Language of document : ECLI:EU:T:2004:263

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
14 septembre 2004 (1)

« Marque communautaire – Marque verbale APPLIED MOLECULAR EVOLUTION – Motifs absolus de refus – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94 – Signe descriptif »

Dans l'affaire T-183/03,

Applied Molecular Evolution Inc., établie à San Diego, Californie (États-Unis), représentée par Me A. Deutsch, avocat, assisté de M. Weber-Quitzau,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme H. Nokkanen et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé à l'encontre de la décision de la deuxième chambre de recours de l'OHMI, du 13 mars 2003 (affaire R 108/2002-2), confirmant le refus d'enregistrement de la marque verbale APPLIED MOLECULAR EVOLUTION,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et N. J. Forwood, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2003,

à la suite de l'audience du 13 mai 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 31 mars 2000, la requérante, anciennement dénommée Ixsys Inc., a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal APPLIED MOLECULAR EVOLUTION.

3
Les services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent à la description suivante : « activités de recherche concernant l’ingénierie moléculaire de composés utilisés en thérapeutique, en diagnostic, dans les produits agricoles, les enzymes, les produits chimiques, les produits nutritifs, les additifs alimentaires et les applications industrielles, y compris mais non seulement les produits chimiques généraux et spécialisés ».

4
Par décision du 28 novembre 2001, l’examinateur a rejeté la demande au titre de l’article 38 du règlement n° 40/94 au motif que la marque demandée était descriptive et dépourvue de tout caractère distinctif.

5
Le 28 janvier 2002, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur.

6
Par décision du 13 mars 2003 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 24 mars 2003, rectifiée en ce qui concerne le nom de la requérante par décision du 25 août 2003, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était descriptive et dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.


Conclusions des parties

7
Lors de l’audience, la requérante a abandonné son chef de conclusions visant à voir ordonner à l’OHMI d’enregistrer la marque demandée.

8
La requérante conclut désormais à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

9
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

10
Le Tribunal constate que, lors de l’audience, la requérante a retiré son premier moyen, tiré du fait que la décision attaquée la désigne erronément sous son ancien nom. La requérante soulève désormais un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94.

11
À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle en vertu de l’article 130, paragraphe 1, et de l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 39, et la jurisprudence citée). Dès lors, le renvoi global dans la requête aux écrits déposés par la requérante devant l’OHMI doit être écarté.

12
Le Tribunal constate au préalable que la décision attaquée est fondée indifféremment sur l’absence de caractère distinctif et sur le caractère descriptif de la marque demandée. À l’audience, l’OHMI a précisé qu’il convenait de lire la décision attaquée comme étant essentiellement fondée sur le caractère descriptif de la marque demandée. En l’espèce, il apparaît effectivement opportun d’examiner tout d’abord si la chambre de recours a fait une exacte application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

13
Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que le « paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

14
Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 39). Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent.

15
En l’espèce, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a implicitement considéré qu’il était composé de spécialistes dans le domaine de l’ingénierie des protéines (« the relevant specialist consumer in the field of protein engineering », point 13 de la décision attaquée). Par son premier grief, évoqué dans sa requête et explicité à l’audience, la requérante avance que le public pertinent doit être défini plus largement et englober également, pour une petite partie, des personnes moins spécialisées que celles retenues par la chambre de recours, notamment des opérateurs économiques.

16
Le Tribunal considère que le public pertinent a été correctement défini dans la décision attaquée. En toute hypothèse, la prise en compte d’un public moins spécialisé que celui retenu dans la décision attaquée ne changerait pas les conséquences attachées à la définition du public pertinent en l’espèce, à savoir qu’il s’agit de consommateurs avertis, particulièrement informés et attentifs. En effet, la destination des services visés implique à tout le moins que ce public moins spécialisé ait une connaissance des possibilités de modification moléculaire et de leurs avantages, y compris industriels. Il ne saurait donc être considéré comme un consommateur moyen.

17
Le Tribunal estime qu’il n’est pas besoin de se prononcer sur la question de savoir si l’ensemble du public visé maîtrise la langue anglaise par obligation professionnelle. En tout état de cause, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, il suffit de constater que, le signe verbal en cause correspondant à la langue anglaise, le public pertinent est celui des consommateurs avertis anglophones.

18
S’agissant du caractère descriptif du signe verbal en cause, la chambre de recours a considéré, d’une part, que les termes « molecular evolution » (évolution moléculaire) faisaient référence au domaine du matériel génétique, incluant l’étude des protéines, de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et de leur modification dans un but commercial (point 9 de la décision attaquée), et, d’autre part, que l’ajout du mot « applied » (appliqué) correspondait à la finalité des services visés, à savoir l’utilisation des composés obtenus dans divers produits (point 11 de la décision attaquée).

19
Par son deuxième grief, la requérante avance que le mot « evolution » (évolution) a des significations multiples et, en particulier, sur le fait que ce mot implique une transformation graduelle et aléatoire et non l’optimisation directe et dirigée des molécules faisant l’objet des services visés. Il aurait donc un sens contradictoire par rapport aux services visés.

20
Le Tribunal constate, tout d’abord, que la chambre de recours ne s’est pas attachée à la signification du seul mot « evolution », mais lui a attribué un sens particulier en association avec l’adjectif « molecular » (moléculaire). En toute hypothèse, d’une part, le mot « evolution » convient pour désigner une modification partielle, volontaire et immédiate d’un acquis. En particulier, le public pertinent, bien informé, ne doutera pas du fait qu’il s’agit d’une évolution apportée volontairement à des molécules. D’autre part, en admettant que le mot « evolution » puisse avoir plusieurs sens, comme l’avance la requérante, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, non encore publié au Recueil, point 32).

