Language of document : ECLI:EU:T:2021:602

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

22 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative airscreen – Motifs absolus de refus – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑250/20,

Moviescreens Rental GmbH, établie à Damme (Allemagne), représentée par Mes D. Schulz et P. Stelzig, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes R. Manea et A. Söder, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

the airscreen company GmbH & Co. KG, établie à Münster (Allemagne), représentée par Mes O. Spieker, A. Schönfleisch et N. Willich, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 12 février 2020 (affaire R 2527/2018‑4), relative à une procédure de nullité entre Moviescreens Rental et the airscreen company,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 14 septembre 2020,

à la suite de l’audience du 31 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 juin 2003, l’intervenante, the airscreen company GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels la marque a été enregistrée relèvent notamment des classes 7, 9, 17 et 19, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Pompes à air comprimé » ;

–        classe 9 : « Écrans de cinéma gonflables ; grands écrans ; écrans argentés » ;

–        classe 17 : « Cadres en polyvinylchlorure (PVC) à remplir d’air ; caoutchouc ; fils de caoutchouc non à usage textile ; clapets en caoutchouc ; cordons en caoutchouc ; fibres en matières plastiques non à usage textile ; matières plastiques mi-ouvrées ; pellicules en matières plastiques autres que pour l’emballage ; fils en matières plastiques non à usage textile ; tuyaux flexibles non métalliques ; tuyaux en matières textiles ; tuyaux à air comprimé non métalliques ; matières plastiques mi-ouvrées sous forme de barres, blocs, pastilles, tiges, feuilles et tubes pour la fabrication générale ; tubes pressurisés en plastique ; films élastomères en plastique ; feuilles en matières plastiques ; films ; stratifiés en plastique ; matériaux moulés en plastique ; conduits en matières plastiques ; plastique sans plastifiant ; feuilles en PVC non rigide » ;

–        classe 19 : « Constructions transportables non métalliques ; cadres de grands écrans non métalliques ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 15/2004, du 12 avril 2004, et la marque contestée a été enregistrée le 13 octobre 2005 sous le numéro 3244662 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 22 septembre 2017, la requérante, Moviescreens Rental GmbH, a présenté une demande en nullité à l’encontre de la marque contestée, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001]. La demande en nullité était dirigée contre les produits suivants :

–        classe 9 : « Écrans de cinéma gonflables ; grands écrans ; écrans argentés » ;

–        classe 17 : « Cadres en polyvinylchlorure (PVC) à remplir d’air ; feuilles en PVC non rigide » ;

–        classe 19 : « Constructions transportables non métalliques ; cadres de grands écrans non métalliques ».

6        Le 25 octobre 2018, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

7        Le 20 décembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 12 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que la marque contestée n’était pas purement descriptive à la date pertinente en l’espèce, à savoir la date de dépôt de la demande d’enregistrement. Elle s’est fondée sur la perception du consommateur général anglophone ainsi que sur un public pertinent composé de professionnels. La chambre de recours a noté que les deux éléments verbaux de la marque contestée faisaient partie du vocabulaire anglais de base, de sorte que la compréhension de tous les autres consommateurs de l’Union européenne ayant des connaissances de base de l’anglais était également pertinente. Elle a constaté que la marque contestée n’était attestée lexicalement dans aucune des langues de l’Union et que la requérante n’avait pas prouvé que la combinaison verbale faisait partie de l’usage linguistique habituel à la date pertinente.

9        Les éléments de preuve produits étaient, d’après la chambre de recours, ultérieurs à la date pertinente en l’espèce et montraient un usage en tant que marque du terme en cause, ou un usage avec un élément supplémentaire, ou provenaient d’autres juridictions et régimes linguistiques.

