Language of document : ECLI:EU:T:2010:14

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 janvier 2010 (*)

« Référé – Directive 91/414/CEE – Décision concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414 – Prolongation d’une mesure de sursis à exécution »

Dans l’affaire T‑95/09 R II,

United Phosphorus Ltd, établie à Warrington, Cheshire (Royaume-Uni), représentée par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Parpala et N. Rasmussen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à obtenir la prolongation de la mesure de sursis à l’exécution de la décision 2008/902/CE de la Commission, du 7 novembre 2008, concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 326, p. 35),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R, non publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance du 28 avril 2009 »), le président du Tribunal a fait droit à la demande en référé introduite par la requérante, United Phosphorus Ltd, et prononcé le sursis à l’exécution, jusqu’au 7 mai 2010, de la décision 2008/902/CE de la Commission, du 7 novembre 2008, concernant la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (JO L 326, p. 35, ci-après la « décision attaquée »). Dans l’ordonnance du 28 avril 2009, les parties ont été invitées à déposer, au plus tard le 15 mars 2010, des observations sur l’évolution de la procédure accélérée entamée, au regard du napropamide, au titre de l’article 13 du règlement (CE) nº 33/2008 de la Commission, du 17 janvier 2008, portant modalités d’application de la directive 91/414/CEE du Conseil relative à une procédure courante et à une procédure accélérée d’évaluation de substances actives prévues dans le programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, mais non inscrites à l’annexe I (JO L 15, p. 5, ci-après la « procédure accélérée d’évaluation »).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2009, la requérante sollicite une prolongation de la mesure de sursis à exécution « jusqu’au mois de novembre 2010 ou, au plus tôt, jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la directive établissant l’inscription du napropamide ». Elle craint que la mesure de sursis à exécution n’arrive à expiration avant la clôture de la procédure accélérée d’évaluation et que l’incertitude entourant l’interdiction de commercialisation du napropamide n’ait une incidence négative sur ses ventes du produit en 2010.

3        Par ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 18 décembre 2009, la Commission européenne s’oppose, en principe, à cette demande, tout en invitant le président du Tribunal, dans l’hypothèse où il y ferait droit, à décider que le sursis à exécution cesserait immédiatement au cas où la procédure accélérée d’évaluation se solderait par un échec pour la requérante. En outre, la Commission demande de condamner la requérante aux dépens.

 En droit

4        Il y a lieu de rappeler que, dans l’ordonnance du 28 avril 2009 (point 31), le président du Tribunal a admis l’existence d’un fumus boni juris au motif que les questions soulevées par le recours au principal méritaient un examen approfondi, qui devait faire l’objet de la procédure principale. Cette appréciation n’est remise en cause ni par la demande de la requérante du 15 décembre 2009 ni par les observations de la Commission du 18 décembre 2009.

5        En outre, le président du Tribunal a examiné la condition relative à l’urgence (ordonnance du 28 avril 2009, points 67 à 82) au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce.

6        C’est ainsi qu’il a tenu compte, au titre de la gravité du préjudice financier allégué consistant en une perte de parts de marché et de clients, de l’importante crise économique et financière que l’économie mondiale subissait depuis des mois et qui affectait la valeur du groupe auquel appartenait la requérante.

7        En ce qui concerne le caractère irréparable de ce préjudice, le président du Tribunal a pris en considération le fait que le napropamide était fabriqué dans une seule usine de la requérante et estimé que, dans l’hypothèse où cette usine serait fermée en raison de l’exécution de la décision attaquée, un retour de la requérante sur le marché en cause, après une éventuelle annulation de la décision attaquée, serait difficile. Il a considéré comme déterminant le fait que, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, la requérante avait engagé la procédure accélérée d’évaluation – dans le cadre de laquelle ses chances de succès semblaient être plus grandes qu’elles ne l’avaient été dans le cadre de la procédure aboutissant à la décision attaquée – et que la procédure accélérée d’évaluation était susceptible d’être close quelques mois seulement après la date imposée pour le retrait du marché des produits contenant du napropamide. Il en a conclu qu’il serait déraisonnable de laisser interdire la commercialisation d’une substance dont il n’était pas improbable que la mise sur le marché soit autorisée quelques mois plus tard seulement.

8        Il a été relevé, aux points 83 à 87 de l’ordonnance du 28 avril 2009, que cette conclusion était corroborée, au niveau de la balance des intérêts, par la constatation que la Commission ne voyait, elle-même, aucune raison particulière pour que le napropamide doive être retiré du marché aussi rapidement que possible et par la circonstance que la décision attaquée prévoyait un délai de 13 mois pour l’écoulement des stocks existants, ce qui indiquait que l’utilisation du napropamide n’était guère de nature à entraîner des risques sérieux pour la santé publique.

9        Dans sa demande du 15 décembre 2009, la requérante soutient que les éléments justifiant l’urgence demeurent. Elle fait valoir, en substance, que le président du Tribunal entendait suspendre, par l’ordonnance du 28 avril 2009, l’exécution de la décision attaquée jusqu’à la clôture de la procédure accélérée d’évaluation, la date du 7 mai 2010 n’ayant été qu’une estimation. Compte tenu de l’état d’avancement de la procédure accélérée d’évaluation, elle considère comme hautement improbable que celle-ci puisse être close d’ici le 7 mai 2010.

