Language of document : ECLI:EU:T:2018:359

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

20 juin 2018 (*)

« Clause compromissoire – Conventions de subvention conclues dans le cadre du programme d’action pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (2007-2013) – Projets NEST et “This is IT” – Coûts non éligibles – Requalification des recours »

Dans les affaires jointes T‑306/15 et T‑484/15,

KV, représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), représentée initialement par MM. H. Monet et D. Homann, puis par M. Monet, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 272 TFUE et tendant à faire constater que, en déclarant non éligibles certains frais de personnel engagés par la requérante dans le cadre des projets « Network of Staff and Teachers in childcare services » (NEST) et « Facilitating and fostering digital competence through volunteers – This is IT » (This is IT), l’EACEA n’a pas correctement interprété et appliqué les stipulations contractuelles relatives à ces projets,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, KV, était, avant le 31 juillet 2013, une société en commandite régie par le droit grec, spécialisée notamment dans les actions de formation, d’éducation, de conseils et d’expertise.

2        En 2010 et 2011, la requérante a participé à plusieurs projets européens dans le cadre du programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, établi par la décision no 1720/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2006, établissant un programme d’action dans le domaine de l’éducation et de la formation tout au long de la vie (JO 2006, L 327, p. 45), et mis en œuvre par l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). La requérante a conclu avec l’EACEA des conventions de subvention en vue de sa participation à deux projets.

3        Dans le cadre de la mise en œuvre de ces projets européens, l’EACEA agissait sous le contrôle de la Commission européenne et devait respecter le règlement (CE) no 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO 2003, L 11, p 1).

4        Premièrement, la requérante a participé au projet « Network of Staff and Teachers in childcare services » (NEST), qui visait à établir un réseau relatif au développement du personnel chargé de l’éducation et des soins des jeunes enfants. La convention de subvention a été signée le 9 novembre 2011 par la requérante et par l’EACEA pour un financement maximum de l’Union européenne de 392 862 euros.

5        Deuxièmement, la requérante a participé au projet « Facilitating and fostering digital competence through volunteers – This is IT » (This is IT). La convention de subvention a été signée le 2 décembre 2011 par la requérante et par l’EACEA pour un financement maximum de l’Union de 434 144 euros.

6        S’agissant des conventions de subvention relatives aux projets NEST et « This is IT », celles-ci sont régies par des conditions générales qui comprennent deux parties, dont une partie B qui a trait aux « dispositions financières ». L’article II.14.1 de cette partie B, intitulé « Coûts éligibles », stipule :

« Les coûts éligibles de l’action sont les coûts réellement exposés par un bénéficiaire, qui répondent aux critères suivants :

–        ils sont exposés pendant la durée de l’action telle que fixée à l’article I.2, paragraphe 2, de la présente convention, à l’exception des coûts liés aux rapports finaux et aux rapports d’audit externe relatifs aux états financiers et aux comptes sous-jacents de l’action ;

–        ils sont en relation avec l’objet de la convention et sont mentionnés dans le budget global de l’action ;

–        ils sont nécessaires à l’exécution de l’action qui fait l’objet de la subvention ;

–        ils sont identifiables et vérifiables, et sont notamment inscrits dans la comptabilité d’un bénéficiaire et déterminés conformément aux normes comptables applicables du pays dans lequel le bénéficiaire est établi, ainsi qu’aux pratiques habituelles du bénéficiaire en matière de comptabilité analytique ;

–        ils satisfont aux dispositions de la législation fiscale et sociale applicable ;

–        ils sont raisonnables, justifiés et respectent les exigences de la bonne gestion financière, notamment en ce qui concerne l’économie et l’efficience.

–        Les procédures de comptabilité et de contrôle interne des bénéficiaires doivent permettre une réconciliation directe des coûts et recettes déclarés au titre de l’action avec les états comptables et les pièces justificatives correspondants. »

7        L’article II.14.2 des conventions de subvention définit les « coûts éligibles » en ces termes :

« Les coûts directs éligibles de l’action sont les coûts qui, dans le respect des conditions d’éligibilité définies à l’article II.14.1, peuvent être identifiés comme étant des coûts spécifiques de l’action directement liés à sa réalisation et pouvant dès lors faire l’objet d’une imputation directe. Sont notamment éligibles les coûts directs suivants, pour autant qu’ils répondent aux critères définis au paragraphe précédent :

–        les coûts du personnel affecté à l’action, correspondant aux salaires réels augmentés des charges sociales et des autres coûts légaux entrant dans la rémunération, pour autant qu’ils n’excèdent pas les taux moyens correspondant à la politique habituelle du bénéficiaire en matière de rémunération.

[…] »

8        L’article II.14.4 des conventions de subvention énumère les coûts qui sont considérés comme non éligibles, parmi lesquels figure la « rémunération du capital ».

