d’être promue au motif qu’elle avait dépassé le seuil de points nécessaires prévu par le document intitulé « Working Instruction : Promotion and Reclassification at EUIPO » et que, si cet élément n’était pas pris en compte, le système de points serait dépourvu d’utilité. Deuxièmement, la requérante avance qu’elle avait reçu un rapport d’évaluation satisfaisant sans aucun commentaire négatif au titre de l’année 2017. Troisièmement, la requérante souligne qu’elle pouvait compter sur la recommandation du comité paritaire qui était favorable à sa promotion et qui avait été adoptée nonobstant le vote contraire de la présidente de ce comité, à savoir la directrice du département des ressources humaines.

85      L’EUIPO fait valoir que les allégations de la requérante ne permettent pas de considérer que la décision de non-promotion est entachée d’une quelconque erreur manifeste d’appréciation.

86      Il y a lieu tout d’abord de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour être promus (voir arrêt du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, EU:T:2005:127, point 57 et jurisprudence citée). Si, au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN est appelée à procéder à un examen comparatif des mérites des candidats dans le cadre de chaque exercice de promotion, le fait qu’un candidat ait de bons mérites mais n’ait pas été promu lors d’un exercice antérieur ne lui garantit pas qu’il sera promu lors de l’exercice suivant et n’implique aucune présomption concernant l’appréciation de ses mérites lors d’un exercice ultérieur. En effet, une décision de promotion dépend non des seules qualifications et capacités du candidat mais de leur appréciation en comparaison de celles des autres candidats ayant vocation à être promus, et ce lors de chaque nouvel exercice de promotion (arrêt du 31 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T‑284/02, EU:T:2005:188, point 20).

87      Il importe également de rappeler que, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (voir arrêt du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, EU:T:2005:127, point 58 et jurisprudence citée).

88      Il n’appartient pas au juge de l’Union de contrôler le bien-fondé de l’appréciation portée par l’administration sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire, laquelle comporte des jugements de valeur complexes, qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une vérification objective. Il n’appartient pas davantage au Tribunal de procéder à un réexamen détaillé de tous les dossiers des candidats promouvables afin de s’assurer qu’il partage la conclusion à laquelle est parvenue l’AIPN, car, s’il entreprenait un tel exercice, il sortirait du cadre du contrôle de légalité qui est le sien, substituant ainsi sa propre appréciation des mérites des candidats promouvables à celle de l’AIPN (voir arrêt du 24 mars 2015, Maggiulli/Commission, F‑61/14, EU:F:2015:20, point 29 et jurisprudence citée).

89      Dans le contexte du contrôle exercé par le juge de l’Union sur les choix opérés par l’administration en matière de promotion, une erreur est manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner les décisions en matière de promotion. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant vraie ou valable (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2015, Maggiulli/Commission, F‑61/14, EU:F:2015:20, point 31 et jurisprudence citée).

90      C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si la décision de non‑promotion est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

91      En l’espèce, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que, même si la requérante était éligible à la promotion compte tenu du seuil de points qu’elle avait atteint, l’examen comparatif des mérites montrait que d’autres candidats à la promotion étaient plus méritants. En effet, l’AIPN a correctement expliqué à la requérante que, une fois la condition d’ancienneté dans le grade remplie et le seuil de points nécessaire pour la promotion atteint, l’administration doit procéder à un examen comparatif des mérites. Or, la requérante n’a nullement démontré que l’AIPN avait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de la promouvoir et en préférant promouvoir d’autres personnes. En effet, ses écritures ne contiennent aucun élément concret susceptible de remettre en question le bien-fondé de la comparaison des mérites effectuée par l’AIPN.

92      De plus, il ressort tant de la décision de rejet de la réclamation que des explications fournies par l’EUIPO dans le mémoire en défense que, lors de la comparaison des mérites des fonctionnaires réunissant les conditions nécessaires à la promotion, l’AIPN a pris en compte non seulement le dernier rapport d’évaluation, mais également, parmi les autres éléments prévus à l’article 45 du statut, l’ensemble des rapports d’évaluation de la requérante depuis sa dernière promotion.  

