Language of document : ECLI:EU:T:2006:19

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

17 janvier 2006 (*)

« Marque communautaire – Marque figurative – Tablette rectangulaire rouge et blanc avec un noyau ovale bleu – Motif absolu de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Absence de caractère distinctif »

Dans l’affaire T-398/04,

Henkel KGaA, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Me C. Osterrieth, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),  représenté initialement par M. D. Schennen, puis par MM. Schennen et G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 4 août 2004 (affaire R 771/1999-2), concernant l’enregistrement d’une marque figurative consistant en la représentation d’une tablette rectangulaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 octobre 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2005,

à la suite de l’audience du 20 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 28 septembre 1998, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       La marque communautaire demandée est le signe figuratif représenté ci‑après :

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3       Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1, 3 et 21 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 3, à la description suivante : « Produits pour laver la vaisselle et le linge ».

4       La requérante a revendiqué un droit de priorité sur la base de la demande d’enregistrement n° 398 33 906.6, déposée en Allemagne le 18 juin 1998, qui visait une marque identique à celle demandée en l’espèce.

5       Par décision du 1er octobre 1999, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et d), du règlement n° 40/94.

6       Le 19 novembre 1999, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur.

7       Par décision du 4 août 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En substance, elle a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, par rapport à tous les produits visés par la demande d’enregistrement.

 Conclusions des parties

8       La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner l’OHMI aux dépens.

9       L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10     La requérante soulève deux moyens, le premier étant tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, le second d’un abus du pouvoir discrétionnaire et du principe d’égalité de traitement. En réponse à une question du Tribunal, elle a confirmé, lors de l’audience, que le recours se rapportait uniquement aux « produits pour laver la vaisselle et le linge ».

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

11     La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir commis, lors de l’examen de la demande de marque en cause, des erreurs dans l’application des critères d’appréciation du caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, tels que dégagés par la jurisprudence de la Cour notamment dans les arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI (C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089), Procter & Gamble/OHMI (C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec. p. I‑5141), et Procter & Gamble/OHMI (C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173).

12     En premier lieu, il convient, selon la requérante, d’examiner l’existence d’un caractère distinctif à la date de dépôt de la demande d’enregistrement en cause. En l’espèce, la chambre de recours aurait dû établir quelle était, à cette date, la forme habituelle des produits pertinents. Or, au lieu de procéder à un examen concret des produits commercialisés sur le marché, la chambre de recours se serait fondée sur des constatations qui ne reposaient sur aucune donnée concrète.

13     À supposer même que la forme rectangulaire ou carrée ait été, pour les produits revendiqués, courante à la date pertinente, la tablette formant la marque figurative en cause se distinguerait des autres tablettes disponibles sur le marché, d’une part, par l’agencement des couleurs rouge, blanche et bleue et, d’autre part, par la présence du noyau ovale bleu dans la couche supérieure du signe demandé. Cet ornement supplémentaire conférerait à la marque demandée un caractère distinctif.

14     En deuxième lieu, la requérante s’oppose à l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les différentes couleurs présentes dans le signe correspondent à différents agents actifs. Elle ajoute qu’une telle affirmation ne serait pertinente qu’à la condition qu’un composant chimique actif corresponde nécessairement à une couleur déterminée. En réalité, le choix des couleurs et leur combinaison resteraient à la discrétion de celui qui les utilise. Par ailleurs, la diversité des combinaisons de couleurs employées dans les tablettes de détergent actuellement commercialisées démontrerait l’absence d’un impératif de disponibilité à cet égard.

15     En troisième lieu, la requérante se réfère à une ordonnance du Bundespatentgericht (Tribunal fédéral des brevets allemand) du 17 novembre 1999, rendue au sujet de la demande d’enregistrement n° 398 33 906.6 (voir point 4 ci‑dessus). Dans cette ordonnance, le Bundespatentgericht a jugé que le signe demandé auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) n’était pas dépourvu de caractère distinctif par rapport aux produits pour lave-linge et pour lave‑vaisselle.

16     La requérante fait sien le raisonnement du Bundespatentgericht. En outre, elle estime que les principes appliqués par le Bundespatentgericht correspondent, en substance, à ceux dégagés par la Cour dans l’arrêt Henkel/OHMI, point 11 supra.

