Language of document : ECLI:EU:T:1999:140

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 juillet 1999 (1)

«Organisation commune des marchés dans le secteur du sucre - Fixation des prix d'intervention dérivés pour les zones déficitaires - Recours en annulation - Personnes physiques et morales - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-168/95,

Eridania Zuccherifici Nazionali SpA, société de droit italien, établie à Gênes (Italie),

ISI - Industria Saccarifera Italiana Agroindustriale SpA, société de droit italien, établie à Padoue (Italie),

Sadam Zuccherifici, division de la SECI - Società Esercizi Commerciali Industriali SpA, société de droit italien, établie à Bologne (Italie),

Sadam Castiglionese SpA, société de droit italien, établie à Bologne,

Sadam Abruzzo SpA, société de droit italien, établie à Bologne,

Zuccherificio del Molise SpA, société de droit italien, établie à Termoli (Italie),

SFIR - Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA, société de droit italien, établie à Cesena (Italie),

Ponteco Zuccheri SpA, société de droit italien, établie à Pontelagoscuro (Italie),

représentées par M. Bernard O'Connor, solicitor, et Mes Ivano Vigliotti et Paolo Crocetta, avocats au barreau de Gênes, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Arsène Kronshagen, 12, boulevard de la Foire,

parties requérantes,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. Jan-Peter Hix et Ignacio Díez Parra, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Eugenio de March, conseiller juridique, et Francesco Paolo Ruggeri Laderchi, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande en annulation du règlement (CE) n° 1534/95 du Conseil, du 29 juin 1995, fixant, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, les prix d'intervention dérivés du sucre blanc, le prix d'intervention du sucre brut, les prix minimaux de la betterave A et de la betterave B, ainsi que le montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage (JO L 148, p. 11), en ce qu'il constate, dans le cadre de la fixation des prix d'intervention dérivés du sucre blanc, qu'une situation d'approvisionnement déficitaire est prévisible dans les zones de production de l'Italie,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le règlement (CEE) n° 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 177, p. 4, ci-après «règlement de base»), plusieurs fois modifié, dont l'un des objectifs est de garantir aux producteurs de betteraves et de cannes à sucre de la Communauté le maintien de leur emploi et de leur niveau de vie (troisième considérant), établit à cet effet, notamment, un régime des prix et un régime des quotas.

2.
    Le régime des quotas comporte la fixation, pour chacune des régions de production de la Communauté, des quantités de sucre à produire, les États membres devant répartir ces quantités entre les différentes entreprises productrices de sucre établies sur leur territoire sous forme de quotas de production. Le règlement de base établit une distinction entre différents types de quotas, parmi lesquels des quotas «privilégiés» qui peuvent être commercialisés librement dans le marché commun. Ces quotas se réfèrent à une campagne de commercialisation annuelle, qui commence le 1er juillet d'une année et se termine le 30 juin de l'année suivante.

3.
    Le régime des prix comporte un système d'intervention destiné à garantir les prix et l'écoulement des produits, les prix appliqués par les organismes d'intervention étant fixés chaque année par le Conseil.

4.
    Les prix du sucre blanc ne sont pas les mêmes pour tout le territoire de la Communauté. En effet, l'article 3 du règlement de base prévoit, au paragraphe 1, la fixation d'un «prix d'intervention» pour les zones non déficitaires et d'un «prix d'intervention dérivé» pour chacune des zones déficitaires. Selon l'article 9, paragraphe 1, second alinéa, du même règlement, ces différents prix s'appliquent en fonction de la zone dans laquelle se trouve le sucre au moment de l'achat. Doivent être considérées comme déficitaires les zones dans lesquelles la quantité produite au titre des quotas «privilégiés» est inférieure à la consommation. Cette différenciation des prix, appelée «régionalisation», a pour but d'assurer l'approvisionnement des zones déficitaires par les fabricants de sucre des autres zones. En effet, les prix d'intervention dérivés sont fixés à un niveau supérieur à celui du prix d'intervention, la différence entre les deux prix étant censée couvrir les frais de transport supplémentaires.