9        Par ailleurs, le manuel de projet du programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (ci-après le « manuel de projet Lifelong Education ») décrit également les coûts éligibles dans son point 2.3.1, qui dispose :

« Sont pris en considération les frais liés aux catégories de personnel suivantes :

–        le personnel statutaire, lié au partenaire par un contrat de travail permanent ou temporaire,

–        le personnel temporaire recruté par une agence externe spécialisée. »

10      S’agissant de la convention de subvention relative au projet NEST, la requérante a fait parvenir à l’EACEA, le 8 janvier 2015, une demande de paiement ainsi que le rapport final relatif à ce projet.

11      Le 19 janvier 2015, l’EACEA a envoyé à la requérante une demande de renseignements complémentaires relatifs à certaines dépenses de personnel.

12      Le 17 février 2015, l’EACEA a reçu les pièces justificatives demandées.

13      Par décision du 10 avril 2015 (ci-après la « décision attaquée dans l’affaire T‑306/15 »), l’EACEA a approuvé le rapport final relatif au projet NEST et a notifié à la requérante le montant définitif de la subvention qui lui serait versé, déduction faite des sommes déjà versées et des dépenses considérées comme non éligibles.

14      S’agissant des dépenses ayant trait aux frais de personnel considérées comme non éligibles, l’EACEA a considéré que la requérante n’avait pas démontré, concernant les services fournis par ses associés, l’existence d’une relation de travail au sens de l’article II.14.2 de la convention de subvention et du point 2.3.1 du manuel de projet Lifelong Education. Par ailleurs, l’EACEA a estimé que les éléments de preuve produits par la requérante ne permettaient pas de conclure à l’existence d’une relation de travail entre les personnes en cause, car aucun lien de subordination n’avait pu être établi.

15      S’agissant de la convention de subvention relative au projet « This is IT », la requérante a fait parvenir à l’EACEA, le 6 mars 2015, une demande de paiement ainsi que le rapport final relatif à ce projet.

16      Par décision du 23 juin 2015 (ci-après la « décision attaquée dans l’affaire T‑484/15 »), l’EACEA a approuvé le rapport final relatif au projet « This is IT » et a notifié à la requérante le montant définitif de la subvention qui lui serait versé, déduction faite des sommes déjà versées et des dépenses considérées comme non éligibles.

17      S’agissant des frais de personnel déclarés non éligibles, l’EACEA a considéré que la requérante n’avait pas démontré, concernant les services fournis par ses associés, l’existence d’une relation de travail et qu’elle n’établissait pas l’existence d’un lien de subordination entre les associés et la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 9 juin et 20 août 2015, la requérante a introduit les présents recours.

19      Par décision du président de la première chambre du Tribunal du 18 mai 2017, les affaires T‑306/15 et T‑484/15 ont été jointes aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2015, la requérante a présenté une demande d’anonymat dans l’affaire T‑306/15 à laquelle il a été fait droit le 2 septembre 2015.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 septembre 2015, la requérante a présenté une demande d’anonymat dans l’affaire T‑484/15, à laquelle il a été fait droit le 4 novembre 2015.

22      Par décision du président du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la sixième chambre.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Dans l’affaire T‑306/15, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée en ce qu’elle déclare non éligibles les frais de personnel d’un montant de 10 881,29 euros correspondant aux rémunérations versées au titre des services « supplémentaires » fournis par ses deux associés dans le cadre de l’exécution du projet NEST ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qu’elle déclare non éligibles les frais de personnel correspondant à la rémunération versée par la requérante au titre des services « supplémentaires » fournis par une associée dans le cadre de l’exécution du projet NEST ;

–        condamner l’EACEA aux dépens.

25      L’EACEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      Dans l’affaire T‑484/15, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle déclare non éligibles les frais de personnel d’un montant de 9 062,78 euros correspondant aux rémunérations versées par la requérante au titre des services « supplémentaires » fournis par une associée dans le cadre de l’exécution du projet « This is IT » ;

–        condamner l’EACEA aux dépens.

27      L’EACEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      En réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a précisé que, en cas de requalification du recours en annulation introduit dans l’affaire T‑484/15 en tant que recours fondé sur l’article 272 TFUE, ses conclusions devaient être comprises en ce sens qu’elle demandait, en substance, au Tribunal de déclarer éligibles les frais de personnel correspondant aux rémunérations versées à certains de ses associés dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause et que l’EACEA aurait considérés à tort comme non éligibles.

29      Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal et la recevabilité des recours

30      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’EACEA soutient que les recours introduits dans les présentes affaires sur le fondement de l’article 263 TFUE sont irrecevables au motif, en substance, que les actes attaqués par la requérante s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables. Partant, ils ne figureraient pas, en raison de leur nature, au nombre des actes dont la légalité peut être contestée sur le fondement de l’article 263 TFUE. Par conséquent, les recours introduits dans les affaires T‑306/15 et T‑484/15, en tant qu’ils poursuivent l’annulation de tels actes sur le fondement de l’article 263 TFUE, seraient irrecevables.

