Language of document : ECLI:EU:T:2012:499

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Emidio Tucci – Marques communautaire figurative et nationales verbales et figurative antérieures Emilio Pucci et EMILIO PUCCI – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑357/09,

Emilio Pucci International BV, établie à Amsterdam (Pays‑Bas), représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti, M. Boletto et E. Gavuzzi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid, représentée initialement par Mes J. L. Rivas Zurdo, M. E. López Camba et E. Seijo Veiguela, puis par Mes Rivas Zurdo et Seijo Veiguela, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 18 juin 2009 (affaires jointes R 770/2008-2 et R 826/2008-2), relative à une procédure d’opposition entre Emilio Pucci International BV et El Corte Inglés, SA,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (président), N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 janvier 2010,

vu l’ordonnance du 17 mai 2010 portant jonction des affaires T-357/09 et T-373/09 aux fins de la procédure orale,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la décision du 12 avril 2012 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite conjointement par la requérante et l’intervenante,

vu les lettres des parties du 13 et du 16 avril 2012 indiquant qu’elles ne participeront pas à l’audience,

à la suite de l’audience du 18 avril 2012, à laquelle aucune des parties n’a participé,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 février 2004, l’intervenante, El Corte Inglés, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1 à 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 51/2004, du 20 décembre 2004.

5        Le 18 mars 2005, la requérante, Emilio Pucci International BV, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques suivantes :

–        la marque communautaire figurative déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 3 février 2005 sous le numéro 203570 pour les produits relevant des classes 18 et 24, reproduite ci-après :

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–        la marque italienne verbale EMILIO PUCCI, déposée le 14 juin 1966 et enregistrée le 22 septembre 1966 sous le numéro 769250 pour les produits relevant des classes 3, 14, 18, 21, 24, 25 et 33 (ci-après la « marque italienne de 1966 ») ;

–        la marque italienne verbale EMILIO PUCCI, déposée le 10 mai 1971 et enregistrée le 5 septembre 1973 sous le numéro 274991 pour les produits relevant des classes 9, 12, 18, 20, 26, 27 et 34 ;

–        la marque italienne figurative déposée le 10 mai 1971 et enregistrée le 3 octobre 1973 sous le numéro 275894 pour les produits relevant des classes 14, 18, 24 et 25, reproduite ci-après :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 31 mars 2008, la division d’opposition a accueilli partiellement l’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire pour les appareils et instruments optiques compris dans la classe 9, les produits en « cuir et imitation de cuir, ainsi que les produits en ces matières (non compris dans d’autres classes) ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols, cannes et bâtons de marche ; fouets et sellerie » compris dans la classe 18, les « meubles, miroirs, cadres ; produits (non compris dans d’autres classes) en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » compris dans la classe 20, les sacs compris dans la classe 22, les « tissus en matières textiles, produits textiles non compris dans d’autres classes, linge de lit et de table en matières textiles » compris dans la classe 24, ainsi que les vêtements, les chaussures et la chapellerie, compris dans la classe 25. La marque demandée a été acceptée à l’enregistrement pour les produits et services restants.

9        Le 14 mai 2008, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009). Le 28 mai 2008, la requérante a également formé un recours auprès de l’OHMI contre ladite décision.

10      Par décision du 18 juin 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition dans la mesure où, d’une part, elle faisait droit à la demande d’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits relevant de la classe 3 et le matériel de nettoyage et la paille de fer, relevant de la classe 21, et où, d’autre part, elle rejetait ladite demande pour les appareils et les instruments optiques, compris dans la classe 9, les « meubles, miroirs, cadres ; produits (non compris dans d’autres classes) en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques », compris dans la classe 20, et les sacs, compris dans la classe 22.

11      La chambre de recours a tout d’abord examiné la preuve de l’usage des marques italiennes antérieures présentée par la requérante. En premier lieu, elle a considéré que la requérante n’avait pas établi que lesdites marques avaient fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 concernant les produits cosmétiques compris dans la classe 3, les casques et les sacoches de protection pour dispositifs électroniques compris dans la classe 9, les yachts compris dans la classe 12, la joaillerie et les montres comprises dans la classe 14 et les boissons alcooliques comprises dans la classe 33. En deuxième lieu, elle a précisé que l’utilisation des marques italiennes verbales antérieures ne suffisait pas à établir l’usage sérieux de la marque italienne figurative antérieure et devait donc être exclue de l’appréciation du risque de confusion. En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que la division d’opposition avait considéré à tort que la preuve de l’usage des marques italiennes antérieures pour des lunettes et des fauteuils avait été établie.

12      Ensuite, la chambre de recours a procédé à l’appréciation du risque de confusion et a considéré, d’une part, que les signes en conflit étaient très similaires des points de vue visuel et phonétique et, d’autre part, que les produits relevant des classes 18, 24 et 25 étaient identiques. Par conséquent, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit eu égard auxdits produits.