5.
    Le règlement de base prévoit également, à l'article 5, un régime de prix pour les betteraves transformées en sucre. En effet, les fabricants de sucre doivent payer aux producteurs de betteraves des prix minimaux, conformément à l'article 6, paragraphes 1 et 2, qui varient selon la zone dans laquelle celles-ci sont produites. Aux termes de l'article 5, paragraphe 3, pour les zones pour lesquelles un prix d'intervention dérivé du sucre blanc est fixé, ces prix minimaux sont majorés d'un montant égal à la différence entre le prix d'intervention dérivé de la zone en cause et le prix d'intervention, montant qui est affecté du coefficient 1,30.

6.
    Ainsi, pour les zones déficitaires, le règlement de base prévoit, dans les limites du quota attribué, un prix plus élevé pour l'achat de la matière première nécessaire à la production du sucre et, en même temps, une rémunération plus élevée pour le sucre produit dans ces zones.

7.
    Jusqu'à la campagne de commercialisation 1994/1995, le Conseil a classé l'Italie, lors de la fixation annuelle des prix d'intervention, parmi les zones déficitaires de la Communauté et, en conséquence, a défini des prix d'intervention dérivés applicables à cette zone, alors que, selon l'industrie sucrière italienne, l'Italie était en passe de devenir une zone excédentaire.

8.
    Les prix d'intervention du sucre blanc pour la campagne de commercialisation 1995/1996 ont été fixés, pour les zones non déficitaires de la Communauté, à 63,19 écus par 100 kilogrammes par l'article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1533/95 du Conseil, du 29 juin 1995, fixant, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, certains prix dans le secteur du sucre et la qualité type des betteraves (JO L 148, p. 9, ci-après «règlement n° 1533/95»). Le prix d'intervention dérivé du sucre blanc pour la même campagne de commercialisation a été fixé, pour toutes les zones de l'Italie, à 65,53 écus par 100 kilogrammes par l'article 1er, sous f), du règlement (CE) n° 1534/95 du Conseil, du 29 juin 1995, fixant, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, les prix d'intervention dérivés du sucre blanc, le prix d'intervention du sucre brut, les prix minimaux de la betterave A et de la betterave B, ainsi que le montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage (JO L 148, p. 11, ci-après «règlement n° 1534/95» ou «règlement attaqué»), le troisième considérant de ce règlement constatant «qu'une situation d'approvisionnement déficitaire [était] prévisible dans les zones de production de l'Italie [...]».

Procédure

9.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 1995, les requérantes, sociétés établies en Italie et détenant ensemble 92 % des quotas de production de sucre attribués à cet État membre, ont introduit, en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE) le présent recours.

10.
    Par ordonnance du 7 novembre 1995, Eridania e.a./Conseil (T-168/95 R, Rec. p. II-2817), le président du Tribunal a rejeté la demande tendant au sursis à l'exécution de l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 introduite par les requérantes.

11.
    Par acte séparé, déposé le 9 novembre 1995 au greffe du Tribunal, le Conseil a soulevé une exception d'irrecevabilité, au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 5 janvier 1996.

12.
    Par ordonnance du 19 mars 1996, le président de la deuxième chambre du Tribunal a accueilli la demande d'intervention au soutien des conclusions du Conseil déposée par la Commission au greffe du Tribunal le 31 janvier 1996. Le 3 mai 1996, la Commission a déposé un mémoire en intervention. Par mémoires déposés au greffe, respectivement, les 25 mai et 14 juin 1996, les requérantes et le Conseil ont présenté leurs observations sur ce mémoire en intervention.

13.
    Par ordonnance du 25 juin 1997, le Tribunal (deuxième chambre) a joint cette exception au fond.

14.
    Par décision du Tribunal du 21 septembre 1998, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.

15.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 26 janvier 1999.

Conclusions des parties

16.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler le règlement n° 1534/95 ou, à tout le moins, son article 1er, sous f);

-    annuler, le cas échéant, tous actes antérieurs ou postérieurs au règlement n° 1534/95 qui lui soient connexes, en ce compris le règlement de base ou, à tout le moins, ses articles 3, 5 et 6 et toutes dispositions prises pour leur exécution;

-    condamner le Conseil aux dépens;

-    condamner la Commission aux dépens afférents à son intervention.

17.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable;

-    subsidiairement, déclarer le recours non fondé;

-    condamner les requérantes aux dépens.

18.
    Dans son mémoire en intervention, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    accueillir les conclusions du Conseil et rejeter le recours comme irrecevable;

-    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé.