31      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (arrêt du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03 EU:C:2005:168, point 35, et ordonnance du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑353/10, EU:T:2011:589, point 18).

32      En l’espèce, dans les affaires T‑306/15 et T‑484/15, la requérante a expressément introduit des recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE. En effet, la décision attaquée dans l’affaire T‑306/15, dont la requérante demande explicitement l’annulation, est la décision de l’EACEA du 10 avril 2015, portant fixation du montant final de la subvention dans le cadre de la convention de subvention relative au projet NEST. La décision attaquée dans l’affaire T‑484/15 est la décision de l’EACEA du 23 juin 2015, portant fixation du montant final de la subvention dans le cadre de la convention de subvention relative au projet « This is IT ».

33      Toutefois, la requérante indique, dans ses observations en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par l’EACEA dans l’affaire T‑306/15, que, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que le recours en annulation est irrecevable, ce recours pourrait être requalifié en recours contractuel fondé sur l’article 272 TFUE, dès lors que tous les moyens invoqués sont tirés de violations de stipulations contractuelles dont le Tribunal pourrait connaître en vertu de la clause compromissoire contenue à l’article I.9 de la convention de subvention relative au projet NEST.

34      Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal dans l’affaire T‑484/15 invitant la requérante à indiquer si, dans l’hypothèse où le litige en cause serait requalifié en recours fondé sur l’article 272 TFUE, elle s’opposerait à une telle requalification, la requérante a fait savoir au Tribunal que les moyens invoqués dans cette affaire concernaient l’interprétation et l’application de stipulations contractuelles et que, partant, elle ne s’opposerait pas à une telle requalification.

35      Dans ces conditions, il y a lieu d’apprécier, dans un premier temps, la recevabilité des recours introduits dans les affaires T‑306/15 et T‑484/15 au regard des dispositions de l’article 263 TFUE avant, le cas échéant, d’examiner dans un second temps si, dans l’hypothèse où les recours en annulation se révéleraient être irrecevables, ils pourraient néanmoins être requalifiés en recours fondés sur l’article 272 TFUE.

 Sur la recevabilité des recours introduits dans les affaires T306/15 et T484/15 au regard des dispositions de l’article 263 TFUE

36      Selon la jurisprudence, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (voir arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 52 et jurisprudence citée).

37      Dans l’affaire T‑306/15, il ressort des éléments du dossier que la décision attaquée, intitulée « Approbation du rapport final et du paiement final », s’inscrit dans le contexte de l’exécution de la convention de subvention liant l’EACEA à la requérante dans le cadre du projet NEST et a pour objet de déterminer le montant final de la subvention qui sera octroyée à la requérante et de lui notifier le paiement final des coûts éligibles au titre de ce projet.

38      Premièrement, il est constant que l’EACEA a fixé le montant final de la subvention à 325 356,89 euros au bénéfice de la requérante. Deuxièmement, il n’est pas davantage contesté que l’EACEA a, sur le fondement des stipulations de l’article II.14 de la convention de subvention relative au projet NEST, déclaré non éligible une partie des coûts de personnel, pour un montant de 10 881,29 euros. Troisièmement, il ressort de l’article II.18.1 de ladite convention que l’EACEA est en droit de demander à la requérante de lui rembourser toute somme indûment perçue ou dont la récupération est justifiée en vertu de cette même convention.

39      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée dans l’affaire T‑306/15 s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 36 ci-dessus.

40      De même, dans l’affaire T‑484/15, il résulte des éléments du dossier que la décision attaquée intitulée « Approbation du rapport final et du paiement final » s’inscrit dans le contexte de la convention de subvention liant l’EACEA à la requérante dans le cadre du projet « This is IT » et a pour objet de déterminer le montant de la subvention octroyée à la requérante et de notifier à cette dernière le paiement final des coûts éligibles au titre de ce projet.

41      D’une part, il est constant que l’EACEA a qualifié de non éligible un montant de 64 018,04 euros de dépenses afférentes au projet « This is IT », dont un montant de 9 062,78 euros correspondant à une partie des coûts de personnel. D’autre part, il ressort de l’article II.18.1 de la convention de subvention relative au projet « This is IT » que l’EACEA est en droit de demander à la requérante de lui rembourser toute somme indûment perçue ou dont la récupération est justifiée en vertu de cette même convention.

42      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée dans l’affaire T‑484/15 s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 36 ci-dessus.

43      Il résulte des considérations qui précèdent que les recours introduits dans les affaires T‑306/15 et T‑484/15, en tant qu’ils ont été introduits sur le fondement de l’article 263 TFUE et qu’ils ont pour objet l’annulation des décisions attaquées, sont irrecevables.