10      Partant, la chambre de recours a conclu que la marque contestée ne produisait pas un effet purement descriptif dans le contexte des produits en cause et qu’elle n’était pas non plus dépourvue de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours y a confirmé la décision de la division d’annulation de rejeter la demande en nullité de la marque contestée pour les produits en cause ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des annexes D 14 à D 18 et A 23 à A 31

14      Par lettre du 27 mai 2021, l’intervenante a déposée quatre annexes devant le Tribunal. Ces annexes n’ayant pas été présentées devant l’EUIPO consistent en une décision de l’EUIPO (annexe D 14), une décision de l’United States Patent and Trademark Office (USPTO, Office des brevets et des marques des États-Unis) (annexe D 15), un extrait du registre canadien des marques (annexe D 16), une décision de l’Instituto Mexicano de la propiedad industrial (IMPI, Institut mexicain de la propriété industrielle) (annexe D 17) et une décision du Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne ) (annexe D 18).

15      La requérante a, lors de l’audience, produit une lettre du 26 mai 2021 de l’Office Benelux de la propriété intellectuelle (OBPI), annexe A 23, qui lui a été adressée dans le cadre de l’affaire 1427184 portant sur la demande d’enregistrement de la marque airscreen.

16      Lors de l’audience, Mme la présidente de la deuxième chambre a demandé à la requérante de soumettre l’annexe A 23 par e-curia et a accordé aux parties un délai d’une semaine pour communiquer leurs observations sur les annexes déposées par l’intervenante le 27 mai 2021 et par la requérante lors de l’audience. Les parties ont répondu dans les délais impartis.

17      La requérante a joint huit annexes aux observations sur la lettre du 27 mai 2021. Il s’agit d’une demande du 27 juin 2017 concernant la marque de l’Union européenne figurative no 16926735 (annexe A 24), d’un extrait du registre de l’EUIPO concernant la marque de l’Union européenne figurative no 16926735 (annexe A 25), d’un extrait de la base de données TMview relatif à l’enregistrement international de la marque verbale no 1525900 – AIRSCREEN (annexe A 26), d’une lettre de l’intervenante à l’USPTO du 17 novembre 2020 (annexe A 27), d’un extrait de la base de données TSDR, relatif à l’enregistrement international de la marque verbale no 1525900 – AIRSCREEN (annexe A 28), d’une lettre de l’USPTO du 4 janvier 2004 (annexe A 29), d’un extrait du registre de l’IMPI relatif à l’enregistrement international de la marque verbale no 1525900 – AIRSCREEN (annexe A 30) et d’une lettre de l’IMPI du 25 février 2020 (annexe A 31).

18      La requérante soutient dans ses observations que les annexes D 14 à D 18 doivent être rejetées comme irrecevables en raison du fait qu’elles ont été déposées tardivement et pour la première fois devant le Tribunal. Elle soutient que, en tout état de cause, elles ne sont pas pertinentes en l’espèce.

19      L’intervenante avance, en substance, que l’annexe A 23 doit être rejetée comme irrecevable en raison du fait qu’elle a été déposée tardivement et pour la première fois devant le Tribunal. L’intervenante et l’EUIPO soutiennent que ladite annexe manque de pertinence en l’espèce.

20      Les annexes mentionnées ci-dessus, bien qu’elles aient été produites pour la première fois devant le Tribunal, ne sont pas des preuves proprement dites, mais concernent la pratique décisionnelle de l’EUIPO et des autorités nationales et internationales, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’EUIPO, une partie a le droit de se référer [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 20, et du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 16]. En effet, ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence nationale, internationale ou du juge de l’Union. Une telle possibilité de se référer à des décisions nationales et internationales n’est pas visée par la jurisprudence selon laquelle le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au regard des éléments présentés par les parties devant celles-ci, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher aux chambres de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt national, international ou du juge de l’Union précis, mais qu’il s’agit d’invoquer des décisions à l’appui d’un moyen tiré de la violation par les chambres de recours d’une disposition du règlement no 40/94 [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 70 et 71].

