Language of document : ECLI:EU:T:2014:623

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 juillet 2014(*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Raisins secs – Vin – Dépenses effectuées par la Grèce – Correction financière ponctuelle – Méthode de calcul – Nature de la procédure d’apurement des comptes – Lien avec des dépenses financées par l’Union »

Dans l’affaire T‑376/12,

République hellénique, représentée par M. I. Chalkias, Mmes E. Leftheriotou et S. Papaïoannou, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision d’exécution 2012/336/UE de la Commission, du 22 juin 2012, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 165, p. 83), en tant qu’elle concerne la République hellénique pour le secteur des raisins secs, au titre des exercices financiers 2007, 2008 et 2009, et pour le secteur du vin,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

1        Par courrier du 22 décembre 2006, la Commission des Communautés européennes a communiqué à la République hellénique, sur le fondement de l’article 11 du règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), ses observations résultant de l’enquête FV/2006/353/GR, concernant les aides à la culture de raisins destinés à être séchés.

2        Par courrier du 28 février 2007, la République hellénique a fait part de ses observations et commentaires sur la communication du 22 décembre 2006.

3        Par courrier du 13 septembre 2007, la Commission a communiqué à la République hellénique, sur le fondement de l’article 11 du règlement n° 885/2006, ses observations résultant de l’enquête FV/2007/320/EL, concernant les aides à la culture de raisins destinés à être séchés, effectuée du 3 au 10 mai 2007.

4        Par courrier du 13 novembre 2007, la République hellénique a fait part de ses observations et commentaires sur la communication du 13 septembre 2007.

5        Par courrier du 18 décembre 2007, en application de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006, la Commission a invité la République hellénique à une réunion bilatérale qui s’est tenue le 24 janvier 2008.

6        Le procès-verbal de la réunion bilatérale a été transmis par la Commission à la République hellénique par courrier du 27 février 2008.

7        Par courrier du 29 avril 2008, la République hellénique a fait part à la Commission de ses commentaires sur le procès-verbal de la réunion bilatérale.

8        La Commission a procédé, le 8 février 2011, à la communication formelle, prévue par l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement n° 885/2006, qui informait la République hellénique qu’il était envisagé d’appliquer une correction financière, au titre des aides à la culture de raisins secs, d’un montant de 71 505 741,96 euros.

9        La République hellénique ayant décidé de soumettre à l’organe de conciliation, prévu par l’article 12 du règlement n° 885/2006, les différents points relevés par la Commission dans la communication formelle, ledit organe, après avoir entendu les parties, a arrêté son rapport final le 15 juillet 2011.

10      Le 7 novembre 2011, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils y ont maintenu leur position communiquée dans le courrier du 8 février 2011.

11      Par la décision d’exécution 2012/336/UE de la Commission, du 22 juin 2012, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 165, p. 83, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le secteur des raisins secs une correction ponctuelle portant sur les exercices financiers 2007, 2008 et 2009, et s’élevant à un montant total de 71 505 741,96 euros.

12      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 7 du rapport de synthèse concernant les résultats des inspections menées par la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), au titre de l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et de l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1).

2.     Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du vin

13      Par courriers du 8 janvier 2008 et du 18 février 2009, la Commission a communiqué à la République hellénique, sur le fondement de l’article 11 du règlement n° 885/2006, ses observations résultant, respectivement, des enquêtes VT/VI/2007/12/GR et VT/VI/2008/17/GR, concernant le potentiel de production des vignes, la seconde enquête ayant été effectuée du 21 au 25 avril 2008.

14      Par courrier du 16 février 2009, la République hellénique a fait part de ses observations et commentaires sur la communication du 8 janvier 2008.

15      Par courrier du 25 février 2009, en application de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 885/2006, la Commission a invité, dans le cadre des enquêtes VT/VI/2007/12/GR et VT/VI/2008/17/GR, la République hellénique à une réunion bilatérale qui, à la suite d’une demande de report présentée par celle-ci, s’est tenue le 4 juin 2009.

16      Le procès-verbal de la réunion bilatérale a été transmis par la Commission à la République hellénique par courrier du 14 septembre 2009, auquel celle-ci a répondu le 24 décembre 2009.

17      La Commission a procédé, le 26 août 2010, à la communication formelle, prévue par l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement n° 885/2006, qui informait la République hellénique qu’il était envisagé d’appliquer une correction financière, au titre du potentiel de production des vignes, d’un montant de 64 900 140 euros.

18      La République hellénique ayant décidé de soumettre à l’organe de conciliation, prévu par l’article 12 du règlement n° 885/2006, les différents points relevés par la Commission dans la communication formelle, ledit organe, après avoir entendu les parties, a arrêté son rapport final le 17 février 2011.

19      Le 12 mars 2012, les services de la Commission ont communiqué leur position finale à la République hellénique. Ils ont réduit le montant de la correction proposée dans le courrier du 26 août 2010, de 64 900 140 euros à 21 336 120 euros.

20      Par la décision attaquée, la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République hellénique dans le secteur du vin une correction ponctuelle s’élevant à un montant total de 21 336 120 euros.

21      Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer ladite correction sont exposés au point 7.2 du rapport de synthèse.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2012, la République hellénique a introduit le présent recours.

23      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

 En droit

25      La République hellénique soulève six moyens à l’encontre de la décision attaquée. Les deux premiers moyens sont dirigés contre la partie de la décision attaquée concernant le secteur des raisins secs et les quatre derniers moyens sont dirigés contre la partie de ladite décision concernant le secteur du vin.

1.     Observations liminaires

26      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules sont financées par le FEOGA les interventions entreprises selon les règles de l’Union européenne, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission, lorsqu’elle refuse de mettre à la charge du budget de l’Union certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, de prouver l’existence desdites violations (voir arrêt de la Cour du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec. p. I‑7529, point 6, et la jurisprudence citée). En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 46, et la jurisprudence citée).

27      Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêts de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 36, et Espagne/Commission, point 26 supra, point 47).

28      Il appartient ensuite à l’État membre concerné de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt Belgique/Commission, point 27 supra, point 36). En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 7, et Espagne/Commission, point 26 supra, point 48).

29      Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts de la Cour Belgique/Commission, point 27 supra, point 37 ; du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec. p. I‑747, point 37, et Espagne/Commission, point 26 supra, point 49).

30      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la République hellénique.

2.     Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

31      Le premier moyen est tiré d’une appréciation erronée des faits ainsi que d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement (CE) n° 1621/1999 de la Commission, du 22 juillet 1999, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil en ce qui concerne l’aide pour la culture de raisins destinés à la production de certaines variétés de raisins secs (JO L 192, p. 21). Le deuxième moyen est tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’annexe 2 du document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »), de l’annexe 17 du document AGRI/17933/2000 et du document AGRI/60637/2006, d’une insuffisance de motivation, du caractère disproportionné des corrections et d’un dépassement du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

 Position des services de la Commission à l’issue de la procédure administrative

32      Dans la position finale, la Commission a maintenu les conclusions de la communication formelle du 8 février 2011 et a décidé d’exclure du financement de l’Union une somme de 71 505 741,96 euros.

33      Quant au bien-fondé de la correction, la Commission a principalement estimé que les réductions de rendement minimal prévues par l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 et appliquées par la République hellénique visaient à compenser des diminutions structurelles de rendement, qu’elles étaient plus élevées que les dommages observés et qu’elles avaient été accordées sans évaluation desdits dommages et sans éléments de preuve.

34      Quant au niveau de la correction, la Commission a considéré que, au vu des irrégularités et de la dégradation du système de gestion des aides qu’elle avait constatées, le risque de non-conformité avec les dispositions réglementaires était exceptionnellement élevé dans le cas des sultanines et concernait une vaste majorité de livraisons. Faute de pouvoir calculer le risque exact pour les Fonds, la Commission a maintenu l’application d’un taux de correction de 100 % pour les sultanines et d’un taux de 25 % pour le raisin de Corinthe.

 Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits ainsi que d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999

 Cadre juridique

35      L’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29), dispose :

« 1.      Une aide est accordée pour la culture de raisins destinés à la production de raisins secs des variétés de sultanines et Moscatel et de raisins secs de Corinthe.

Le montant de l’aide est fixé par hectare de superficies spécialisées récoltées en fonction du rendement moyen à l’hectare de ces dernières. Il est fixé, en outre, compte tenu :

a)      de la nécessité d’assurer le maintien des superficies traditionnellement consacrées auxdites cultures ;

b)      des possibilités d’écoulement de ces raisins secs.

Le montant de l’aide peut être différencié en fonction des variétés de raisins ainsi que d’autres facteurs qui peuvent affecter les rendements. »

36      Conformément à la définition figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1621/1999, on entend par « parcelles spécialisées » les « superficies plantées en vignes des variétés sultanines (soultanina), raisins noirs de Corinthe (korinthiaki) et moscatel dont la totalité de la production récoltée de raisins frais est séchée en vue de sa transformation ».

37      L’article 3 du règlement n° 1621/1999 est libellé comme suit :

« 1. L’aide pour la culture de raisins est accordée pour les parcelles spécialisées :

a)      qui ont fait l’objet d’une inscription dans la base de données ;

b)      qui ont été entièrement cultivées et récoltées et dont la production séchée (raisins secs non transformés) a été livrée à un transformateur au titre d’un contrat ;

c)      qui ont un rendement minimal au moins égal aux quantités suivantes :

–        3 000 kilogrammes de raisins secs non transformés pour les sultanines,

–        2 100 kilogrammes de raisins secs non transformés pour les raisins secs de Corinthe,

–        520 kilogrammes de raisins secs non transformés pour les moscatels ;

[…]

2.      Il est dérogé à l’exigence relative au rendement minimal comme suit :

[…]

–        pour les parcelles ayant subi des dommages attribuables à des calamités naturelles, les États membres réduisent les quantités visées au paragraphe 1, [sous] c), du pourcentage de dommage certifié par les organismes d’assurance ; en cas de dommages non couverts par les organismes d’assurance, les États membres déterminent le pourcentage de réduction du rendement minimal pour les régions sinistrées et en informent la Commission,

[…] »

 Sur le rendement minimal des parcelles destinées à la production de raisins secs et sur sa réduction par les autorités helléniques

–       Constatations des services de la Commission

38      Les services de la Commission ont constaté que, pendant la campagne 2006/2007, une réduction du rendement minimal des parcelles destinées à la production de raisins secs, prévu par l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1621/1999, avait été appliquée à l’ensemble des parties concernées du territoire grec avec un taux uniforme de 50 % (ci-après le « rendement minimal réduit »). Il a été noté que les rendements de 68 % des superficies plantées de sultanines se situaient en dessous ou au plus 10 % au-dessus du rendement minimal réduit, la distribution des rendements pour les superficies plantées de raisins de Corinthe révélant également que les vignobles étaient affectés par la réduction accordée. De cette manière, tous les producteurs de raisins secs ont pu bénéficier de l’aide (point 4.3.1.1 du rapport de synthèse). Pour les services de la Commission, les réductions appliquées ne sont pas conformes à la réglementation, puisque elles ont été accordées pour compenser des causes structurelles de diminution des rendements plutôt que des calamités naturelles, qu’elles étaient plus élevées que les dommages constatés et qu’elles avaient été opérées sans évaluation des dommages allégués ou sans preuve à leur appui.

–       Arguments des parties

39      En premier lieu, la République hellénique rappelle que, par le règlement n° 1621/1999, la Commission a fixé le rendement minimal des surfaces cultivées de sultanines et de raisins de Corinthe à, respectivement, 3 000 kg par hectare et 2 100 kg par hectare, rendements qui ne pourraient être atteints qu’au prix de pratiques culturales attentives, d’une spécialisation complète du vignoble sur un terrain non épuisé et dans des conditions météorologiques parfaites, les calamités naturelles affectant de manière radicale la production de ces variétés ou épuisant totalement le vignoble.

40      En considérant que la réduction du rendement minimal n’était pas naturelle, la Commission n’aurait pas tenu compte des conditions et des périodes de production de raisins secs en Grèce, la sultanine étant particulièrement exposée aux différents aléas climatiques survenant au cours de l’année. Par ailleurs, l’état du vignoble en Crète (Grèce) s’expliquerait aussi par son vieillissement, par des syndromes de dégénérescence, par des virus végétaux et par d’autres affections, amplifiant l’effet des calamités naturelles.

41      Pour la campagne 2006/2007, la République hellénique aurait été tenue de réduire le rendement minimal, l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 ne laissant pas de pouvoir discrétionnaire. Elle aurait correctement suivi les procédures nationales prévues en cas de survenance de calamités naturelles, notamment en ayant fait procéder à des contrôles sur place par sondage et en ayant fait établir des rapports dans lesquels les autorités compétentes ont évalué le rendement minimal réduit par région sinistrée. Le taux du rendement minimal réduit s’expliquerait par la généralisation des causes des très importants dommages subis.

42      En réplique, la République hellénique soutient que, afin d’apprécier le caractère exceptionnel des événements en cause, il convient de tenir compte des conditions habituelles de la région ainsi que de la nature et des caractéristiques du produit cultivé. Ainsi, des précipitations ou de la grêle en août en Grèce ou des précipitations continues en Crète pendant l’été constitueraient des événements exceptionnels par rapport aux conditions climatiques habituelles et correspondraient à la définition des calamités naturelles. Il en serait de même des alternances entre températures basses et élevées pour un produit sensible comme le raisin sec. Enfin, la République hellénique insiste sur le fait que les arrêtés interministériels réduisant le rendement minimal détaillent toutes les calamités naturelles ayant conduit à une telle conclusion, sans qu’aucun autre motif ne constitue leur fondement.