Sur la recevabilité du recours

19.
    Au soutien de son exception d'irrecevabilité, le Conseil soulève trois moyens. Le premier est tiré de l'expiration du délai de recours prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité, le deuxième du défaut de qualité des requérantes pour agir au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, et le troisième d'une violation de l'article 19, premier alinéa, du statut (CE) de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, en ce que la requête manquerait de la précision requise par ces textes.

Moyens et arguments des parties

Sur le premier moyen, tiré de l'expiration du délai de recours

20.
    Le Conseil soutient que le recours, en ce qu'il vise à l'annulation des articles 3, 5 et 6 du règlement de base, a été introduit après l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité. En effet, le règlement de base aurait été adopté le 30 juin 1981 sans que le texte actuel desdits articles ait été modifié en 1995.

21.
    Les requérantes font valoir qu'elles ont, dans leur requête, demandé à titre principal l'annulation de l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 et contesté à titre subsidiaire la validité des articles 3, 5 et 6 du règlement de base, au cas où il s'avérerait que l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 est fondé sur ces articles. Elles soulignent, à cet égard, que l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE) permet à celui qui demande l'annulation d'un règlement d'attaquer indirectement un second règlement sur lequel le premier serait fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de qualité pour agir des requérantes

22.
    Le Conseil soutient que les requérantes ne sont ni directement ni individuellement concernées par l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95. En particulier, le Conseil s'oppose à la thèse défendue par les requérantes, selon laquelle elles appartiendraient à un cercle restreint d'opérateurs économiques individualisés et identifiables, à savoir les fabricants italiens de sucre titulaires de quotas de production, ce cercle n'étant justement pas restreint.

23.
    Il précise que le régime des quotas de production dans le secteur du sucre prévoit la possibilité d'attribuer des quotas à des «new comers» («nouveaux entrants»). En effet, l'article 25 du règlement de base permettrait aux États membres d'effectuer des transferts de quotas entre entreprises sans limites sur la base de plans de restructuration. Par conséquent, le cercle potentiel de fabricants italiens de sucre titulaires de quotas de production ne serait pas déterminable a priori. Il ajoute que l'acte attaqué concerne non seulement les fabricants italiens de sucre, mais également les producteurs italiens de betteraves, les prix minimaux des betteraves étant calculés en fonction des prix d'intervention dérivés pour le sucre. Le cercle des personnes concernées par le règlement attaqué n'étant pas fermé et pouvant s'étendre à l'avenir, les conditions de recevabilité établies par les arrêts de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission (C-152/88, Rec. p. I-2477), et du 6 novembre 1990, Weddel/Commission (C-354/87, Rec. p. I-3847), ne seraient, par conséquent, pas réunies en l'espèce.

24.
    Le Conseil rappelle également que, selon la jurisprudence, la portée générale, et, partant, la nature normative d'un acte, n'est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique à un moment donné, tant qu'il est constant que cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait définie par l'acte en relation avec la finalité de ce dernier (arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 18, et ordonnance du Tribunal du 29 juin 1995, Cantina cooperativa fra produttori vitivinicoli di Torre di Mosto e.a./Commission, T-183/94, Rec. p. II-1941, point 48). Or, le règlement n° 1534/95 a été adopté précisément en vertu d'une situation objective de droit et de fait. En effet, ce règlement fixerait, notamment, pour la campagne de commercialisation 1995/1996 les prix d'intervention dérivés du sucre blanc et les prix minimaux des betteraves. Il ressortirait des considérants dudit règlement que, pour déterminer les prix, le Conseil s'est fondé sur des critères objectifs, prenant notamment en compte le fait qu'une situation d'approvisionnement déficitaire était prévisible dans certaines zones, parmi lesquelles se trouvait l'Italie. En revanche, le règlement attaqué ne comporterait aucun élément concret permettant de conclure que la fixation des prix dérivés a été effectuée en tenant compte de la situation spécifique des requérantes. Ces dernières ne seraient donc concernées par le règlement attaqué qu'en leur qualité objective de fabricants de sucre.

25.
    En tout état de cause, la seule circonstance que les requérantes soient titulaires de quotas de production ne serait pas suffisante pour établir, comme l'exige la jurisprudence, qu'elles sont atteintes dans leur position juridique (arrêt Codorniu/Commission, précité, point 20). A la différence du règlement en cause dans l'affaire Codorniu/Commission, la fixation des prix d'intervention dérivés ne porterait pas atteinte à la «position juridique» des requérantes et n'affecterait pas non plus leurs «droits spécifiques» (ordonnance du Tribunal du 20 octobre 1994, Asocarne/Conseil, T-99/94, Rec. p. II-871, point 20).