21      Il convient de préciser, à cet égard, que l’intervenante ne soutient pas que la chambre de recours n’a pas tenu compte des annexes D 14 à D 18, mais les invoque uniquement à titre illustratif afin de soutenir les conclusions de la chambre de recours. De même, la requérante ne prétend pas que la chambre de recours aurait dû tenir compte de l’annexe A 23, mais ne l’invoque qu’à titre illustratif tout comme les annexes A 24 à A 31, invoquées en réponse à la lettre de l’intervenante du 27 mai 2021. Il convient, en effet, de souligner que la recevabilité des décisions d’autorités nationales dépend notamment de l’objectif de celui qui l’invoque [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 janvier 2021, Jareš Procházková et Jareš/EUIPO – Elton Hodinářská (MANUFACTURE PRIM 1949), T‑656/18, non publié, EU:T:2021:17, point 82].

22      Ainsi, au vu des circonstances de l’espèce, les annexes D 14 à D 18 et A 23 à A 31 doivent être déclarées recevables.

 Sur la recevabilité du chef de conclusion visant à la reformation de la décision attaquée

23      La requête ne comportant, hormis la demande de condamnation de l’EUIPO aux dépens, qu’un chef de conclusions visant formellement à la réformation de la décision attaquée, il en ressort que, par ce chef de conclusions, la requérante demande nécessairement, non seulement la réformation de la décision attaquée, mais aussi l’annulation de cette dernière, ce qui, au demeurant, se déduit de la présentation des moyens de la requérante, tirés, le premier, de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, EU:T:2014:89, points 15 et 16 et jurisprudence citée]. Le recours ainsi défini est donc recevable.

 Sur le fond

24      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, le second, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

25      Compte tenu de la date de demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 27 juin 2003, laquelle est déterminante pour l’identification du droit matériel applicable aux fins de l’examen d’une demande en nullité, la présente affaire est régie par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

26      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par les parties dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu en combinaisonavec l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement

27      La requérante estime que la chambre de recours aurait apprécié insuffisamment et de façon erronée les éléments produits pour prouver que la marque contestée décrivait l’espèce, la qualité et la destination des produits en cause. La requérante avance qu’elle a prouvé que, à la date pertinente, le terme « airscreen » était compris dans le contexte des produits en cause dans le sens d’« écran d’air », comme une désignation d’un « écran de cinéma gonflable », et faisait partie de l’usage linguistique habituel. Selon elle, il convient également de prendre en considération les preuves dont la date est postérieure à la date de demande d’enregistrement de la marque contestée et provenant d’autres juridictions et régimes linguistiques.

28      L’EUIPO soutenu par l’intervenante conteste les arguments de la requérante.

29      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

30      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir arrêt du 27 juin 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Fratelli Polli (ANTICO CASALE), T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 17 et jurisprudence citée].

31      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, il faut que celui-ci présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 27 juin 2017, ANTICO CASALE, T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 18 et jurisprudence citée).

32      Dès lors, le caractère descriptif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 27 juin 2017, ANTICO CASALE, T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 19 et jurisprudence citée).

33      Il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêts du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix-Energetics), T‑313/11, non publié, EU:T:2013:603, point 47 et jurisprudence citée, et du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée), T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297, point 17 et jurisprudence citée].

34      Une telle obligation, cependant, n’exclut pas que les instances de l’EUIPO puissent prendre en compte, le cas échéant, des éléments de preuve postérieurs à la demande d’enregistrement, pour autant que ceux-ci permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 60 et jurisprudence citée).

35      Il convient, à cet égard, de préciser que, dans le cadre d’une procédure de nullité, la chambre de recours ne saurait être contrainte d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené au moment de l’enregistrement par les instances compétentes de l’EUIPO. Il ressort, en effet, des dispositions des articles 51 et 54 du règlement no 40/94 que la marque de l’Union est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 22 et jurisprudence citée].