43      En second lieu, en ce qui concerne les réductions du rendement minimal, premièrement, la République hellénique relève que le taux uniforme de 50 % de réduction constitue un plafond de réduction, le taux précis étant fixé à un échelon inférieur à l’arrêté interministériel, pratique acceptée par la Commission depuis 1997. En outre, l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 n’obligerait pas à moduler ou à échelonner le taux de réduction par village ou par parcelle, la réduction par nome opérée correspondant à la réduction par région retenue par ledit règlement, le raisin sec n’étant d’ailleurs produit que dans deux régions grecques, en Crète et dans le nord-ouest du Péloponnèse. Ainsi, il n’y aurait pas de dommages identiques pour tout le territoire grec.

44      Deuxièmement, la République hellénique soutient également que les décisions fixant le rendement minimal réduit sont fondées sur les arrêtés interministériels ainsi que sur les conclusions de comités scientifiques et sur des données climatologiques.

45      Troisièmement, la Commission méconnaîtrait le fait que le règlement n° 1621/1999, notamment son considérant 3, vise à soutenir les revenus des producteurs de raisins secs et à structurer la filière, lorsqu’elle considère que les taux de réduction du rendement minimal peuvent être fixés sans tenir compte du fait que les phénomènes météorologiques affaiblissent un vignoble déjà très âgé.

46      Quatrièmement, la République hellénique est d’avis que, s’agissant du grief tenant à la circonstance que la réduction du taux de rendement minimal aurait été fixée à un niveau permettant à tous les producteurs de demander une aide, la Commission n’a pas démontré le caractère intentionnel de la mesure.

47      Cinquièmement, en ce qui concerne l’octroi systématique de réductions et son incidence sur la production des vignes, la République hellénique fait valoir qu’un vignoble qui subit plusieurs années consécutives des calamités naturelles a un rendement réduit, dû à l’épuisement des vignes, et que l’âge et la qualité du vignoble ne sauraient entraîner des corrections financières, en tant que facteurs de diminution du rendement. D’ailleurs, la Commission aurait accepté, lors d’une précédente enquête, l’existence de rendements réduits au motif que les techniques culturales étaient devenues moins intensives.

48      La Commission conteste l’argumentation de la République hellénique.

–       Appréciation du Tribunal

49      En premier lieu, s’agissant de l’argument relatif au caractère prétendument artificiel et irréaliste du rendement minimal fixé par le règlement n° 1621/1999, il convient de constater que la République hellénique n’a ni soulevé expressément une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, ni même avancé un quelconque argument concret susceptible d’étayer la thèse d’une telle illégalité. Or, en l’absence de contestation de la légalité de cette disposition, il ne peut qu’être conclu que l’aide pour les raisins secs ne pouvait légalement être versée que dans l’hypothèse où les conditions prévues pour son versement étaient remplies, y compris celle tenant au rendement minimal. Une dérogation à l’exigence du rendement minimal ne saurait être accordée que dans les cas prévus au paragraphe 2 du même article, au nombre desquels figure celui relatif aux parcelles ayant subi des dommages attribuables à des calamités naturelles (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2012, Grèce/Commission, T‑588/10, point 378, non publié au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑71/13 P).

50      Par son argumentation mentionnée au point 39 ci-dessus, il pourrait être considéré que la République hellénique plaide pour une interprétation plus souple de l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1621/1999, susceptible de justifier une dérogation à l’exigence relative au rendement minimal dans tous les cas où les conditions idéales indispensables, selon elle, à l’obtention du rendement minimal prévu ne sont pas réunies. Une telle interprétation correspondrait, d’ailleurs, à la pratique que le rapport de synthèse prête à la République hellénique et qui consiste à réduire de manière uniforme et généralisée le rendement minimal exigé pour toute une région de la Grèce, voire pour l’intégralité du pays (voir, en ce sens, arrêt Grèce/Commission, point 49 supra, point 379).

51      Toutefois, l’argument selon lequel le rendement minimal prévu par l’article 3, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1621/1999 serait artificiel ou irréaliste n’est étayé par aucun élément de preuve. En ce qui concerne les annexes de la requête auxquelles la République hellénique renvoie, il convient de constater que, s’il s’agit de courriers adressés par les autorités helléniques aux services de la Commission au cours des années 1996 à 1999 ainsi que de réponses du membre de la Commission chargé de l’agriculture, ces courriers ont trait à des demandes de réduction du rendement minimal pour cause de calamités naturelles et non à des demandes de modification des termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1621/1999. Certes, il est vrai que, par un courrier du 31 mars 2003 également annexé à la requête, la République hellénique a soumis à la Commission des propositions de modification de plusieurs règlements applicables en matière de politique agricole commune (PAC). Si, dans ce courrier, elle propose de modifier l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1621/1999, en abaissant le niveau du rendement minimal pour les sultanines et pour le raisin de Corinthe, aucune justification n’est donnée à cette proposition. En outre, il y a lieu de rappeler que le rendement minimal prévu par cette disposition a été fixé en tenant compte du rendement réel moyen des campagnes relatives à la période 1987-1990, à savoir 3 450 kilogrammes de sultanines à l’hectare et 2 450 kilogrammes de raisin noir de Corinthe à l’hectare (voir arrêt Grèce/Commission, point 49 supra, point 381), ce que la République hellénique reconnaît dans la requête. Or, ce dernier rendement est supérieur à celui fixé par le règlement n° 1621/1999.

52      Par conséquent, l’argument tiré du caractère artificiel ou irréaliste du rendement minimal prévu par la réglementation doit être rejetée.

53      En deuxième lieu, le libellé de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999, en particulier la notion de « calamités naturelles » qui y est utilisée, n’est pas compatible avec l’interprétation large de cette notion, préconisée par la République hellénique.

54      Il convient de relever que le considérant 5 du règlement n° 1621/1999 énonce ce qui suit :

« [C]onsidérant qu’en outre, afin d’atteindre le degré de spécialisation requis et éviter des abus, l’aide doit être accordée aux superficies qui ont reçu des soins culturaux adéquats ; que la fixation d’un rendement minimal à respecter et tenant compte des caractéristiques de chaque variété, sous réserve, toutefois, des exceptions liées à des conditions exceptionnelles pouvant influencer les rendements indépendamment des soins prodigués par le producteur, est susceptible d’assurer le respect de cette exigence […] »

55      Il peut en être déduit qu’il convient d’entendre par « calamités naturelles » des conditions exceptionnelles pouvant influencer les rendements indépendamment des soins prodigués par le producteur. Il s’ensuit qu’une calamité naturelle, au sens de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement no 1621/1999, constitue un événement bien circonscrit dans sa durée, sa nature et ses effets, résultant des forces de la nature et présentant une nature exceptionnelle par rapport aux conditions, y compris météorologiques, normales de la région affectée (arrêt Grèce/Commission, point 49 supra, point 385).

56      La République hellénique fait référence, dans ce contexte et en ce qui concerne, en particulier, la variété sultanine, aux précipitations durant la période de floraison des mois d’avril et de mai, aux précipitations inhabituelles et abondantes des mois d’août et de septembre, aux précipitations prolongées, à la grêle durant les mois d’été, à la canicule qui, ces dernières années, aurait duré plus longtemps qu’il serait habituel en Grèce au mois de juillet, à la sécheresse ainsi qu’aux virus végétaux et aux affections du vignoble, comme exemples de calamités naturelles. À cet égard, il convient de relever qu’aucun de ces phénomènes naturels ne saurait a priori être exclu de la notion de calamité naturelle, étant, toutefois, précisé que chacun de ces phénomènes doit constituer une exception aux conditions normales prévalant dans la région concernée et répondre, ainsi, à la définition figurant au point précédent. En revanche, le vieillissement du vignoble en Crète ou la circonstance qu’il serait affecté par des syndromes de dégénérescence, évoqués par la requérante, ne peuvent être considérés comme répondant à la définition de calamité naturelle, telle que mentionnée au point 55 ci-dessus.

57      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la République hellénique tendant à démontrer que le rendement minimal réduit en Grèce pour la campagne 2006/2007 répondait bien aux exigences de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999, en commençant par les arguments les plus généraux.

58      Premièrement, si la République hellénique indique qu’elle était tenue de fixer un rendement minimal réduit, puisque le règlement n° 1621/1999 l’obligerait à agir en ce sens en cas de calamités naturelles, sans lui laisser de pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à cette obligation, force est de constater qu’une telle obligation, à supposer qu’elle existe, n’aurait de raison d’être que si l’existence de calamités naturelles avait été constatée. Dès lors, un tel argument ne saurait, à lui seul, avoir d’incidence sur la légalité de la décision attaquée.

59      Deuxièmement, la République hellénique décrit longuement et de manière théorique la procédure nationale à l’issue de laquelle le rendement minimal réduit est fixé. Toutefois, l’exposé détaillé de la procédure au terme de laquelle les autorités helléniques décident de mettre en œuvre les dispositions de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 en fixant le rendement minimal réduit ne permet pas de démontrer que les conditions de fond de mise en œuvre de cette disposition sont remplies.

60      Troisièmement, la République hellénique soutient que la Commission méconnaît le fait que le règlement n° 1621/1999, notamment son considérant 3, vise à soutenir les revenus des producteurs de raisins secs et à structurer la filière. Selon elle, la Commission devait prendre en compte le fait que les phénomènes météorologiques affaiblissent un vignoble déjà très âgé.

61      S’il est vrai que le considérant 3 du règlement n° 1621/1999 énonce que la finalité du régime d’aide à la culture de raisins secs est de soutenir et de structurer la filière « raisins secs » ainsi que de structurer le degré de spécialisation nécessaire à cet effet, il convient de considérer qu’une telle finalité doit être atteinte dans le respect du cadre fixé par le règlement n° 1621/1999. Ce n’est donc qu’en assurant le respect des dispositions qui arrêtent les conditions dans lesquelles est versée l’aide aux superficies spécialisées cultivées de raisins destinés à être séchés que cette finalité peut être atteinte. Autoriser, comme le laisse supposer le raisonnement de la République hellénique, le versement de l’aide à la culture de raisins secs au seul motif que cette aide permettrait de soutenir le revenu des producteurs aurait pour conséquence de laisser inappliquées les dispositions du règlement n° 1621/1999 qui poursuivent un tel but, comme celles de l’article 3, paragraphe 1, sous c). Il n’est pas possible de donner une telle portée à la finalité du régime d’aide à la culture de raisins secs ressortant du considérant 3 du règlement n° 1621/1999.

62      En outre, la position de la Commission n’induit pas nécessairement que la circonstance que les phénomènes météorologiques affaiblissent un vignoble déjà très âgé ne soit pas prise en compte en vue de fixer le rendement minimal réduit. Néanmoins, il reste nécessaire que les phénomènes météorologiques dont il est question puissent être qualifiés de calamités naturelles, conformément à la définition donnée au point 55 ci-dessus, et que le versement de l’aide ne vise pas en réalité à compenser uniquement les conséquences d’une évolution structurelle comme le vieillissement du vignoble.

63      Quatrièmement, la République hellénique soutient qu’un vignoble qui subit plusieurs années consécutives des calamités naturelles a un rendement réduit dû à l’épuisement des vignes et non au manque de soin et que l’âge et la qualité du vignoble ne sauraient entraîner des corrections financières, en tant que facteurs de diminution du rendement. Or, il convient de constater que la correction financière relative à la culture de raisins secs n’a pas été appliquée au motif que les vignobles étaient âgés ou en mauvais état, mais parce que le rendement minimal réduit pour cause de calamités naturelles ne reposait sur aucun élément de preuve.

64      Cinquièmement, quant à l’uniformité du rendement minimal réduit, il convient de relever que, si l’éventualité d’une calamité naturelle affectant l’ensemble du territoire pertinent d’un État membre ne saurait être exclue, il n’en reste pas moins que cette notion, telle que définie au point 55 ci-dessus, correspondra, dans la plupart des cas, à un événement affectant une région particulière bien circonscrite. La référence faite par l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 aux « régions sinistrées » corrobore cette dernière considération. De plus, dans l’hypothèse de plusieurs calamités naturelles ayant affecté différentes régions d’un même État membre, le taux de réduction devrait normalement fluctuer entre les régions affectées, en fonction de la nature, de la durée et de l’étendue de la calamité, surtout lorsque, comme en l’espèce, les régions touchées par les prétendues calamités, le nord-ouest du Péloponnèse et la Crète, sont très éloignées l’une de l’autre. Au regard de ces considérations, c’est à juste titre que la Commission a, en substance, considéré que la fixation d’un taux de réduction du rendement minimal uniforme pour l’ensemble des régions concernées de la Grèce constituait un élément supplémentaire qui jetait un doute sur la conformité des réductions ainsi décidées avec les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999 (voir, en ce sens, arrêt Grèce/Commission, point 49 supra, point 397).

65      S’agissant de l’argument selon lequel le taux du rendement minimal réduit constituerait un plafond de réduction, les taux précis étant fixés à un échelon inférieur, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, une telle circonstance resterait sans pertinence notamment à défaut de démonstration par la République hellénique que des décisions prises sur le plan local auraient fixé des taux de réduction du rendement minimal en considération de la survenance de calamités naturelles.