26.
    Dans son mémoire en intervention, la Commission se rallie à l'argumentation du Conseil. Elle souligne que le règlement attaqué tend à remédier à la situation d'approvisionnement déficitaire prévisible en Italie, sur la base de critères objectifs de marché, y compris les tendances des campagnes antérieures. Il ne concernerait pas uniquement les fabricants italiens de sucre, mais tous les opérateurs économiques du secteur, y compris les producteurs et les vendeurs de betteraves, sans accorder aucune protection spécifique à certains d'entre eux.

27.
    Les requérantes soutiennent, tout d'abord, que l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 fixe le prix d'intervention dérivé du sucre blanc pour toutes les zones de l'Italie, ce qui signifie qu'elles doivent payer un prix minimal plus élevé pour les betteraves par rapport aux fabricants des zones non déficitaires. L'exécution de cette disposition serait automatique et ne laisserait place à aucune marge d'appréciation, de sorte qu'elle produirait un effet direct sur les requérantes.

28.
    Les requérantes considèrent ensuite que l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 les concerne à titre individuel, du fait qu'elles font partie d'un cercle restreint de sujets dont l'identité était connue des institutions de la Communauté. Dans ce contexte, elles renvoient à l'obligation incombant aux États membres d'informer les autorités communautaires de la répartition des quotas entre les entreprises productrices de sucre, ainsi qu'il ressort des articles 25, paragraphe 2, et 39 du règlement de base ainsi que du règlement (CEE) n° 787/83 de la Commission, du 29 mars 1983, relatif aux communications dans le secteur du sucre (JO L 88, p. 6, ci-après «règlement n° 787/83»). Le Conseil aurait eu connaissance, lors de l'adoption du règlement n° 1534/95, de l'identité des entreprises productrices de sucre italiennes qui seraient titulaires de quotas pour la campagne 1995/1996. Or, les requérantes en faisaient partie, et il était exclu que d'autres titulaires de quotas puissent s'y ajouter.

29.
    Dans la mesure où le Conseil se réfère à l'article 25 du règlement de base pour soutenir que le nombre des entreprises productrices de sucre n'est pas fixe, mais ouvert à de «nouveaux entrants», les requérantes soulignent que la possibilité pour les États membres de transférer des quotas pour la campagne 1995/1996 ne pouvait être utilisée qu'avant le 1er mars 1995. En effet, le règlement (CEE) n° 193/82 du Conseil, du 26 janvier 1982, arrêtant les règles générales relatives aux transferts de quotas dans le secteur du sucre (JO L 21, p. 3), prévoit à son article 7 que, lorsqu'un État membre applique l'article 25, paragraphe 2, du règlement de base, il attribue les quotas modifiés avant le 1er mars pour son application pendant la campagne de commercialisation suivante. Elles en concluent que, à la date de l'adoption du règlement n° 1534/95 - le 29 juin 1995 -, son article 1er, sous f), ne pouvait concerner que le cercle restreint des entreprises productrices de sucre italiennes déterminées à la date du 1er mars précédent.

30.
    Les requérantes soutiennent également qu'il résulte du rapport spécial n° 4/91 de la Cour des comptes, concernant l'activité de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre et de l'isoglucose, que la longue durée d'application du système des quotas a créé des droits de production en faveur des titulaires de quotas, ces quotas de production ayant abouti à de véritables droits individuels. La Commission n'ayant pas formulé d'objections sur ce point dans sa réponse officielle à ces constatations, elle aurait implicitement admis que les quotas de production sont devenus de véritables droits individuels et que, dès lors, toute mesure prise par les autorités communautaires au sujet de tels droits affecte directement et individuellement les titulaires desdits droits.

31.
    Se référant, notamment, aux arrêts Sofrimport/Commission et Weddel/Commission, précités, ainsi qu'aux arrêts de la Cour du 1er juillet 1965, Töpfer e.a./Commission (106/63 et 107/63, Rec. p. 525), et du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), les requérantes affirment constituer un groupe suffisamment caractérisé par rapport aux entreprises productrices d'autres zones de la Communauté. En effet, le règlement n° 1534/95 fixerait les prix d'intervention dérivés pour six régions déficitaires de la Communauté et constituerait ainsi, étant fondé sur des circonstances exceptionnelles, une dérogation à la réglementation de base établie par le règlement n° 1533/95, qui fixe, notamment, les prix d'intervention du sucre blanc pour les zones non déficitaires de la Communauté. Par ailleurs, il aurait été adopté sur la base d'informations fournies par les requérantes elles-mêmes.

