Language of document : ECLI:EU:T:2014:567

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

5 juin 2014(*

« Recours en annulation – Concurrence – Exploitation d’appareils de loterie vidéo – Octroi par la Grèce d’une licence exclusive – Décision de rejet d’une plainte – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑416/13,

Stanleybet Malta Ltd, établie à La Valette (Malte),

Stanley International Betting Ltd, établie à Liverpool (Royaume‑Uni),

représentées par Mes R. A. Jacchia, I. Picciano, A. Terranova, F. Ferraro, G. Dellis, P. Kakouris et I. Koimitzoglou, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. F. Ronkes Agerbeek et Mme R. Striani, en qualité d’agents, puis par M. F. Ronkes Agerbeek

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision que contiendrait la lettre de la Commission du 10 juin 2013 par laquelle celle-ci a communiqué aux requérantes sa décision de rejeter leur plainte et de clôturer le dossier concernant l’affaire COMP/39.981, Stanleybet Group 2/OPAP,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Stanleybet Malta Ltd et Stanley International Betting Ltd, sont deux fournisseurs de services de jeux et de paris ayant des activités dans plusieurs États membres.

2        Le 25 janvier 2012, les requérantes ont introduit auprès de la Commission européenne une plainte formellement sur la base de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003 L 1, p. 1). Dans cette plainte, elles demandaient à la Commission de prendre les mesures nécessaires afin de faire cesser certains comportements de l’Organismos Prognostikon Agonon Podosfairou AE (OPAP) (organisme de pronostics de matches de football) qui constitueraient un ou plusieurs abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE. 

3        Les requérantes soutenaient que ces comportements abusifs étaient liés à l’adoption de la loi grecque n° 4002/2011, du 4 août 2011, relative à la réglementation du marché des jeux (ci‑après la « loi sur les jeux »). En vertu de cette loi, la République hellénique a conféré à l’OPAP une licence exclusive permettant l’exploitation de 35 000 appareils de loterie vidéo (ci‑après les « ALV ») par le biais d’un accord signé entre l’État et l’OPAP le 4 novembre 2011 (ci-après l’« accord ALV »). Selon le régime prévu par la loi sur les jeux, 16 500 ALV devaient être installés dans les agences de l’OPAP. S’agissant des 18 500 ALV restants, l’OPAP pouvait concéder des licences d’exploitation de ces appareils à des concessionnaires indépendants.

4        Les requérantes soutenaient dans leur plainte que la loi sur les jeux, d’une part, autoriserait l’OPAP à renforcer et à tirer profit de la position dominante dont il bénéficierait historiquement dans le segment des paris et des jeux physiques et, d’autre part, le conduirait ou l’encouragerait à en abuser par l’exploitation du système de licences instauré par la loi sur les jeux dans le segment voisin des machines de jeux et des jeux en ligne. Toutefois, elles considéraient que l’abus serait le résultat du comportement autonome de l’OPAP.

5        Par lettre du 17 décembre 2012, la Commission a transmis aux requérantes les conclusions provisoires de son analyse de la plainte. Dans cette lettre, la Commission indiquait qu’elle ne comptait pas poursuivre l’enquête. À cet égard, la Commission a précisé que, à la suite d’une analyse préliminaire, elle estimait que la loi sur les jeux et l’accord ALV constituaient des mesures étatiques au sens de l’article 106 TFUE. Or, selon la Commission, afin de déterminer s’il existait une violation conjointe des articles 106 TFUE et 102 TFUE, il était nécessaire d’établir l’existence d’un abus de position dominante actuel ou potentiel. En l’espèce, la Commission a considéré que les éléments communiqués par les requérantes dans leur plainte ne permettaient pas d’identifier un abus concret que l’OPAP aurait commis ou serait susceptible de commettre  en ce qui concerne l’adoption de la loi sur les jeux et l’accord ALV. La Commission a également indiqué que, si elle ne recevait pas de la part des requérantes de nouveaux éléments d’information dans un délai de quatre semaines, elle clôturerait le dossier.

6        Par lettre du 15 janvier 2013, les requérantes ont répondu à l’examen provisoire de la Commission en réitérant leur point de vue.

7        Par lettre du 10 juin 2013, la Commission a informé les requérantes que les éléments présentés par ces dernières dans leur lettre du 15 janvier 2013 ne l’avait pas amenée à revoir sa position et qu’elle avait clôturé le dossier de plainte (ci-après la « lettre contestée »). Dans cette lettre, la Commission a réitéré que la plainte visait essentiellement les dispositions de la loi sur les jeux et qu’elle l’avait donc analysée comme une plainte introduite sur la base de l’article 106 TFUE, lu en combinaison avec l’article 102 TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 août 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception d’irrecevabilité le 13 janvier 2014.