66      Sixièmement, la République hellénique soutient que la Commission aurait dû démontrer le caractère intentionnel de la réduction du taux de rendement minimal à un niveau permettant à tous les producteurs de demander une aide. Comme le relève la Commission, elle s’est bornée à constater que l’application d’un taux uniforme de 50 % de réduction du rendement minimal offrait la possibilité à presque tous les producteurs de bénéficier de l’aide. Il s’agit d’un constat tiré de la situation née des arrêtés interministériels et non de l’imputation par la Commission d’un comportement intentionnel aux autorités helléniques afin qu’elles fassent bénéficier tous les producteurs de raisins secs du régime d’aide.

67      Septièmement, la République hellénique se fonde sur onze arrêtés interministériels des 21 et 22 septembre 2006, et sur les données qu’ils contiennent ainsi que sur celles sur lesquelles ils sont établis, pour soutenir que la réduction du rendement minimal d’un taux uniforme de 50 % pour la campagne 2006/2007 était justifiée par les calamités naturelles ayant sévi de manière généralisée dans les régions qu’elles ont touchées. La République hellénique insiste sur le fait que les arrêtés interministériels détaillent toutes les calamités naturelles ayant conduit à la réduction du rendement minimal, sans qu’aucun autre motif ne constitue leur fondement. En revanche, la Commission n’aurait pas tenu compte des conditions et des périodes de production de raisins secs en Grèce, la sultanine étant particulièrement exposée aux différents aléas climatiques survenant au cours de l’année.

68      Il convient de constater que la République hellénique ne donne, dans son argumentation résumée au point 67 ci-dessus, aucune indication concrète et détaillée s’agissant de la nature, de la date ou de la période exacte et des circonstances particulières des calamités naturelles ayant justifié les réductions du rendement minimal accordées par les arrêtés interministériels qu’elle invoque.

69      Les documents sur lesquels la République hellénique fonde son argumentation sont constitués par, d’une part, les onze arrêtés interministériels des 21 et 22 septembre 2006 et des documents contenant des données météorologiques portant sur les régions de production de raisins secs et, d’autre part, d’autres documents échangés au cours de la procédure d’apurement des comptes, notamment le courrier du 28 février 2007, qui fait suite à la communication du 22 décembre 2006, et le courrier du 13 novembre 2007, adressé à la Commission par l’Organismos Pliromon kai Elenchou Koinotikon Enischiseon Prosanatolismou kai Engyiseon‑Opekepe (agence hellénique de paiement et de contrôle des aides communautaires d’orientation et de garantie, ci‑après l’« Opekepe »).

70      Il y a lieu de constater que la plupart des arrêtés interministériels mentionnent les causes de réduction du rendement minimal. Ainsi, l’arrêté n° 17579 fait état des pluies de printemps qui ont causé de graves problèmes pour la nouaison et pour le fruit, de la grêle qui a provoqué une forte chute des fruits et gravement affecté la quantité et de la canicule qui a eu un impact négatif sur la production. L’arrêté n° 17581 relève qu’une grande partie des vignobles subit une réduction naturelle de la production en raison du vieillissement, que plus de 50 % sont confrontés à de graves problèmes virologiques et fongiques, causant une baisse progressive de la production, que des précipitations réduites sur des vignobles cultivés sans irrigation engendrent un déficit d’humidité, cause majeure de la baisse de la production, et que des phénomènes météorologiques extrêmes ont eu pour effet de réduire davantage la production. L’arrêté n° 17583 fait référence aux mauvaises conditions météorologiques ayant prévalu au cours de l’été, les dommages étant dus à une humidité très élevée, combinée à une température élevée.

71      Toutefois, il convient de noter que les arrêtés interministériels n° 17581, n° 17584 et n° 17586 mentionnent, à titre principal, des causes qui ne relèvent pas de la définition des calamités naturelles. Ces arrêtés ont été pris pour trois des quatre nomes situés en Crète et concernent la production de sultanines. Il en résulte que les causes du faible rendement des vignes sont principalement le vieillissement du vignoble, les infections virologiques et fongiques, et l’absence d’irrigation due à la localisation des parcelles. De plus, la quasi-totalité des arrêtés n’est pas assortie d’éléments de preuve des intempéries dont ils font état.

72      S’agissant des éléments de preuve appuyant certains arrêtés interministériels, il semble que le courrier de la préfecture d’Héraklion, en Crète, du 2 août 2006, est le document au vu duquel a été pris l’arrêté n° 17581. Ledit courrier fait état de la faiblesse du rendement des vignobles, due à l’âge des vignes, aux problèmes virologiques et fongiques, à la faible pluviométrie de l’année, ce qui aggraverait la situation eu égard à l’absence d’irrigation, et à l’existence de phénomènes météorologiques extrêmes. À ce courrier est annexé un rapport d’un comité scientifique dont la mission était de déterminer les raisons du rendement minimal réduit des viticulteurs cultivant la variété sultanine. De ce rapport, il ressort que des phénomènes de longue durée expliquent les rendements réduits dans le nome d’Héraklion, comme la présence du phylloxéra, les modalités de replantation des vignes, au cours de laquelle a été utilisé du matériel reproducteur non agréé, ce qui a entraîné un pullulement d’infections virales, et les périodes de vendange qui ne permettent pas au raisin d’atteindre une maturité totale. Force est de constater que de tels motifs ne correspondent pas à la définition des calamités naturelles telle qu’elle ressort du point 55 ci-dessus.

73      Quant au rapport du comité scientifique établi pour déterminer les raisons du rendement minimal réduit dans le département de La Canée, en Crète, il en ressort que la culture de sultanines dans ce nome se divise en deux zones géographiques. Dans la première, il a été relevé, d’une part, que les ceps de vignes étaient non irrigables, atteints de phylloxéra et d’autres virus et maladies, et qu’ils étaient âgés de plus de 41 ans et, d’autre part, que la culture y était difficile en raison du relief, de la fertilité réduite des sols, de l’impossibilité d’irriguer et des difficultés d’accès, le comité notant également que la replantation dans cette zone était difficile, car la population était vieillissante. Dans la seconde zone, le comité a mis en avant que la replantation avait fait face à de nombreux problèmes, eu égard à l’utilisation d’un matériel reproducteur non agréé et parfois inadapté, laissant le champ à des virus et à des maladies du bois, et entraînant une baisse de la productivité. La faiblesse du niveau des pluies pendant l’hiver et le printemps (2005/2006) aurait aggravé la situation existante. Enfin, le comité a noté l’existence de phénomènes météorologiques extrêmes comme une canicule en août ou de fortes pluies à la fin de ce mois, ayant affecté le séchage des raisins. Selon ce rapport, la faiblesse du taux de rendement est due, principalement, à des facteurs structurels liés aux conditions d’exploitation des vignes, à leur localisation et à leur âge, les phénomènes météorologiques n’étant pas qualifiés de calamités naturelles et n’ayant fait qu’aggraver la situation.

74      Au vu de tels éléments, il y a lieu de conclure que, contrairement à l’argumentation présentée par la République hellénique, celle-ci n’a apporté aucune preuve de la survenance de calamités naturelles dans neuf des onze nomes concernés et de son incidence sur le niveau de rendement des parcelles et que, s’agissant des deux départements pour lesquels des éléments de preuve ont été produits, ceux-ci démontrent que le faible rendement des vignobles est dû, comme la Commission le soutient dans ses écrits, à des facteurs structurels que des phénomènes météorologiques, non qualifiés de calamités naturelles, n’ont fait qu’aggraver.

75      Ainsi, la République hellénique ne démontre pas que les conditions étaient réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (voir, en ce sens, arrêt Belgique/Commission, point 27 supra, point 36), puisqu’elle ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, alors qu’elles constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 1993, Italie/Commission, point 28 supra, point 7, et Espagne/Commission, point 26 supra, point 48).

76      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter l’argumentation de la République hellénique pour justifier la réduction de 50 % du rendement minimal.

 Sur la spécialisation des parcelles

–       Constatations des services de la Commission

77      Au vu des modalités de contrôle des livraisons de raisin sec aux transformateurs et des pertes en poids constatées pour les sultanines, la Commission considère que le système de contrôle des autorités helléniques ne permet pas de prendre en compte le risque de non-conformité avec la règle de spécialisation des parcelles de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1621/1999 (points 4.3.1.1 à 4.3.1.3 du rapport de synthèse).

–       Arguments des parties

78      La République hellénique soutient que la Commission a mal interprété sa position quant à l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999, qui ne s’applique pas lorsque le rendement minimal n’a pas été obtenu, comme le démontre le courrier de l’Opekepe, du 24 octobre 2006, qui fournit les instructions relatives à l’imposition de sanctions aux producteurs de raisins secs en application de cette disposition. Selon la République hellénique, le contrôle de la superficie spécialisée et de la livraison de toute la production en vue du séchage est opéré grâce à des contrôles sur place des aires de séchage et auprès des transformateurs, ces contrôles étant parfois imposés à tous les producteurs qui demandent un changement d’utilisation et les conclusions de ces contrôles étant croisées avec les demandes d’aide.

79      La République hellénique relève que le contrôle des transformateurs est assuré par des contrôleurs habilités, qui suivent les instructions de l’Opekepe relatives à l’imposition de sanctions aux producteurs de raisins secs et qui assurent des contrôles administratifs sur 100 % des communications, contrats et demandes d’aide ainsi que des contrôles sur place de 5 % des quantités communiquées par les transformateurs. D’autres agents auraient effectué des contrôles croisés pour vérifier le travail des contrôleurs et le déroulement des contrôles sur place. S’agissant des éventuelles diminutions de poids, la République hellénique souligne que la sultanine subit un taux élevé de perte dû au processus de séchage à la potasse, alors que le raisin de Corinthe sèche naturellement et résiste mieux aux modifications et au tri.

80      En ce qui concerne le contrôle de la destination des raisins, la République hellénique soutient que la Commission a imposé une correction sur le raisin sec pour des motifs non étayés et non fondés, les directions départementales du développement rural contrôlant systématiquement la circulation des raisins secs, notamment à partir des informations de la base de paiement.

81      La Commission conteste l’argumentation de la République hellénique.

–       Appréciation du Tribunal

82      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1621/1999, les « parcelles spécialisées » sont les superficies plantées en vignes des variétés sultanines, raisins noirs de Corinthe et moscatel dont la totalité de la production récoltée de raisins frais est séchée en vue de sa transformation. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du même règlement, l’aide pour la culture de raisins est accordée pour les parcelles spécialisées qui ont été entièrement cultivées et récoltées et dont la production séchée (raisins secs non transformés) a été livrée à un transformateur au titre d’un contrat.

83      Ainsi qu’il résulte du point 77 ci-dessus, les services de la Commission ont constaté un risque de non-conformité de la situation des parcelles cultivées de variétés de raisins destinées à être séchées avec la règle de spécialisation des parcelles, énoncée au point 82 ci-dessus, révélé par l’étroite bande de distribution des rendements des parcelles de sultanines, laissant supposer que les autorités helléniques avaient consenti des échanges de livraisons entre exploitations (point 4.3.1.1 du rapport de synthèse). Au vu de la distribution des rendements pour les parcelles cultivées de raisins de Corinthe, les mêmes conclusions s’appliquaient jusqu’à un certain point. Par ailleurs, les contrôles des livraisons de raisins en vue du séchage n’ayant pu être effectués qu’à partir de factures et de déclarations de rendement figurant dans les contrats de livraison passés avec les transformateurs, la Commission a estimé que le risque de détournement de sultanines vers la fabrication de vin ou le marché du raisin frais n’était pas du tout couvert. En outre, les services de la Commission ont constaté que, chez un transformateur, les produits livrés avaient perdu entre 17,2 et 30 % de leur poids lors du séchage, ce qui pouvait laisser supposer que des quantités de raisins n’avaient pas été livrées au transformateur, afin de dissimuler des quantités détournées vers d’autres destinations ou pour assurer le bénéfice de l’aide aux parcelles ayant une faible production ou un rendement insuffisant (points 4.3.1.1 et 4.3.1.2 du rapport de synthèse). Les contrôles chez les transformateurs ne permettraient donc pas de s’assurer que toute la production provenant de parcelles spécialisées avait été effectivement livrée à ceux-ci.

84      La République hellénique fait, notamment, référence à l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999. Cette disposition énonce ce qui suit :

« Si des irrégularités sont constatées lors du contrôle des demandes d’aide, des sanctions s’appliquent comme suit :

[…]

c)      S’il est constaté que le rendement obtenu, tout en étant supérieur au rendement minimal, est inférieur au niveau moyen estimé par l’autorité nationale pour la zone géographique concernée, le contrôle s’étend aux quantités vendues par le producteur individuel ou par l’organisation de producteurs sur le marché du frais et à la vinification. Si cette vérification et la vérification de l’état du vignoble démontrent que les quantités récoltées sur les parcelles pour lesquelles l’aide est demandée n’ont pas été séchées dans leur totalité, l’aide est réduite proportionnellement au pourcentage des quantités détournées. Aucune aide n’est payée si les quantités détournées correspondent à plus de 30 % des quantités obtenues […] »

85      Selon la République hellénique, cette disposition contredit partiellement celle de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1621/1999, dès lors qu’elle semble autoriser le paiement d’une aide réduite si un pourcentage inférieur à 30 % de la production de raisins a été détourné vers un autre usage. En tout état de cause, la République hellénique souligne que la Commission a mal interprété sa position soutenue lors de la procédure administrative. En réalité, contrairement à ce que considérerait la Commission, dans l’hypothèse d’une réduction de la quantité minimale en application de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement, l’intégralité de la quantité produite devrait être séchée pour ouvrir droit à l’aide, quand bien même cette quantité serait supérieure à la quantité minimale exigée après réduction.