32.
    A ce dernier égard, les requérantes précisent que la considération selon laquelle l'Italie est une région déficitaire repose sur une méconnaissance des informations qu'elles auraient fournies, par l'intermédiaire des autorités italiennes et de la Commission. En effet, les chiffres qu'elles auraient produits, et qui portaient sur la production acquise et prévisible ainsi que sur leurs capacités de production individuelles, montreraient que l'Italie n'est pas une zone déficitaire. Les requérantes ajoutent qu'elles ont conclu des contrats avec les betteraviers italiens. La fixation du prix d'intervention dérivé déterminerait le prix qu'elles doivent leur payer. En outre, la capacité de production des requérantes serait liée à ces contrats.

33.
    Elles soulignent, enfin, que l'article 46 du règlement de base a autorisé l'Italie, jusqu'à la campagne 1994/1995, à octroyer des aides à l'industrie italienne, ce qui corroborerait la situation spéciale des entreprises productrices italiennes titulaires de quotas. En maintenant les prix régionalisés pour l'Italie tout en supprimant simultanément, par son règlement (CE) n° 1101/95, du 24 avril 1995, modifiant le règlement n° 1785/81 et le règlement (CEE) n° 1010/86 établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 110, p. 1, ci-après «règlement n° 1101/95»), la possibilité d'octroi d'aides pour la campagne 1995/1996, le Conseil aurait été parfaitement conscient qu'il leur réservait un traitement discriminatoire.

Sur le troisième moyen, tiré de l'insuffisante précision de la requête

34.
    Le Conseil fait valoir que la requête ne satisfait pas aux exigences de précision établies par l'article 19, premier alinéa, du statut de la Cour et l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, les conclusions, tendant, d'une manière générale, à l'annulation de dispositions autres que l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 et de tous actes antérieurs ou postérieurs qui lui soient connexes, en ce compris le règlement de base, ne permettraient pas de déterminer l'objet du recours, les requérantes omettant de préciser quelles dispositions desdits règlements leur feraient grief.

35.
    Les requérantes estiment que l'objet de leur recours est suffisamment précis.

Appréciation du Tribunal

Sur l'insuffisante précision de la requête et la forclusion (premier et troisième moyens)

36.
    Les requérantes ont précisé, dans leur requête, qu'elles demandaient l'annulation du seul article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 et qu'elles n'attaquaient les articles 3, 5 et 6 du règlement de base, adopté en 1981, que «le cas échéant», c'est-à-dire pour autant que ledit article 1er, sous f), est fondé sur ces articles. Les requérantes invoquent ainsi l'inapplicabilité desdits articles du règlement de base, en vertu de l'article 184 du traité, ce qui revient à soulever une exception d'illégalité à l'appui des conclusions du recours. Eu égard à cette limitation des conclusions du recours, le premier moyen d'irrecevabilité, tiré de l'expiration du délai de recours, est devenu sans objet.

37.
    Les requérantes ont également demandé l'annulation de tous actes antérieurs ou postérieurs au règlement n° 1534/95, en ce compris le règlement de base, qui lui soient connexes et de toutes dispositions prises pour leur exécution, sans toutefois préciser quels actes ou dispositions étaient ainsi visés. Or, en vertu de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, il n'appartient pas au juge communautaire de substituer sa propre appréciation à celle de la partie requérante et de déterminer lui-même les actes susceptibles de lui faire grief et dont elle pourrait obtenir l'annulation (arrêt de la Cour du 28 mai 1970, Lacroix/Commission, 30/68, Rec. p. 301, points 22 et 24). Par conséquent, lesdites conclusions doivent être déclarées irrecevables.

Sur la qualité pour agir des requérantes (deuxième moyen)

38.
    En vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, la recevabilité d'un recours en annulation introduit contre un règlement par une personne physique ou morale est subordonnée à la condition que le règlement attaqué soit, en réalité, une décision qui la concerne directement et individuellement. Le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l'acte en question. Un acte a une portée générale s'il s'applique à des situations déterminées objectivement et s'il produit des effets juridiques à l'égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (ordonnance de la Cour du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 33; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1996, Weber/Commission, T-482/93, Rec. p. II-609, point 55, et ordonnance du Tribunal du 8 décembre 1998, Sadam Zuccherifici e.a./Conseil, T-39/98, Rec. p. II-4207, point 17).