13      Enfin, la chambre de recours a examiné la question relative à l’éventuelle atteinte à la renommée des marques antérieures. En premier lieu, elle a considéré qu’il avait été établi que la marque italienne de 1966 jouissait d’une renommée en Italie eu égard aux produits relevant de la classe 25, notamment en ce qui concerne les vêtements pour femmes et les chaussures, qui sont des produits de haute qualité ou de luxe. En deuxième lieu, la chambre de recours a constaté que les fabricants de vêtements développaient souvent leur activité sur le marché de la cosmétique et de la parfumerie et a donc considéré que, la marque demandée étant très semblable à la marque italienne de 1966, son utilisation pour les savons, les articles de parfumerie, les huiles essentielles, les produits cosmétiques, les lotions pour les cheveux et les dentifrices compris dans la classe 3 permettrait à sa titulaire de tirer indûment profit de la renommée de la marque de 1966. En troisième lieu, la chambre de recours a considéré que l’utilisation de la marque demandée pour des produits pour lessiver et des préparations pour nettoyer compris dans la classe 3, ainsi que pour le matériel de nettoyage et la paille de fer compris dans la classe 21, porterait atteinte au prestige et au caractère exclusif liés à la marque italienne de 1966.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a fait droit à la demande d’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et services qu’elle vise dans les classes 1 et 2, 4 à 17, 19 à 21 (sauf en ce qui concerne le matériel de nettoyage et la paille de fer), 22, 23 et 26 à 45 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle.

 Sur le fond

17      La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours, tirés, le premier, de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

18      Par ses arguments, la requérante conteste les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles elle n’aurait pas établi à suffisance une utilisation effective et constante dans le temps du signe EMILIO PUCCI pour les parfums, les produits de maquillage, les casques et les housses pour i-Pod, les lunettes, ainsi que la joaillerie et les montres. Elle reproche ainsi à la chambre de recours d’avoir violé l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009. À cet égard, elle affirme que les preuves présentées devant l’OHMI ont démontré, d’une part, qu’elle avait commercialisé les produits en cause sous la marque EMILIO PUCCI et, d’autre part, qu’elle avait apporté sa signature en collaborant à leur création. Au vu de ces circonstances, la requérante considère qu’il existe un risque de confusion eu égard aux parfums et aux produits cosmétiques compris dans la classe 3, aux lunettes comprises dans la classe 9 et à la joaillerie et aux montres comprises dans la classe 14 et que ces produits auraient dû être pris en considération afin d’apprécier l’existence d’un risque de confusion.

19      L’OHMI soutient que l’activité commerciale de la requérante est limitée aux produits relevant de la classe 25. En outre, l’intervenante considère que la requérante n’a pas réussi à réfuter les conclusions de la chambre de recours relatives à l’usage des marques italiennes antérieures et que les conclusions de la requérante à cet égard sont contradictoires.

20      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 du même règlement, et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique découlant d’une fonction effective de la marque sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, points 36 à 38, et la jurisprudence citée].

21      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (arrêt VITAFRUIT, point 20 supra, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37).

22      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 20 supra, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 21 supra, point 43).

23      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, point 20 supra, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

24      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts VITAFRUIT, point 20 supra, point 42, et HIPOVITON, point 23 supra, point 36).

25      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28].

26      En l’espèce, la preuve de l’usage a été demandée pour les deux marques italiennes verbales antérieures et pour la marque italienne figurative antérieure pour la période comprise entre le 20 décembre 1999 et le 19 décembre 2004 et a été présentée par la requérante pendant la procédure d’opposition.

27      La division d’opposition a considéré que l’usage desdites marques n’était établi que pour les lunettes comprises dans la classe 9, les fauteuils compris dans la classe 20, les vêtements, les chaussures et la chapellerie compris dans la classe 25 et les produits compris dans les classes 18 et 24 couverts par la marque communautaire figurative antérieure, ces produits étant donc ceux pertinents aux fins d’apprécier l’existence d’un risque de confusion. La chambre de recours a confirmé en partie la conclusion de la division d’opposition. Néanmoins, elle a considéré, aux points 82 à 85 de la décision attaquée, que la preuve de l’usage présentée pour les lunettes et les fauteuils n’était pas suffisante aux fins d’établir l’usage sérieux desdites marques sur le marché et, en conséquence, a exclu ces produits de l’appréciation du risque de confusion. Par ailleurs, comme la chambre de recours l’a constaté au point 27 de la décision attaquée, la marque communautaire figurative antérieure couvrant les produits relevant des classes 18 et 24 n’était pas soumise à l’obligation d’usage.

28      Comme la requérante l’a confirmé dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, les seuls produits pour lesquels elle conteste la décision attaquée et considère que la preuve de l’usage des marques italiennes antérieures a été établie sont les parfums et les articles cosmétiques compris dans la classe 3, les lunettes comprises dans la classe 9 et la joaillerie et les montres comprises dans la classe 14.

29      En ce qui concerne les parfums et les produits cosmétiques compris dans la classe 3, la chambre de recours a certes considéré, aux points 44 à 49 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas fourni une preuve de l’usage suffisante et a confirmé, ainsi, l’appréciation de la division d’opposition. Néanmoins, la chambre de recours a estimé, aux points 129 et 130 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque demandée pour des savons, de la parfumerie, des huiles essentielles, des cosmétiques et des lotions pour les cheveux pouvait porter atteinte à la renommée de la marque italienne de 1966 et a donc refusé l’enregistrement de la marque demandée conformément à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Étant donné que l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits de parfumerie et les cosmétiques relevant de la classe 3 a abouti sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sans que cela soit, en tant que tel, contesté par la requérante, il y a lieu de considérer comme superflu l’examen de la preuve de l’usage des marques italiennes antérieures afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre lesdites marques et la marque demandée.