86      Au regard de cette argumentation, il convient de relever qu’il ne saurait être question d’une contradiction entre les dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1621/1999 et de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du même règlement. La première concerne une condition d’éligibilité pour le versement de l’aide. Il en ressort qu’une ou plusieurs parcelles spécialisées doivent être consacrées intégralement à la culture de raisins destinés au séchage, en ce sens que l’intégralité de leur production doit être séchée. La seconde concerne la sanction imposée lorsque des raisins sont détournés vers d’autres débouchés, tels que le marché du frais ou celui des raisins destinés à la vinification. Dans l’hypothèse où les quantités détournées correspondent à moins de 30 % des quantités obtenues, l’aide est réduite proportionnellement au pourcentage des quantités détournées. En revanche, si les quantités détournées correspondent à plus de 30 % des quantités obtenues, l’aide est supprimée (arrêt Grèce/Commission, point 49 supra, point 403).

87      Quoi qu’il en soit, l’interprétation de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999, contrairement à ce que la République hellénique semble considérer, n’est pas de nature à infirmer les constatations de la Commission résumées au point 83 ci-dessus. Il convient de relever, à cet égard, que l’application de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999 exige de contrôler le rendement obtenu et, s’il est inférieur au niveau moyen estimé pour la zone géographique concernée, le contrôle doit s’étendre au marché du frais et à la vinification, afin d’établir quelles sont les quantités détournées et d’imposer les sanctions appropriées prévues par cette disposition. Or, il est notamment reproché à la République hellénique de ne pas avoir effectué les contrôles des livraisons de produits aux transformateurs de manière à couvrir le risque de détournement de la production de raisins destinés à être séchés vers d’autres destinations (points 4.3.1.1 et 4.3.1.2 du rapport de synthèse). Une telle lacune constitue tant une méconnaissance de l’article 9, paragraphe 4, sous c), du règlement n° 1621/1999 qu’une violation de l’article 3, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, que la Commission a qualifié, à juste titre, de non conforme au droit de l’Union dans le rapport de synthèse.

88      S’agissant de l’argument selon lequel le contrôle de la superficie spécialisée et de la livraison de toute la production en vue du séchage est opéré grâce à des contrôles sur place des aires de séchage et auprès des transformateurs, ces contrôles étant parfois imposés à tous les producteurs qui demandent un changement d’utilisation et les conclusions de ces contrôles étant croisées avec les demandes d’aide, il suffit de constater, comme la Commission, que la République hellénique ne produit aucun élément de preuve de ce qu’elle avance, ni de l’incidence de la pratique énoncée sur le respect de la règle de spécialisation des parcelles de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1621/1999.

89      La même conclusion doit être tirée quant à la circonstance que le contrôle des transformateurs serait effectué par des contrôleurs habilités, suivant les instructions de l’Opekepe relatives à l’imposition de sanctions aux producteurs de raisins secs, dans le cadre de contrôles administratifs sur 100 % des communications, contrats et demandes d’aide et de contrôles sur place de 5 % des quantités communiquées par les transformateurs, et quant à celle que d’autres agents auraient effectué des contrôles croisés pour vérifier le travail des contrôleurs et le déroulement des contrôles sur place. Comme le relève la Commission, le fait de prévoir des contrôles ne signifie pas qu’ils ont été réalisés. Faute de preuve en ce sens, les procédures éventuellement suivies par les autorités helléniques pour effectuer les contrôles ou les qualifications supposées des agents qui en seraient chargés n’ont aucune incidence sur les constatations opérées par la Commission quant au risque de non-conformité avec la règle de spécialisation.

90      S’agissant des éventuelles diminutions de poids, les arguments présentés par la République hellénique ne sauraient suffire à invalider les constatations de la Commission, puisque, comme le relève cette dernière, à supposer qu’il y ait lieu de tenir compte des documents annexés à la requête, ils ne concernent que les contrôles effectués chez les transformateurs et ne sont donc pas susceptibles à eux seuls de démontrer qu’il n’y avait pas de risque de non-conformité à la règle de spécialisation, eu égard notamment à la faible distribution des rendements des parcelles produisant des sultanines.

91      En ce qui concerne le contrôle de la destination des raisins, si la République hellénique soutient que la Commission a imposé une correction sur le raisin sec pour des motifs non étayés et non fondés, il convient de constater qu’il n’est pas démontré que les directions départementales du développement rural contrôleraient systématiquement la circulation des raisins secs, notamment à partir des informations de la base de paiement. Les contrôles administratifs et les contrôles croisés avec les demandes d’aide ne suffisent pas, comme le relève la Commission, à exclure ou à diminuer le risque de non-conformité avec la règle de spécialisation, étant donné qu’ils portent sur une documentation relative aux quantités de raisins secs déclarées par les exploitants, ce qui ne permet pas d’appréhender les quantités éventuellement détournées de cette destination. Par ailleurs, il convient également de relever que, dans la communication de la Commission du 13 septembre 2007, il a été noté que, premièrement, dans le nome d’Héraklion, un responsable de la préfecture avait indiqué que, pour les exploitants, les déclarations de rendement constituaient une formalité sans grande importance, jetant un doute sur la fiabilité desdites déclarations, deuxièmement, les services de la Commission avaient constaté qu’il n’y avait pas de contrôles croisés avec les déclarations des exploitants dans le secteur du vin et, troisièmement, le contrôle des stocks de plusieurs transformateurs était impossible, puisque aucun registre n’avait été conservé, ce que permettrait la loi commerciale grecque.

92      Dans ces circonstances, il ne peut être affirmé, comme le fait la République hellénique, qu’un système de contrôle fiable a été mis en place et qu’il serait démontré par les documents annexés à la requête. C’est donc à juste titre que la Commission a indiqué, dans la position finale, que le risque de non-conformité du système de contrôle avec la règle de spécialisation des parcelles de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1621/1999 n’était pas pris en compte

93      Il résulte de ce qui a été jugé aux points 49 à 76 et 82 à 92 ci-dessus que le premier moyen du recours doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’annexe 2 des orientations, de l’annexe 17 du document AGRI/17933/2000 et du document AGRI/60637/2006, d’une insuffisance de motivation, du caractère disproportionné des corrections et d’un dépassement du pouvoir discrétionnaire de la Commission

 Constatations des services de la Commission

94      Dans la position finale, la Commission a fondé l’application des taux de correction de 25 % et 100 %, d’une part, sur les dispositions des orientations qui visent l’absence complète ou le caractère gravement déficient du système de contrôle d’un État membre, au vu de preuves de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, et, d’autre part, sur celles prévoyant la fixation du taux de correction financière à un taux plus élevé que 25 % lorsque cela est approprié, la dépense pouvant même être entièrement rejetée lorsque les carences sont suffisamment graves pour constituer un manquement complet au respect des règles de l’Union et rendre tous les paiements irréguliers. Elle a également mentionné les dispositions du document AGRI/60637/2006 sur l’augmentation du taux de correction financière en cas de récidive.

95      La Commission a considéré que, s’agissant du raisin de Corinthe, le risque pour les Fonds était limité, eu égard à l’éligibilité de ce type de raisin à deux régimes d’aide distincts et au fait que les contrôles opérés sur les raisins destinés à être séchés étaient doublés de contrôles dans le régime du vin. En revanche, elle a constaté que les sultanines pouvaient avoir trois destinations et que le risque de détournement de la production vers la vinification ou le marché du raisin frais n’était pas du tout couvert, le système de contrôle n’assurant pas que la production fût réellement livrée pour être séchée, puisqu’un critère clé d’éligibilité au régime d’aide, l’obligation de spécialisation des parcelles, n’était pas vérifié [point 4.3.5.1, sous a), du rapport de synthèse]. La Commission a également souligné que la distribution des rendements pour la récolte de sultanines de 2006 était artificiellement étroite, que le plus haut niveau de production était proche du rendement minimal réduit et que 2,5 % des superficies avait un rendement moyen supérieur au rendement minimal. En outre, il était relevé que les graphiques des rendements avaient été établis par les autorités helléniques à partir des livraisons agrégées par exploitation, alors que l’éligibilité au régime d’aide se constatait pour chaque parcelle [point 4.3.5.1, sous b), du rapport de synthèse].

96      Dans la position finale, la Commission a évalué la gravité et l’étendue des manquements des autorités helléniques au regard de la non-conformité de cinq contrôles clés, rendant le système de contrôle totalement ineffectif, ainsi que de la dégradation de la qualité de la gestion du régime d’aide et de l’environnement des contrôles depuis l’enquête précédente, une réduction unique non justifiée ayant été appliquée à toutes les variétés de raisins et à tous les nomes sans que les mesures correctives et les améliorations exigées par les enquêtes précédentes aient été mises en œuvre. La Commission a ensuite noté le caractère artificiel de l’étroite distribution des rendements des parcelles plantées de sultanines, certainement dû à la réduction du rendement minimal, des échanges de livraisons ayant pu avoir lieu entre exploitations. En outre, elle a relevé que l’interprétation erronée de la règle de spécialisation des parcelles par les autorités helléniques devait être vue conjointement avec le fait que les sultanines avaient trois destinations possibles. Selon elle, l’application du régime d’aide permettait aux producteurs déclarant des quantités atteignant ou dépassant de peu le rendement minimal réduit de réclamer l’aide et de détourner toute la production excédentaire vers le marché du frais ou la vinification. Pour la Commission, de tels éléments indiquaient clairement que le risque de non-conformité avec la réglementation était exceptionnellement élevé dans le cas des sultanines et couvrait la vaste majorité des livraisons. Faute de pouvoir calculer exactement le risque pour les Fonds, la Commission a appliqué une correction de 100 % s’agissant des sultanines. La Commission a réfuté les arguments présentés par les autorités helléniques quant à l’existence de contrôles croisés avec les secteurs du vin et du raisin frais, aucune preuve de tels contrôles n’ayant été apportée au cours de la procédure administrative (point 2.2 de la position finale).

 En ce concerne la correction financière de 100 % portant sur les sultanines

–       Arguments des parties

97      La République hellénique soutient qu’une correction de 100 % ne trouve à s’appliquer que lorsqu’un système de contrôle existant est complètement étranger à la réglementation de l’Union pertinente, qu’il fait abstraction des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs et ne permet pas, de par sa nature, de déceler les pratiques des opérateurs qui contournent ou manipulent ces éléments de fond, de telles carences créant un risque que tous les paiements effectués dans le cadre de ce régime d’aide soient irréguliers.

98      Les carences relevées dans le rapport de synthèse concerneraient les contrôles clés et ne justifieraient pas un taux de correction de 100 %. En effet, les constatations de la Commission sur la réduction du rendement minimal, l’exigence de spécialisation des parcelles viticoles, les rendements réels des vignobles et les livraisons réelles des produits destinés au séchage résulteraient du défaut de trois contrôles-clés mentionnés dans l’annexe 17 du document AGRI/17933/2000, qui ne pourrait entraîner un risque significatif de pertes élevées pour les Fonds et justifierait une correction forfaitaire de 5 ou 10 %. La République hellénique relève que, si la Commission mentionne l’inefficacité du système de contrôle et la dégradation de l’environnement de gestion et de contrôle, cela ne révèle pas l’existence d’un système étranger au régime d’aide justifiant une correction de 100 %.

99      La République hellénique est d’avis que les constatations de la Commission ne remplissent pas les conditions d’une correction de 25 %, faute d’absence de système de contrôle dans le domaine du raisin sec et d’indice d’importantes irrégularités, de négligence ou de tolérance de pratiques irrégulières. Au contraire, le régime d’aide aux raisins secs donnerait lieu à tous les contrôles-clés et secondaires prévus par le règlement n° 1621/1999. L’éligibilité des parcelles spécialisées serait garantie par la mise en œuvre de contrôles sur place. Les contrôles croisés dans les entreprises vinicoles et les entreprises de conditionnement de raisin de table permettraient de vérifier les détournements éventuels vers une autre destination. Les faiblesses du système de contrôle isolées par la Commission ne remettraient pas en cause l’existence d’un système de contrôle opérationnel et fiable.

100    La République hellénique soutient que, même en acceptant les constatations de la Commission, elles révéleraient des carences graves en matière de contrôle et des indications de pratiques frauduleuses, justifiant l’imposition d’un taux de correction de 25 %.

101    La République hellénique soutient que l’augmentation du taux de correction de 25 à 100 % a été effectuée arbitrairement, la majoration n’étant ni proportionnée aux carences constatées, ni motivée de façon spécifique à partir de l’existence de circonstances d’une gravité accrue par rapport à la correction précédente, et qu’elle viole les orientations, en ce que la Commission se fonde sur le document AGRI/60637/2006 pour justifier la majoration du taux antérieurement appliqué, lequel ne respectait pas les conditions posées par celles-ci.

102    La République hellénique indique que le rapport de synthèse joint à la décision imposant une correction financière de 25 % pour la campagne 2005/2006 pour les sultanines contient les mêmes constatations quant aux faiblesses des contrôles clés et à l’importance des carences pour les ressources des Fonds que dans la présente espèce, voire que les carences constatées étaient alors plus graves. Dès lors, la motivation de la décision attaquée pour justifier une majoration de 75 % par rapport à la correction précédente serait contradictoire à deux titres, puisque, d’une part, le risque de perte pour les Fonds est inférieur ou, au plus, égal à celui constaté pour la campagne 2005/2006 et, d’autre part, la Commission indiquerait dans le mémoire en défense que la majoration ne se fonde pas sur la récidive, mais qu’elle se justifierait, en tout état de cause, comme étant une majoration au titre de la récidive.