39.
    En l'espèce, la fixation, par l'article 1er, sous f), du règlement attaqué, du prix d'intervention dérivé du sucre blanc «pour toutes les zones de l'Italie» pour la campagne de commercialisation 1995/1996, impose à l'organisme d'intervention italien, en application de l'article 9, paragraphe 1, du règlement de base, d'acheter à ce prix toute quantité de sucre blanc qui lui est offerte par les entreprises productrices italiennes, pour autant que les conditions établies à cet effet soient remplies. La disposition en cause s'applique ainsi à un nombre indéfini de transactions à intervenir au cours de la campagne de commercialisation visée. En vertu des dispositions combinées des articles 3, paragraphe 1, 5, paragraphe 3, et 6, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, la fixation du prix d'intervention dérivé se répercute aussi directement sur les prix d'achat que les fabricants de sucre italiens sont tenus de payer aux producteurs de betteraves italiens dans le cadre de leurs contrats de livraison à conclure pour la même campagne de commercialisation. La disposition en cause trouve donc également à s'appliquer à un nombre indéfini de transactions situées en amont des opérations d'intervention. Il s'ensuit que l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 s'applique à des situations déterminées objectivement et s'adresse, en termes généraux, à des catégories de personnes envisagées de manière abstraite.

40.
    Toutefois, il n'est pas exclu qu'une disposition qui, par sa nature et sa portée, a un caractère général puisse concerner individuellement une personne physique ou morale, lorsqu'elle atteint celle-ci en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l'individualise d'une manière analogue à celle dont le destinataire d'une décision le serait (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Buralux e.a./Conseil, C-209/94 P, Rec. p. I-615, point 25).

41.
    En l'espèce, il y a lieu de relever que l'article 1er, sous f), du règlement attaqué fixe un prix d'intervention dérivé spécifique et unique pour toutes les zones de production de l'Italie, qui trouve à s'appliquer, selon le mécanisme décrit ci-dessus, aux fabricants de sucre italiens dans leurs relations avec l'organisme d'intervention, d'une part, et avec les producteurs de betteraves, d'autre part. En outre, la constatation selon laquelle une situation d'approvisionnement déficitaire était prévisible dans les zones de l'Italie résultait nécessairement d'une confrontation des chiffres de production provenant des entreprises productrices de sucre italiennes, dont les requérantes, et des chiffres de la consommation nationale. Afin de déterminer si ces éléments suffisent pour considérer les requérantes comme individuellement concernées, ladite disposition réglementaire doit être replacée dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

42.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 3, paragraphe 1, du règlement de base prévoit pour le sucre blanc la fixation annuelle d'un prix d'intervention pour les zones non déficitaires de la Communauté et d'un prix d'intervention dérivé pour chacune des zones déficitaires. En application de cette disposition, le Conseil a, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, adopté l'article 1er, sous a), à f), du règlement n° 1534/95, qui classe comme zones déficitaires toutes les zones du Royaume-Uni, de l'Irlande, du Portugal, de la Finlande, de l'Espagne et de l'Italie.

43.
    Dans le cadre de cette «régionalisation» du régime des prix (voir point 4 ci-dessus), le législateur communautaire s'efforce de tenir compte, afin d'assurer le bon fonctionnement de l'organisation commune des marchés, des spécificités de chacune des différentes zones de production qui forment le marché commun dans son ensemble. Or, le fait que le législateur fixe les prix d'intervention dérivés du sucre blanc non pas de façon forfaitaire et générale, mais sur une base aussi proche que possible des réalités économiques visant ainsi, comme il est exposé au point 3 du troisième considérant du règlement de base, «à stabiliser le marché du sucre», ne saurait suffire, à lui seul, pour conférer à l'article 1er, sous f), du règlement attaqué le caractère d'un faisceau de décisions qui concerneraient individuellement chacune des entreprises productrices établies dans des zones déficitaires. En effet, le système de la «régionalisation» s'applique objectivement à l'ensemble des fabricants de sucre et des producteurs de betteraves et ne vise pas les requérantes individuellement.