10      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 19 et 26 novembre 2013, la République hellénique et l’OPAP ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

11      Les requérantes concluent, dans leur requête, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre contestée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

13      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        joindre l’examen de l’exception d’irrecevabilité au fond ;

–        accorder de nouveaux délais pour la suite de la procédure ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

14      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

15      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par la Commission sans ouvrir la procédure orale.

16      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que le recours doit être rejeté comme irrecevable dès lors que la lettre contestée ne constituerait pas un acte attaquable. Elle soutient, en substance, que la plainte était en fait uniquement fondée sur une violation par la République hellénique de l’article 106, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 102 TFUE, et non sur une violation autonome de l’article 102 TFUE par l’OPAP. Selon la Commission, le rejet d’une plainte déposée contre un État membre concernant une prétendue violation de l’article 106, paragraphe 1, TFUE ne serait pas un acte attaquable.

17      Les requérantes ne contestent pas que la Commission est libre de décider des suites qu’elle souhaite donner à une plainte déposée contre un État membre sur la base de l’article 106 TFUE. Elles soutiennent cependant que leur plainte ne visait pas un État membre, mais une entreprise, à savoir l’OPAP, et qu’elles dénonçaient le comportement commercial autonome de cette dernière comme constituant une infraction à l’article 102 TFUE. À cet égard, elles renvoient aux points 74, 75 et 84 à 92 de leur plainte, que la Commission n’aurait pas réfutés. Selon les requérantes, il importerait peu que ces éléments concernent un comportement commercial futur.

18      Les requérantes précisent que l’OPAP garde toujours la liberté de ne pas mettre en œuvre le comportement abusif qui consisterait à saisir les occasions commerciales offertes par la loi sur les jeux. Elles rappellent, à cet égard, qu’elles avaient mis l’OPAP formellement en demeure de s’abstenir d’un tel comportement. Les requérantes observent, par ailleurs, que rien ne s’oppose à ce qu’une seule plainte dénonce tant un comportement étatique qu’un comportement commercial autonome de la part d’une entreprise. En tout état de cause, la décision de ne pas instruire une plainte ou la partie de celle-ci relative à l’article 102 TFUE devrait pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

19      Conformément à l’article 106, paragraphe 1, TFUE, les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité, notamment à celles en matière de concurrence, sous réserve de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Cet article n’a pas une application indépendante et ne trouve à s’appliquer qu’en combinaison avec d’autres dispositions du traité.

20      À cet égard, il convient de rappeler que le simple fait de créer une position dominante par l’octroi de droits exclusifs, au sens de l’article 106, paragraphe 1, TFUE, n’est pas, en tant que tel, incompatible avec l’article 102 TFUE. Cependant, l’État membre enfreint les interdictions édictées par ces deux dispositions lorsque l’entreprise en cause est amenée, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (arrêts de la Cour du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, Rec. p. I‑5889, points 16 et 17 ; du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, Rec. p. I‑1979, point 29, et du 18 juin 1991, ERT, C‑260/89, Rec. p. I‑2925, point 37).

21      En outre, le refus de la Commission d’agir en vertu de l’article 106, paragraphe 3, TFUE à la suite d’une plainte introduite par un particulier contre un État membre ne constitue pas un acte attaquable dès lors que, la Commission n’étant pas tenue d’engager une action au sens de ladite disposition, les particuliers ne peuvent exiger qu’elle prenne position dans un sens déterminé (arrêt de la Cour du 22 février 2005, Commission/max.mobil, C‑141/02 P, Rec. p. I‑1283, points 69 et 70, et ordonnance du Tribunal du 23 septembre 2011, Vivendi/Commission, T‑567/10, non publiée au Recueil, point 16). En effet, dans le domaine visé par l’article 106, paragraphes 1 et 3, TFUE, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation concernant tant l’action qu’elle considère nécessaire d’entreprendre que les moyens appropriés à cette fin (arrêts de la Cour du 20 février 1997, Bundesverband der Bilanzbuchhalter/Commission, C‑107/95 P, Rec. p. I‑947, point 27, et du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C‑48/90 et C‑66/90, Rec. p. I‑565, point 27).