 Sur la requalification des recours introduits dans les affaires T306/15 et T484/15

44      En vertu de l’article 272 TFUE, il convient de rappeler que le Tribunal n’est compétent pour statuer, en première instance, sur les litiges de nature contractuelle portés devant lui par des personnes physiques ou morales, qu’en vertu d’une clause compromissoire. À défaut d’une telle clause, il étendrait sa compétence juridictionnelle au-delà des litiges dont la connaissance lui est limitativement réservée (ordonnances du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑186/96, EU:T:1997:149, point 47, et du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, EU:T:2010:32, point 58).

45      La compétence des juridictions de l’Union pour connaître, en vertu d’une clause compromissoire, d’un litige concernant un contrat s’apprécie, selon la jurisprudence, au vu des seules dispositions de l’article 272 TFUE et des stipulations de la clause elle-même (arrêt du 8 avril 1992, Commission/Feilhauer, C‑209/90, EU:C:1992:172, point 13). Cette compétence est dérogatoire du droit commun et doit, partant, être interprétée restrictivement (arrêt du 18 décembre 1986, Commission/Zoubek, 426/85, EU:C:1986:501, point 11). Ainsi, le Tribunal ne peut statuer sur un litige contractuel qu’en cas d’expression de la volonté des parties de lui attribuer cette compétence (voir arrêt du 16 septembre 2013, GL 2006 Europe/Commission, T‑435/09, EU:T:2013:439, point 38 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑186/96, EU:T:1997:149, point 46).

46      Eu égard à la clause compromissoire prévue à l’article I.9 des conventions de subvention en cause, qui prévoit la compétence des juridictions de l’Union pour trancher tout litige relatif à l’application des dispositions de la convention ainsi qu’aux modalités de sa mise en œuvre, il convient d’examiner si les présents recours peuvent être requalifiés de recours introduits au titre de l’article 272 TFUE.

47      À cet égard, il importe de rappeler que le Tribunal, lorsqu’il a été saisi d’un recours en annulation, alors que le litige était, en réalité, de nature contractuelle, a déjà accepté de requalifier le recours si les conditions d’une telle requalification étaient réunies (voir arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 57 et jurisprudence citée).

48      En revanche, en présence d’un litige de nature contractuelle, le Tribunal s’estime dans l’impossibilité de requalifier un recours en annulation soit lorsque la volonté expresse du requérant de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification (voir arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 59 et jurisprudence citée), soit lorsque le recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause, qu’il s’agisse des clauses contractuelles ou des dispositions de la loi nationale désignée dans le contrat (voir arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 59 et jurisprudence citée).

49      Il en découle que la requalification du recours est possible pour autant que la volonté expresse de la partie requérante ne s’y oppose pas et qu’au moins un moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause soit invoqué dans la requête, conformément aux dispositions de l’article 76 du règlement de procédure. Ces deux conditions sont cumulatives.

50      À cet égard, il convient d’observer que les moyens invoqués par la requérante au soutien des présents recours sont tirés d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’EACEA quant à, d’une part, l’absence de critères permettant de distinguer les services « habituels » des services « supplémentaires » fournis par les associés et, d’autre part, l’absence de lien de subordination entre le gérant de la requérante et la requérante elle-même ainsi qu’entre les associés et la requérante.

51      Par ces moyens, la requérante a entendu, en substance, demander au Tribunal de constater, sur le fondement de l’article 272 TFUE, que l’EACEA avait déclaré, à tort, non éligibles, en tant que frais de personnel, les rémunérations versées par la requérante à ses associés pour les prestations qu’ils avaient fournies dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause.

52      En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par l’EACEA dans l’affaire T‑306/15 et à une question écrite du Tribunal dans l’affaire T‑484/15, la requérante a d’ailleurs confirmé cette interprétation des moyens qu’elle a invoqués dans le cadre des présentes affaires et a demandé au Tribunal de requalifier les présents recours en annulation en recours contractuels présentés sur le fondement de l’article 272 TFUE, exprimant ainsi sa volonté expresse en ce sens.

53      Les deux conditions cumulatives étant en l’espèce réunies, il y a lieu de requalifier les présents recours en recours introduits sur le fondement de l’article 272 TFUE, visant à faire constater par le Tribunal que, en déclarant non éligibles certains frais de personnel engagés par la requérante, l’EACEA n’a pas correctement interprété et appliqué les stipulations des articles II.14 des conventions de subvention relatives aux projets NEST et « This it IT » et du point 2.3.1 du manuel de projet Lifelong Education, et a considéré à tort les frais en cause comme non éligibles.

54      Il résulte de ce qui précède que, d’une part, les présents recours introduits sur le fondement de l’article 263 TFUE doivent être requalifiés en recours introduits sur le fondement de l’article 272 TFUE et, d’autre part, le Tribunal a compétence pour statuer sur ces recours, conformément à l’article 272 TFUE et à la clause compromissoire contenue à l’article I.9 des conventions de subvention relatives aux projets NEST et « This is IT ».