30      En ce qui concerne les lunettes comprises dans la classe 9, il résulte du dossier administratif que la requérante a présenté neuf pages de magazines des 1er mars et 1er mai 2002, des 1er janvier et 1er septembre 2003 (deux pages) et des 10 juillet, 1er juin, 16 novembre et 1er décembre 2004, qui reproduisent soit un mannequin portant une paire de lunettes, soit une paire de lunettes, et non deux comme la chambre de recours l’a indiqué au point 82 de la décision attaquée. Certes, la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991 n’est visible dans aucun des cas sur les lunettes. Cependant, elle apparaît à côté ou au-dessus de l’image, ce qui permettrait aux consommateurs de faire le lien entre les lunettes et ladite marque. Les deux pages des magazines italiens du 1er septembre 2003 et du 16 novembre 2004, faisant référence au signe Pucci et non à la marque en cause, ainsi que la page d’un magazine espagnol du 1er juin 2004, indiquant une utilisation de ladite marque hors du territoire pertinent, n’ont pas été prises en considération. En revanche, comme il ressort de la décision attaquée, l’utilisation de ladite marque pour des lunettes ne saurait être confirmée par une facture du 13 décembre 2004, qui mettrait en évidence la vente de douze paires de lunettes, dans la mesure où il n’y figurerait aucune référence à la marque en cause.

31      Contrairement à ce que la chambre de recours prétend au point 82 de la décision attaquée, la preuve de l’usage de la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991 a été présentée d’une façon suffisamment claire pour lui permettre, ainsi qu’à l’autre partie à la procédure, de constater que ladite marque avait été utilisée sur le marché pour identifier des lunettes. Si, comme la chambre de recours l’a indiqué au point 82 de la décision attaquée, il aurait été souhaitable que la requérante ait organisé, au vu du volume important des éléments fournis, les éléments de preuve de l’usage par produit, au lieu de le faire de façon chronologique en indiquant seulement par une flèche les produits auxquels elle faisait référence, cette circonstance n’empêchait néanmoins pas l’examen desdits éléments de preuve tendant à établir que les marques italiennes antérieures avaient été utilisées sur le marché pendant la période pertinente. L’argument relatif à la mauvaise organisation des éléments de preuve de l’usage des marques italiennes antérieures ne permettait donc pas à la chambre de recours de refuser l’examen desdits éléments, comme cela a été le cas en l’espèce.

32      Dès lors, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu au point 83 de la décision attaquée, la requérante a établi à suffisance l’usage de la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991 pour des lunettes comprises dans la classe 9.

33      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 14, à savoir la joaillerie et les montres, la chambre de recours a considéré, au point 54 de la décision attaquée, que la preuve de l’usage de la marque italienne de 1966 et de la marque italienne figurative antérieure présentée par la requérante devant la division d’opposition était insuffisante et a donc confirmé la conclusion de la division d’opposition. Par ailleurs, elle a estimé que les éléments de preuve relatifs à ces produits présentés pour la première fois devant elle ne devaient donc pas être pris en considération en raison de leur caractère principal ainsi que de l’absence de circonstances ou d’éléments nouveaux susceptibles de justifier leur présentation tardive.

34      En l’espèce, il résulte des documents présentés par la requérante que celle-ci n’a pas fourni en temps utile de preuves permettant d’établir l’usage de la marque italienne de 1966 et de la marque italienne figurative antérieure pour la joaillerie et les montres. Il y a donc lieu de considérer, comme l’a fait la chambre de recours au point 54 de la décision attaquée, que l’usage desdites marques pour les produits compris dans la classe 14 n’a pas été établi.

35      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours, d’une part, a exclu à juste titre les produits relevant de la classe 14 de l’appréciation du risque de confusion et, d’autre part, a commis une erreur en excluant les lunettes, comprises dans la classe 9, de ladite appréciation. Dès lors, il y a lieu d’accueillir partiellement ce moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009

36      La requérante soutient, en premier lieu, que les marques jouissant d’un fort caractère distinctif bénéficient d’une protection plus étendue que les marques dont le caractère distinctif est moindre et affirme à cet égard que, comme l’OHMI l’a constaté, d’une part, il existe une forte similitude entre les signes en conflit et que, d’autre part, la marque italienne de 1966 jouit de la renommée pour les vêtements et les chaussures pour dames compris dans la classe 25. Elle considère, en deuxième lieu, que, ayant établi la commercialisation des parfums, des produits de maquillage, des lunettes, de la joaillerie et des montres sous les marques EMILIO PUCCI, le public pertinent risque d’être induit en erreur quant à l’origine commerciale des lunettes, des parfums, de la joaillerie et des montres commercialisés sous la marque demandée. Elle soutient, en troisième lieu, que tous les produits visés par la marque demandée, ou tout au moins une partie de ceux-ci, à savoir les parfums et les cosmétiques compris dans la classe 3, les lunettes comprises dans la classe 9 et tous les produits de la classe 14, peuvent être considérés comme étant semblables aux vêtements compris dans la classe 25 visés par la marque italienne de 1966 et qu’il y a donc lieu de conclure à l’existence d’un risque de confusion entre ces deux marques.

