Language of document : ECLI:EU:C:2023:78

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

9 février 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2014/17/UE – Contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel – Article 25, paragraphe 1 – Remboursement anticipé – Droit du consommateur à une réduction du coût total du crédit correspondant aux intérêts et aux frais dus pour la durée résiduelle du contrat – Article 4, point 13 – Notion de “coût total du crédit pour le consommateur” – Frais indépendants de la durée du contrat »

Dans l’affaire C-555/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 19 août 2021, parvenue à la Cour le 9 septembre 2021, dans la procédure

UniCredit Bank Austria AG

contre

Verein für Konsumenteninformation,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), N. Piçarra, N. Jääskinen et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme S. Beer, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juillet 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour UniCredit Bank Austria AG, par Mes M. Kellner et F. Liebel, Rechtsanwälte,

–        pour Verein für Konsumenteninformation, par Mes A.‑M. Kosesnik‑Wehrle et S. Langer, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et M. Hellmann, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Rocchitta, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par Mme G. Goddin, M. B.‑R. Killmann et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UniCredit Bank Austria AG (ci-après « UCBA ») à Verein für Konsumenteninformation (ci-après « VKI ») au sujet du recours, par UCBA, à une clause standard figurant dans ses contrats de crédit immobilier prévoyant que, en cas de remboursement anticipé du crédit par le consommateur, les frais de traitement indépendants de la durée du crédit ne lui sont pas remboursés.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2008/48/CE

3        L’article 3 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66), intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

g)      “coût total du crédit pour le consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire ; ces coûts comprennent également les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre, la conclusion du contrat de service est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales ;

[...]. »

4        L’article 16 de la directive 2008/48, intitulé « Remboursement anticipé », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le consommateur a le droit de s’acquitter à tout moment, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu du contrat de crédit. Dans ce cas, il a droit à une réduction du coût total du crédit, qui correspond aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat. »

 La directive 2014/17

5        Les considérants 15, 19, 20, 22 et 50 de la directive 2014/17 sont libellés comme suit :

« (15)      La présente directive vise à garantir que les consommateurs concluant des contrats de crédit relatifs à des biens immobiliers bénéficient d’un niveau élevé de protection. [...]

[...]

(19)      Pour des raisons de sécurité juridique, il y a lieu d’assurer la cohérence et la complémentarité du cadre juridique adopté par l’Union [européenne] dans le domaine des contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel avec d’autres actes qu’elle a adoptés, notamment dans les domaines de la protection des consommateurs et de la surveillance prudentielle. [...]

(20)      Afin de garantir aux consommateurs l’existence d’un cadre cohérent en matière de crédit et de minimiser les charges administratives qui pèsent sur les prêteurs et les intermédiaires de crédit, la présente directive devrait, pour l’essentiel et dans la mesure du possible, suivre la structure de la directive [2008/48] [...]

[...]

(22)      Parallèlement, il importe de tenir compte des particularités des contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, particularités qui justifient une approche différenciée. [...]

[...]

(50)      Le coût total du crédit pour le consommateur devrait inclure tous les coûts que le consommateur doit payer au titre du contrat de crédit et qui sont connus du prêteur. Il devrait, par conséquent, inclure les intérêts, les commissions, les taxes, les frais des intermédiaires de crédit, les frais d’expertise du bien à hypothéquer et tous les autres frais, à l’exception des frais de notaire, nécessaires pour obtenir le crédit, par exemple une assurance vie, ou pour l’obtenir aux conditions annoncées, par exemple une assurance incendie. [...] Le coût total du crédit pour le consommateur ne devrait pas comprendre les frais que paie le consommateur pour l’achat du bien immobilier ou du terrain, tels que les taxes y afférentes et les frais de notaire ou les coûts d’inscription au registre foncier. [...] »

6        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive fixe un cadre commun relatif à certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les contrats couvrant le crédit aux consommateurs garanti par une hypothèque ou autre crédit relatif à des biens immobiliers à usage résidentiel, notamment l’obligation de procéder à une évaluation de la solvabilité avant d’accorder un crédit, qui constitue la base de l’élaboration de normes de souscription effectives en ce qui concerne les biens immobiliers à usage résidentiel dans les États membres, ainsi qu’à certaines exigences prudentielles et de surveillance, notamment en matière d’établissement et de surveillance applicables aux intermédiaires de crédits, aux représentants désignés et aux prêteurs autres que les établissements de crédit. »

7        L’article 4 de ladite directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

13.      “coût total du crédit pour le consommateur” : le coût total du crédit pour le consommateur au sens de l’article 3, point g), de la directive [2008/48], y compris le coût de l’évaluation du bien immobilier lorsque cette évaluation est nécessaire pour obtenir le crédit mais hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier. Ce montant exclut tous les frais à la charge du consommateur en cas de non-respect des obligations prévues dans le contrat de crédit ;

[...] »

8        L’article 14 de la même directive, intitulé « Informations précontractuelles », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les États membres veillent à ce que le prêteur ou, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit ou son représentant désigné, fournisse au consommateur les informations personnalisées dont il a besoin pour comparer les crédits disponibles sur le marché, évaluer leurs implications et prendre une décision en connaissance de cause quant à l’opportunité de conclure un contrat de crédit :

a)      dans les meilleurs délais, une fois que le consommateur a transmis les informations nécessaires concernant ses besoins, sa situation financière et ses préférences conformément à l’article 20 ; et

b)      en temps voulu avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de crédit ou une offre.