21
Par son troisième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir retenu le caractère descriptif des termes « molecular evolution » (évolution moléculaire) dans le domaine de l’altération du matériel génétique, d’une part, sans prouver cette affirmation et, d’autre part, en négligeant le fait que les services visés couvrent un domaine beaucoup plus vaste.

22
Le Tribunal observe au préalable que le grief de la requérante procède d’une lecture partielle de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours n’a pas traduit les termes « molecular evolution » uniquement par ceux d’altération du matériel génétique, mais a également fait référence à un « certain nombre d’activités en relation » avec le matériel génétique, incluant les « processus d’amélioration artificielle des fonctions des protéines dans un but commercial » (point 9 de la décision attaquée). La signification des termes « molecular evolution » exposée dans la décision attaquée est donc plus large que celle retenue par la requérante.

23
S’agissant de la preuve du bien-fondé de la signification donnée par la chambre de recours, il importe de souligner que cette dernière a la possibilité de fournir d’elle‑même une définition de certains termes, sans être tenue de s’appuyer sur des documents précis, pour autant que cette définition puisse être considérée comme communément acceptée. En l’espèce, cette définition, quoique contestée par la requérante, était suffisamment commune pour n’avoir pas à être démontrée dans la décision attaquée. En effet, l’OHMI, dans son mémoire en réponse, a pu aisément corroborer cette définition au simple moyen d’un dictionnaire et d’une encyclopédie. Dès lors, le public pertinent, particulièrement informé, sera à même, et ce sans effort, d’associer, notamment, les termes « molecular evolution » et le domaine relatif au matériel génétique. En vertu de la jurisprudence exposée au point 20 ci-dessus, le fait que ces termes puissent avoir une autre signification ne leur retire pas leur caractère descriptif des services visés.

24
À cet égard, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours de s’être fondée sur les informations recueillies sur le site Internet de la requérante pour apprécier du caractère descriptif du signe verbal en cause par rapport aux services visés. En effet, la chambre de recours ne s’est pas appuyée sur ces informations pour évaluer la perception du signe verbal par le public pertinent, mais pour répondre à l’argument de la requérante selon lequel l’examinateur avait mal compris la nature des services visés dans la demande de marque. En tout état de cause, dès lors que la nature de ces services ressort suffisamment clairement de la demande de marque elle-même, la confirmation de la nature des services visés par des informations recueillies par ailleurs ne saurait faire grief à la requérante.

25
Enfin, puisque la définition des termes « molecular evolution » couvre au moins partiellement les services visés, ainsi que cela ressort des motifs de recours devant la chambre de recours, ce sens descriptif suffit à fonder le rejet de l’enregistrement de la marque demandée. En effet, selon une jurisprudence bien établie, dès lors que l’enregistrement d’une marque est demandé pour l’ensemble d’une catégorie sans qu’il soit fait de distinction entre les différents produits ou services la composant, il est loisible à la chambre de recours de procéder à une appréciation globale du caractère descriptif du signe constituant la marque à l’égard de la catégorie entière des produits ou services visée dans la demande de marque [s’agissant de services, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (TRUCKCARD), T‑358/00, Rec. p. II‑1993, points 34, 37 et 44 ; s’agissant de produits, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 46]. De plus, en l’espèce, la définition globale des services visés dans la demande de marque rendait impossible, pour la chambre de recours, de distinguer les services visés selon qu’ils concernaient directement ou non l’altération du matériel génétique. Le fait que certains des services visés puissent concerner des activités ne supposant pas une altération génétique ne saurait conduire à ce que la marque demandée soit enregistrée pour tous les services visés, bien que le signe en cause décrive directement certains autres services visés. Un tel enregistrement méconnaîtrait le motif absolu de refus inscrit à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

26
Par son dernier grief, la requérante avance que, dans l’appréciation d’ensemble du signe verbal en cause, le mot « applied » (appliqué) rend moins évident encore le sens général de ce signe.

27
Le Tribunal estime que ce grief doit être rejeté. En effet, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que ce mot signifiait mis en pratique ou concerné par une application pratique (point 10 de la décision attaquée). Dans le monde scientifique ou industriel, un tel adjectif décrit l’ambition selon laquelle des recherches théoriques peuvent trouver application dans la pratique. Dès lors, cet adjectif renforce encore le caractère descriptif du signe verbal en cause en précisant l’ambition, notamment industrielle et commerciale, des services relatifs à l’ingénierie moléculaire.

28
Le signe verbal en cause étant constitué, dans son ensemble, par une combinaison de mots effectuée dans le respect de la syntaxe de la langue anglaise, l’association de ces mots n’est pas à même d’amoindrir leur caractère descriptif par rapport aux services visés. Au contraire, leur association renforce la signification de chacun de ces mots. Dès lors, la chambre de recours a conclu, à bon droit, que le signe verbal APPLIED MOLECULAR EVOLUTION est descriptif des services visés dans la demande de marque, à savoir l’ingénierie moléculaire de composés pour leur utilisation dans divers produits.

29
Dans la mesure où il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire, il n’y a pas lieu de s’interroger sur la question de savoir si, comme l’a estimé la chambre de recours et comme le conteste la requérante, la marque en cause est également dépourvue de tout caractère distinctif.

30
Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté.


Sur les dépens

31
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Meij

Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : l'anglais.