37      L’OHMI et l’intervenante contestent l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

38      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre ayant effet dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

39      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

40      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

41      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de la Communauté, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’existe que dans une partie de la Communauté [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

42      C’est au regard de l’ensemble de ces considérations qu’il convient d’examiner l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

43      En l’espèce, il ressort du point 35 ci‑dessus et du point 98 de la décision attaquée que les produits pertinents afin d’établir l’existence d’un risque de confusion sont les lunettes, comprises dans la classe 9 et couvertes par la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991, les produits relevant des classes 18 et 24 couverts par la marque communautaire figurative antérieure et les produits de la classe 25 couverts par la marque italienne de 1966.

44      S’agissant, en premier lieu, de la comparaison entre, d’une part, les parfums et les produits de maquillage compris dans la classe 3 et la joaillerie et les montres comprises dans la classe 14, couverts par les marques italiennes antérieures, et, d’autre part, les parfums compris dans la classe 3 et la joaillerie et les montres comprises dans la classe 14, visés par la marque demandée, il convient, tout d’abord, de relever que, eu égard aux considérations faites au point précédent et aux points 29 et 35 ci-dessus, il n’y a pas lieu de prendre en considération les arguments de la requérante visant à établir l’existence d’un risque de confusion en ce qui concerne lesdits produits.

45      Ensuite, en ce qui concerne les lunettes, comprises dans la classe 9 et couvertes par la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991, il convient de rappeler que, même s’il ressort du point 43 ci-dessus qu’elles sont un produit pertinent aux fins d’apprécier l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, la chambre de recours a fondé sa décision d’exclure l’existence d’un risque de confusion dans ce cas uniquement sur l’absence de preuve de l’usage de la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991. Dans ces circonstances, il n’appartient pas au Tribunal de procéder à l’examen de l’argumentation présentée par la requérante visant à établir l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne les produits relevant de la classe 9 couverts par la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991, pour lesquels la preuve de l’usage a été établie.

46      En effet, à cet égard, il convient de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, n’a pas pour effet de conférer à ce dernier le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, non encore publié au Recueil, point 72).

47      S’agissant, en second lieu, de la comparaison entre, d’une part, les vêtements compris dans la classe 25 couverts par la marque italienne de 1966 et, d’autre part, les produits cosmétiques compris dans la classe 3, les lunettes comprises dans la classe 9 et tous les produits relevant de la classe 14, visés par la marque demandée, il convient, tout d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

48      En l’espèce, la requérante a cherché à établir l’existence d’une similitude entre, d’une part, les vêtements couverts par la marque italienne de 1966 et, d’autre part, les parfums, les produits cosmétiques, les lunettes, la joaillerie et les montres relevant des classes 3, 9 et 14 et visés par la marque demandée. À cet égard, elle précise que, dans le cas où une marque est notoirement connue, il faut prendre en considération d’autres circonstances que celles mentionnées par la jurisprudence, comme la possibilité d’exploitation d’une telle marque, aux fins d’apprécier la similitude entre les produits en cause. Ces possibilités seraient plus nombreuses dans le cas des créateurs de mode célèbres, qui élargissent leurs activités à des marchés adjacents comme celui des parfums, des lunettes, de la joaillerie et des montres. Il serait donc considéré comme courant que les produits susmentionnés soient commercialisés sous la même marque et qu’une grande partie des fabricants de ces produits soient les mêmes. Dès lors, même si les vêtements relevant de la classe 25 ne sont pas semblables, en ce qui concerne leurs caractéristiques intrinsèques, aux parfums, aux produits cosmétiques, aux lunettes, à la joaillerie et aux montres relevant des classes 3, 9 et 14, il existerait un lien entre ceux-ci qui suffirait pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, en raison de la similitude des signes en cause et de la renommée de la marque italienne de 1966.

49      Par ces arguments, la requérante essaie d’établir un lien de complémentarité entre les produits en cause.

50      Conformément à la jurisprudence, les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Par définition, des produits adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire (voir arrêt easyHotel, point 40 supra, points 57 et 58, et la jurisprudence citée).

51      Selon la jurisprudence, une complémentarité d’ordre esthétique entre des produits peut faire naître un degré de similitude au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Une telle complémentarité esthétique doit consister en un véritable besoin esthétique, en ce sens qu’un produit est indispensable ou important pour l’utilisation de l’autre et que les consommateurs jugent habituel et normal d’utiliser lesdits produits ensemble [arrêts du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, points 60 et 62, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec. p. II‑2353, point 36]. Cette complémentarité esthétique est subjective et est définie par les habitudes ou les préférences des consommateurs, telles qu’elles peuvent résulter des efforts de marketing des producteurs, voire de simples phénomènes de mode (arrêt SISSI ROSSI, précité, point 61).

52      Cependant, il importe de souligner que l’existence d’une complémentarité esthétique entre les produits n’est pas suffisante à elle seule pour conclure à une similitude entre ceux-ci. Il est nécessaire, pour cela, que les consommateurs considèrent comme courant que ces produits soient commercialisés sous la même marque, ce qui implique, normalement, qu’une grande partie des fabricants ou des distributeurs respectifs de ces produits soient les mêmes (arrêts SISSI ROSSI, point 51 supra, point 63, et TOSCA BLU, point 51 supra, point 37).