36      Cette présomption de validité limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union mené par les instances de l’EUIPO lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité. Ainsi, aux termes de la dernière phrase de l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94, dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 52 du même règlement, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 23 et jurisprudence citée).

37      Toutefois, si cette présomption de validité de l’enregistrement limite l’obligation de l’EUIPO d’examiner les faits pertinents, elle ne saurait, pour autant, l’empêcher, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui remet en cause la validité de la marque contestée, de se fonder non seulement sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à sa demande en nullité, mais également sur les faits notoires relevés par l’EUIPO dans le cadre de la procédure de nullité. Ainsi, lorsqu’une partie a contesté la validité d’une marque enregistrée en se fondant sur des éléments au soutien de sa demande en nullité, il incombe à la chambre de recours d’examiner ces éléments ainsi que de prendre en considération l’existence de faits notoires que l’examinateur aurait, le cas échéant, omis de prendre en considération, dans le cadre de la procédure d’enregistrement (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, points 24 et 25 et jurisprudence citée).

38      À titre liminaire, s’agissant du public pertinent, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée, que les produits en cause sont destinés au grand public ainsi qu’aux professionnels spécialisés dans le domaine des écrans de cinéma. Le niveau d’attention dudit public peut dès lors varier, de moyen à élevé, en fonction du prix et de la sophistication des produits et des services proposés. En outre, étant donné que la marque contestée est composée de termes provenant de la langue anglaise, c’est à juste titre que la chambre de recours a retenu au point 21 de ladite décision que l’appréciation de son caractère descriptif devait s’effectuer au regard des consommateurs anglophones et de tous les autres consommateurs de l’Union ayant des connaissances de base de l’anglais, ce qui n’est, d’ailleurs, pas contesté par la requérante.

39      En ce qui concerne la question de savoir si le public pertinent percevra la marque contestée comme étant descriptive au regard des produits et des services en cause, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, que ladite marque se compose du mot « airscreen » en lettres capitales blanches en gras sur un fond noir rectangulaire, le tracé des lettres et le fond étant légèrement concaves au milieu, c’est-à-dire que les lettres initiale et finale sont de même taille, tandis que les lettres rétrécissent en se rapprochant du milieu.

40      Il convient également de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 23 de la décision attaquée, que le mot « airscreen » dans son ensemble n’était attesté lexicalement pour aucune des langues de l’Union. Pour le public anglophone, il ne ressort pas de signification claire de la combinaison des deux termes « air » (air) et « screen » (écran) et rien n’indique que le terme « airscreen », dans le sens d’« écran d’air », soit compris comme se rapportant à un « écran de cinéma gonflable ». Cela n’est, au demeurant, pas contesté par les parties.

41      Ainsi, en l’espèce, aux fins d’étayer son argument quant au caractère descriptif de l’élément « airscreen » de la marque contestée, la requérante a produit un certain nombre d’éléments de preuve. En effet, pour la requérante il ressort de ces éléments qu’il n’est pas inhabituel que l’élément verbal de la marque contestée soit utilisé pour décrire des écrans de cinéma gonflables ainsi que leurs accessoires et composants. Il conviendrait d’examiner lesdits éléments afin de déterminer si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant qu’ils ne permettaient pas d’établir que la marque contestée était descriptive à la date pertinente.

 Documents relatifs à la demande de marque de l’Union européenne figurative no 16926735

42      La requérante a produit devant l’EUIPO et le Tribunal une capture d’écran non datée du site Internet www.alibaba.com/showroom/inflatable-air-screen.html et de la vidéo, du 8 juillet 2014, du site Internet www.youtube.com, intitulée « Interactive Air Screen Displair Amazing Demo ». Elle soutient qu’il s’agit de pièces jointes que l’EUIPO avait citées et considérées comme suffisantes pour considérer descriptive la marque de l’Union européenne figurative no 16926735 dont elle avait elle-même demandé l’enregistrement.