 Sur le bien-fondé des recours

55      À l’appui de chacun des recours, la requérante soutient, en substance, que l’EACEA a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant premièrement, à l’absence de critères permettant de distinguer les services « habituels » des services « supplémentaires » fournis par les associés et, deuxièmement, à l’absence d’un lien de subordination entre, d’une part, le gérant de la requérante et la requérante elle-même et, d’autre part, entre les associés et la requérante.

56      Toutefois, il convient d’observer que, comme indiqué au point 51 ci-dessus, en soulevant les « moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation de l’EACEA », la requérante doit être regardée, en l’espèce, comme demandant au Tribunal de constater que l’EACEA a qualifié à tort les frais de personnel correspondant aux rémunérations versées à ses associés pour les prestations fournies dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause de coûts non éligibles.

57      À titre liminaire, il ressort de la jurisprudence que, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Dès lors, afin que l’institution ou l’organisme concerné puisse exercer un rôle de contrôle, les bénéficiaires de tels concours doivent démontrer la réalité des coûts imputés aux projets subventionnés, la fourniture par ces bénéficiaires d’informations fiables étant indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d’octroi des concours sont remplies. Il ne suffit donc pas de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Le bénéficiaire de l’aide doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier (voir arrêt du 5 octobre 2016, European Children's Fashion Association et Instituto de Economía Pública/EACEA, T‑724/14, non publié, EU:T:2016:600, point 94 et jurisprudence citée).

58      Dès lors, le fait que les projets faisant l’objet des conventions de subvention ont bien été réalisés ne suffit pas, à lui seul, à prouver que les coûts déclarés ont été effectivement engagés. C’est dans cette logique que l’article II.14.1 des conditions générales exige que, afin de pouvoir être considérés comme éligibles, les coûts soient identifiables et vérifiables et les procédures de comptabilité et de contrôle adoptées par le bénéficiaire assurent une correspondance directe entre, d’une part, les coûts et les recettes déclarés et, d’autre part, les pièces justificatives qui leur sont afférentes.

59      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé des arguments invoqués.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans la distinction entre les services « habituels » et les services « supplémentaires » fournis par les associés

60      La requérante soutient que l’EACEA a estimé, à tort, qu’elle n’avait pas rempli les conditions prévues par les stipulations des conventions de subvention et que la distinction entre les services « habituels » et les services « supplémentaires » fournis par les associés ne reposait pas sur des critères clairs et objectifs.

61       Selon elle, il est communément admis que la distinction entre les services « habituels » et les services « supplémentaires » fournis par les associés repose sur la nature des services en cause. Elle souligne que les services « habituels » sont, par nature, uniquement ceux qui sont fournis par les associés en leur qualité d’associés et qu’ils sont liés à l’administration et aux fonctions essentielles de la société, telles la gestion de fonds, la conclusion de contrats avec des tiers et la représentation de la société.

62      La requérante allègue que, en vertu de la jurisprudence du juge de l’Union et de l’Areios Pagos (Cour de cassation, Grèce), la conclusion d’un contrat de travail entre une société et l’un de ses associés, par lequel ce dernier offre son travail, pour une période limitée, dans le cadre d’un projet déterminé, contre rémunération, est possible et que, dans ce cas, les services « supplémentaires » fournis par l’associé sont ceux qui vont au-delà des services « habituels ».

63      L’EACEA conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Elle fait valoir que, en l’absence de critères clairs et objectifs permettant de distinguer les services « habituels » et les services « supplémentaires », elle a considéré à juste titre que lorsqu’ils travaillaient sur les projets européens en cause, les associés et le gérant fournissaient non des services « additionnels », mais des services « habituels » en leur qualité d’associés.

64      En l’espèce et ainsi que cela ressort des écritures des parties, il est constant que les associés ont fourni des services dans le cadre de l’exécution des projets européens confiés à la requérante, en contrepartie desquels ils ont reçu une rémunération.

65      Cependant, ni les arguments soulevés par la requérante ni les documents produits par celle-ci ne sont de nature à établir que les services ainsi fournis au titre de la réalisation des projets européens en cause constituent des services « supplémentaires », au sens où ils seraient allés au-delà de ceux que les associés étaient tenus de fournir en leur qualité d’associés.

66      Les arguments de la requérante fondés sur la résolution de son assemblée générale, du 20 décembre 2010, prévoyant la possibilité pour les associés, y compris l’associé gérant, de fournir des services « supplémentaires » allant au-delà des services « habituels », lesdits associés devenant alors des salariés de la requérante et lui étant subordonnés, ne sauraient prospérer.

67      La question de savoir si la requérante avait la capacité de conclure des contrats de travail avec ses associés, portant sur des services allant au-delà des services fournis par ceux-ci en leur qualité d’associés, doit être examinée à la lumière du droit applicable à la requérante.