10      Se référant aux dispositions pertinentes du règlement nº 33/2008, la requérante indique dans ce contexte, sans être contredite par la Commission, que l’État membre rapporteur a remis, le 26 juin 2009, son rapport complémentaire – d’ailleurs favorable à l’inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414 – à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et aux autres États membres, que la Commission a demandé, le 29 septembre 2009, à l’EFSA d’établir un rapport de conclusion dans un délai de six mois et que la Commission dispose alors, quant à elle, d’un délai de six mois pour rédiger un projet de rapport de réexamen, dont la présentation devrait donc intervenir aux environs de septembre 2010. Par conséquent, la requérante estime que la procédure accélérée d’évaluation sera vraisemblablement close vers le milieu de l’automne de l’année 2010.

11      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 88 de l’ordonnance du 28 avril 2009, la date limite à laquelle la mesure de sursis à l’exécution de la décision attaquée prendrait fin a expressément été liée à la clôture de la procédure accélérée d’évaluation. La date limite du 7 mai 2010, coïncidant avec le délai de grâce prévu par la décision attaquée pour la mise sur le marché et pour l’utilisation des stocks existants de produits phytopharmaceutiques contenant du napropamide, a été fixée à cet effet, la date exacte de clôture de la procédure accélérée d’évaluation ne pouvant être prévue avec précision. Or, il s’avère, dans le cadre de la présente procédure, que la procédure accélérée d’évaluation ne sera, selon toute probabilité, pas clôturée d’ici le 7 mai 2010. Il s’ensuit que, pour autant que les éléments ayant justifié l’octroi du sursis à exécution restent inchangés, ledit sursis – lié au déroulement de la procédure accélérée d’évaluation – doit être prolongé au-delà de cette date.

12      À cet égard, il est vrai que, renvoyant à une publication de la « AGROW World Crop Protection News » du 28 août 2009, la Commission soutient, en substance, que lesdits éléments ont entre-temps changé, la situation économique de la requérante s’étant considérablement améliorée. Force est toutefois de constater que les chiffres analysés dans cette publication portent sur la seule année 2008, alors même que l’ordonnance du 28 avril 2009 était déjà fondée sur des chiffres plus récents, concernant le mois de mars 2009 (point 70) et démontrant la gravité du préjudice invoqué. Par conséquent, la thèse de la Commission ne saurait être retenue.

13      Rien n’empêche donc, à ce stade, de conclure – à la lumière des considérations qui précèdent et, en particulier, du fait qu’il s’est avéré que la procédure accélérée d’évaluation ne serait, selon toute probabilité, pas clôturée d’ici le 7 mai 2010 – qu’il est justifié de prolonger, au-delà de la date du 7 mai 2010, le sursis à exécution octroyé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’argumentation de la requérante, contestée par la Commission, relative aux pressions commerciales auxquelles elle serait exposée et qui exigeraient qu’elle soit capable de planifier, le plus rapidement possible, la quantité de matières premières qu’elle doit se procurer pour la production de napropamide afin d’honorer ses commandes au cours de l’année 2010.

14      En ce qui concerne la durée de la prolongation de la mesure de sursis à exécution, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, si un tel sursis a initialement été accordé malgré le « caractère en principe réparable » du préjudice financier invoqué par la requérante, cette décision a essentiellement été fondée sur la circonstance particulière consistant en la réintroduction, par la requérante, d’une demande d’évaluation du napropamide en application de la procédure accélérée d’évaluation (ordonnance du 28 avril 2009, points 73 à 77). Il s’ensuit que toute prolongation de la mesure de sursis à l’exécution de la décision attaquée doit impérativement cesser à la date de clôture formelle de la procédure accélérée d’évaluation, et ce indépendamment des voies de droit auxquelles la requérante pourrait recourir dans l’hypothèse où la procédure accélérée d’évaluation aboutirait à la non-inscription du napropamide à l’annexe I de la directive 91/414.

15      Il importe de rappeler, d’autre part, que les exigences liées à la protection de la santé publique doivent, en principe, se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques (voir ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Alpharma/Conseil, T‑70/99 R, Rec. p. II‑2027, point 152, et la jurisprudence citée). Par conséquent, une prolongation de la mesure de sursis à l’exécution de la décision attaquée ne saurait, à ce stade, être tolérée que jusqu’au 30 novembre 2010, date de clôture probable de la procédure accélérée d’évaluation. Dans l’hypothèse où il apparaîtrait que cette procédure subirait des retards en raison, notamment, de dépassements des délais visés aux articles 20 et 21 du règlement nº 33/2008, les parties pourront s’adresser, en temps utile, au juge des référés aux fins d’examiner si le maintien du sursis à exécution et l’octroi de mesures provisoires supplémentaires sont nécessaires.

16      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de prolonger la mesure de sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’au 30 novembre 2010, sans toutefois qu’elle puisse s’étendre au-delà de la date du prononcé de la décision au principal ou au-delà de la date de clôture formelle de la procédure accélérée d’évaluation, les parties étant libres de saisir le juge des référés au cas où il apparaîtrait que la procédure accélérée d’évaluation ne serait pas encore achevée à la date du 30 novembre 2010.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La mesure de sursis à exécution édictée au point 1 de l’ordonnance du président du Tribunal du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R, non publiée au Recueil) est prolongée jusqu’au 30 novembre 2010, sans toutefois qu’elle puisse s’étendre au-delà de la date du prononcé de la décision au principal ou au-delà de la date de clôture formelle de la procédure accélérée entamée, au regard du napropamide, au titre de l’article 13 du règlement (CE) nº 33/2008 de la Commission, du 17 janvier 2008, portant modalités d’application de la directive 91/414/CEE du Conseil relative à une procédure courante et à une procédure accélérée d’évaluation de substances actives prévues dans le programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, mais non inscrites à l’annexe I (JO L 15, p. 5).

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 janvier 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.