17     En quatrième et dernier lieu, la requérante relève que l’OHMI a admis l’enregistrement de plusieurs signes comparables à celui visé en l’espèce, à savoir une marque tridimensionnelle demandée par Procter & Gamble (EM 949 651), publiée au Bulletin des marques communautaires le 23 juin 2003, une marque tridimensionnelle demandée par Cache Cache (EM 1 008 200), publiée le 20 septembre 1999, une marque tridimensionnelle demandée par Migros Genossenschafts-Bund (EM 1 207 869), publiée le 10 septembre 2001, et une marque tridimensionnelle demandée par Unilever (EM 1 859 875), publiée le 9 avril 2001. Elle en déduit que l’OHMI reconnaît, en principe, que les consommateurs des produits en cause sont prêts et aptes à appréhender les différentes formes de produits pour lave-vaisselle comme un indicateur de l’origine commerciale du produit.

18     Selon la requérante, les demandes de marque communautaire EM 1 207 869 et EM 949 651, en particulier, ne se distinguent pas substantiellement du signe en cause. À cet égard, la requérante s’étonne que la goutte stylisée figurant dans la marque EM 1 207 869 se voie conférer une autre signification que celle du noyau ovale apparaissant dans le signe demandé, qui est au surplus souligné par sa couleur. Par ailleurs, elle fait observer que lesdites marques comprennent moins de couleurs que ce dernier.

19     L’OHMI estime que le consommateur perçoit le signe en cause non pas comme une indication de l’origine commerciale du produit, mais uniquement comme une représentation du produit. S’agissant de la décision du Bundespatentgericht, la chambre de recours en aurait dûment tenu compte, mais elle ne serait pas liée par celle-ci, ni même obligée de parvenir au même résultat que le tribunal allemand. S’agissant de la pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI, ce dernier rappelle que le juge communautaire est tenu de statuer de manière indépendante sur la demande qui lui est présentée et n’est, en particulier, aucunement lié par des décisions antérieures illégales. En outre, les cas relevés par la requérante ne seraient pas comparables au cas d’espèce.

 Appréciation du Tribunal

20     Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

21     Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 signifie que cette marque est apte à identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [arrêt Henkel/OHMI, point 11 supra, point 34, et arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 17].

22     Selon une jurisprudence constante, ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêts Henkel/OHMI, point 11 supra, point 35, et Forme d’une bouteille, point 21 supra, point 19).

23     En effet, la requérante a limité son moyen aux « produits pour laver la vaisselle et le linge ». Elle reconnaît également, à l’instar de la chambre de recours, que ces produits relèvent de la consommation courante et qu’ils sont, dès lors, destinés à l’ensemble des consommateurs de la Communauté européenne.

24     Il convient de rechercher, dans le cadre d’un examen a priori et en dehors de toute prise en considération de l’usage du signe au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, si la marque demandée permettra au public ciblé de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale lorsqu’il sera appelé à arrêter son choix lors d’un achat [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Image d’un produit détergent), T‑30/00, Rec. p. II‑2663, point 47].

25     La requérante ne conteste pas que la marque demandée corresponde à une représentation graphique, fidèle à la réalité, d’une tablette d’un produit pour lave‑vaisselle ou pour lave-linge. Il convient donc de constater que, pour autant que l’affaire est soumise à l’examen du Tribunal, la marque demandée est constituée par une représentation, fidèle à la réalité, des produits visés dans la demande d’enregistrement.

26     Comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre, il ne saurait être exclu, a priori, que la représentation, fidèle à la réalité, du produit lui‑même puisse avoir un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt Image d’un produit détergent, point 24 supra, point 45). En outre, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques figuratives constituées par la représentation du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (arrêt Image d’un produit détergent, point 24 supra, point 48 ; voir également, concernant des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit protégé, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, point 11 supra, point 38).

