Language of document : ECLI:EU:T:1999:156

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

19 juillet 1999 (1)

«Décision 94/90/CECA, CE, Euratom, relative à l'accès du public aux documents de la Commission - Décision refusant l'accès à des documents - ‘Règle de l'auteur’ - Comités dits ‘de comitologie’»

Dans l'affaire T-188/97,

Rothmans International BV , anciennement Rothmans Group Holdings BV, société de droit néerlandais, établie à Amsterdam, représentée par M. Scott Crosby, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Victor Elvinger, 31, rue d'Eich,

partie requérante,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté initialement par M. Erik Brattgård, puis par M. Anders Kruse, conseiller au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Suède, 2, rue Heinrich Heine,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. Ulrich Wölker et Mme Carmel O'Reilly, puis par MM. Wölker et Xavier Lewis, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation d'une décision de la Commission refusant à la requérante l'accès aux procès-verbaux du comité du code des douanes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. W. Bellamy, J. Pirrung, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Dans l'acte final du traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, les États membres ont incorporé une déclaration (n° 17) relative au droit d'accès à l'information (ci-après «déclaration n° 17»), dans les termes suivants:

«La conférence estime que la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions ainsi que la confiance du public envers l'administration. En conséquence, la conférence recommande que la Commission soumette au Conseil, au plus tard en 1993, un rapport sur des mesures visant à accroître l'accès du public à l'information dont disposent les institutions.»

2.
    A la suite de la déclaration n° 17, la Commission a adressé le 5 mai 1993 au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social la communication 93/C 156/05 sur l'accès du public aux documents des institutions (JO C 156, p. 5). Le 2 juin 1993, elle a présenté la communication 93/C 166/04 sur la transparence dans la Communauté (JO C 166, p. 4).

3.
    Dans le cadre des étapes préliminaires vers la mise en oeuvre du principe de transparence, le Conseil et la Commission ont approuvé, le 6 décembre 1993, un code de conduite concernant l'accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO 1993, L 340, p. 41, ci-après «code de conduite»), visant à fixer les principes régissant l'accès aux documents qu'ils détiennent.

4.
    Pour ce qui la concerne, la Commission a adopté ce code de conduite par la décision 94/90/CECA, CE, Euratom, du 8 février 1994, relative à l'accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58, ci-après «décision 94/90»).

5.
    Le code de conduite, tel qu'adopté par la Commission, énonce le principe général suivant:

«Le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil.»

6.
    Il définit le terme «document» comme étant «tout écrit, quel que soit son support, contenant des données existantes, détenu par la Commission ou le Conseil».

7.
         Il dispose sous la rubrique intitulée «Traitement des demandes initiales», troisième alinéa (ci-après «règle de l'auteur»):

«Lorsque le document détenu par une institution aura pour auteur une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou organe communautaire ou tout autre organisme national ou international, la demande devra être adressée directement à l'auteur du document.»

8.
    Les circonstances qui peuvent être invoquées par une institution pour justifier le rejet d'une demande d'accès à des documents sont énumérées sous une quatrième rubrique du code de conduite intitulée «Régime des exceptions», dans les termes suivants:

«Les institutions refusent l'accès à tout document dont la divulgation pourrait porter atteinte à:

-    la protection de l'intérêt public (sécurité publique, relations internationales, stabilité monétaire, procédures juridictionnelles, activités d'inspection et d'enquête),

-    la protection de l'individu et de la vie privée,

-    la protection du secret en matière commerciale et industrielle,

-    la protection des intérêts financiers de la Communauté,

-    la protection de la confidentialité demandée par la personne physique ou morale qui a fourni l'information ou requise par la législation de l'État membre qui a fourni l'information.

Elles peuvent aussi le refuser pour assurer la protection de l'intérêt de l'institution relatif au secret de ses délibérations.»

Faits à l'origine du recours

9.
    La requérante est une société de droit néerlandais appartenant au groupe multinational Rothmans, dont la principale activité est la fabrication, la distribution et la vente de produits à base de tabac, en particulier les cigarettes.

10.
         Par lettre du 23 janvier 1997, la requérante a demandé à la Commission l'accès à un certain nombre de documents parmi lesquels les procès-verbaux du comité du code des douanes - section transit (ci-après «comité»), à compter du 4 avril 1995.