68      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le lien de rattachement désignant la loi applicable à une société est à déterminer soit conformément à la théorie de la constitution (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2005, Commission/AMI Semiconductor Belgium e.a., C‑294/02, EU:C:2005:172, point 60), soit conformément à la théorie du siège (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2001, Commission/Oder-Plan Architektur e.a., C‑77/99, EU:C:2001:53, point 28). En l’espèce, étant donné que la requérante a été constituée conformément au droit grec et qu’elle a son siège en Grèce, c’est le droit grec qui est, en tout état de cause, applicable.

69      Le droit grec prévoit que le contrat de société, au sens de l’article 741 du code civil grec , n’exclut pas la conclusion, en parallèle, d’un contrat de travail, au sens de l’article 648 du même code, entre l’un des associés de la société et la société elle-même, à la condition que le premier fournisse à la seconde une prestation non comprise dans son apport et, partant, distincte de celle qu’il est tenu de fournir en qualité d’associé, en contrepartie d’une rémunération et sous la subordination de la société qui l’emploie [voir, en ce sens, arrêt de l’Areios Pagos (Cour de cassation) no 156/1998].

70      Si la prestation attendue dans le cadre du contrat de travail est de même nature que celle que l’associé est tenu de fournir en sa qualité d’associé, il est nécessaire d’effectuer, au préalable, une distinction quantitative entre la prestation effectuée en qualité de salarié et celle effectuée en qualité d’associé, afin que puisse être postérieurement contrôlé le respect, d’une part, des obligations statutaires et, de l’autre, des obligations contractuelles [Lixouriotis, I., Ατομικές Εργασιακές Σχέσεις, Nomiki Vivliothiki, 2013, Athènes, p. 103 ; voir, également, arrêt de l’Areios Pagos (Cour de cassation) no 44/1997].

71      Contrairement à ce que soutient la requérante, il est impossible de déduire de la résolution de l’assemblée générale du 20 décembre 2010, laquelle se borne à indiquer que les services « supplémentaires » sont exclusivement déterminés par le gérant et qu’ils « vont au-delà du cadre des prestations normales assurées en qualité d’associés », des critères clairs et objectifs qui permettraient de distinguer, dans le cas des associés et du gérant, ce qui relèverait des services « habituels » et ce qui relèverait des services « supplémentaires ». Par conséquent, aucune définition précise des services « supplémentaires » n’est donnée par la résolution de l’assemblée générale du 20 décembre 2010.

72      À cet égard, il convient de relever que, d’une manière générale, les services fournis à la société par les associés ne sont définis que dans les statuts de la requérante. En effet, l’article 8 desdits statuts prévoit que les associés contribuent par tous les moyens au développement de l’entreprise et à la réalisation de ses objectifs de la meilleure manière possible, en particulier par leur propre travail. Il résulte de ces dispositions que c’est par leur travail en qualité d’associés que ces derniers participent au développement de la requérante et à la réalisation de ses objectifs. Or, parmi ces objectifs, tels qu’énoncés à l’article 3 des statuts, figure la préparation, la mise en œuvre, la gestion, l’administration et l’évaluation de projets européens. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la distinction parmi les services fournis à la société par les associés entre ceux qui sont « habituels » et ceux qui sont « supplémentaires » était artificielle.

73      Pour les mêmes motifs, l’argumentation de la requérante selon laquelle la distinction entre les services « habituels » et les services « supplémentaires » repose sur la nature différente, communément admise, de ces services ne saurait être accueillie.

74      Contrairement à ce qui est prévu par le droit grec dans une telle situation (voir point 70 ci-dessus), aucune distinction quantitative, permettant de distinguer au sein des services fournis par les associés ceux qui relèveraient de leur qualité de sociétaires et ceux qui relèveraient de leur qualité de salariés, n’a été préalablement effectuée par la requérante.

75      Aux fins d’établir la contribution apportée par les associés au titre des services « supplémentaires », la requérante a fourni la copie d’une décision, signée par le gérant, M. K., recrutant le gérant et une associée, Mme S., en tant que membres de l’équipe travaillant pour le projet NEST au tarif horaire de 50 euros pour la période allant de novembre 2011 à septembre 2013. Elle a également produit un contrat de travail à temps partiel, daté du 1er novembre 2011, recrutant une associée, Mme S., jusqu’au 31 octobre 2014 sur le projet NEST. S’agissant du projet « This is IT », la requérante a produit une décision, datée du 2 janvier 2012 et signée par le gérant, M. K., recrutant une associée, Mme S., en tant que membre de l’équipe travaillant pour le projet « This is IT » au tarif journalier de 280 euros, une décision du gérant, du 30 septembre 2013 attribuant à une associée, Mme S., une rémunération d’un montant de 7 280 euros pour sa contribution au projet « This is IT » pour la période allant du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 et un montant de 1 540 euros pour sa contribution au projet « This is IT » pour la période allant du 1er juin 2013 au 30 septembre 2013. La requérante a également produit un contrat de travail à temps partiel datée du 2 janvier 2012 recrutant une associée, Mme S., jusqu’au 31 décembre 2013 sur le projet « This is IT ».