44.
    L'argument des requérantes, selon lequel elles auraient fourni aux institutions communautaires, avant l'adoption du règlement attaqué, des informations chiffrées sur leur production, n'est, à cet égard, pas pertinent. En effet, il y a lieu de constater que le système de la «régionalisation» repose nécessairement sur les chiffres de production de chaque entreprise productrice de sucre établie dans une zone déficitaire ou non déficitaire. Les différentes zones de production de la Communauté ne peuvent être qualifiées de déficitaires ou de non déficitaires par le Conseil qu'en fonction des informations sur la production et la consommation, actuelles et/ou prévisibles, qui lui sont fournies. A cet égard, le règlement n° 787/83 impose à chacun des États membres des obligations d'information comprenant la communication de certaines données «pour chaque entreprise productrice de sucre située sur son territoire» (article 9, point 1). Le fait d'avoir communiqué aux institutions communautaires de tels éléments d'information n'est donc pas susceptible de distinguer les requérantes, dans le cadre du système de la «régionalisation», de tout autre producteur de sucre communautaire, d'autant plus que le Conseil, ainsi qu'il ressort du dossier, n'a pas adopté le règlement attaqué en se fondant sur des informations fournies par la Commission concernant la situation spécifique de chacune des entreprises requérantes.

45.
    En tout état de cause, il convient d'ajouter que, si la thèse des requérantes était accueillie, elle permettrait à chaque fabricant de sucre établi dans une quelconque des zones déficitaires de remettre en cause, par la contestation du caractère déficitaire de sa zone, la fixation annuelle du prix d'intervention dérivé et, partant, de refuser de verser aux producteurs de betteraves un prix d'achat plus élevé. De même et à l'inverse, elle permettrait à chaque producteur de betteraves établi dans une quelconque des zones non déficitaires de remettre en cause, par la contestation du caractère non déficitaire de sa zone, la fixation annuelle du prix d'intervention et, partant, d'obtenir le versement par les fabricants de sucre d'un prix de vente plus élevé. Ainsi, tous les opérateurs économiques relevant de l'organisation commune des marchés du sucre, qui s'estimeraient lésés par la qualification de leur zone, pourraient remettre en cause dans son ensemble le régime des prix différenciés appliqué à l'échelon communautaire, ce qui serait contraire au caractère réglementaire des mesures adoptées à cet effet par le Conseil.

46.
    L'argument des requérantes selon lequel elles seraient «individuellement concernées» par la disposition réglementaire attaquée en raison du fait qu'elles appartiennent à un «cercle fermé» ne peut non plus être accueilli. En premier lieu, à supposer même que, au moment de l'adoption du règlement attaqué, l'identité des requérantes ait effectivement été connue du Conseil, il ressort d'une jurisprudence constante que la portée générale et, partant, la nature normative d'un acte n'est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique à un moment donné, tant qu'il est constant que cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait, définie par l'acte en cause (ordonnance de la Cour du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C-409/96 P, Rec. p. I-7531, point 37).

47.
    En second lieu, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le «cercle fermé» invoqué par les requérantes résulte de la nature même du système de la «régionalisation» qui, étant basé sur le mécanisme d'information prévu par le règlement n° 787/83, a, précisément, pour conséquence que les institutions communautaires peuvent connaître l'identité des fabricants de sucre établis dans chacune des zones de production. Par conséquent, les requérantes ne font partie d'un «cercle clos» qu'au même titre que tous les autres fabricants de sucre communautaires se trouvant dans la même situation.

48.
    En tout état de cause, ainsi que le Conseil l'a souligné lors de l'audience, sans être contredit sur ce point par les parties requérantes, s'il est vrai que les États membres communiquent à la Commission, avant la fixation des différents prix de sucre pour chaque campagne annuelle de commercialisation, des informations concernant l'évolution de la production et de la consommation du sucre sur leur territoire ainsi que les quotas de production de sucre déjà attribués, il n'en reste pas moins que le Conseil, lorsqu'il a adopté le règlement attaqué, ne disposait pas d'informations particulières sur chacune des entreprises italiennes titulaires des quotas de production de sucre pour la campagne de commercialisation 1995/1996, mais a fixé les différents prix du sucre blanc en se basant sur les données globales de la production du sucre en Italie.