103    La République hellénique est d’avis que l’absence de mesures correctives ne justifie pas l’augmentation du taux de correction de 25 à 100 %, qui est un taux disproportionné comme l’a noté l’organe de conciliation, la Commission ayant maintenu ce taux sans présenter le moindre élément en ce sens, et que l’imposition du pourcentage de correction doit être graduée suivant la gravité des faits.

104    La Commission conteste l’argumentation de la République hellénique.

–       Appréciation du Tribunal

105    Les orientations, sur le fondement desquelles les corrections ont été imposées, fournissent, notamment, des orientations pour l’application de corrections forfaitaires dont les taux sont liés à l’importance du contrôle que l’État membre a omis de réaliser et au risque associé à cette omission pour les comptes des Fonds (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑344/05, non publié au Recueil, point191).

106    À cet égard, il importe de rappeler la jurisprudence selon laquelle, en adoptant des règles de conduite administrative visant à produire des effets externes et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime. Il ne saurait dès lors être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques, à condition qu’elles ne s’écartent pas des normes du traité (voir arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 192, et la jurisprudence citée).

107    En outre, il ne fait pas de doute que les orientations visent à structurer et à rendre plus transparente vis-à-vis des États membres la pratique de la Commission concernant, notamment, l’application des corrections forfaitaires dans les hypothèses de carences des contrôles. La Commission a, par ailleurs, clairement affirmé qu’elle allait appliquer les orientations aux « futures décisions concernant les dépenses à exclure conformément à l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [(CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la PAC (JO L 94, p. 13), règlement remplacé par le règlement n° 1258/1999] » (page 2 des orientations) (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 193).

108    Il s’ensuit que, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de décider des dépenses à écarter du financement de l’Union au titre de carences des contrôles effectués par les États membres, la Commission s’est autolimitée par ses orientations de façon telle qu’elle ne saurait s’en écarter, sous peine de violer, le cas échéant, certains principes généraux de droit de l’Union. Par conséquent, la Commission est susceptible de se voir opposer ses orientations, en particulier par les États membres qui en sont les destinataires, lorsqu’elle prend des mesures allant à l’encontre de celles-ci (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 194).

109    Les orientations définissent comme suit les cas de figure où l’application d’un taux de correction de 25 % et plus est justifiée :

« [L]orsque la mise en œuvre du système de contrôle par un État membre est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il est prouvé que les irrégularités sont très fréquentes et qu’il est fait preuve de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 25 %, dans la mesure où il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des pertes extrêmement élevées pour [les Fonds]. Le taux de correction peut être fixé, si nécessaire, à un niveau encore plus élevé et la dépense peut même être entièrement rejetée, lorsque les carences sont suffisamment graves pour constituer un manquement complet au respect des règles communautaires et rendre tous les paiements irréguliers. »

110    Il s’ensuit que le fait que « la mise en œuvre du système de contrôle par un État membre [soit] complètement absente ou gravement déficiente et qu’il [soit] prouvé que[, d’une part,] les irrégularités sont très fréquentes et que[, d’autre part,] il est fait preuve de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses » ne saurait justifier à lui seul l’application d’une correction de 100 % (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 196).

111    L’application d’une correction d’un taux excédant 25 % suppose que soit démontrée l’existence de circonstances d’une gravité accrue par rapport à la situation justifiant l’application d’une correction de 25 %. Un tel mécanisme suppose en outre une gradation dans l’application du taux de correction, gradation qui doit être fonction de la gravité des circonstances de fait, et l’application d’une correction de plus de 25 % doit faire l’objet d’une motivation particulière permettant de comprendre les raisons justifiant l’application du taux de correction choisi par la Commission (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 197).

112    Il résulte de la jurisprudence qu’une correction de 100 % trouve à s’appliquer lorsqu’un système de contrôle existant est complètement étranger à la réglementation de l’Union pertinente, fait abstraction des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs et ne permet même pas, de par sa nature, de déceler les pratiques des opérateurs concernés qui contournent ou manipulent ces éléments de fond. Ces carences de contrôles créent dès lors un risque que tous les paiements effectués dans le cadre du régime d’aide en cause soient irréguliers. Ainsi, ces carences s’assimilent, de par leurs conséquences financières pour les ressources des Fonds, à des interventions qui se situent en dehors d’un régime d’aide de l’Union (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 200).

113    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le grief de la République hellénique dirigé contre l’application d’une correction financière de 100 % des aides versées à la culture de sultanines destinées à être séchées.

114    En premier lieu, il convient de répondre aux arguments de la République hellénique concernant le respect de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’application d’un taux de correction excédant 25 %. Sur ce point, elle critique la décision attaquée sous deux aspects : l’augmentation du taux de correction n’aurait pas été motivée de façon spécifique à partir de l’existence de circonstances d’une gravité accrue par rapport à la correction précédente ; la motivation de la majoration de 75 % par rapport à la correction précédente serait contradictoire à deux titres, puisque, d’une part, le risque de perte pour les Fonds serait inférieur ou, au plus, égal à celui constaté pour la campagne 2005/2006 et, d’autre part, la Commission indiquerait que la majoration ne se fonde pas sur la récidive, mais serait, en tout état de cause, justifiée comme une majoration au titre de la récidive.

115    Premièrement, l’argument tenant à l’obligation d’une motivation spécifique reprend l’exigence posée par l’arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra (point 197).

116    Or, il résulte de la position finale que la Commission a fait savoir à la République hellénique que le niveau de correction financière relative aux aides versées à la culture de sultanines s’expliquait par la gravité et l’étendue des manquements constatés portant sur la non-conformité de cinq contrôles clés, rendant le système de contrôle totalement ineffectif, et sur la dégradation de la qualité de la gestion du régime d’aide et de l’environnement des contrôles depuis l’enquête précédente. La Commission justifiait ces appréciations par l’application par les autorités helléniques d’une réduction unique non justifiée à toutes les variétés de raisins et à tous les nomes sans que les mesures correctives et les améliorations exigées par les enquêtes précédentes aient été mises en œuvre. La Commission a également noté, d’une part, le caractère artificiel de l’étroite distribution des rendements des parcelles plantées de sultanines, certainement dû à la réduction du rendement minimal, des échanges de livraisons ayant pu avoir lieu entre exploitations, et, d’autre part, l’interprétation erronée de la règle de spécialisation des parcelles par les autorités helléniques ainsi que le fait que les sultanines avaient trois destinations possibles. Selon elle, l’application du régime d’aide permettait aux producteurs déclarant des quantités atteignant ou dépassant de peu le rendement minimal réduit de réclamer l’aide et de détourner toute la production excédentaire vers le marché du frais ou la vinification (point 2.2 de la position finale).

117    Dans ces conditions, il convient de constater que la Commission a apporté une motivation spécifique des raisons qui l’ont conduite à augmenter le taux de correction financière jusqu’à 100 %.

118    Deuxièmement, l’argument tiré de la contradiction des motifs de la décision attaquée doit être écarté.

119    S’agissant de la circonstance que le risque de perte pour les Fonds serait inférieur ou, au plus, égal à celui constaté pour la campagne 2005/2006, il s’agit d’un argument qui est dirigé contre le bien-fondé du niveau de la correction financière, puisqu’il est fondé sur la comparaison faite par la République hellénique entre les constatations opérées par la Commission dans les deux décisions par lesquelles celle-ci a infligé une correction financière pour deux campagnes différentes et non sur une contradiction interne de la décision attaquée. Au surplus, la décision attaquée justifie l’application d’un taux de correction financière supérieur au taux précédemment appliqué au motif que la qualité de la gestion du régime d’aide et de l’environnement des contrôles s’était dégradée depuis l’enquête précédente, la République hellénique ayant appliqué, pour la campagne de 2006/2007, un taux de réduction du rendement minimal uniforme, quelles que soient les variétés de raisins concernées et la localisation des parcelles. Il était également noté que les mesures correctives et les améliorations des procédures exigées lors des enquêtes précédentes n’avaient pas été mises en œuvre (point 2.2 de la position finale).

120    S’agissant des écrits prétendument contradictoires de la Commission, force est de constater que la position finale indique les éléments ressortant du document AGRI/60637/2006 sur la récidive et qu’il en est de même du rapport de synthèse (point 2.2 de la position finale et point 4.3.3.1 du rapport de synthèse). Par ailleurs, la Commission a nécessairement pris en considération la récidive en ayant constaté dans la position finale que les mesures correctives et les améliorations de procédure exigées par elle à la suite des enquêtes précédentes n’avaient pas été mises en œuvre par les autorités helléniques. Dès lors, l’argument tiré des prétendues contradictions dans les écrits de la Commission sur l’application ou non des dispositions relatives manquent en fait.

121    En second lieu, la République hellénique soutient que les carences relevées dans le rapport de synthèse concerneraient uniquement trois contrôles clés et ne seraient pas susceptibles de justifier un taux de correction de 100 % dans les conditions prévues par la jurisprudence mentionnée au point 112 ci-dessus. De telles carences ne pourraient entraîner un risque significatif de pertes élevées pour les Fonds et justifieraient une correction forfaitaire de 5 ou 10 %. Selon elle, l’inefficacité du système de contrôle et la dégradation de l’environnement de gestion et de contrôle, mentionnées par la Commission, ne révéleraient pas un système étranger au régime d’aide justifiant une correction de 100 %.

122    Il convient de rappeler qu’une correction de 100 % trouve à s’appliquer lorsqu’un système de contrôle existant est complètement étranger à la réglementation de l’Union pertinente, fait abstraction des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs et ne permet même pas, de par sa nature, de déceler les pratiques des opérateurs concernés, qui contournent ou manipulent ces éléments de fond. Ces carences de contrôles créent dès lors un risque que tous les paiements effectués dans le cadre du régime d’aide en cause soient irréguliers. Ainsi, ces carences s’assimilent, de par leurs conséquences financières pour les ressources des Fonds, à des interventions qui se situent en dehors d’un régime d’aide de l’Union (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 200).

123    Ainsi, il résulte de cette jurisprudence que ce ne sont pas tant les carences dans l’application de certains contrôles clés que la méconnaissance des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs qui justifient l’application d’une correction financière de 100 %. Tel était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Espagne/Commission (T‑259/05, non publié au Recueil, points 181 à 185), dans lequel il a été constaté que les autorités espagnoles avaient failli dans la mise en œuvre du système de contrôle des aides à la production de lin textile dans un contexte de fraudes à grande échelle consistant, principalement, en des sur-déclarations systématiques des quantités de lin textile transformées et en des pratiques abusives consistant en une production de lin dépourvue de finalité commerciale. Tel était également le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 9 avril 2008, Grèce/Commission (T‑364/04, non publié au Recueil, points 31 à 39), dans lequel il a été constaté que les producteurs de pêches contournaient l’obligation de livraison à un prix minimal en livrant, certes, des quantités aux transformateurs à un tel prix, mais en effectuant également des livraisons en dehors de la réglementation à un prix plus faible, voire nul. L’absence de satisfaction de la ou des conditions de fond de l’octroi d’une aide justifie l’exclusion de la totalité des dépenses (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 203).

124    En l’espèce, la Commission a constaté que le rendement minimal réduit, déterminé de façon uniforme pour toutes les variétés de raisins destinées à être séchées et pour tous les nomes dans lesquels elles étaient cultivées, avait permis à l’ensemble des producteurs de sultanines de respecter l’obligation de rendement alors même que la raison pour laquelle le rendement minimal réduit avait été décidé, à savoir l’existence de calamités naturelles, n’était aucunement établie. Elle a également constaté que l’interprétation de la règle de spécialisation des parcelles par les autorités helléniques, à savoir qu’une telle règle s’appliquait à hauteur du rendement minimal réduit, ouvrait la possibilité, faute de contrôles croisés, de détourner toute la production excédentaire vers d’autres destinations que le séchage. Par ces deux griefs, la Commission a bien mis en lumière que le système de contrôle de la production de sultanines destinées au séchage faisait abstraction d’un élément de fond du régime d’aide à cette production, la règle de spécialisation des parcelles, et qu’il ne permettait pas de déceler les pratiques des opérateurs qui contournaient ou manipulaient cet élément de fond (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 200). Un tel résultat a été rendu possible par l’application par les autorités helléniques d’un taux de réduction uniforme de 50 % du rendement minimal.

125    La République hellénique n’ayant pas été en mesure de remettre en cause les constats opérés par la Commission décrits au point 124 ci-dessus par les arguments qu’elle a développés dans le premier moyen (voir points 56 à 76 et 82 à 92 ci-dessus), il y a lieu de juger, au vu de ce qui vient d’être dit, que c’est à bon droit que la Commission a appliqué une correction financière de 100 % conformément aux orientations, les arguments synthétisés au point 121 ci-dessus devant être, par suite, rejetés.

126    Il n’y a, dès lors, pas lieu pour le Tribunal de se prononcer sur le point de savoir si, au vu des constatations de la Commission, il y aurait eu lieu pour celle-ci d’appliquer une correction financière de 25 % ou d’un niveau inférieur, puisqu’il ressort de ce qui vient d’être jugé que c’est à bon droit que la Commission a mis en œuvre une correction financière au taux de 100 %.