93      À cet égard, les rapports d’évaluation de la requérante, produits par l’EUIPO dans le mémoire en défense, montrent que les performances de cette dernière présentaient certaines défaillances et qu’une amélioration de sa productivité était souhaitée en 2012, en 2013 et en 2014. Au cours de l’exercice 2015, à la suite d’un plan de redressement mis en œuvre par l’EUIPO, l’efficacité, les compétences et la conduite de la requérante ont correspondu au niveau requis pour le poste occupé. Toutefois, en 2016, le rapport d’évaluation indiquait qu’elle devait s’efforcer d’améliorer la manière dont elle communiquait ses désaccords avec les initiatives de l’EUIPO et de la direction, en respectant les différentes fonctions et opinions et en démontrant sa volonté de parvenir à un consensus, afin de pouvoir optimiser les efforts déployés et les résultats attendus. Enfin, le rapport d’évaluation établi au titre de l’année 2017 expliquait que l’évaluation globale de la requérante était acceptable malgré quelques lacunes (voir point 81 ci‑dessus).

94      Il s’ensuit que, premièrement, contrairement à ce qu’affirme la requérante (voir point 84 ci-dessus), le système des points, qui lui a permis d’atteindre le seuil requis pour une promotion, n’est pas dépourvu d’utilité au seul motif qu’elle n’a pas été promue. Ce système a notamment permis à l’AIPN de procéder à la comparaison des mérites de la requérante par rapport à ceux des fonctionnaires appartenant au même groupe et au même grade et ayant atteint ledit seuil.

95      Deuxièmement, la requérante ne saurait contester le bien-fondé de la décision de non‑promotion au motif qu’elle estime avoir reçu un rapport d’évaluation annuel satisfaisant sans aucun commentaire négatif (voir point 84 ci-dessus). En effet, d’une part, force est de constater que l’AIPN ne s’est pas fondée uniquement sur le rapport d’évaluation relatif à l’année 2017, mais qu’elle a pris en compte l’évolution des performances de la requérante pendant plusieurs années en constatant que celles-ci, du point de vue de la productivité, avaient été irrégulières. D’autre part, dans la mesure où le rapport d’évaluation au titre de l’année 2017 indique que la productivité de la requérante, compte tenu de son grade, était inférieure au niveau requis par son poste et que ses compétences et sa conduite étaient acceptables malgré quelques lacunes, ce rapport ne saurait être considéré comme dépourvu de commentaires négatifs.

96      Troisièmement, la requérante ne saurait soutenir que l’AIPN était tenue de suivre la recommandation, favorable à sa promotion, du comité paritaire (voir point 84 ci-dessus). En effet, ainsi que cela a été précisé au point 57 ci-dessus et comme cela ressort de la jurisprudence rappelée au point 87 ci-dessus, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut. Elle n’est donc pas liée par l’avis dudit comité et se fonde notamment sur sa propre appréciation comparative des mérites des fonctionnaires éligibles à une promotion au sein du même groupe et du même grade que la requérante.

97      Ainsi que le fait valoir l’EUIPO, la requérante n’a pas fourni d’éléments de nature à remettre en cause le fait que, lors de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires, l’AIPN s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir en matière de promotion de manière manifestement erronée.

98      Les arguments de la requérante visant à contester le bien-fondé de la décision de non‑promotion doivent donc être rejetés.

99      Dans la mesure où tous les arguments de la requérante ont été écartés, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, y compris le second chef de conclusions.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

101    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      WH est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2020.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur les fins de non-recevoir soulevées par l’EUIPO

Sur l’intelligibilité de la requête

Sur le premier chef de conclusions

Sur le second chef de conclusions

Sur le fond

Sur la régularité de la procédure d’adoption de la décision de non promotion et de la décision de rejet de la réclamation

Sur la motivation de la décision de non-promotion

Sur l’erreur manifeste d’appréciation alléguée

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.