11.
         Le 21 février 1997, le directeur général de la direction générale Douane et fiscalité indirecte (DG XXI) a écrit à la requérante que sa demande serait traitée aussi rapidement que possible, mais que, eu égard au nombre et à la nature des documents demandés, il s'écoulerait probablement plus d'un mois avant qu'elle ne reçoive une réponse.

12.
    Par lettre du 26 février 1997, la requérante a demandé au directeur général de confirmer que la demande d'accès avait été accueillie au sens de l'article 2, point 2), de la décision 94/90 et que le délai d'un mois annoncé était uniquement nécessaire pour permettre la compilation des documents.

13.
    En l'absence de réponse, la requérante, par lettre du 14 mars 1997, a adressé au secrétaire général de la Commission une demande confirmative, au sens de l'article 2, point 2), de la décision 94/90.

14.
    Le 24 avril 1997, le secrétariat général a répondu que cette demande serait traitée aussi rapidement que possible, mais qu'il s'écoulerait probablement plus d'un mois avant que la requérante ne reçoive une réponse.

15.
    Par courrier du 25 avril 1997, la requérante a fait valoir que le défaut de réponse du secrétaire général dans le délai d'un mois suivant l'introduction de la demande confirmative valait décision de rejet.

16.
    Par lettre du 30 avril 1997, le secrétaire général a communiqué certains documents émanant de la Commission mais a refusé de transmettre les procès-verbaux du comité au motif que la Commission n'en était pas l'auteur. Il indiquait, en outre, que, selon le règlement intérieur du comité, les travaux de celui-ci sont confidentiels.

17.
    Le 6 mai 1997, la requérante a demandé au secrétaire général de confirmer que les documents communiqués constituaient l'intégralité des documents pouvant être consultés, d'indiquer l'identité de l'auteur des procès-verbaux du comité et de lui transmettre le règlement intérieur dudit comité.

18.
    Par lettre du 15 mai 1997, le secrétariat général a confirmé à la requérante lui avoir remis tous les documents que la DG XXI avait en sa possession, à l'exception des procès-verbaux du comité. Il a précisé que, si ces procès-verbaux sont dressés par la Commission en sa qualité de secrétaire, ils sont adoptés par le comité et que c'est donc celui-ci qui en est l'auteur. Il a refusé de transmettre le règlement intérieur du comité au motif que la Commission n'est pas l'auteur de ce document. Enfin, il a rappelé que, selon ce règlement, les travaux du comité sont confidentiels.

19.
    Par lettres du 30 mai 1997, la requérante a demandé l'accès aux procès-verbaux en question auprès des autorités douanières de chaque État membre. A la date de l'introduction du présent recours, elle avait reçu sept réponses, deux accusant simplement réception de sa demande, les cinq autres refusant d'y faire droit en se référant, dans la plupart des cas, à la nature confidentielle des travaux du comité.

Procédure

20.
         Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juin 1997, la requérante a introduit le présent recours.

21.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 novembre 1997, le royaume de Suède a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 12 décembre 1997, le président de la première chambre du Tribunal a accueilli cette demande.

22.
    Par décision du 11 novembre 1998, le Tribunal a décidé de renvoyer l'affaire devant la première chambre élargie.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a invité la partie défenderesse et le Conseil à répondre par écrit à certaines questions avant l'audience. La partie défenderesse et le Conseil y ont répondu dans les délais.

24.
    Par lettre du 13 novembre 1998 en réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a ainsi confirmé au Tribunal avoir communiqué à la requérante le 20 novembre 1997 certains documents qu'elle avait, par inadvertance, omis de lui transmettre. Elle a déclaré qu'elle ne détenait plus d'autres pièces pertinentes.

25.
    L'audience s'est déroulée le 19 janvier 1999. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

Conclusions des parties

26.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission du 15 mai 1997 et, subsidiairement, la décision de la Commission du 30 avril 1997, refusant à la requérante l'accès à certains documents;

-    condamner la Commission aux dépens.

27.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

28.
    Le royaume de Suède, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal annuler la décision de la Commission du 15 mai 1997.

Sur l'objet du litige

29.
    A la suite de la réponse de la Commission du 13 novembre 1998, la requérante a confirmé, sur demande du Tribunal lors de l'audience, que l'objet du litige concerne exclusivement les procès-verbaux du comité.