127    Quant à l’argumentation par laquelle la République hellénique soutient que l’augmentation du taux de correction de 25 à 100 % a été effectuée arbitrairement et que la majoration n’est pas proportionnée aux carences constatées, il y a lieu de rappeler que, conformément aux orientations et à la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, il a été constaté que la Commission avait établi, d’une part, que le système de contrôle de la production de sultanines destinées au séchage faisait abstraction d’un élément de fond du régime d’aide à cette production, la règle de spécialisation des parcelles, ce qui ne permettait pas de déceler les pratiques des opérateurs qui contournaient ou manipulaient cet élément de fond, et, d’autre part, qu’un tel résultat avait été rendu possible par l’application par les autorités helléniques d’un taux de réduction uniforme de 50 % du rendement minimal (voir point 124 ci-dessus). L’argument tiré du caractère arbitraire de la majoration du taux de correction reposant sur le non-respect des orientations manque en fait, puisque, au contraire, la correction financière de 100 % appliquée en l’espèce met en œuvre les orientations. S’agissant du caractère disproportionné de la majoration de 75 % de la correction appliquée aux aides versées à la culture de sultanines destinées au séchage par rapport à l’enquête portant sur la campagne 2005/2006, il ressort clairement du dossier, particulièrement de la position finale de la Commission et du rapport de synthèse, que cette majoration est fondée sur des faits d’une gravité accrue par rapport aux constatations effectuées lors des enquêtes précédentes. En effet, ainsi qu’il a déjà été dit au point 116 ci-dessus, la Commission a constaté, à juste titre, que les autorités helléniques avaient appliqué une réduction unique non justifiée à toutes les variétés de raisins et dans tous les nomes concernés par cette production sans que les mesures correctives et les améliorations exigées à l’issue des enquêtes précédentes aient été mises en œuvre, ce qui avait abouti à ce que tous les producteurs de sultanines des nomes visés fussent éligibles au régime d’aide, constat révélé par l’étroite distribution des rendements des parcelles plantées de sultanines. Elle a également relevé l’interprétation erronée de la règle de spécialisation des parcelles donnée par les autorités helléniques et que, les sultanines ayant trois destinations possibles, l’application du régime d’aide permettait aux producteurs déclarant des quantités atteignant ou dépassant de peu le rendement minimal réduit de réclamer l’aide et de détourner toute la production excédentaire vers le marché du frais ou la vinification. Au vu de ces éléments, l’argument du caractère disproportionné de la correction financière de 100 % ne peut qu’être écarté.

128    Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté dans la mesure où il est dirigé contre la correction financière visant la production de sultanines destinées au séchage.

 En ce concerne la correction financière de 25 % portant sur le raisin de Corinthe

–       Arguments des parties

129    La République hellénique soutient que la Commission a commis une illégalité en se fondant sur un nombre plus élevé de carences que celui relevé dans le rapport de synthèse, retenant les mêmes faiblesses dans les contrôles clés que pour la sultanine. Au regard des faiblesses réellement constatées, la République hellénique indique qu’un taux de correction supérieur à 5 % ou à 10 % ne se justifie pas. La Commission reconnaîtrait dans le mémoire en défense que les conditions d’application du taux de 25 % n’étaient pas remplies.

130    La République hellénique indique que, pour le grief lié à la réduction du rendement minimal, il faut tenir compte des rendements réels constatés, et, pour celui de la spécialisation des parcelles, des contrôles réalisés dans le cadre du régime applicable au vin, qui permettent d’éviter le risque de détournement vers la vinification, ces différents éléments réfutant les conclusions du rapport de synthèse sur la dégradation de l’environnement de gestion et de contrôle.

131    Enfin, la République hellénique fait valoir que l’imposition d’une correction de 25 % pour le raisin de Corinthe résulte d’une appréciation erronée des faits, d’une interprétation et d’une application erronées des orientations, est fondée sur une motivation insuffisante et contradictoire du taux de correction, viole le principe de proportionnalité, le taux étant disproportionné par rapport aux carences constatées.

132    La Commission conteste l’argumentation de la République hellénique.

–       Appréciation du Tribunal

133    En premier lieu, il ressort du rapport de synthèse que la correction de 25 % appliquée aux aides versées à la culture de raisins de Corinthe destinés à être séchés est motivée, pour partie, séparément de la correction appliquée à la culture de sultanines et, pour partie, conjointement avec celle-ci.

134    Premièrement, il est noté que la distribution des rendements pour la campagne 2006/2007 révèle que les rendements des vignobles de raisins de Corinthe sont affectés par le rendement minimal réduit et que, par conséquent, les conclusions relatives à la non-conformité, portant sur la culture de sultanines, doivent également s’appliquer [point 4.3.1.1, sous d), du rapport de synthèse]. Deuxièmement, il est fait état, tant pour la culture de sultanines que pour celle de raisins de Corinthe, de l’application par les autorités helléniques d’une réduction unique non justifiée à toutes les variétés de raisins et dans tous les nomes concernés par cette production pour cause de calamités naturelles, ce qui permet à tous les producteurs de recevoir l’aide, la Commission se fondant sur le fait que les réductions accordées compensent des causes de diminution structurelle des rendements et sur la distribution artificiellement étroite des rendements, laquelle révèle une méconnaissance de l’exigence de spécialisation des parcelles (point 4.3.3.1 du rapport de synthèse). Troisièmement, la Commission a ensuite distingué le cas des sultanines de celui des raisins de Corinthe. S’agissant de ces derniers, elle a noté que la distribution des rendements montrait deux pics, l’un au niveau du rendement minimal, l’autre au niveau du rendement minimal réduit, indiquant que 39,2 % de la superficie totale éligible au régime d’aide avait un rendement égal ou supérieur au rendement minimal. La Commission a également souligné que, contrairement aux sultanines, le raisin de Corinthe était éligible à deux régimes d’aide et que les contrôles opérés sur les raisins destinés à être séchés étaient doublés de contrôles dans le régime du vin.

135    Au vu de tels éléments, il convient de constater que la Commission a motivé à suffisance de droit le niveau de la correction appliquée à la culture de raisins de Corinthe destinés à être séchés, quand bien même certaines considérations du rapport de synthèse peuvent se rapporter tant à la correction visant les sultanines qu’à celle visant le raisin de Corinthe. En effet, par les motifs mentionnés au point 134 ci-dessus, la Commission a exposé de manière claire et non contradictoire les raisons qui la conduisaient à appliquer un taux de correction de 25 % distinct du taux appliqué à la culture de sultanines.

136    En deuxième lieu, en se référant à certains passages du rapport de synthèse, la République hellénique soutient que la Commission a commis une illégalité en se fondant sur un nombre plus élevé de carences que celui indiqué dans le rapport de synthèse, retenant les mêmes faiblesses dans les contrôles clés que pour la sultanine. En se référant cet argument, elle soutient que la Commission se serait livrée à une appréciation erronée des faits, à une interprétation et à une application erronées des orientations.

137    Les orientations prévoient l’application d’un taux de correction de 25 % des dépenses, lorsque la mise en œuvre du système est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il existe des indices d’irrégularités très fréquentes et de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses.

138    Il convient d’analyser si les conditions pour l’imposition d’un taux de correction de 25 % prévues dans les orientations étaient réunies.

139    Il ressort du point 134 ci-dessus que la Commission n’a pas fondé son appréciation sur la non-conformité de la culture du raisin de Corinthe au régime d’aide sur le nombre de contrôles clés qui n’auraient pas été ou si mal réalisés qu’ils auraient été inefficaces pour déterminer l’éligibilité des demandes ou prévenir leur irrégularité. La Commission s’est fondée sur la distribution des rendements, ayant constaté que 39,2 % de la superficie totale avait un rendement égal ou supérieur au rendement minimal (point 4.3.3.1 du rapport de synthèse). Dans la communication formelle du 8 février 2011, la Commission a présenté le graphique de distribution des rendements dont il ressort que les rendements des superficies sont très irrégulièrement répartis, puisqu’ils comportent deux pics importants correspondant, d’une part, à une fourchette de production de 100 à 110 % du rendement minimal et, d’autre part, à une fourchette de production de 100 à 110 % du rendement minimal réduit, les autres tranches du graphique correspondant pour la plupart à des superficies deux ou trois fois moins importantes que celles formant les deux pics. Par ailleurs, la majorité des superficies ont un rendement inférieur au rendement minimal. La Commission a conclu, sur ce point, qu’il était évident que la courbe du graphique ne reflétait pas un processus naturel de production agricole, mais plutôt un processus affecté par le rendement minimal réduit, et que les conclusions relatives à la non-conformité devaient être également appliquées à la culture de raisins de Corinthe. La Commission a considéré que les réductions accordées compensaient des causes de diminution structurelle des rendements et que la distribution des rendements était artificiellement étroite, l’exigence de spécialisation des parcelles ayant été ainsi méconnue (point 4.3.3.1 du rapport de synthèse).

140    Partant, la Commission a exposé que le système de contrôle de la production de raisins secs faisait abstraction d’un élément de fond du régime d’aide à cette production, la règle de spécialisation des parcelles, ce qui ne permettait pas de déceler les pratiques des opérateurs qui contournaient ou manipulaient cet élément de fond, et qu’un tel résultat avait été rendu possible par l’application d’un taux de réduction uniforme de 50 % du rendement minimal (voir point 124 ci-dessus).

141    Dans de telles conditions, la Commission a correctement interprété et appliqué les orientations, dès lors que la mise en œuvre du système de contrôle était gravement déficiente, puisque, par la réduction uniforme du rendement minimal, plus de 50 % des superficies plantées de raisins de Corinthe étaient devenues éligibles au régime d’aide, et que, par conséquent, il n’était pas possible de vérifier si la règle de spécialisation des parcelles était respectée.

142    Dès lors, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission a commis une illégalité en se fondant sur un nombre plus élevé de carences que celui relevé dans le rapport de synthèse.

143    Quant à l’argument suivant lequel la Commission aurait reconnu dans le mémoire en défense que les conditions d’application du taux de 25 % n’étaient pas remplies, il y a lieu de constater qu’il ne repose sur aucun passage de ce document, la Commission s’étant bornée à indiquer qu’elle n’avait pas appliqué un taux de correction de 100 % au regard du fait qu’une part importante des superficies concernées respectait le rendement minimal et que la production faisait l’objet de contrôle dans le cadre du régime du vin, ce qui réduisait les risque de détournement de la production.

144    Par suite, la République hellénique n’est pas fondée à soutenir que même un taux de correction supérieur à 5 ou 10 % ne se justifie pas.

145    En troisième lieu, la République hellénique indique que, s’agissant de la réduction du rendement minimal, il faut tenir compte des rendements réels constatés et, pour la spécialisation des parcelles, des contrôles réalisés dans le cadre du régime applicable au vin, qui permettent d’éviter le risque de détournement vers la vinification, ces éléments réfutant les conclusions du rapport de synthèse sur la dégradation de l’environnement de gestion et de contrôle.

146    Il ressort du point 139 ci-dessus que la Commission a pris en considération les rendements déclarés par les autorités helléniques pour apprécier le risque que faisaient peser sur les Fonds la réduction uniforme de 50 % du rendement minimal, compensant des causes de diminution structurelle des rendements, et la méconnaissance de l’exigence de spécialisation des parcelles qui en découlait (point 4.3.3.1 du rapport de synthèse). La République hellénique ne conteste pas que les chiffres cités dans le rapport de synthèse, la position finale, voire la communication formelle du 8 février 2011 correspondent aux chiffres des rendements réellement enregistrés par ses services. Dès lors, contrairement à l’argument présenté, force est de constater que la Commission est parvenue à son évaluation du risque pour les Fonds en prenant en compte les chiffres des rendements des superficies plantées de raisin de Corinthe communiqués par l’État membre.

147    Quant à l’argument de la nécessité de prendre en considération des contrôles réalisés dans le cadre du régime applicable au vin, c’est justement ce que la Commission a fait, en fixant le taux de la correction financière à 25 %, alors même qu’elle avait constaté qu’à peu près 50 % des superficies étaient affectées par la réduction du rendement minimal.

148    En quatrième lieu, si la République hellénique soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité en fixant le taux de correction financière à 25 %, ce taux étant disproportionné par rapport aux carences constatées, il convient de constater qu’elle n’a assorti cet argument d’aucune précision permettant au Tribunal d’en apprécier le bien-fondé.

149    Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté.

3.     Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du vin

150    La République hellénique avance quatre moyens à l’encontre de la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du vin. Selon le troisième moyen du recours, la Commission aurait effectué des corrections financières relatives à des dépenses faites plus de 24 mois auparavant, elle aurait enfreint le principe de sécurité juridique et amoindri les droits de la défense et le droit d’être entendu. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de fait en ce que la régularisation des superficies aurait été opérée de façon non conforme à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179, p. 1). Le cinquième moyen est tiré de la circonstance que la correction effectuée et son mode de calcul seraient contraires à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et aux orientations et qu’elle aboutirait à des résultats disproportionnés. Le sixième moyen est tiré d’une erreur de fait quant à la fixation de la superficie totale régularisée et de la valeur moyenne des droits de plantation, d’une insuffisance de motivation et d’une violation du principe de proportionnalité.

 Position des services de la Commission à l’issue de la procédure administrative

151    Dans la position finale du 12 mars 2012, la Commission a infligé à la République hellénique une correction ponctuelle d’un montant de 21 336 120 euros, diminuant le montant qui avait été proposé dans la communication formelle du 26 août 2010.

152    Quant au bien-fondé de la correction ponctuelle, il ressort du rapport de synthèse que la régularisation par les autorités helléniques des vignes illégalement plantées avant le 1er septembre 1998, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999, n’est pas conforme avec la réglementation (point 7.2.1 du rapport de synthèse). Faute d’un casier viticole opérationnel, les demandes de régularisation des plantations illégales n’auraient pu être traitées de manière à offrir les garanties nécessaires pour un examen et une régularisation conformes aux dispositions de l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999, les autorités helléniques n’ayant pas démontré que ces plantations correspondaient à des superficies qui avaient fait l’objet d’un arrachage par le producteur ayant introduit la demande de régularisation ou par ses ascendants, que l’arrachage antérieur n’avait pas donné lieu à une prime en application de la législation de l’Union ou de la législation nationale et que les droits de plantation liés à ces arrachages n’avaient pas été vendus ou transférés par les producteurs ayant introduit la demande de régularisation (point 7.2.1 du rapport de synthèse).