27     Il y a néanmoins lieu de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du public concerné n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque figurative constituée par la représentation fidèle du produit lui-même que dans le cas d’une marque verbale ou dans celui d’une marque figurative qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, alors que le public a l’habitude de percevoir, immédiatement, ces dernières marques comme des signes identificateurs du produit, il n’en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l’aspect du produit lui-même (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, point 11 supra, point 38, et Image d’un produit détergent, point 24 supra, point 49). Il s’ensuit que l’appréciation du caractère distinctif ne saurait aboutir à un résultat différent dans le cas d’une marque tridimensionnelle constituée par la présentation du produit lui-même et dans le cas d’une marque figurative constituée par la représentation, fidèle à la réalité, du même produit (arrêt Image d’un produit détergent, point 24 supra, point 49 ; voir également, en ce sens et par analogie, concernant une marque constituée par l’emballage du produit, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, Rec. p. I‑1725, point 52).

28     La perception de la marque par le public concerné est influencée par le niveau d’attention du consommateur moyen qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 48 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26]. En l’espèce, la requérante ne remet pas en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle le degré d’attention du consommateur lors de l’achat de ces produits n’est pas élevé.

29     Il convient d’ajouter que, dans le commerce, les produits pour lave‑vaisselle et pour lave‑linge sont habituellement vendus dans un emballage sur lequel apparaissent des indications verbales portant sur la composition et la destination du produit concerné ainsi que, souvent, des marques verbales ou des éléments figuratifs parmi lesquels peut figurer l’image du produit. Pour ce qui est des produits commercialisés de cette manière, il est possible, en règle générale, de déduire de l’expérience que le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de leur apparence n’est pas élevé. La requérante n’a pas démontré qu’il en allait autrement des habitudes des consommateurs sur le marché concerné en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 48].

30     Dans ces conditions, plus la forme représentée par le signe dont l’enregistrement est demandé se rapproche de l’une des formes les plus probables que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, remplit sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, point 11 supra, point 39 ; voir également, par analogie, arrêt Henkel, point 27 supra, point 49).

31     Pour apprécier le caractère distinctif de la marque demandée, il y a lieu d’analyser l’impression d’ensemble produite par cette représentation, ce qui n’est pas incompatible avec un examen successif des différents éléments la composant (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 35, et voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23).

32     En premier lieu, il convient de relever que la forme rectangulaire composant la marque demandée correspond à la forme venant le plus naturellement à l’esprit s’agissant d’un produit pour lave-linge ou pour lave-vaisselle commercialisé sous forme d’une tablette. La forme en cause ne comprend aucun élément susceptible de s’écarter de façon perceptible de l’une des formes les plus probables d’un tel produit.

33     En deuxième lieu, la présence de deux couches, dans les produits pour lave-linge ou lave-vaisselle, sera perçue, par le public ciblé, comme la suggestion de certaines qualités du produit et, notamment, de la présence de plusieurs agents actifs, et non comme une indication de l’origine du produit (voir, en ce sens, arrêt Tablette ronde rouge et blanc, point 28 supra, point 51). Il s’ensuit que la présence des deux couches colorées ne suffit pas pour conférer à la marque demandée un caractère distinctif.

34     En troisième lieu, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé que l’ajout d’une incrustation ayant une forme géométrique de base sans revendication de couleur, dans un signe constitué par une tablette rectangulaire d’un produit détergent, n’était pas suffisant pour conférer à la marque correspondante un caractère distinctif minimal. En effet, l’association de deux formes géométriques de base fait partie des variantes de la présentation du produit venant le plus naturellement à l’esprit lorsqu’il s’agit de combiner différentes substances dans un produit pour lave‑linge ou pour lave‑vaisselle [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée avec incrustation), T‑128/00, Rec. p. II‑2785, points 59 et 60, et Procter & Gamble/OHMI (Tablette rectangulaire avec incrustation), T‑129/00, Rec. p. II‑2793, points 59 et 60].

35     En l’espèce, la marque demandée comprend un noyau ovale de couleur bleue figurant au milieu de la surface supérieure rouge de la tablette. Or, l’ajout d’un élément coloré, ayant une forme géométrique de base telle que l’ovale, constitue une variante de la présentation du produit venant le plus naturellement à l’esprit et ne s’écarte pas de façon significative des formes les plus probables d’un produit pour lave‑vaisselle ou lave-linge présenté sous forme de tablette.