22      Il y a lieu de rappeler également que les articles 101 TFUE et 102 TFUE ne visent que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 mars 1985, Italie/Commission, 41/83, Rec. p. 873, points 18 à 20 ; du 19 mars 1991, France/Commission, C‑202/88, Rec. p. I‑1223, point 55, et du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C‑18/88, Rec. p. I‑5941, point 20).

23      Enfin, s’agissant des plaintes dénonçant le comportement d’une entreprise contraire aux articles 101 TFUE et 102 TFUE sur la base du règlement n° 1/2003, le plaignant est en droit de soumettre au juge la décision par laquelle la Commission classe sa plainte (arrêts de la Cour du 25 octobre 1977, Metro SB‑Groβmärkte/Commission, 26/76, Rec. p. 1875, point 13 ; du 11 octobre 1983, Schmidt/Commission, 210/81, Rec. p. 3045, point 14, et du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C‑282/95 P, Rec. p. I‑1503, point 36).

24      À la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu d’examiner, en l’espèce, si la plainte des requérantes visait à dénoncer le fait que, après l’adoption de la loi sur les jeux, l’OPAP était amené, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive, ou bien si la plainte visait à dénoncer un comportement commercial autonome de l’OPAP constitutif d’un abus de position dominante qui ne découlerait pas simplement du cadre juridique imposé par la loi. Dans le premier cas, la lettre contestée ne saurait être considérée comme un acte attaquable au sens de cette dernière disposition, conformément à la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus. En revanche, dans le second cas, la lettre contestée devrait être qualifiée de décision de rejet d’une plainte fondée sur l’article 102 TFUE susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, conformément à la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.

25      Afin d’identifier la véritable portée d’une plainte, il convient de s’attacher à sa teneur et non pas à sa forme ou à son libellé, comme le soutiennent les requérantes. En effet, la question de savoir si une décision de rejet de plainte, telle que la lettre contestée, est un acte attaquable ou non au regard des exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE constitue une question objective, dont la réponse ne saurait dépendre de la forme ou du libellé que les plaignants ont souhaité donner à leur plainte. Le fait que les plaignants aient visé, dans l’intitulé de leur plainte, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ne signifie donc pas qu’il s’agit effectivement d’une plainte au sens des articles 101 TFUE et 102 TFUE.

26      Dans le cas d’espèce, la plainte est composée de trois parties. La première partie (points 1 à 24) contient des informations sur l’identité et sur les activités des requérantes et de l’OPAP ainsi qu’une description sommaire des griefs avancés. La deuxième partie de la plainte (points 25 à 39) donne une description de plusieurs dispositions de la loi sur les jeux, en précisant les raisons pour lesquelles leur mise en œuvre amènerait l’OPAP à renforcer sa position dominante préexistante et à en abuser. Ces effets restrictifs se feraient ressentir sur l’ensemble du territoire grec et affecteraient les échanges entre États membres, de sorte qu’une application de l’article 102 TFUE serait justifiée. La troisième et dernière partie (points 40 à 99) explique l’intérêt des requérantes à déposer la plainte, présente le positionnement concurrentiel des entreprises concernées et tend à démontrer l’existence d’une violation de l’article 102 TFUE par un comportement autonome de l’OPAP.

27      Afin de démontrer que leur plainte dénonçait une infraction autonome à l’article 102 TFUE par l’OPAP, les requérantes se réfèrent aux points 74, 75 et 84 à 92 de la plainte.

28      S’agissant du point 74 de la plainte, les requérantes y ont énuméré plusieurs exemples de comportements anticoncurrentiels, auxquels l’OPAP se livrerait inévitablement dans le segment non monopolisé des ALV du marché des jeux grec. Il s’agit d’opérations de subventions croisées, la possibilité d’utiliser, dans ce segment, la notoriété et d’autres éléments intangibles du fonds de commerce, tels que la clientèle, dont l’OPAP bénéficie déjà dans le segment monopolisé, le fait de pouvoir exploiter en premier le segment des ALV, la possibilité d’amortir les investissements et d’exploiter l’ensemble de ses ressources dans les deux segments, la fixation des prix et des conditions de vente des services offerts par les détenteurs des sous-licences et, enfin, l’avantage de pouvoir bénéficier d’économies d’échelle. Il en découlerait, selon le point 75 de la plainte, que les conditions concurrentielles dans le segment des ALV seraient faussées au détriment des concurrents de l’OPAP.