2.      Les informations personnalisées visées au paragraphe 1 sont fournies sur un support papier ou sur un autre support durable au moyen de la [fiche d’information standardisée européenne (FISE)] qui figure à l’annexe II. »

9        L’article 25 de la directive 2014/17, intitulé « Remboursement anticipé », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que le consommateur ait, avant l’expiration d’un contrat de crédit, le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu dudit contrat. Dans ce cas, le consommateur a droit à une réduction du coût total du crédit pour le consommateur correspondant aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat. »

10      L’article 41 de cette directive, intitulé « Caractère impératif de la présente directive », prévoit :

« Les États membres veillent à ce que :

[...]

b)      les mesures qu’ils adoptent pour transposer la présente directive ne puissent être contournées d’une manière pouvant conduire à ce que le consommateur perde la protection accordée par la présente directive du fait du libellé des contrats, notamment en intégrant des contrats de crédit relevant de la présente directive dans des contrats de crédit qui, par leur caractère ou leur finalité, permettraient d’éviter l’application desdites mesures. »

 Le droit autrichien

11      L’article 20 du Bundesgesetz über Hypothekar- und Immobilienkreditverträge und sonstige Kreditierungen zu Gunsten von Verbrauchern (loi fédérale relative aux contrats de crédit hypothécaire et immobilier et autres crédits aux consommateurs), du 26 novembre 2015 (BGBl. I, 135/2015), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 (BGBl. I, 93/2017), intitulé « Remboursement anticipé », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« L’emprunteur dispose du droit, qu’il peut exercer à tout moment, de rembourser avant l’expiration du délai stipulé, intégralement ou partiellement, le montant du crédit. Le remboursement anticipé de l’intégralité du montant du crédit et des intérêts vaut résiliation du contrat de crédit. En cas de remboursement anticipé, les intérêts dus par l’emprunteur sont réduits proportionnellement à la réduction du montant dû et, le cas échéant, proportionnellement à la réduction de la durée du contrat ; les frais dépendants de la durée du crédit sont réduits proportionnellement. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

12      VKI, une association visant à protéger les intérêts des consommateurs, a introduit un recours devant les juridictions civiles autrichiennes visant à ce qu’il soit enjoint à UCBA, un établissement de crédit, de cesser l’utilisation, lors de la conclusion de contrats portant sur des crédits garantis par des hypothèques relevant de la directive 2014/17, d’une clause contractuelle standard. Cette clause prévoit que, en cas de remboursement anticipé du crédit par le consommateur, les intérêts ainsi que les frais dépendants de la durée du crédit sont réduits proportionnellement, alors que « les frais de traitement indépendants de la durée du crédit ne sont pas remboursés, même proportionnellement ».

13      VKI estime qu’une telle clause est incompatible avec l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, qui consacre le droit du consommateur à la réduction du coût total du crédit en cas de remboursement anticipé du crédit. Elle se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C-383/18, EU:C:2019:702), dans lequel la Cour a jugé que l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48, qui prévoit un tel droit en matière de contrats de crédit aux consommateurs, doit être interprété en ce sens que ce droit inclut tous les frais imposés au consommateur.

14      La juridiction de première instance a rejeté le recours de VKI, au motif que la directive 2014/17 établit un système différent de celui de la directive 2008/48. Ces deux directives présenteraient des différences notamment en ce qui concerne la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » faisant l’objet d’une réduction en cas de remboursement anticipé.

15      La juridiction d’appel a réformé ce jugement, en considérant que, en raison de leurs libellés quasiment identiques, l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48 et l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 doivent être interprétés de la même manière. Eu égard à l’arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C-383/18, EU :C :2019:702), il ne serait pas possible de déduire de la directive 2014/17 que les frais indépendants de la durée du contrat de crédit ne doivent pas être remboursés proportionnellement.

16      Saisie d’un pourvoi en Revision par UCBA, la juridiction de renvoi, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), estime que l’approche de la juridiction d’appel ne s’impose pas de toute évidence.