30.
    Étant donné que, dans ses conclusions, la requérante demande, à titre principal, l'annulation de la décision du 15 mai 1997 et, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision du 30 avril 1997, il convient de déterminer quelle est la mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, CSF et CSME/Commission, T-154/94, Rec. p. II-1377, point 37).

31.
    A cet égard, il ressort de la lettre du 15 mai 1997 qu'elle ne constitue que la confirmation de la décision du 30 avril 1997 portant refus de communiquer les procès-verbaux du comité. La lettre fait également mention du refus de communiquer le règlement intérieur du comité mais ce règlement n'est pas au nombre des documents en cause. Enfin, elle contient aussi quelques explications et renseignements complémentaires.

32.
    Compte tenu de ce qui précède, le seul acte attaquable au sens de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) est la décision du 30 avril 1997 (ci-après «décision attaquée»).

33.
    Ensuite, le Tribunal observe que ni la requête ni le mémoire en réplique ne permettent de déterminer si la requérante invoque un moyen sur la légalité de la règle de l'auteur (voir point 7 ci-dessus). A cet égard, lors de la procédure orale, il a été établi que la requérante n'invoque pas un tel moyen.

Sur le fond

34.
    La requérante invoque deux moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). Le second est tiré d'une violation de la décision 94/90.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

35.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation de nature à entraîner son annulation.

36.
    Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation consiste à faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte attaqué, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle de la légalité (voir arrêt du Tribunal du 6 février 1998, Interporc/Commission, T-124/96, Rec. p. II-231, point 53).

37.
    En l'espèce, la Commission a motivé la décision attaquée en se référant à la règle de l'auteur et en affirmant que, en application de cette règle, la demande de la requérante était irrecevable parce que les documents sollicités ont pour auteur un tiers. Une telle motivation est suffisamment claire pour permettre à l'intéressée de comprendre pourquoi la Commission ne lui a pas communiqué les documents en cause.

38.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le second moyen, tiré d'une violation de la décision 94/90

Arguments des parties

39.
    La requérante fait valoir, à titre principal, que la Commission a violé les dispositions de la décision 94/90 par son refus d'accorder l'accès aux procès-verbaux du comité en invoquant la règle de l'auteur.

40.
    A cet égard, elle fait remarquer que la Commission dresse les procès-verbaux du comité. Par ce travail de rédaction, elle serait ainsi, matériellement et intellectuellement, l'auteur de ces documents. Le fait que le comité adopte ces documents ne suffirait pas à lui conférer la qualité d'auteur.

41.
    En outre, la requérante soutient que la règle de l'auteur vise à protéger les documents de tiers. Elle rappelle que le président du comité est un fonctionnaire de la Commission. De même, la convocation du comité, l'établissement de l'ordre du jour, la distribution aux membres de la documentation et le secrétariat seraient assurés par un représentant de la Commission. Enfin, toute correspondance destinée au comité devrait être adressée à la Commission à l'attention du président du comité.

42.
    La Commission conteste avoir refusé l'accès demandé par la requérante aux procès-verbaux du comité. Elle soutient s'être bornée, dans sa lettre du 30 avril 1997, à informer la requérante que les procès-verbaux du comité n'étaient pas des «documents de la Commission».

43.
    Elle fait valoir, à cet égard, que la référence à la règle de l'auteur conduit à distinguer le détenteur d'un document de son auteur. Elle allègue que la décision 94/90 n'est applicable qu'aux seuls documents dont elle est l'auteur. Il s'agirait d'une condition sine qua non de la recevabilité de toute demande d'accès. En l'espèce, la Commission n'aurait fait que constater l'irrecevabilité de la demande d'accès aux procès-verbaux du comité.

44.
    En effet, la Commission réfute être l'auteur des procès-verbaux. Elle concède qu'elle assure le secrétariat du comité et consigne, à ce titre, le contenu des réunions dans des procès-verbaux. Toutefois, la seule constatation de ce travail technique ne suffirait pas à lui conférer la qualité d'auteur, celle-ci étant déterminée par la «possession intellectuelle» du texte. Or, le comité adopterait les procès-verbaux et, comme le reconnaît d'ailleurs la requérante, serait seul maître de ses délibérations. Dès lors, la Commission ne pourrait être l'auteur, au sens intellectuel, de ces documents.