29      En ce qui concernent les points 84 à 92 de la plainte, les requérantes se réfèrent à l’assemblée générale extraordinaire de l’OPAP qui a été convoquée pour délibérer de la proposition de la République hellénique visant à lui octroyer une licence pour l’installation et l’exploitation des 35 000 ALV conformément à l’article 39 de la loi sur les jeux. Ces points citent plusieurs documents qui ont été préparés en vue de cette assemblée et qui soulignent les avantages financiers et les opportunités commerciales offerts par cette loi. Il ressortirait de ces documents ainsi que d’autres communications et déclarations, dont celle d’un dirigeant de l’OPAP, que cette entité comptait exploiter les opportunités et les privilèges octroyés par la loi sur les jeux.

30      Force est donc de constater que les exemples de comportements anticoncurrentiels mis en avant par les requérantes dans leur plainte visaient à démontrer que, après l’adoption de la loi sur les jeux, l’OPAP aurait été amené, par le simple exercice des droits exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive.

31      Ce constat s’impose également à la lecture de plusieurs autres passages de la plainte.

32      Il en va ainsi du point 3 de la plainte qui, en guise d’introduction, se réfère au droit d’exploiter 35 000 ALV prévu par la loi sur les jeux.

33      De même, au point 60 de la plainte, qui introduit la partie relative au prétendu comportement anticoncurrentiel autonome de l’OPAP, les requérantes font valoir que les mesures législatives adoptées par un État membre en violation de l’article 106, paragraphe 1, TFUE peuvent amener une entreprise détentrice de droits spéciaux ou exclusifs à enfreindre l’article 102 TFUE. Deux paragraphes plus loin, au point 62 de la plainte, les requérantes concluent également que les mesures législatives adoptées par les États membres en violation de l’article 106, paragraphe 1, TFUE peuvent en soi amener une entreprise détentrice d’un monopole à abuser de sa position dominante.

34      Ces affirmations se retrouvent, en outre, au point 67 de leur plainte, où les requérantes font valoir que le monopole légal conféré à l’OPAP, tel qu’élargi et renforcé par la loi sur les jeux, se traduirait par un comportement ou des situations contraires à l’article 102 TFUE, ainsi qu’au point 71 de la plainte, selon lequel le système de licence exclusive, tel qu’il a été créé par la loi sur les jeux, mettrait inévitablement l’OPAP dans une situation d’abus.

35      Les requérantes affirment aussi, au point 78 de la plainte, que les dispositions de la loi sur les jeux créent un conflit d’intérêt  pour l’OPAP. À cet égard, elles s’appuient, au point 81 de la plainte, sur la décision 2002/344/CE de la Commission, du 23 octobre 2001, relative à l’absence de contrôle exhaustif et indépendant des conditions tarifaires et techniques appliquées par La Poste aux entreprises de routage pour l’accès à ses services réservés (JO L 120, p. 19), qui avait pour destinataire la République française et qui mettait en cause non pas l’entreprise détentrice de droit exclusifs ou spéciaux, mais la législation adoptée par cet État. Les requérantes concluent, au point 83 de la plainte, tout comme elles l’avaient déjà fait au point 31, que, en raison du système de licences mis en place par la loi sur les jeux, l’OPAP abusera inévitablement de sa position dominante.

36      Enfin, l’essentiel des références jurisprudentielles mentionnées dans la plainte concernent les obligations des États membres au titre de l’article 106, paragraphe 1, TFUE (voir points 60, 61, 63, 65, 68, 72 et 82 de la plainte).

37      Au vu de tout ce qui précède, force est de constater, premièrement, que la plainte dénonçait les conséquences anticoncurrentielles de la loi sur les jeux et qu’elle était donc dirigée, en substance, contre la République hellénique ; deuxièmement, que les points de la plainte auxquels renvoient les requérantes dans le cadre du présent recours pour illustrer la portée de leur plainte contiennent quasi exclusivement des arguments fondés sur l’application de l’article 106 TFUE et les obligations des États membres qui en découlent et, troisièmement, que les requérantes n’ont identifié aucun comportement autonome de l’OPAP qui serait différent du simple exercice des droits exclusifs que lui confère la loi sur les jeux et qui constituerait un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE.

38      Il s’ensuit que la Commission a estimé à bon droit que la plainte dont elle était saisie était fondée sur l’article 106, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 102 TFUE. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, la décision de ne pas instruire une telle plainte ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

39      Il convient donc de faire droit à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de rejeter le recours comme irrecevable.

40      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention de la République hellénique et de l’OPAP.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

42      Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention de la République hellénique et de l’Organismos Prognostikon Agonon Podosfairou AE (OPAP).

3)      Stanleybet Malta Ltd et Stanley International Betting Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 5 juin 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : l’anglais.