53      En l’espèce, la requérante n’a pas présenté d’arguments suffisants permettant de démontrer que les produits mentionnés au point 48 ci-dessus étaient des produits complémentaires d’un point de vue esthétique. Elle a certes affirmé qu’il était courant que les grands créateurs de mode étendent leurs activités au domaine des accessoires, comme les lunettes, et qu’il était donc considéré comme courant que ces produits soient commercialisés sous la même marque et qu’une grande partie des fabricants de ces produits soient les mêmes, ce qui met en évidence l’existence d’une certaine proximité entre les produits en cause. Néanmoins, la requérante n’a avancé aucun argument afin d’établir, comme l’exige la jurisprudence, d’une part, que les parfums, les produits cosmétiques, les lunettes, la joaillerie ou les montres étaient indispensables ou importants pour l’utilisation des vêtements ou des chaussures compris dans la classe 25, et d’autre part, que les consommateurs jugeaient habituel et normal d’utiliser lesdits produits ensemble.

54      Étant donné, d’une part, qu’il n’appartient pas au Tribunal d’examiner la similitude des produits compris dans la classe 9 couverts par la marque demandée et la marque italienne verbale enregistrée sous le numéro 274991 et, d’autre part, que la requérante n’a pas réussi à établir l’existence d’une similitude entre les vêtements compris dans la classe 25 et couverts par la marque italienne de 1966 et les parfums, les produits cosmétiques, les lunettes, la joaillerie et les montres compris dans les classes 3, 9 et 14 et visés par la marque demandée, il n’y a pas lieu d’apprécier l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit concernant lesdits produits.

55      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

56      La requérante sollicite le rejet de la demande d’enregistrement pour tous les produits et les services qu’elle visait et, à tout le moins, pour les produits et les services compris dans les classes 1, 4, 8 et 9, 11 à 14, 16, 20 à 22, 27 et 28, 33, 35 et 36, 40 et 42 à 44.

57      La requérante considère, en premier lieu, que l’enregistrement de la marque demandée peut tirer indûment un profit de la marque italienne de 1966. Tout d’abord, elle estime que les produits tels que les lunettes, la joaillerie, la bijouterie et les montres sont, comme les articles de parfumerie et de cosmétique relevant de la classe 3, des produits souvent vendus comme produits de luxe sous des marques célèbres de créateurs et de fabricants réputés. Dès lors, la chambre de recours aurait dû parvenir pour ceux-ci à la même conclusion et dispenser la requérante de fournir un certain type de preuves au-delà de la simple allégation.

58      Ensuite, la requérante considère que, étant donné la renommée de la marque italienne de 1966 et l’extension de ses activités au-delà des produits et des services pour lesquels elle est enregistrée, de nombreux produits et services, s’ils étaient commercialisés sous la marque demandée, risqueraient de tirer indûment profit de la renommée des marques antérieures, à tout le moins ceux qui sont compris dans les classes 4 (y compris les bougies), 8 (coutellerie), 9 (casques, housses pour appareils électroniques), 11 (lampe et autres appareils électriques domestiques), 12 (véhicules, vélos et les bateaux), 14, 16 (papeterie, stylo, agenda, etc.), 20 (meubles, miroirs, cadres et produits similaires), 21 (ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine, verrerie, porcelaine et faïence), 22 (voiles et sacs), 28 (articles de sport, jeux et jouets), 33 (vins et autres boissons alcooliques), 35 (service de vente au détail), 36 (services de cartes de crédit), 42 (services de conception), 43 (services d’hébergement temporaire et de restauration) et 44 (soins d’hygiène et de beauté).

59      La requérante considère, en deuxième lieu, que l’enregistrement de la marque demandée peut également porter préjudice à la renommée de la marque italienne de 1966. À cet égard, elle soutient que les créations désignées par la marque demandée n’ont pas le même niveau que celles couvertes par la marque italienne de 1966 et que l’enregistrement de la marque demandée pour des produits chimiques et des engrais pour la terre compris dans la classe 1, du papier hygiénique non parfumé compris dans la classe 16, des armes de feu et des explosifs compris dans la classe 13 et des services de traitement de matériaux compris dans la classe 40 peut réduire l’attractivité de la marque italienne de 1966.

60      Enfin, en troisième lieu, la requérante fait valoir que l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services de la classification internationale risque de porter atteinte au caractère distinctif de la marque italienne 1966, car la plupart des produits n’ont pas d’intérêt pour l’intervenante.

61      L’OHMI considère que la requérante n’a avancé aucun argument ou preuve, ni devant la chambre de recours, ni devant le Tribunal, permettant d’établir une atteinte effective à la renommée ou au caractère distinctif de la marque italienne de 1966 ou un risque sérieux que cette atteinte se produise dans le futur. Néanmoins, l’OHMI considère que la chambre de recours a pu commettre une erreur en rejetant l’opposition concernant le papier hygiénique en général, relevant de la classe 16.

62      L’intervenante considère que la requérante n’a pas avancé d’indications, ni d’éléments de preuve du préjudice ou du profit indûment tiré de la marque renommée résultant de l’enregistrement de la marque demandée, les arguments présentés à cet égard étant de simples présomptions, des exagérations ou des allégations qui ne correspondent pas à la réalité.

63      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

64      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans la Communauté, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, points 34 et 35, et TOSCA BLU, point 51 supra, points 54 et 55].

65      Selon la jurisprudence, le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou présentant une similitude avec celle-ci. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque nationale antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif [voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Japan Tobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T‑128/06, non publié au Recueil, et la jurisprudence citée].

66      S’agissant, plus particulièrement, de la quatrième condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porterait préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Ce risque vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir arrêt VIPS, point 64 supra, points 36 à 42, et la jurisprudence citée).