43      La chambre de recours a rappelé au point 22 de la décision attaquée que la date pertinente pour apprécier si le caractère descriptif d’une marque s’opposait à son enregistrement, était celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque, à savoir en l’espèce le 27 juin 2003. Ainsi, pour la chambre de recours, l’objection selon laquelle, quatorze ans plus tard, l’EUIPO aurait en partie rejeté comme étant descriptive la demande de marque de l’Union européenne figurative no 16926735, du 27 juin 2017, ne peut pas avoir d’importance pour déterminer le caractère descriptif de la marque contestée à la date pertinente.

44      S’agissant du site Internet www.alibaba.com/showroom/inflatable-air-screen.html et de la vidéo du 8 juillet 2014, du site Internet www.youtube.com, la chambre de recours a considéré, aux points 25 et 26 de la décision attaquée, qu’ils n’étaient pas pertinents dans la mesure où ils n’étaient pas datés ou qu’ils l’étaient à une date postérieure à la date de dépôt de demande d’enregistrement de la marque contestée. En outre, la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que les prix des produits mentionnés sur les captures d’écran étaient libellés en dollars américains et que, en tout état de cause, lesdits produits ne concernaient pas le territoire pertinent, à savoir l’Union. Elle a ajouté que l’élément « air screen » n’était utilisé en tant que tel pour aucun des produits, mais toujours accompagné de l’élément supplémentaire « inflatable » (gonflable) qui le concrétisait. En outre, selon la chambre de recours, les dénominations qui ne contiennent que les éléments « air » et « screen », mais en sens inverse et séparés par d’autres éléments, comme « inflatable movie screen air », ne permettraient pas de prouver le caractère linguistiquement usuel de la combinaison « airscreen ».

45      La chambre de recours a également constaté, au point 26 de la décision attaquée, que la vidéo du site Internet www.youtube.com se référait à une technologie qui se servait d’un écran de fumée aérodynamique et qui, sur le fond, n’avait donc pas de rapport avec les écrans et les feuilles en PVC non rigides visés par la marque contestée.

46      Il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence citée aux points 33 et 34 ci‑dessus, les preuves du caractère descriptif de la marque contestée doivent se rapporter au moment de la demande d’enregistrement, soit le 27 juin 2003, ou permettre de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Partant, la chambre de recours a correctement conclu que le rejet partiel de l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative no 16926735, du 27 juin 2017, au motif qu’elle était descriptive, manquait de pertinence en l’espèce. De même, comme l’a constaté la chambre de recours, les éléments produits par la requérante sont non datés ou portent des dates postérieures à la date pertinente. La requérante n’a, par ailleurs, pas avancé d’arguments expliquant comment ces preuves, postérieures à la date pertinente, permettaient de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date.

47      En dehors du fait que les éléments susvisés sont non datés ou portent une date postérieure à la date pertinente, un examen desdits éléments permet de confirmer les constats énoncés aux points 44 et 45 ci-dessus, à savoir qu’ils ne sont pas pertinents d’un point de vue territorial et que leur contenu ne démontre pas un usage descriptif du signe contesté pour les produits en cause.

48      Partant, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que les preuves produites n’étaient pas suffisantes pour établir un usage descriptif du terme « airscreen » pour désigner les produits en cause.

 Annexe A 19 de la requête

49      L’annexe A 19 de la requête contient un certain nombre de documents, notamment des extraits de sites Internet, une offre de vente et un manuel d’instruction qui, selon la requérante, prouve le caractère descriptif de la marque contestée.

50      Toutefois, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la majorité de ces preuves sont postérieures à la date pertinente et que la requérante n’avance aucun argument permettant de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date.