45.
    En outre, la Commission rejette l'argumentation selon laquelle le comité ne serait qu'une «émanation» de la Commission. Selon elle, cette argumentation méconnaît le rôle, les fonctions et la place des comités dits «de comitologie» dans le cadre institutionnel communautaire.

46.
    Selon les dispositions de la décision 87/373/CEE du Conseil, du 13 juillet 1987, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (JO L 197, p. 33, ci-après «décision comitologie»), les comités constitués conformément à cette décision assistent la Commission lorsqu'elle arrête des mesures d'exécution au titre des pouvoirs qui lui ont été conférés par le Conseil. La Commission déduit de l'utilisation du verbe «assister» que ces comités ne peuvent être considérés comme faisant partie intégrante d'elle-même.

47.
    Le comité du code des douanes serait composé de représentants des États membres et aurait été institué, non pas par la Commission, mais par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1). La consultation de ce comité serait une exigence procédurale essentielle dont la violation constituerait une irrégularité de procédure pouvant justifier l'annulation des mesures ainsi adoptées.

48.
    Le gouvernement suédois rappelle que la décision 94/90 est un acte susceptible de conférer aux tiers des droits que la Commission est tenue de respecter (arrêt du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T-105/95, Rec. p. II-313, point 55).

49.
    Il expose que les comités relevant de la décision comitologie assistent la Commission dans l'exercice des compétences que le Conseil lui a déléguées. D'un point de vue organisationnel et administratif, il y aurait lieu, dès lors, de considérer ces comités comme faisant partie intégrante de la Commission.

50.
    Le gouvernement suédois fait valoir, par ailleurs, que considérer les comités de comitologie comme des organismes totalement autonomes aurait pour conséquence de soustraire les documents de ces comités aux règles d'accès du public aux documents de la Commission et du Conseil. Un particulier qui souhaiterait avoir accès aux travaux des comités devrait s'en remettre à l'appréciation discrétionnaire de ceux-ci, sans possibilité de contrôle juridictionnel. Une telle interprétation ferait échec au principe de transparence et, partant, ne saurait correspondre à l'intention des signataires de la déclaration n° 17 ni à celle des auteurs des déclarations des Conseils européens de Birmingham et d'Édimbourg de 1992 (Bull. CE 10-1992, p. 9, et Bull. CE 12-1992, p. 7) et de Copenhague de 1993 (Bull. CE 6-1993, p. 16).

51.
    Le gouvernement suédois estime que les procès-verbaux du comité ont été rédigés par la Commission dans le cadre de ses activités. Celle-ci aurait par conséquent dû examiner au fond la demande présentée par la requérante et déterminer si les documents demandés pouvaient être communiqués.

52.
    A titre subsidiaire, la requérante fait valoir qu'il ressort des lettres des 30 avril et 15 mai 1997 que la Commission a violé la décision 94/90 et le code de conduite par son refus d'accorder ledit accès en invoquant les dispositions du règlement intérieur du comité relatives à la confidentialité des travaux de ce dernier, sans procéder à un examen des intérêts respectifs des parties en cause.

Appréciation du Tribunal

53.
    A titre liminaire, il convient de rappeler, d'une part, que la déclaration n° 17 et le code de conduite consacrent le principe général selon lequel le public aura le plus large accès possible aux documents détenus par la Commission et le Conseil et, d'autre part, que la décision 94/90 est un acte conférant aux citoyens un droit d'accès aux documents détenus par la Commission (arrêt WWF UK/Commission, précité, point 55).

54.
         Ensuite, il importe de rappeler que, lorsqu'un principe général est établi et que des limitations de ce principe sont prévues, ces dernières doivent être interprétées et appliquées restrictivement, de manière à ne pas tenir en échec l'application du principe général (voir les arrêts WWF UK/Commission, précité, point 56, et Interporc/Commission, précité, point 49).

55.
    A cet égard, il y a lieu de constater que, quelle que soit sa qualification, la règle de l'auteur établit une limitation du principe général de transparence de la décision 94/90. Il s'ensuit que ladite règle doit être interprétée et appliquée restrictivement, de manière à ne pas tenir l'application du principe général de transparence en échec.