67      Les diverses atteintes visées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque dont l’enregistrement est demandé, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Dès lors, l’existence d’un lien entre la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure, qui doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, est donc une condition essentielle pour appliquer cette disposition [voir, à propos de l’article 4, paragraphe 4, sous a), et de l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, Rec. p. I‑12537, points 29, 30 et 38, et du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 41 ; voir aussi arrêt du Tribunal du 10 mai 2007, Antartica/OHMI – Nasdaq Stock Market (nasdaq), T‑47/06, non publié au Recueil, point 53]. Parmi ces facteurs peuvent être cités le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (arrêt Intel Corporation, précité, point 42).

68      Le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure est notamment établi en cas d’exploitation et de parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou lorsqu’il y a tentative de tirer profit de sa réputation, tandis que, d’une part, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure est normalement établi dès lors que l’usage de la marque dont l’enregistrement est demandé aurait pour effet que la marque antérieure ne serait plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée et, d’autre part, le préjudice porté à la renommée de la marque antérieure est normalement établi dès lors que les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé seraient ressentis par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure en serait diminuée [arrêts du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, points 43 et 46, et nasdaq, point 67 supra, point 55].

69      L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, point 67 supra, points 35 et 36).

70      À cet égard, il convient de préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice (arrêts SPA-FINDERS, point 68 supra, point 40, et nasdaq, point 67 supra, point 54). Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes autres circonstances de l’espèce (arrêt nasdaq, point 67 supra, point 54).

71      Néanmoins, le Tribunal a précisé qu’il était possible, notamment dans le cas d’une opposition fondée sur une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée, que la probabilité d’un risque futur non hypothétique de préjudice porté ou de profit indûment tiré par la marque demandée de la marque invoquée en opposition soit tellement évidente que l’opposant n’a besoin d’invoquer et de prouver aucun autre élément factuel à cette fin. Toutefois, il ne saurait être présumé que tel soit toujours le cas. En effet, il est possible que la marque demandée n’apparaisse pas, à première vue, susceptible de créer l’un des trois types de risque visés par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 pour la marque antérieure renommée, en dépit de son identité ou de sa similitude avec cette dernière. Dans ce cas, l’opposition doit être rejetée comme non fondée, à moins qu’un tel risque futur non hypothétique de préjudice ou de profit indûment tiré puisse être démontré à l’aide d’autres éléments, qu’il appartient à l’opposant d’invoquer et de prouver (arrêt VIPS, point 64 supra, point 48 ; voir, également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, Rec. p. I‑5421, point 30).

72      En l’espèce, il convient de constater que toutes les marques antérieures ont été enregistrées et que, comme il résulte du point 47 ci-dessus, il existe une forte similitude entre les signes en conflit. De même, la chambre de recours a reconnu, au point 121 de la décision attaquée, que la marque italienne de 1966 avait acquis une notoriété importante en Italie, tout au moins, pour les vêtements et les chaussures pour dames. Dès lors, les trois premières conditions posées par la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus pour considérer la marque italienne de 1966 comme une marque renommée en ce qui concerne lesdits produits et lui accorder une protection élargie sont remplies.

73      Concernant la quatrième condition, la requérante affirme que l’enregistrement de la marque demandée pour les produits mentionnés aux points 57 à 59 ci-dessus pourrait tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966 ou lui porter préjudice.

74      En ce qui concerne le risque que l’enregistrement de la marque demandée puisse tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966, comme il a été indiqué au point 58 ci-dessus, la requérante a soutenu que la marque demandée avait un potentiel considérable de développement et que l’utilisation de la marque italienne de 1966 avait déjà été étendue au-delà des produits et des services pour lesquels elle avait été enregistrée. Néanmoins, ces arguments ne permettent pas d’établir l’existence dudit risque. En effet, le fait que la requérante ait développé ou puisse développer des activités qui vont au-delà des produits pour lesquels la marque qui jouit de la renommée est enregistrée n’est pas pertinent afin d’établir l’existence dudit risque. La proximité des produits et des circonstances de commercialisation à laquelle fait référence le point 129 de la décision attaquée doit être établie au regard des produits couverts par la marque italienne de 1966 pour lesquels elle jouit de la renommée, à savoir les vêtements et les chaussures pour dames compris dans la classe 25, et non au regard de n’importe quel autre produit ou service développé par son titulaire ou que celui-ci peut développer, comme le prétend la requérante en l’espèce.

75      Par ailleurs, les arguments de la requérante, relatifs, d’une part, au fait que l’intervenante savait que la marque italienne de 1966 était enregistrée dans de nombreux pays et, d’autre part, à son éventuelle mauvaise foi, l’intervenante ayant demandé l’enregistrement de la marque demandée pour 45 classes de produits, ne sont pas non plus pertinents pour établir que l’enregistrement de la marque demandée pourrait tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966 ou porter préjudice à sa renommée ou à son caractère distinctif.

76      Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré qu’il convenait de refuser l’enregistrement de la marque demandée dans les cas des articles de parfumerie et des cosmétiques sur la base de l’affirmation selon laquelle l’enregistrement de ladite marque pour les articles en cause permettrait à son titulaire de tirer indûment un profit de la renommée de la marque italienne de 1966 et de bénéficier de l’image de luxe et d’exclusivité qui entoure ladite marque en raison de la proximité des produits en cause, notamment dans le domaine des produits de luxe, et d’avoir, en revanche, accepté l’enregistrement de la marque demandée pour d’autres produits, notamment les lunettes, comprises dans la classe 9, ainsi que la joaillerie, la bijouterie et les montres, comprises dans la classe 14.