51      La chambre de recours a correctement établi que seule l’offre de Boto Ganzevoort peut être associée à la date pertinente. Seule cette offre précède ladite date pertinente dans la mesure où elle est datée du 13 décembre 2002. Un examen dudit document permet de constater que, en haut à droite, figurent plusieurs mots écrits en gras qui semblent décrire la gamme des produits et des services de Boto Ganzevoort. Ces mots et suites de mots sont « video », « projection sur grand écran » (Grossbildprojection), « produits gonflables » (inflatables), « loisirs » (freizeitbedarf) et « usine à idées » (ideenfabrik). Au centre du document se trouvent deux colonnes, celle de gauche portant le titre « produits » et celle de droite portant le titre « prix ». Dans la colonne de gauche il est indiqué « nous proposons [les produits suivants] de notre stock ». En dessous de cette phrase sont énumérés deux sortes d’appareils avec leurs dimensions et le prix est affiché en euros dans la colonne droite. Les appareils sont indiqués avec les mots « airscreen » et « airframe », la lettre « a » de ces mots étant écrit en majuscule. En dessous sont indiquées très brièvement certaines conditions de l’offre, un numéro de téléphone et un lien vers le site web de Boto Ganzevoort.

52      Il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la manière dont le terme « airscreen » est utilisé dans ce document peut constituer un usage en tant que marque. En effet, la gamme de produits de Boto Ganzevoort est répertoriée sur le bord supérieur droit et le terme générique « inflatables » (produits gonflables) y est utilisé de manière descriptive. Le mot « airscreen » peut donc se comprendre comme le nom d’un produit, ce qui lui confère un caractère distinctif permettant de désigner un appareil spécifique au sein de ce groupe de produits. Il convient, à cet égard, de souligner que l’autre appareil mentionné dans l’offre, « airframe », est également un nom de produit qui peut être considéré comme distinctif. En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que le mot « airscreen » n’avait pas encore été enregistré comme marque à l’époque n’empêche pas qu’il soit utilisé en tant que marque. En effet, le système des marques de l’Union connaît également les marques non enregistrées au niveau national.

53      Outre le fait que les autres documents faisant partie de l’annexe 19 de la requête ne sont pas datés ou portent une date postérieure à la date pertinente, la chambre de recours a fait remarquer, à juste titre, qu’une partie des extraits de sites Internet ne présentait aucun rapport avec l’Union ou que « airscreen » y a été utilisé en tant que marque. En effet, les extraits de sites Internet axés sur les publics russe, canadien et américain ne sont pas suffisants pour tirer des conclusions quant à la compréhension linguistique au sein de l’Union. Enfin, la majeure partie de ces documents, hormis le manque de pertinence temporelle, démontrent un usage en tant que marque de l’élément « airscreen », ainsi que cela a été établi à juste titre par la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée. L’usage de majuscules contraire aux règles orthographiques ou la mise en valeur du terme par son graphisme sont effectivement des indices de l’utilisation du signe contesté comme marque.

54      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a établi, au point 32 de la décision attaquée, que les documents compris dans l’annexe A 19 de la requête ne suffisaient pas à démontrer le caractère descriptif du signe contesté.

 Refus de la demande no 76528504 par l’USPTO

55      La requérante estime qu’il conviendrait de considérer le refus par l’USPTO de la demande de marque de l’intervenante, du 1er juillet 2003, comme la preuve que les consommateurs anglophones de l’Union attribueraient un contenu purement descriptif à la combinaison verbale « airscreen » dans le contexte des produits en cause. Elle invoque le fait qu’il est possible d’avoir recours à un usage descriptif en dehors de l’Union pour étayer des conclusions analogues quant à la compréhension linguistique au sein de l’Union.

56      La chambre de recours a, en substance, écartée la décision de l’USPTO au motif qu’elle n’était pas pertinente d’un point de vue territorial et qu’elle n’était pas liée par de telles décisions.