153    S’agissant du mode de calcul de la correction, il ressort du rapport de synthèse que, eu égard notamment à l’impossibilité de calculer exactement l’impact financier des irrégularités constatées, la Commission a calculé un montant équivalent à la redevance prévue par les dispositions de l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil, du 29 avril 2008, portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements n° 1493/1999, (CE) n° 1782/2003, n° 1290/2005 et (CE) n° 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) n° 2392/86 et n° 1493/1999 (JO L 148, p. 1), à savoir une redevance égale à au moins deux fois la valeur moyenne du droit de plantation correspondant dans la région concernée (point 7.2.3 du rapport de synthèse). En application de ces dispositions, la Commission a estimé que les procédures d’apurement des comptes se substituaient, dans certains cas, à la régularisation prévue par l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008, notamment s’agissant des régularisations opérées par les autorités helléniques sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, qu’elle considérait non conformes à ces dispositions (point 7.2.3 du rapport de synthèse). La Commission était d’avis qu’une méthode fondée sur la valeur des droits de plantation était appropriée pour calculer la correction financière justifiée au regard du risque permanent pour les Fonds de paiements illégaux dus à la non-régularisation des superficies, comme prévu par l’article 86 du règlement n° 479/2008 (point 7.2.3 du rapport de synthèse).

154    Il convient d’examiner, tout d’abord, le cinquième moyen du recours, tiré de la circonstance que la correction effectuée et son mode de calcul sont contraires à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 et aux orientations, et qu’elle aboutit à des résultats disproportionnés, la République hellénique contestant la base légale au vu de laquelle la correction financière a été déterminée.

 Arguments des parties

155    La République hellénique soutient que, en calculant la correction imposée au moyen d’une application par analogie de l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 479/2008, la Commission a agi de manière arbitraire, injustifiée et contraire à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 ainsi qu’aux orientations. Si, selon ce dernier article, la Commission pourrait écarter des montants du financement de l’Union, les régularisations non conformes à l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999 ne sauraient être regardées comme des dépenses financées par les Fonds en violation des règles de l’Union, pouvant entraîner l’imposition d’une correction dans le cadre de l’apurement des comptes. En application de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, seule pourrait être appliquée une correction calculée au moyen d’un taux forfaitaire appliqué aux dépenses financées par les Fonds, le calcul au moyen d’une application par analogie de l’article 86 du règlement n° 479/2008 n’étant prévu par aucun texte relatif à l’apurement des comptes ou par ce dernier règlement.

156    En outre, la République hellénique soutient que la correction n’est liée ni à l’omission d’un contrôle-clé ou secondaire, ni à une dépense financée par le Fonds en violation des règles de l’Union, ni à la survenance d’un préjudice causé au Fonds du fait de l’omission d’un contrôle par l’État membre. De plus, la redevance prévue par l’article 86 du règlement n° 479/2008 servirait à couvrir les frais de l’État membre chargé de la régularisation et ne saurait correspondre à un dommage causé au Fonds du fait que les plantations illégales auraient été régularisées de façon non conforme aux dispositions du règlement n° 1493/1999. Enfin, la République hellénique relève le caractère disproportionné de la correction.

157    La Commission admet que la méthode de calcul de la correction imposée n’est pas prévue, mais soutient que la procédure d’apurement des comptes peut, conformément à l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008, se substituer aux procédures de régularisations des plantations illégales non réalisées. La redevance prévue par cet article ne vise pas à couvrir la dépense et le coût administratif subis par l’État membre en raison de la régularisation tardive des plantations illégales, mais est liée à la valeur du droit de plantation, comme ledit article l’indique.

158    La Commission est d’avis que les superficies non régularisées généreront, en raison de leur illégalité, des dépenses au détriment de la PAC, dues au risque persistant de versements indus par les Fonds aux conséquences financières impossibles à calculer avec précision. Ainsi, la méthode de calcul de la correction financière fondée sur la valeur des droits de plantation serait appropriée, sans être ni arbitraire ni injustifiée. En effet, elle s’inspirerait du règlement n° 479/2008, le montant forfaitaire pour compenser les pertes que subiront les Fonds pouvant être tiré de la valeur des droits de plantation utilisée pour calculer la redevance de régularisation. La Commission relève également que, faute de connaître le montant des aides qui seront accordées à l’avenir, elle ne pouvait mettre en œuvre sa pratique constante en matière de corrections financières forfaitaires et ne pouvait se fonder que sur la valeur des droits de plantation. De plus, l’application de l’article 86 du règlement n° 479/2008 aurait présenté l’avantage de légaliser les vignes concernées de la même manière que par le paiement de la redevance de régularisation, les viticulteurs pouvant ensuite bénéficier des aides.

 Appréciation du Tribunal

159    Au préalable, il y a lieu de rappeler les dispositions au vu desquelles la Commission a infligé une correction financière ponctuelle à la République hellénique au motif que la régularisation des vignes illégalement plantées avant le 1er septembre 1998 opérée sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999 n’était pas conforme à la réglementation.

160    L’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1493/1999, tel que modifié par le règlement n° 479/2008, dispose :

« 2. Les raisins obtenus sur des superficies :

a)      où des vignes ont été plantées avant le 1er septembre 1998

et

b)      dont la production, aux termes de l’article 6, paragraphe 3, ou de l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 822/87, ne pouvant être mise en circulation qu’à destination des distilleries,

ne peuvent être utilisés pour produire du vin destiné à être commercialisé. Les produits issus de ces raisins ne peuvent être mis en circulation qu’à destination des distilleries. Toutefois, à partir de ces produits, il ne peut être élaboré d’alcool ayant un titre alcoométrique volumique acquis égal ou inférieur à 80 % vol.

3. Si un État membre a dressé l’inventaire du potentiel de production viticole conformément à l’article 16, il peut déroger au paragraphe 2 du présent article. Une telle dérogation doit être octroyée avant le 31 juillet 2008 et doit comporter l’autorisation, pour les superficies concernées, à produire du vin destiné à être commercialisé.

La dérogation est octroyée :

a)      lorsque le producteur concerné a procédé antérieurement à l’arrachage d’autres vignes sur une superficie équivalente en culture pure, sauf dans les cas où ce producteur a reçu pour la superficie concernée une prime à l’arrachage en application de la législation communautaire ou nationale

[…] »

161    L’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 479/2008 prévoit :

« 1. Les producteurs régularisent, contre le paiement d’une redevance et à la date du 31 décembre 2009 au plus tard, les superficies qui ont été plantées en vigne sans droit de plantation correspondant, le cas échéant, avant le 1er septembre 1998.

Sans préjudice des procédures applicables dans le cadre de l’apurement des comptes, le premier alinéa ne s’applique pas aux superficies régularisées sur la base de l’article 2, paragraphe 3, du règlement […] n° 1493/1999.

2. La redevance prévue au paragraphe 1 est fixée par les États membres. Elle est équivalente à au moins deux fois la valeur moyenne du droit de plantation correspondant dans la région concernée. »

162    Ainsi qu’il ressort du point 158 ci-dessus, la Commission a considéré que, dans le cadre d’une procédure d’apurement des comptes, elle était en droit d’infliger une correction financière ponctuelle égale au montant de la redevance contre le paiement de laquelle les producteurs pouvaient régulariser les superficies plantées en vigne sans droit de plantation correspondant, prévue par l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008.

163    Ensuite, il convient de rappeler la jurisprudence suivant laquelle la procédure d’apurement des comptes présentés par les États membres au titre des dépenses financées par les Fonds vise à constater notamment la réalité et la régularité des dépenses (voir arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 28 ; du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, Rec. p. I‑1, point 13, et du 19 septembre 2002, Allemagne/Commission, C‑377/99, Rec. p. I‑7421, point 51). De plus, dans la procédure d’apurement de conformité, la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union, une telle correction financière tendant à éviter la mise à la charge des Fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause (arrêts de la Cour du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, précité, point 14, et du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec. p. I‑7699, point 63).

164    À cet égard, l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, lequel a, en substance, repris les dispositions de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/99, énonce que, dans la mise en œuvre de l’apurement de conformité, la Commission décide des montants à écarter du financement de l’Union, lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union. L’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 du règlement n° 1290/2005 énumèrent les dépenses, financées en gestion partagée entre les États membres et l’Union, respectivement, par le FEAGA et par le Feader.

165    En outre, il convient de noter que les considérants 24 et 26 du règlement n° 1290/2005 insistent sur la condition de conformité des dépenses effectuées par les États membres à la législation de l’Union s’agissant, d’une part, du pouvoir de la Commission pour en décider et, d’autre part, du recouvrement des montants versés par le FEAGA.

166    Enfin, les orientations encadrent la marge d’appréciation de la Commission en ce qui concerne la fixation des corrections financières. Il résulte de l’annexe 2 des orientations, portant sur les conséquences financières dans le cadre de l’apurement des comptes, que les différents niveaux de correction forfaitaire qu’elle prévoit portent tous sur des dépenses déclarées par les États membres.

167    Par suite, il résulte des points 161 à 166 ci-dessus que la procédure d’apurement des comptes de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 et les corrections financières qui en découlent trouvent application uniquement dans le cas où des dépenses ont été effectuées par les États membres et où elles ont été financées par le FEAGA ou le Feader.

168    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments avancés au soutien du cinquième moyen du recours.

169    L’argumentation de la République hellénique s’articule autour de l’idée que la correction imposée serait contraire à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 ainsi qu’aux orientations, au motif que, en substance, elle ne porterait pas sur des dépenses financées par les Fonds en violation des règles de l’Union.

170    Il convient de constater que la correction ponctuelle appliquée par la Commission a pour effet de mettre à la charge de la République hellénique un montant équivalent à la redevance que les dispositions de l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 479/2008 font supporter aux producteurs qui souhaitaient régulariser jusqu’au 31 décembre 2009 les superficies plantées en vigne sans droit de plantation correspondant.

171    Il y a lieu, pour le Tribunal, de constater que l’objet de la redevance prévue par l’article 86 du règlement n° 479/2008 était de permettre la régularisation de parcelles illégalement plantées, susceptibles de générer des dépenses illégales pour les Fonds, grâce au paiement par les viticulteurs concernés d’une somme égale à au moins deux fois la valeur du droit de plantation correspondant à la parcelle régularisée. Il ne ressort aucunement dudit article 86 ou de toute autre disposition du règlement n° 479/2008 que cette redevance devait être supportée par l’État membre comme conséquence de ses manquements ou insuffisances en matière de contrôle des dépenses financées par les Fonds. D’ailleurs, interrogée par mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, la Commission a reconnu qu’aucune disposition du règlement n° 479/2008 ou d’un quelconque autre acte de l’Union ne prévoyait la méthode de correction financière appliquée en l’espèce.

172    Force est de constater que la correction financière appliquée dans la décision attaquée n’a pas de lien suffisant avec une quelconque dépense financée par les Fonds, qui aurait été effectuée en violation de la réglementation de l’Union. En effet, cette correction est directement fondée sur une redevance dont l’objet est de permettre la régularisation de plantations illégales de vignes, prévue par les dispositions de l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008, qui sont sans rapport avec la procédure d’apurement des comptes. Par suite, une telle correction ne peut être, en vertu de la jurisprudence, mise en œuvre dans le cadre d’une procédure d’apurement des comptes (voir points 163 à 167 ci-dessus).

173    Les différentes objections présentées par la Commission à l’argumentation de la République hellénique ne permettent pas de revenir sur une telle conclusion.

174    En premier lieu, tout en admettant que la méthode de calcul de la correction imposée n’est pas prévue par la réglementation, la Commission estime que la procédure d’apurement des comptes peut, conformément à l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008, se substituer aux procédures de régularisations des plantations illégales non réalisées. Elle considère que la réserve opérée par le législateur de l’Union dans la disposition susvisée doit s’analyser comme lui donnant la possibilité d’appliquer, lors d’une procédure d’apurement des comptes, les dispositions de l’article 86, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 479/2008 et d’imposer le paiement de la redevance qu’elles prévoient à un État membre lorsque le producteur n’a pas régularisé ses plantations illégales contre paiement de ladite redevance.

175    À cet égard, il y a lieu de constater que, sous le titre V du règlement n° 479/2008, relatif au potentiel de production, le chapitre I concerne les plantations illégales, l’article 86 prévoyant une régularisation obligatoire des plantations illégales réalisées avant le 1er septembre 1998, visées auparavant par l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1493/1999. L’article 86, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 479/2008 prévoit que les producteurs régularisent ces plantations contre le paiement d’une redevance au plus tard le 31 décembre 2009. L’article 86, paragraphe 1, second alinéa, dudit règlement prévoit que, sans préjudice des procédures applicables dans le cadre de l’apurement des comptes, le premier alinéa ne s’applique pas aux superficies régularisées sur la base de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, qui était applicable jusqu’au 31 juillet 2008, en vertu de l’article 122 du règlement n° 479/2008, l’article 86 de ce règlement étant entré en vigueur le 1er août 2008.