77      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, en premier lieu, au point 96 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient fortement similaires, en deuxième lieu, aux points 121 et 128 de la décision attaquée, que la marque italienne de 1966 bénéficiait d’une notoriété importante sur le marché italien concernant les vêtements et les chaussures pour dames et qu’elle jouissait d’un caractère distinctif fort et d’une renommée et, en troisième lieu, au point 129 de la décision attaquée, que lesdits produits « [faisaient] clairement partie des produits souvent vendus comme produits de luxe sous des marques célèbres de créateurs et de fabricants réputés » et qu’« il [était] en fait très courant que des fabricants de vêtements se tournent vers le marché des cosmétiques et de la parfumerie ». L’ensemble de ces circonstances ainsi que le fait que les produits en cause soient, dans les deux cas, adressés au consommateur moyen suffisent pour considérer que, en ce qui concerne les cosmétiques et la parfumerie, la marque demandée évoquera la marque italienne de 1966 dans l’esprit du consommateur moyen italien et qu’il existe donc un lien entre la marque italienne de 1966 et la marque demandée (voir, en ce sens, arrêt Intel Corporation, point 67 supra, points 41, 42 et 60).

78      Or, ce même raisonnement est susceptible d’être appliqué aux lunettes comprises dans la classe 9 ainsi qu’à la joaillerie, à la bijouterie et aux montres comprises dans la classe 14.

79      En effet, il convient de relever, en premier lieu, que, comme la requérante l’a indiqué, dans le domaine des articles de luxe, des produits comme les lunettes, la joaillerie, la bijouterie et les montres sont aussi vendus sous des marques célèbres de créateurs et de fabricants réputés et que les fabricants de vêtements se tournent donc vers le marché desdits produits. Comme il a été indiqué au point 53 ci-dessus, cette circonstance, qui, contrairement à ce que prétend l’OHMI, a été déjà évoquée par la requérante devant la chambre de recours, met en évidence l’existence d’une certaine proximité des produits en cause. Eu égard à cette proximité, ainsi qu’à la forte similitude des marques en conflit, au fort caractère distinctif de la marque italienne de 1966 et à sa renommée, il y a lieu de considérer que la marque demandée évoquera la marque italienne de 1966 dans l’esprit du consommateur moyen italien. Il existe, dès lors, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu, un lien entre lesdites marques au sens de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus.

80      En second lieu, conformément à la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus, dans ces circonstances, il existe un risque que l’intervenante puisse profiter du lien existant entre la marque demandée et la marque italienne de 1966 pour associer la marque demandée à la renommée dont bénéficie la marque italienne de 1966 sur le marché italien et tirer indûment profit de celle-ci, en l’associant aux idées de luxe et d’exclusivité que véhiculent la marque italienne de 1966, évoquées par la requérante tant devant le Tribunal que devant la chambre de recours, dans le cas des lunettes comprises dans la classe 9, ainsi que de la joaillerie, de la bijouterie et des montres comprises dans la classe 14.

81      Par ailleurs, selon la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus, dans le cas d’une opposition fondée sur une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée, la probabilité d’un risque futur non hypothétique de profit indûment tiré par la marque demandée de la renommée de la marque invoquée en opposition peut être tellement évidente que l’opposant n’a besoin d’invoquer et de prouver aucun autre élément factuel à cette fin. Eu égard à cette jurisprudence, les arguments invoqués par la requérante, même succincts, suffisent à établir l’existence d’un risque que l’enregistrement de la marque demandée pour des lunettes, comprises dans la classe 9, ainsi que pour de la joaillerie, de la bijouterie et des montres, comprises dans la classe 14, puisse tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966.

82      En ce qui concerne les autres produits mentionnés au point 58 ci-dessus, la requérante s’est limitée à invoquer sa « versatilité dans le domaine de la création », l’extension de la marque italienne de 1966 et le fait que les opportunités de commercialisation de ladite marque allaient au-delà des produits et des services pour lesquels elle avait été enregistrée. Néanmoins, ces arguments ne suffisent pas à établir l’existence d’un lien entre la marque italienne de 1966 et la marque demandée. Comme il ressort de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, la requérante n’ayant pas établi l’existence dudit lien, il ne peut être conclu à l’existence d’un risque de profit indûment tiré par la marque demandée de la renommée de la marque invoquée.

83      Par conséquent, il convient de considérer que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, au point 131 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque demandée pour les lunettes, comprises dans la classe 9, ainsi que pour la joaillerie, la bijouterie et les montres, comprises dans la classe 14, ne permettrait pas à l’intervenante de tirer indûment profit de la renommée de la marque italienne de 1966.