57      Il convient, à cet égard, de constater que le fait que l’USPTO ait refusé l’enregistrement d’une marque identique à celle de la marque contestée au motif qu’elle était purement descriptive ne saurait démontrer la compréhension que le public pertinent aurait du mot « airscreen ». En effet, le régime des marques de l’Union est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre ou dans un pays tiers admettant ou refusant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2019, Ecolab USA/EUIPO (SOLIDPOWER), T‑40/18, non publié, EU:T:2019:18, point 47].

58      Ainsi, comme la chambre de recours l’a expliqué à juste titre au point 28 de la décision attaquée, l’EUIPO n’est pas lié par les décisions d’un État tiers concernant l’enregistrement ou le refus d’un signe en tant que marque, même si ces décisions ont été prises dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe verbal en cause trouve son origine. De même, de telles décisions ne peuvent pas être directement utilisées pour en tirer des conclusions quant à la compréhension linguistique dans certains États membres. Cela vaut, en particulier, en l’espèce où le mot « airscreen » n’est pas attesté lexicalement et que la compréhension dudit mot est susceptible de varier entre les consommateurs parlant l’anglais américain et le public pertinent anglophone.

59      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a écarté comme non pertinent le refus de la demande no 76528504 par l’USPTO.

 Décisions du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne)

60      La requérante a fourni cinq décisions du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets)[28 W (pat) 147/04, du 30 novembre 2005, « air System » ; 28 W (pat) 261/04, du 29 mars 2006, « airbrake » ; 24 W (pat) 112/04, du 8 août 2006, « airscreen » ; 26 W (pat) 95/08, du 13 mai 2009, « airdisc » et 25 W (pat) 15/13, du 16 décembre 2015, « air solution »] afin de démontrer que pour les consommateurs allemands le terme « airscreen » était entré dans l’usage linguistique allemand. La requérante soutient, en se référant, notamment, auxdites décisions, que, même si le mot « airscreen » n’avait pas de signification pour le public pertinent ayant l’anglais comme langue maternelle, ce mot peut avoir une signification spécifique pour le public germanophone. À cet égard elle cite l’exemple du mot « oldtimer » qui, pour le public germanophone, fait référence à des « voitures d’une autre époque », ce qui n’est pas nécessairement le cas pour les consommateurs ayant l’anglais comme langue maternelle.

61      La chambre de recours a, en substance, écarté les décisions susvisées comme étant dépourvues de pertinence, puisqu’elles étaient postérieures à la date pertinente et dans la mesure où elle n’était pas liée par les décisions prises par les autorités ou juridictions nationales. Elle a également rejeté l’argument de la requérante selon lequel la signification descriptive du signe contesté résulterait de la compréhension linguistique, notamment du public germanophone, aux motifs que la signification du signe contesté restait tout aussi obscure pour le public pour lequel l’anglais était une langue étrangère et que la requérante n’avait pas fourni la preuve du fait que le mot « airscreen » aurait été compris, à la date pertinente, en dehors de l’espace linguistique anglophone, dans le sens d’« écran de cinéma gonflable ».

62      Il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, et comme le rappelle la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, le régime des marques de l’Union est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente.

63      Il y a donc lieu d’entériner la conclusion au point 33 de la décision attaquée selon laquelle les décisions invoquées par la requérante ne sont pas pertinentes d’un point de vue temporel et qu’elles ne sauraient lier la chambre de recours au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci‑dessus. Ce raisonnement est également valable pour la décision 24 W (pat) 112/04, du 8 août 2006, « airscreen » que la chambre de recours n’aurait pas pris en considération. Il convient, à cet égard, de considérer que, au vu du raisonnement de la chambre de recours en ce qui concerne les preuves fournies par la requérante et les autres décisions du tribunal fédéral des brevets allemand, à savoir leur manque de pertinence d’un point de vue temporel et leur caractère non contraignant pour elle, rien ne permet de conclure que la chambre de recours serait arrivée à une conclusion différente en se référant à la décision 24 W (pat) 112/04, du 8 août 2006. Il y a également lieu rappeler que, si la chambre de recours peut s’inspirer des décisions rendues par des autorités ou juridictions nationales, celles-ci n’ont qu’une valeur indicative en tant qu’indices dans le cadre de l’appréciation des faits de la cause [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, points 34, 36 et 42]. Par ailleurs, aucune disposition du règlement no 40/94 n’oblige l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou juridictions nationales dans une situation similaire (voir arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 49 et jurisprudence citée).