36     En quatrième lieu, il convient de procéder à une appréciation d’ensemble de ces éléments.

37     À cet égard, il y a lieu de constater que la marque demandée consiste en la combinaison de la forme habituelle du produit avec deux variantes de présentation des couleurs du produit, à savoir la juxtaposition de deux couches de couleurs différentes et l’insertion d’une forme géométrique de base colorée dans la surface supérieure de la tablette. Les couleurs choisies sont des couleurs basiques dont l’une, à savoir le blanc, constitue la couleur naturelle du produit. Elles ne sont pas de nature à attirer l’attention du consommateur ciblé, étant donné qu’elles ne se distinguent pas de façon significative des couleurs habituelles des produits en cause, qui sont les couleurs basiques telles que le blanc, le rouge, le bleu, le vert ou le jaune.

38     Il convient de rappeler que l’utilisation de couleurs différentes sera perçue, par le consommateur, comme indiquant la présence d’agents chimiques différents dans le produit, regroupés de façon décorative et attrayante (voir point 33 ci‑dessus). À supposer même que la requérante soit fondée à affirmer que, en réalité, les couleurs ne correspondent pas nécessairement à des agents différents et que, par ailleurs, le choix des couleurs et de leur agencement n’est pas déterminé par des impératifs techniques, mais qu’il est entièrement à la discrétion du fabricant, il n’en demeure pas moins que les consommateurs moyens ne sont pas censés connaître les détails techniques de la composition chimique des différents éléments des produits en cause. Or, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il convient de tenir compte de la perception du consommateur moyen du produit en cause qui est susceptible de diverger des réalités techniques.

39     Il s’ensuit que l’impression d’ensemble produite par le signe en cause se borne à celle d’une représentation d’un produit pour lave‑vaisselle ou pour lave‑linge sous la forme d’une tablette dans laquelle plusieurs agents chimiques actifs sont regroupés de façon décorative et attrayante en deux couches colorées, rouge et blanche, et dont la couche rouge est assortie d’un noyau ovale bleu. Étant donné que le consommateur n’est pas habitué à reconnaître dans la forme et les couleurs du produit une indication de l’origine commerciale du produit (voir point 27 ci‑dessus), que la présence des deux couches ainsi que l’ajout d’un noyau ovale dans une couleur différente font partie des solutions venant le plus naturellement à l’esprit lorsqu’il s’agit de la présentation d’un produit pour lave-vaisselle ou lave‑linge sous forme de tablette (voir points 33 à 35 ci‑dessus) et que, s’agissant de couleurs basiques habituellement utilisées dans le secteur concerné, les couleurs choisies ne sont pas de nature à attirer l’attention des consommateurs (voir point 37 ci‑dessus), l’impression d’ensemble produite par le signe ne signalera pas au public ciblé que la présentation concrète du produit est révélatrice de son origine commerciale. Dès lors, la marque demandée ne permet pas à un consommateur moyen desdits produits, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Henkel, point 27 supra, point 53).

40     Cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait que, au moment du dépôt de la demande de marque, la requérante était la seule à commercialiser des produits sous la forme dont le signe demandé est la représentation.

41     À cet égard, il suffit de rappeler que l’inaptitude de la marque demandée à indiquer, a priori et indépendamment de son usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, l’origine du produit n’est pas remise en cause par le nombre plus ou moins grand de tablettes similaires déjà commercialisées sur le marché (arrêt Tablette ronde rouge et blanc, point 28 supra, point 57).

42     Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir si le moment pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque est déterminé, comme le soutient la requérante, par la date de dépôt de la demande de marque ou, comme l’OHMI le fait valoir, par la date de la décision sur l’enregistrement éventuel de la marque.

43     En ce qui concerne l’ordonnance du Bundespatentgericht, citée au point 15 ci‑dessus, il est de jurisprudence constante que les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres constituent des éléments qui, sans être déterminants, peuvent être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, point 61, et Tablette ronde rouge et blanc, point 28 supra, point 58]. Ces enregistrements peuvent offrir un support d’analyse pour l’appréciation d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire [voir, concernant une marque verbale, arrêt du Tribunal du 26 novembre 2003, HERON Robotunits/OHMI (ROBOTUNITS), T‑222/02, Rec. p. II‑4995, point 52, et, concernant une marque tridimensionnelle, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent), T‑393/02, non encore publié au Recueil, point 46].