76      Par ailleurs, la requérante a produit à l’EACEA des fiches de paie et le détail des rémunérations versées aux associés ainsi que les décisions du gérant recrutant une associée et lui-même en tant que membres de l’équipe du projet NEST et une associée en tant que membre de l’équipe du projet « This is IT » ainsi que les relevés horaires s’y rapportant.

77      En outre, la requérante a versé au dossier des présentes affaires trois déclarations fiscales pour les années 2011, 2012 et 2013, à la lecture desquelles il n’est possible d’identifier ni les salaires qui auraient été versés aux associés en contrepartie de l’exécution des projets en cause ni les charges sociales s’y rapportant.

78      Force est de constater que ces documents sont insuffisants pour établir que les rémunérations versées aux associés au titre des services fournis dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause répondent aux critères d’éligibilité des dépenses de personnel, tels que fixés par la législation grecque ainsi que par les stipulations des conventions de subvention en cause.

79      À cet égard, il convient de rappeler que, selon les stipulations de l’article II.14 des conventions de subvention relatives aux projets NEST et « This is IT », les coûts éligibles sont les coûts qui sont nécessaires à l’exécution de l’action, qui sont identifiables et vérifiables, qui sont notamment inscrits dans la comptabilité du bénéficiaire et qui satisfont aux dispositions de la législation fiscale et sociale applicable. En outre, selon le point 2.3.1 du manuel de projet Lifelong Education, sont pris en considération les frais liés, d’une part, au personnel statutaire, uni à un partenaire par un contrat de travail permanent ou temporaire, et, d’autre part, ceux liés au personnel temporaire recruté à travers une agence externe spécialisée.

80      Le point 2.3.1 du manuel de projet Lifelong Education définit également les pièces justificatives nécessaires pour établir l’éligibilité des frais de personnel. Ainsi, doivent, notamment, être fournis les documents expliquant la politique interne sur les salaires et le calcul du barème journalier ainsi que les fiches de temps de travail qui doivent être signées par le travailleur et par le responsable de l’organisation et qui doivent mentionner le nom, la fonction et les tâches remplies, la référence aux activités du plan de travail, le nombre d’heures par jour ou de jours par mois alloués au projet. Doivent également être fournis le bordereau officiel des salaires, qui permet de vérifier le nombre de jours travaillés et les montants payés, ainsi que la preuve que les charges sociales ont été dûment payées et que les salaires et les cotisations de sécurité sociale enregistrés dans la comptabilité ont été payés aux autorités.

81      Or, en l’espèce, l’EACEA soutient dans ses écritures, sans être sérieusement contredite, que la requérante n’a pu produire un contrat de travail établissant que les services fournis par les associés dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause allaient au-delà des services qu’ils étaient tenus de fournir au titre de leurs obligations statutaires, en qualité d’associés.

82      Dans ces conditions, il convient de considérer que la requérante est restée en défaut d’établir que les services fournis par les associés dans le cadre de la réalisation des projets NEST et « This is IT » étaient des services « supplémentaires » fournis en qualité de salariés qui répondaient aux critères d’éligibilité des dépenses de personnel tels que fixés par la législation grecque ainsi que par les stipulations des conventions de subvention en cause.

83      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’absence d’un lien de subordination

84      La requérante soutient que l’EACEA a estimé à tort qu’il n’existait pas de véritable lien de subordination, caractéristique d’une relation de travail, d’une part, entre le gérant de la requérante et la requérante elle-même et, d’autre part, entre la requérante et les associés non gérants, s’agissant des prestations fournies dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause.

85      L’EACEA conteste les arguments de la requérante.

86      Il ressort de la combinaison des dispositions des articles 648 et suivants du code civil grec et de l’article 6 de la loi 765/1943 (FEK A’ 341) qu’un contrat de travail existe, en vertu du droit grec, lorsque le salarié s’engage à travailler pendant une période, déterminée ou non, sous la direction de l’employeur, moyennant une rémunération, indépendamment de la façon dont cette rémunération est calculée et payée [arrêt de l’Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique, Grèce) no 390/2003].

87      Il en résulte que les critères d’un contrat de travail, en droit grec, sont l’existence d’une prestation de travail, le versement d’une rémunération en contrepartie de ladite prestation et l’existence d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié.

88      S’agissant du lien de subordination, bien que le code civil grec n’en donne pas de définition, la jurisprudence en a défini les caractéristiques. Ainsi, le lien de subordination est caractérisé par le pouvoir de l’employeur de surveiller et de contrôler le travail exécuté par l’employé et de lui donner des ordres et des directives concernant le lieu de l’activité, le temps et les modalités de travail.