64      Au vu des considérations ci-dessus, il convient également de rejeter l’argument selon lequel le mot « airscreen » était compris, à la date pertinente, en dehors de l’espace linguistique anglophone, comme signifiant « écran de cinéma gonflable ». En effet, la requérante n’a pas apporté de preuves en ce sens et les décisions du tribunal fédéral allemand des brevets ne sont pas pertinentes à cet égard.

65      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les décisions du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) étaient sans pertinence pour déterminer le caractère descriptif de la marque contestée.

 Communication entre la requérante et l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI, Suisse)

66      Le 30 janvier 2019, la requérante a adressé à l’IPI une question préliminaire sur l’éventuelle aptitude d’un signe airscreen à l’enregistrement pour des écrans gonflables. La réponse était que la demande serait « probablement » refusée.

67      La chambre de recours a, au point 33 de la décision attaquée, considéré cet échange comme étant dépourvu de pertinence sur le plan territorial et temporel.

68      Il convient effectivement de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la réponse de l’IPI quant à l’éventuelle aptitude d’un signe « airscreen » à être enregistré pour des écrans gonflables, manque de pertinence d’un point de vue territorial et temporel. Il suffit, à cet égard, de rappeler les jurisprudences citées aux points 33 et 57 ci-dessus. En effet, le renseignement non contraignant et fourni à brève échéance par un unique examinateur, selon lequel le signe airscreen eût « probablement » été refusé en 2019 pour des écrans gonflables, pour les consommateurs suisses ne contient aucune indication sur la perception par le public de la marque contestée, à la date pertinente, au sein de l’Union.

69      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a écarté la communication entre la requérante et l’IPI comme insuffisant pour démontrer le caractère descriptif de la marque contestée.

 Conclusion

70      Au regard ce qui précède, il convient de juger que la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que les preuves produites n’étaient pas suffisantes pour établir le caractère descriptif du terme « airscreen » en ce qui concerne les produits en cause et que la marque contestée avait été enregistrée conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94.

71      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les annexes déposées pour la première fois devant le Tribunal. Il convient, à cet égard, de constater, en ce qui concerne, en particulier, l’annexe A 23 contenant la décision de l’OBPI du 26 mai 2021 dans l’affaire 1427184 que celle-ci n’est pas une décision définitive, mais qu’il s’agit d’un « refus provisoire ». En outre, la demande de marque provisoirement refusée dans ladite décision ne se rapporte pas à la période précédant la date pertinente en l’espèce, à savoir le 27 juin 2003, mais est datée du 15 octobre 2020.

72      Il s’ensuit que, au regard de la jurisprudence citée aux points 33 et 57 ci-dessus, il convient d’écarter l’annexe A 23 dans la mesure où elle n’est pas pertinente d’un point de vue temporel et ne saurait lier le Tribunal dans son appréciation. Il en va de même pour les autres annexes déposées pour la première fois devant le Tribunal.

73      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement

74      La requérante insiste sur le fait que la marque contestée serait descriptive et fonde sur cet aspect l’absence de caractère distinctif qu’elle fait valoir.

75      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

76      Dès lors que l’argumentation de la requérante sur l’absence prétendue de caractère distinctif de la marque contestée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, se fonde exclusivement sur son caractère prétendument descriptif et qu’il a été conclu dans le cadre du premier moyen que la marque contestée n’est pas descriptive des produits en cause, celle-ci ne saurait prospérer.

77      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Moviescreens Rental GmbH est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.