44     Il n’en demeure pas moins que le régime des marques communautaires est un régime autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente.

45     En l’espèce, la chambre de recours a tenu compte de l’ordonnance du Bundespatentgericht dans l’affaire relative à la demande d’enregistrement n° 398 33 906.6 déposée devant les autorités allemandes. Elle a néanmoins effectué une analyse qui a abouti, sans erreur de droit, à un résultat différent de celui auquel était parvenu le tribunal allemand. Dans ces circonstances, la divergence entre le résultat de la procédure devant les autorités allemandes et celui de la procédure devant les instances communautaires ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

46     Enfin, s’agissant des décisions d’enregistrement de l’OHMI invoquées par la requérante au soutien de son premier moyen (voir point 17 ci‑dessus), il ressort de la jurisprudence que, même si des motifs de fait ou de droit figurant dans une décision antérieure peuvent constituer des arguments à l’appui d’un moyen tiré de la violation d’une disposition du règlement nº 40/94 [arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 33], il n’en demeure pas moins que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, points 66].

47     En l’espèce, le Tribunal constate que la requérante ne fait pas état d’éléments de fait ou de droit, tirés des décisions visées au point 17 ci‑dessus et susceptibles de soutenir son premier moyen. Elle se borne à affirmer que la décision attaquée diverge des décisions que l’OHMI a prises dans le cas d’autres demandes de marques. En outre, les marques invoquées par la requérante ne sont pas entièrement comparables à celle en cause, soit parce que les produits visés ne sont pas les mêmes, soit parce que les signes concernés comportent des éléments autres que des formes géométriques de base.

48     Il s’ensuit que les décisions antérieures de l’OHMI invoquées par la requérante ne sauraient remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

49     Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Par conséquent, le premier moyen de la requérante doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’un abus du pouvoir discrétionnaire et du principe d’égalité de traitement 

 Arguments des parties

50     La requérante considère que, en refusant l’enregistrement de la marque demandée tout en enregistrant les marques mentionnées au point 17 ci‑dessus qui sont, selon elle, entièrement comparables à la marque demandée, l’OHMI a abusé de son pouvoir discrétionnaire et violé le principe d’égalité de traitement. En outre, elle fait observer que, si elle devait tolérer l’enregistrement de marques comparables sans obtenir une compensation résultant de l’enregistrement de sa propre marque, elle serait victime d’une discrimination qui se heurterait au principe de la libre circulation des marchandises visé à l’article 28 CE.

51     Selon la requérante, l’objectif d’harmonisation poursuivi par le règlement n° 40/94, ainsi qu’il découle de ses premier et troisième considérants, ne saurait être atteint qu’à condition que le droit matériel unifié fasse l’objet d’une interprétation uniforme.

52     L’OHMI considère que, dès lors que la décision sur l’enregistrement relève de la compétence liée, la légalité d’une décision ne saurait être remise en cause par une pratique antérieure de l’OHMI, qu’elle soit légale ou non.

 Appréciation du Tribunal

53     Il y a lieu de rappeler que les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 40/94, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire (arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, non encore publié au Recueil, point 47, et arrêt STREAMSERVE, point 46 supra, point 66). Le second moyen de la requérante vise, en réalité, non pas l’abus d’un éventuel pouvoir discrétionnaire conféré à l’OHMI, mais le fait que l’OHMI ait admis à l’enregistrement en tant que marque les signes mentionnés au point 17 ci‑dessus, alors qu’il a refusé la demande d’enregistrement de la marque en cause. Il s’ensuit que le second moyen se confond avec une partie des arguments que la requérante a avancés à l’appui du premier moyen. Dans cette mesure, il est inopérant pour les motifs exposés aux points 46 à 48 ci-dessus.

54     Aucun des moyens de la requérante n’ayant été retenu, le recours visant à l’annulation de la décision attaquée doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

55     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : l’allemand.