17      Selon la juridiction de renvoi, il pourrait certes être considéré que, eu égard au libellé quasiment identique des deux dispositions ainsi qu’à l’objectif commun aux deux directives d’assurer une protection élevée du consommateur, l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 devrait être interprété dans le même sens que l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48.

18      Toutefois, les contrats de crédit aux consommateurs régis par la directive 2008/48 présenteraient des différences importantes par rapport aux contrats de crédit garantis par une hypothèque ou relatifs à des biens immobiliers, régis par la directive 2014/17, ces derniers comportant généralement de nombreux frais indépendants de la durée du contrat, dont l’établissement de crédit ne maîtrise pas vraiment le montant. À ce titre, la juridiction de renvoi évoque, notamment, les frais d’évaluation du bien immobilier, d’authentification des signatures aux fins de l’inscription de l’hypothèque au registre foncier, de demande de prise de rang en vue d’une cession ou d’une mise en gage et d’enregistrement pour la demande d’inscription de l’hypothèque au registre foncier.

19      En outre, s’agissant des frais indépendants de la durée du contrat dans le cadre de la directive 2014/17, le prêteur ne disposerait guère d’une marge de manœuvre contractuelle pour requalifier de tels frais en frais dépendants de cette durée. À cet égard, les juridictions autrichiennes contrôleraient, au besoin au moyen d’une requalification, si certains frais imposés au consommateur correspondent à une rémunération de l’utilisation temporaire de capitaux ou s’ils visent à indemniser une prestation du prêteur indépendante de la durée du contrat.

20      Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter l’article 25, paragraphe 1, de la directive [2014/17] en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’exercice, du droit de l’emprunteur de rembourser, intégralement ou partiellement, le montant du crédit avant l’expiration du délai stipulé, les intérêts dus par l’emprunteur et les frais dépendants de la durée du crédit sont réduits proportionnellement, sans prévoir cela concernant les frais indépendants de la durée du crédit ? »

 Sur la question préjudicielle

21      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que le droit du consommateur à la réduction du coût total du crédit en cas de remboursement anticipé du crédit n’inclut que les intérêts et les frais dépendants de la durée du crédit.

22      Conformément à cette disposition, les États membres doivent veiller à ce que le consommateur ait, avant l’expiration d’un contrat de crédit, le droit de s’acquitter, intégralement ou partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu dudit contrat. Dans ce cas, le consommateur a droit à une réduction du coût total du crédit correspondant aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat.

23      S’agissant, en premier lieu, des frais susceptibles de relever du « coût total du crédit pour le consommateur », le législateur de l’Union a retenu une définition large de cette notion.

24      En effet, il résulte de l’article 4, point 13, de la directive 2014/17, lu en combinaison avec l’article 3, sous g), de la directive 2008/48, que la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », au sens la première de ces dispositions, inclut tous les coûts que le consommateur doit payer au titre du contrat de crédit et qui sont connus du prêteur. Seuls en sont expressément exclus, ainsi que le confirme le considérant 50 de la directive 2014/17, les frais de notaire, les frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier, tels que les coûts d’inscription au registre foncier et les taxes y afférentes, ainsi que les frais à la charge du consommateur en cas de non-respect des obligations prévues dans le contrat de crédit.

25      Il incombe dès lors à la juridiction de renvoi de vérifier si les types de frais qu’elle mentionne et qui sont rappelés au point 18 du présent arrêt relèvent des coûts que le consommateur doit assumer au titre du contrat de crédit en cause au principal et qui sont connus du prêteur, notamment au titre des cas de figure expressément visés à l’article 4, point 13, de la directive 2014/17 et à l’article 3, sous g), de la directive 2008/48, et s’ils relèvent, le cas échéant, des exceptions résumées au point précédent, en particulier des frais de notaire.

26      S’agissant, en second lieu, de la portée de la notion de « réduction du coût total du crédit pour le consommateur », visée à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17, la Cour a déjà constaté, aux points 24 et 25 de l’arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor (C-383/18, EU:C:2019:702), s’agissant de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48, que ni la référence à la « durée résiduelle du contrat », figurant à cette disposition, ni une analyse comparative des différentes versions linguistiques de celle-ci ne permettent de déterminer la portée exacte de la réduction prévue à ladite disposition. La Cour en a déduit, au point 26 de cet arrêt, qu’il y avait donc lieu, conformément à sa jurisprudence constante, d’interpréter cette disposition en fonction de son contexte ainsi que des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

27      L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 est rédigé en des termes quasiment identiques à ceux de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2008/48, de telle sorte qu’il y a lieu de considérer que son libellé ne permet pas de déterminer, à lui seul, la portée exacte de la réduction prévue à cette disposition. Il convient donc d’interpréter celle‑ci au regard de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

28      À cet égard, il ressort des considérants 19 et 20 de la directive 2014/17 qu’il y a lieu, pour des raisons de sécurité juridique, d’assurer la cohérence et la complémentarité de cette directive avec d’autres actes adoptés dans le domaine de la protection des consommateurs. Néanmoins, il ressort également du considérant 22 de cette directive qu’il importe de tenir compte des particularités des contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, particularités qui justifient une approche différenciée.