49.
    La jurisprudence invoquée à cet égard par les requérantes au soutien de la recevabilité de leur recours n'est pas non plus pertinente en l'espèce. En effet, cette jurisprudence se réfère à certaines situations spécifiques concernant des demandes individuelles de licences d'importation, introduites pendant une courte période donnée et pour des quantités déterminées (voir arrêts Töpfer e.a./Commission et Weddel/Commission, précités) ou impliquant l'obligation imposée aux institutions communautaires de tenir compte des conséquences de l'acte qu'elles envisagent d'adopter sur la situation de certains particuliers (voir arrêts Sofrimport/Commission et Piraiki Patraiki e.a./Commission, précités). Or, de telles circonstances font défaut dans le cas d'espèce. En particulier, les requérantes n'ont pas fait allusion à l'existence d'une obligation imposée au Conseil d'assurer aux entreprises productrices italiennes, dans le cadre du système de la «régionalisation», une protection particulièrement étendue, qui dépasserait la finalité de la «régionalisation» elle-même, laquelle consiste à prendre en compte les spécificités de chaque zone de production et, ainsi, les intérêts de tous les fabricants de sucre et de tous les producteurs de betteraves de la Communauté (voir aussi arrêt Buralux e.a./Conseil, précité, points 32 à 34).

50.
    Les requérantes font encore valoir que la disposition réglementaire attaquée a porté atteinte aux droits individuels de production dont elles bénéficient en leur qualité de titulaires des quotas de production attribués en vertu du règlement de base (arrêts Codorniu/Conseil et Weber/Commission, précités).

51.
    A cet égard, il suffit de constater que l'attribution aux requérantes de quotas de production n'était pas, avant l'adoption du règlement attaqué, assortie d'un droit acquis à la fixation d'un prix d'intervention déterminé. La situation juridique des requérantes n'était donc pas différente de celle des autres titulaires de quotas de production, qui devaient tous s'accommoder des prix d'intervention fixés par le Conseil en fonction de la situation d'approvisionnement prévisible pour les différentes zones de production. Dans ces circonstances, le seul fait pour les requérantes d'être titulaires de quotas de production n'est pas de nature à établir que des droits spécifiques, au sens de l'arrêt Codorniu/Conseil, précité, dont elles jouiraient auraient été lésés, d'autant plus qu'elles n'ont pas allégué que la disposition réglementaire attaquée avait pour effet de déprécier leurs quotas.

52.
    L'argument que les requérantes tirent de la prétendue suppression, par le règlement n° 1101/95, de la possibilité pour l'État italien d'accorder des aides à l'industrie italienne productrice de sucre, possibilité qui avait initialement était prévue par l'article 46 du règlement de base, doit également être rejeté. En effet, à supposer même que cette suppression soit le résultat de l'adoption dudit règlement, il n'en reste pas moins que cette circonstance n'est pas non plus de nature à caractériser de façon suffisante la position des requérantes par rapport à celle de tout autre opérateur du secteur du sucre. En outre, force est de constater que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de nature à démontrer qu'elles se trouvaient dans une situation spécifique telle que la suppression alléguée des aides à l'industrie sucrière italienne par le règlement n° 1101/95 n'aurait pas une portée générale mais les viserait individuellement.

53.
    Il en est de même du fait que les requérantes avaient conclu des contrats de livraison, régis par le prix d'intervention dérivé litigieux, avec les producteurs de betteraves. En effet, les requérantes n'ont pas allégué que l'exécution de leurs contrats spécifiques aurait été empêchée par l'application de la disposition réglementaire attaquée, de sorte qu'il aurait été porté atteinte à une position juridique concrète. La conclusion de tels contrats ne saurait donc être considérée que comme faisant partie de l'activité commerciale normale de toute entreprise productrice du sucre.

54.
    Il s'ensuit que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95. Par conséquent, le deuxième moyen d'irrecevabilité doit être accueilli.

55.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

56.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et le Conseil ayant conclu en ce sens, il y a lieu de les condamner à supporter solidairement leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil dans le cadre de la présente affaire, en ce compris les dépens afférents à la procédure en référé (voir, ci-dessus, point 11). Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)     Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)     Les requérantes sont condamnées à supporter solidairement, outre leurs propres dépens, l'intégralité des dépens exposés par le Conseil dans le cadre de la présente affaire, en ce compris les dépens afférents à la procédure en référé.

3)     La Commission supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Pirrung
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'italien.