89      Selon la jurisprudence, il y a contrat de travail en droit grec lorsque l’employé travaille contre salaire et est juridiquement dépendant de l’employeur en ce que ce dernier a le droit, d’une part, de déterminer le lieu, la date et les modalités du travail à fournir, dans le respect des règles de droit et des conditions du contrat, de manière contraignante à l’égard de l’employé, en lui donnant les instructions nécessaires à cet effet, lesquelles doivent être suivies et exécutées, et, d’autre part, de contrôler le respect de ces dernières par l’employé et l’exécution générale du travail attribué [arrêts de l’Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique) no 390/2003 et de l’Areios Pagos (Cour de cassation) no 156/1998].

90      Il est sans importance que l’employeur exerce en pratique son droit ou qu’il s’en remette à l’initiative de l’employé, tant que cette liberté n’aboutit pas à supprimer l’obligation d’obéissance envers l’employeur et ne conduit pas à la création d’une liberté d’action dans le service indépendante du contrôle de l’employeur [arrêt de l’Efeteio Thessalonikis (cour d’appel de Thessalonique) no 2367/2001].

91      Par conséquent, à défaut de lien de subordination, à savoir en l’absence de tout contrôle exercé par l’employeur concernant le lieu, le temps et les modalités de travail, il n’existe pas de contrat de travail en vertu du droit grec.

92      À cet égard, il y a lieu de relever que ni les arguments soulevés par la requérante ni les documents produits par celle-ci ne sont de nature à établir, en l’espèce, l’existence d’une relation de travail ou d’un lien de subordination s’agissant des services fournis par les associés dans le cadre de l’exécution des projets européens en cause.

93      La requérante soutient que la relation de travail entre les associés et elle-même résulte de la résolution de son assemblée générale du 20 décembre 2010.

94      Aux termes de cette résolution, il appartient au gérant de la requérante de décider si un projet nécessite que des services « supplémentaires » soient fournis, de déterminer la nature et l’étendue desdits services et de fixer la rémunération versée en contrepartie de ces services. Selon cette résolution, le gérant lui-même se désigne pour travailler sur les projets en cause et fixe lui-même sa rémunération.

95      À cet égard, il convient de constater, d’une part, que, s’il prétend être placé sous le contrôle du responsable des projets européens durant la période où il collabore à la réalisation des projets en cause, le gérant continue d’exercer ses fonctions habituelles en sa qualité de gérant pour toutes les autres activités de la requérante et, d’autre part, que ce dernier ne peut pas, selon la jurisprudence grecque, signer lui-même son contrat de travail.

96      Par ailleurs, comme le soutient à juste titre l’EACEA, il est peu probable que le responsable des projets européens en cause ait pu, le cas échéant, mettre fin à la collaboration du gérant à l’exécution des projets en cause dans l’hypothèse où ses services aurait été jugés insuffisants, alors même qu’il continuait, en sa qualité de gérant, à exercer pour le compte de la requérante toutes ses autres activités.

97      En outre, s’agissant de la situation des associés, l’existence d’un lien de subordination n’est pas davantage établie. En effet, il résulte des dispositions des articles 8 et 14 des statuts de la requérante que tous les associés participent par leur propre travail au développement de la requérante et que toute décision relative à la requérante est prise d’un commun accord par les associés.

98      Par ailleurs, tout comme pour le gérant, il est peu probable que le responsable des projets européens ait pu, le cas échéant, mettre fin à la collaboration de l’associé à l’exécution des projets européens en cause dans l’hypothèse où les services de ce dernier auraient été jugés insuffisants.

99      Enfin, il convient de relever que, si un associé voulait travailler à l’exécution des projets européens, cela ne pouvait se faire que volontairement et avec l’accord des autres associés et selon des modalités déterminées collectivement.

100     S’agissant des documents produits par la requérante aux fins d’établir que les services fournis par les associés pour l’exécution des projets européens l’ont été dans le cadre d’un contrat de travail ou d’une relation de travail, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas versé au dossier d’autres documents que ceux énoncés aux points 75 et 76 ci-dessus.

101    Force est de constater que ces documents sont insuffisants pour établir l’existence d’un contrat de travail ou d’une relation de travail entre, d’une part, le gérant de la requérante et la requérante elle-même et, d’autre part, les associés et la requérante.

102    Dans ces conditions, il convient de considérer que la requérante est restée en défaut d’établir que les services fournis par les associés dans le cadre de l’exécution des projets NEST et « This is IT » l’ont été dans le cadre d’un contrat de travail ou d’une relation de travail répondant aux critères d’éligibilité des dépenses de personnel, tels que fixés par la législation grecque ainsi que par les stipulations des conventions de subvention en cause rappelées aux points 79 et 80 ci-dessus.

103    Partant, il y a lieu de rejeter le second moyen comme non fondé.

104    Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter, dans leur intégralité, les présents recours.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

106    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’EACEA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T306/15 et T484/15 sont jointes aux fins de la décision mettant fin à l’instance.

2)      Les recours sont rejetés.


3)      KV est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juin 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.