84      En ce qui concerne le risque que l’enregistrement de la marque demandée puisse porter préjudice à la renommée de la marque italienne de 1966, il convient de rappeler que la chambre de recours a considéré, aux points 133 et 135 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque demandée pour des produits ménagers quotidiens, compris dans la classe 3, et du matériel de nettoyage et de la paille de fer, compris dans la classe 21, porterait atteinte à l’image d’exclusivité, de luxe et de haute qualité associée à la marque italienne de 1966. En effet, étant donné que, d’une part, comme la chambre de recours l’a souligné au point 133 de la décision attaquée, les marques en cause sont fortement similaires et, d’autre part, que les produits en cause s’adressent au même public, c’est-à-dire le grand public, il est fort probable que le consommateur des produits couverts par la marque italienne de 1966 pour lesquels elle jouit de la renommée, à savoir les vêtements et les chaussures pour dames, établira une association entre ces produits et ceux couverts par la marque demandée susceptible de porter atteinte à l’idée d’exclusivité et aux images de luxe et de haute qualité véhiculées par la marque demandée et, donc, de porter préjudice à la renommée de la marque italienne de 1966.

85      Or, ce même raisonnement est susceptible d’être appliqué au papier hygiénique non parfumé compris dans la classe 16. En effet, le papier hygiénique est un produit d’hygiène quotidien, adressé au grand public, qui, en principe, véhicule des associations d’idées contraires à celles d’exclusivité, de luxe et de haute qualité associée à la marque italienne de 1966. Certes, il est un fait notoire que des papiers hygiéniques de différentes couleurs, considérés comme haut de gamme et exclusifs, sont commercialisés sur le marché intérieur. Cependant, s’agissant habituellement de papiers parfumés, comme l’OHMI l’a fait valoir, ils relèvent donc de la parfumerie et des produits cosmétiques compris dans la classe 3. Ainsi, étant donné, premièrement, que la marque demandée est fortement semblable à la marque italienne de 1966, deuxièmement, qu’elle jouit d’un fort caractère distinctif et d’une renommée et, troisièmement, que, bien qu’étant des produits différents, le papier hygiénique, les vêtements et les chaussures pour dames couverts par la marque italienne de 1966 s’adressent au même public, c’est-à-dire le grand public (voir point 94 de la décision attaquée), il y a lieu de considérer, conformément à la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, qu’il existe un lien entre la marque demandée et la marque italienne de 1966. Dans ces circonstances, l’utilisation de la marque demandée pour désigner du papier hygiénique peut susciter des associations non désirées ou désagréables dans l’esprit du consommateur des produits couverts par la marque italienne de 1966 et peut donc, comme la requérante l’a fait valoir, diminuer sa force d’attraction. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’enregistrement de la marque demandée pour du papier hygiénique compris dans la classe 16 peut porter préjudice à la renommée de la marque italienne de 1966.

86      En revanche, concernant les produits compris dans les classes 1, 13 et 40, les marques en conflit désignent des produits et des services très différents qui s’adressent à des publics différents également. En effet, il s’agit, d’une part, concernant les produits couverts par la marque demandée, des produits chimiques et des engrais pour la terre, compris dans la classe 1, des armes de feu et des explosifs, compris dans la classe 13, et des services de traitement de matériaux, compris dans la classe 40, qui sont adressés principalement à un public professionnel ou spécialisé, et, d’autre part, concernant les produits couverts par la marque italienne de 1966, des vêtements et des chaussures pour dames, compris dans la classe 25, qui sont adressés au grand public, comme il ressort du point 94 de la décision attaquée. Conformément à la jurisprudence, il est dès lors peu probable qu’un lien puisse être établi entre la marque demandée et la marque italienne de 1966 et que les produits et les services couverts par la marque demandée puissent, donc, diminuer la force d’attraction de la marque italienne de 1966 (voir arrêt Intel Corporation, point 67 supra, points 47 à 49, et arrêt SPA-FINDERS, point 68 supra, point 49).

87      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services de la classification internationale risque de porter atteinte au caractère distinctif de la marque italienne de 1966, il y a lieu de le rejeter comme dépourvu de pertinence. En effet, eu égard à la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus, le fait que la plupart des produits puissent ne pas avoir d’intérêt pour l’intervenante est sans pertinence pour établir l’existence dudit risque dans la mesure où il ne permet pas de considérer que la marque italienne de 1966 ne sera plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée et qu’elle risque, donc, d’être diluée.

88      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir ce moyen en ce qui concerne les lunettes comprises dans la classe 9, la joaillerie, la bijouterie et les montres comprises dans la classe 14 et le papier hygiénique compris dans la classe 16 et de le rejeter pour le surplus.

89      Dès lors, il y a lieu d’accueillir le recours et d’annuler partiellement la décision attaquée en ce qui concerne, en premier lieu, la preuve de l’usage des lunettes comprises dans la classe 9 et, en second lieu, l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009 aux lunettes comprises dans la classe 9, à la joaillerie, à la bijouterie et aux montres comprises dans la classe 14 et au papier hygiénique compris dans la classe 16.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, la requérante ainsi que l’OHMI et l’intervenante ont succombé pour partie en leurs conclusions. Par conséquent, il y a d’ordonner que la requérante supportera un tiers des dépens et que l’OHMI et l’intervenante supporteront deux tiers des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 18 juin 2009 (affaires jointes R 770/2008-2 et R 826/2008-2) est annulée en ce qui concerne, en premier lieu, la preuve de l’usage des lunettes comprises dans la classe 9 et, en second lieu, l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 aux lunettes comprises dans la classe 9, à la joaillerie, à la bijouterie et aux montres comprises dans la classe 14 et au papier hygiénique compris dans la classe 16.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Emilio Pucci International BV est condamnée à supporter un tiers des dépens. L’OHMI et El Corte Inglés, SA sont condamnés à supporter deux tiers des dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signature


* Langue de procédure : l’espagnol.