56.
    C'est à la lumière de ces observations que le Tribunal doit apprécier l'argumentation selon laquelle les comités de comitologie sont totalement distincts et indépendants de la Commission et, dès lors, les documents en cause ne sont pas des documents de la Commission.

57.
    Les comités de comitologie trouvent leur origine dans l'article 145 du traité CE (devenu article 202 CE), qui prévoit que le Conseil peut conférer à la Commission, dans les actes qu'il adopte, les compétences d'exécution des règles qu'il établit. Ces comités, constitués conformément à la décision comitologie, sont composés des représentants des États membres et présidés par un représentant de la Commission.

58.
    Selon la décision comitologie, les comités constitués conformément à cette décision, tels que le comité du code des douanes, assistent la Commission dans l'exécution des tâches qui lui ont été conférées. En outre, aux termes du règlement intérieur du comité, la Commission en assure le secrétariat, ce qui implique qu'elle dresse les procès-verbaux qui sont adoptés par celui-ci. De plus, il appert que ce comité, de même que les autres comités de comitologie, ne dispose pas d'une administration, d'un budget, d'archives, de locaux et encore moins d'une adresse qui lui soient propres.

59.
    Au vu des constatations qui précèdent, le comité ne peut pas être considéré comme une «autre institution ou organe communautaire» au sens du code de conduite adopté par la décision 94/90. Comme il ne s'agit pas non plus d'une personne physique ou morale, d'un État membre ou de tout autre organe national ou international, il y a lieu de constater qu'un tel comité n'appartient à aucune des catégories d'auteurs tiers énumérées dans ledit code.

60.
    A la demande du Tribunal, le Conseil a confirmé que les comités de comitologie ne sont pas des groupes de travail créés aux fins de le soutenir dans son activité, mais sont, au contraire, constitués pour assister la Commission dans l'exercice des compétences qui lui sont déléguées. De plus, il a déclaré ne détenir des copies des documents produits par ces comités qu'à titre exceptionnel. Le Conseil a conclu que les procès-verbaux d'un comité de comitologie ne sont pas des documents lui appartenant et qu'il n'est, dès lors, pas compétent pour accorder l'accès à ceux-ci. Enfin, il a indiqué qu'il convient d'adresser une demande d'accès aux procès-verbaux d'un comité de comitologie à la Commission puisque c'est cette dernière qui en assure la présidence ainsi que le secrétariat.

61.
    Il convient d'observer, par ailleurs, que refuser l'accès aux procès-verbaux des nombreux comités de comitologie reviendrait à limiter considérablement le droit d'accès aux documents dont l'importance a été confirmée par la Cour dans son arrêt du 30 avril 1996, Pays-Bas/Conseil (C-58/94, Rec. p. I-2169) et par le Tribunal, en dernier lieu, dans son arrêt du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil (T-174/95, Rec. p. II-2289). Or, une telle limitation ne concorde pas avec l'objectif même du droit d'accès aux documents.

62.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, aux fins de la réglementation communautaire en matière d'accès aux documents, les comités de comitologie relèvent de la Commission elle-même. C'est donc à celle-ci qu'il revient de statuer sur des demandes visant l'accès aux documents de ces comités, tels que les procès-verbaux en cause.

63.
    Par conséquent, la Commission ne pouvait pas, en l'espèce, refuser l'accès aux procès-verbaux du comité en invoquant la règle de l'auteur énoncée dans le code de conduite adopté par la décision 94/90. Il s'ensuit qu'elle a violé cette décision en adoptant la décision attaquée.

64.
    Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être accueilli et que la décision attaquée doit être annulée, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'allégation de la requérante invoquée à titre subsidiaire.

Sur les dépens

65.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu, eu égard aux conclusions de la requérante, de la condamner aux dépens.

66.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du même règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En conséquence, le royaume de Suède, qui est intervenu au soutien des conclusions présentées par la requérante, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 30 avril 1997 refusant à la requérante l'accès aux procès-verbaux du comité du code des douanes est annulée.

2)    La Commission supportera, outre ses propres dépens, les dépens de la requérante.

3)    Le royaume de Suède supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Bellamy
Pirrung

             Meij                     Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juillet 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.