176    Dans ce contexte, il convient de considérer que l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008 a pour objet de régler la situation des superficies régularisées sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, puisqu’il précise que ni la régularisation ni la redevance prévues à l’article 86, paragraphe 1, premier alinéa, ne s’appliquent auxdites superficies, ces dernières ayant déjà fait l’objet d’une procédure de régularisation sous le régime applicable antérieurement, et qu’il réserve la possibilité pour la Commission de tirer les conséquences de la mise en œuvre irrégulière de la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999 dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes.

177    Par suite, l’interprétation de la Commission selon laquelle la procédure d’apurement des comptes se substitue à la procédure de régularisation des plantations illégales de l’article 86, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 479/2008 ne peut être admise, puisque l’apurement des comptes permet uniquement de tirer les conséquences des régularisations irrégulièrement effectuées en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999 sur les dépenses financées par les Fonds (voir points 163 à 167 ci-dessus).

178    Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, la Commission a également fait valoir que l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008 permettait notamment de régler le problème des demandes de régularisation au titre du règlement n° 1493/1999 qui avaient été rejetées et la question de l’égalité de traitement entre les demandes déjà examinées et les régularisations au titre du règlement n° 479/2008. Sur le premier point, il y a lieu de noter que les vignes illégalement plantées pour lesquelles des demandes de régularisation ont été rejetées par la République hellénique sur le fondement du règlement n° 1493/1999 ne relevaient pas, à compter du 1er août 2008, de l’article 86, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 479/2008, mais de l’article 86, paragraphe 1, premier alinéa, du même règlement, puisque aucune disposition n’interdisait à un producteur de demander leur régularisation moyennant le paiement de la redevance prévue par cet alinéa. S’agissant du second point, il ne peut être admis que l’égalité de traitement conduise à traiter de manière identique des producteurs dont les demandes de régularisation des superficies illégalement plantées ont été présentées sous des réglementations différentes, lesquelles fixaient des critères différents de régularisation, de tels producteurs n’étant ainsi pas placés dans des situations identiques.

179    Enfin, si la Commission a fait valoir lors de l’audience qu’elle se serait trouvée face à un vide juridique s’agissant du sort des plantations irrégulièrement régularisées sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999, il y a lieu d’écarter un tel argument comme manquant complètement en fait, dès lors que l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008, par ailleurs invoqué par la Commission, constitue justement la disposition au moyen de laquelle la situation de ces plantations a été prise en considération, avec pour conséquence le rejet des dépenses générées par ces plantations du financement par les Fonds.

180    Par conséquent, la première objection de la Commission doit être écartée.

181    En deuxième lieu, la Commission est d’avis que les plantations non régularisées généreront, en raison de leur illégalité, des dépenses au détriment de la PAC, dues au risque persistant de versements indus par les Fonds, et que les conséquences financières sont impossibles à calculer avec précision. Ainsi, la méthode de calcul de la correction financière fondée sur la valeur des droits de plantation serait appropriée, sans être ni arbitraire ni injustifiée. En substance, la Commission soutient qu’elle ne pouvait appréhender les dépenses générées par les plantations irrégulièrement régularisées au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999 et que la méthode utilisée par elle serait appropriée pour pallier cette difficulté.

182    Premièrement, il y a lieu de noter que, dans sa lettre d’observations du 18 février 2009, la Commission a indiqué que, sur le fondement de l’article 31 du règlement n° 1290/2005, elle pouvait proposer d’exclure du financement de l’Union une partie des dépenses financées par le FEAGA. Néanmoins, dès ce stade de la procédure, elle a porté toute son attention sur la problématique des vignes illégalement plantées avant le 1er septembre 1998. En effet, dans cette lettre d’observations, la Commission a décrit brièvement les irrégularités qu’elle supposait être intervenues dans le processus de régularisation par la voie des dérogations de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, sans faire aucune autre mention du contrôle des dépenses générées par les vignes illégalement plantées et de leur possible impact sur les financements de l’Union.

183    Deuxièmement, il ressort du procès-verbal de la réunion bilatérale, du 14 septembre 2009, que la Commission a fait état d’une réunion d’information qui se serait tenue lors des négociations de la réforme de l’organisation commune des marchés du vin (ci-après l’« OCM du vin »), qui aurait abouti à la formulation de l’article 86 du règlement n° 479/2008 et au cours de laquelle l’approche de ses services aurait été exposée. Il résulterait de la réunion bilatérale que, lorsque des régularisations de vignes illégalement plantées avant le 1er septembre 1998, faites sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, ne sont pas conformes à la réglementation de l’Union, la correction financière serait déterminée en application des dispositions de l’article 86 du règlement n° 479/2008. Une telle approche permettrait la régularisation de ces plantations, « bien que la nature de la non-conformité ait eu des effets continus sur le marché du vin à dater de la constatation des plantations irrégulières ». Par ailleurs, il ressort également de ce procès-verbal que la Commission a reconnu que l’application d’une correction récurrente pouvait conduire après le 31 décembre 2009 à l’arrachage obligatoire des vignes illégalement plantées et qu’elle avait cherché à trouver un accord avec la République hellénique sur l’approche proposée par ses services, en vue de « limiter la discussion » à, notamment, l’établissement des données relatives à l’étendue des plantations illégales et à la valeur des droits de plantation servant de base pour le calcul de la correction financière.

184    Ainsi, au cours de la réunion bilatérale du 4 juin 2009, la Commission a proposé une approche, qu’elle a soumise pour accord à la République hellénique, visant à tirer les conséquences des irrégularités dans l’application des dérogations de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, en faisant supporter à celle-ci un montant équivalent à la redevance prévue par l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008 en contrepartie de la régularisation des vignes illégalement plantées.

185    Troisièmement, dans la communication formelle du 26 août 2010, la Commission a maintenu sa position quant au non-respect de l’interdiction de plantation de vignes sans droit de plantation et à la non-conformité de l’application, en l’espèce, de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999 avec la réglementation de l’Union. Elle a informé la République hellénique de son choix de proposer, à la lumière de l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008, une correction financière unique et non une correction financière récurrente, malgré les effets continus sur le marché du vin. Ensuite, elle a procédé à l’examen des irrégularités touchant à la non-conformité de la mise en œuvre des dérogations prévues à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999. De ce fait, la Commission a explicitement renoncé à envisager l’application d’une correction financière aux dépenses financées par les Fonds et générées par les irrégularités dénoncées.

186    Quatrièmement, dans le rapport de synthèse, la Commission a estimé que, eu égard notamment à l’impossibilité de calculer exactement l’impact financier des irrégularités constatées dans la mise en œuvre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999, une méthode fondée sur la valeur des droits de plantation était appropriée pour calculer la correction financière justifiée au regard du risque permanent pour les Fonds de paiements illégaux dus à la non-régularisation des vignes, les procédures d’apurement des comptes se substituant dans certains cas à la régularisation de l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008 (point 7.2.3 du rapport de synthèse).

187    Cependant, si la Commission a ainsi fait part de l’impossibilité de calculer exactement l’impact financier des irrégularités constatées, force est de constater que, avant qu’elle n’envoie la lettre d’observations du 18 février 2009, les autorités helléniques lui avaient adressé des données qui permettaient de connaître les superficies régularisées par la mise en œuvre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1493/1999 pour chacun des nomes concernés. Un tel constat relativise l’argumentation de la Commission, puisque, contrairement à ce qu’elle affirme, en se fondant sur les données ainsi transmises, elle pouvait demander aux autorités helléniques de déterminer, par nome, les parcelles irrégulièrement régularisées et les aides qui avaient été versées dans le cadre de l’OCM du vin pour ces parcelles ou, à tout le moins, le montant total des aides versées dans ce cadre, par nome.

188    Il résulte des considérations des points 182 à 187 ci-dessus que, dans le déroulement de la procédure d’apurement des comptes, la Commission n’a pas cherché à évaluer les dépenses financées par les Fonds résultant des irrégularités constatées, alors que, contrairement à ce qu’elle soutient, ces conséquences financières n’étaient pas nécessairement impossibles à calculer.

189    Par suite, il convient d’écarter la deuxième objection présentée par la Commission.

190    En troisième lieu, la Commission soutient que la méthode de calcul de la correction financière fondée sur la valeur des droits de plantation serait appropriée, le montant forfaitaire pour compenser les pertes que subira les Fonds pouvant être tiré de la valeur des droits de plantation utilisée pour calculer la redevance de régularisation. Elle relève également que, faute de connaître le montant des aides qui seront accordées à l’avenir, elle ne pouvait mettre en œuvre sa pratique constante en matière de corrections financières forfaitaires et ne pouvait se fonder que sur la valeur des droits de plantation.

191    Premièrement, il convient de renvoyer aux points 182 à 187 ci-dessus, au vu desquels il apparaît que la Commission n’a pas cherché à déterminer le montant des pertes pour les Fonds générées par les vignes irrégulièrement régularisées en application de l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999, alors qu’elle disposait de données qui lui permettaient de s’engager dans cette voie, dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes prévue à l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005. Par ailleurs, l’argument tiré de la méconnaissance du niveau des aides susceptibles d’être accordées à l’avenir n’est pas pertinent, dès lors que, à partir des données fournies par les autorités helléniques, il était possible de déterminer les parcelles ayant bénéficié irrégulièrement d’aides pendant les 24 mois ayant précédé la lettre d’observations du 18 février 2009, conformément à la règle de l’article 31, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1290/2005, ce que la Commission a d’ailleurs reconnu à l’audience.

192    Deuxièmement, il convient de préciser que, si la Commission avait été réellement dans l’impossibilité de déterminer précisément le montant des aides irrégulièrement versées en raison des vignes irrégulièrement régularisées en application de l’article 2, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1493/1999, elle aurait pu appliquer les corrections forfaitaires prévues par les orientations, en prenant comme base de calcul, dans chaque nome, les aides versées dans le cadre de l’OCM du vin à l’ensemble des producteurs et en appliquant le pourcentage de correction qu’elle estimait approprié.

193    Par suite, il convient d’écarter la troisième objection présentée par la Commission.

194    En quatrième lieu, la Commission invoque le fait que l’application de l’article 86 du règlement n° 479/2008 aurait présenté l’avantage de légaliser les vignes illégalement plantées de la même manière que par le paiement de la redevance de régularisation, les viticulteurs pouvant ensuite bénéficier des aides.

195    Un tel argument est, à double titre, erroné en droit.

196    Tout d’abord, force est de constater que, à la date à laquelle la correction financière a été appliquée, à savoir celle de la décision attaquée, soit le 22 juin 2012, il n’était plus possible, sur le fondement de l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008, de régulariser des vignes illégalement plantées, la date limite de la mesure prévue par cette disposition étant le 31 décembre 2009, ce que la Commission a d’ailleurs explicitement reconnu à l’audience.

197    Ensuite, il convient de noter que la régularisation en vertu de l’article 86, paragraphe 1, du règlement n° 479/2008 n’était possible que si le producteur payait la redevance prévue à l’État membre concerné. En revanche, aucune disposition de ce règlement ne prévoit la possibilité de régulariser les vignes illégalement plantées au moyen d’un paiement par l’État membre en question d’une somme équivalant à ladite redevance à la Commission dans le cadre de l’apurement des comptes, la réserve insérée à l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008 ne pouvant avoir une telle portée (voir points 175 à 179 ci-dessus).

198    Dès lors, il ne peut être légalement soutenu qu’une correction financière constituée du paiement, après le 31 décembre 2009, par l’État membre concerné à la Commission d’un montant équivalant à la redevance de l’article 86 du règlement n° 479/2008 permet de régulariser des vignes illégalement plantées, faute, pour la Commission, de démontrer qu’une telle modalité de régularisation est permise par un quelconque acte juridique de l’Union.

199    Par suite, il convient d’écarter la quatrième objection présentée par la Commission.

200    Il résulte des points 159 à 199 ci-dessus que le cinquième moyen du recours est fondé, la Commission ayant appliqué une correction financière ne se rapportant pas à des dépenses financées par les Fonds, et ce au vu d’une approche qui ne repose sur aucune base légale (voir points 175 à 179 ci-dessus) et qui est directement contraire tant à l’article 31 du règlement n° 1290/2005 qu’à l’article 86, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 479/2008 (voir points 163 à 165, 176 et 177 ci-dessus).

201    Par conséquent, la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle applique à la République hellénique une correction financière ponctuelle dans le secteur du vin et le recours doit être rejeté pour le surplus, sans qu’il soit besoin de statuer sur le troisième, le quatrième et le sixième moyen du recours.

 Sur les dépens

202    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution 2012/336/UE de la Commission, du 22 juin 2012, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en ce qu’elle applique à la République hellénique une correction financière ponctuelle dans le secteur du vin.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2014.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

1.  Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

2.  Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du vin

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Observations liminaires

2.  Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur des raisins secs

Position des services de la Commission à l’issue de la procédure administrative

Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des faits ainsi que d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, du règlement n° 1621/1999

Cadre juridique

Sur le rendement minimal des parcelles destinées à la production de raisins secs et sur sa réduction par les autorités helléniques

–  Constatations des services de la Commission

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la spécialisation des parcelles

–  Constatations des services de la Commission

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’annexe 2 des orientations, de l’annexe 17 du document AGRI/17933/2000 et du document AGRI/60637/2006, d’une insuffisance de motivation, du caractère disproportionné des corrections et d’un dépassement du pouvoir discrétionnaire de la Commission

Constatations des services de la Commission

En ce concerne la correction financière de 100 % portant sur les sultanines

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

En ce concerne la correction financière de 25 % portant sur le raisin de Corinthe

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

3.  Sur la correction appliquée aux dépenses dans le secteur du vin

Position des services de la Commission à l’issue de la procédure administrative

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.