29      En outre, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 1er de la directive 2014/17, lu à la lumière de son considérant 15, celle-ci fixe un cadre commun relatif à certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les contrats couvrant le crédit aux consommateurs garanti par une hypothèque ou un autre crédit relatif à des biens immobiliers à usage résidentiel en vue d’assurer à ces derniers le bénéfice d’un niveau élevé de protection (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, Association française des usagers de banques, C-778/18, EU:C:2020:831, point 34).

30      Or, il convient de constater, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général, en substance, au point 69 de ses conclusions, que le droit à réduction prévu à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 ne vise pas à placer le consommateur dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat de crédit avait été conclu pour une durée moindre, un montant inférieur ou, plus généralement, à des conditions différentes. Il vise, en revanche, à adapter ce contrat en fonction des circonstances du remboursement par anticipation.

31      Dans ces conditions, ce droit ne saurait inclure les frais qui, indépendamment de la durée du contrat, sont mis à charge du consommateur en faveur soit du prêteur, soit de tiers au titre de prestations qui ont déjà été exécutées intégralement au moment du remboursement anticipé.

32      Il est vrai que, dans le contexte de la directive 2008/48, la Cour a jugé que l’effectivité du droit du consommateur à la réduction du coût total du crédit serait amoindrie si cette réduction pouvait se limiter à la prise en compte des seuls frais présentés par le prêteur comme dépendant de la durée du contrat, dès lors que les frais et leur ventilation sont déterminés unilatéralement par la banque et que la facturation de frais peut intégrer une certaine marge de profit. En outre, limiter la réduction du coût total du crédit aux seuls frais expressément liés à la durée du contrat entraînerait le risque que le consommateur se voie imposer des paiements non récurrents plus élevés au moment de la conclusion du contrat de crédit, puisque le prêteur pourrait être tenté de réduire à un minimum les frais dépendant de la durée du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor, C‑383/18, EU:C:2019:702, points 31 et 32).

33      À cet effet, la Cour a souligné que, dans le cadre de ladite directive, la marge de manœuvre dont disposent les établissements de crédit dans leur facturation et leur organisation interne rend, en pratique, très difficile la détermination, par un consommateur ou par une juridiction, des frais objectivement liés à la durée du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, Lexitor, C-383/18, EU:C:2019:702, point 33).

34      À cet égard, il importe, toutefois, de rappeler que, conformément à l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/17, le prêteur ou, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit ou son représentant désigné est tenu de fournir au consommateur des informations précontractuelles au moyen de la FISE, figurant à l’annexe II de cette directive. Cette fiche prévoit une ventilation des frais payables par le consommateur en fonction de leur caractère récurrent ou non.

35      Or, une telle ventilation normalisée des frais mis à charge du consommateur réduit sensiblement la marge de manœuvre dont disposent les établissements de crédit dans leur facturation et leur organisation interne et permet, tant au consommateur qu’à une juridiction nationale, de vérifier si un type de frais est objectivement lié à la durée du contrat.

36      Par conséquent, le risque de comportement abusif du prêteur, évoqué dans la jurisprudence citée aux points 32 et 33 du présent arrêt, ne saurait justifier que les frais indépendants de la durée du contrat soient inclus dans le droit à réduction du coût total du crédit, prévu à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17.

37      À ce propos, il importe néanmoins de rappeler que, afin de garantir la protection dont bénéficient les consommateurs au titre de la directive 2014/17, l’article 41, sous b), de celle-ci impose aux États membres de veiller à ce que les mesures qu’ils adoptent pour transposer cette directive ne puissent être contournées d’une manière pouvant conduire à ce que le consommateur perde la protection accordée par ladite directive du fait du libellé des contrats.

38      Afin de garantir cette protection, il incombe aux juridictions nationales de veiller à ce que les frais qui, indépendamment de la durée du contrat de crédit, sont imposés au consommateur ne constituent pas objectivement une rémunération du prêteur pour l’utilisation temporaire du capital faisant l’objet de ce contrat ou pour des prestations qui, au moment du remboursement anticipé, devraient encore être fournies au consommateur. Le prêteur est, à cet égard, tenu d’établir le caractère récurrent ou non des frais concernés.

39      Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant que le droit du consommateur à la réduction du coût total du crédit en cas de remboursement anticipé du crédit n’inclut que les intérêts et les frais dépendants de la durée du crédit.

 Sur les dépens

40      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant que le droit du consommateur à la réduction du coût total du crédit en cas de remboursement anticipé du crédit n’inclut que les intérêts et les frais dépendants de la durée du crédit.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.