Language of document : ECLI:EU:T:2009:439

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 novembre 2009 (1)

« Défaut d’engagement d’une procédure en manquement – Recours en carence – Irrecevabilité manifeste – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T-354/09,

Goldman Management Inc., établie à Wilmington (Etats-Unis d’Amérique), représentée par Me I. Lilkova, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes

et

République de Bulgarie,

parties défenderesses,


ayant pour objet, d’une part, un recours visant à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue de prendre des mesures nécessaires à l’encontre de la Bulgarie et que la Bulgarie s’est illégalement abstenue d’agir à la suite des demandes de la partie requérante, ainsi que, d’autre part, un recours visant à obtenir réparation du préjudice que la partie requérante aurait subi en raison de ces prétendues carences,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, E. Moavero Milanesi et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure et conclusions de la partie requérante 

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2009, la partie requérante a introduit le présent recours.

2        Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la Commission s’est illégalement abstenue de prendre des mesures nécessaires à l’encontre de la Bulgarie pour ne pas avoir transféré à la partie requérante, en violation du droit communautaire, 90 % des actions de l’entreprise publique « Postes Bulgares » ;

–        condamner la Commission à verser un montant de 50 000 000 000 EUR à la partie requérante au titre des dommages et intérêts ;

–        constater que la Bulgarie s’est illégalement abstenue de transférer à la partie requérante 90 % des actions de l’entreprise publique « Postes Bulgares » ;

–        condamner la Bulgarie à verser un montant de 50 000 000 000 EUR à la partie requérante au titre des dommages et intérêts ;

–        à titre subsidiaire, ordonner le transfert de 90 % des actions de l’entreprise publique « Postes Bulgares » à la partie requérante.

 En droit

3        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable ou lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

4        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

5        Premièrement, la partie requérante demande, en substance, au Tribunal de constater que la Commission s’est illégalement abstenue de prendre des mesures nécessaires à l’encontre de la Bulgarie pour ne pas avoir effectué au bénéfice de la partie requérante le transfert de 90 % des actions de l’entreprise publique « Postes Bulgares », en violation du droit communautaire.

6        Dans la mesure où cette demande doit être comprise en ce sens que la partie requérante demande au Tribunal de constater que la Commission se serait illégalement abstenue d’engager une procédure en manquement contre la Bulgarie, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, est irrecevable le recours en carence intenté par une personne physique ou morale et visant à faire constater que, en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement, la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, C‑247/87, Rec. p. 291). En effet, les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir de l’article 232, troisième alinéa, CE qu’en vue de faire constater qu’une institution s’est abstenue d’adopter, en violation du traité, des actes, autres que des recommandations ou des avis, dont elles sont les destinataires potentiels ou qui concerneraient lesdites personnes de manière directe et individuelle (arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port, C‑68/95, Rec. p. I‑6065, points 58 et 59).

7        Or, dans le cadre de la procédure en manquement régie par l’article 226 CE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T‑479/93 et T‑559/93, Rec. p. II‑1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T‑117/96, Rec. p. II‑141, point 32). En outre, il résulte du système prévu par l’article 226 CE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

8        Il s’ensuit que la demande de la partie requérante visant à faire constater que la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

9        Deuxièmement, le recours vise à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait subi en raison de la prétendue carence de la Commission.

10      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est pas constitutive d’une illégalité, de sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 23 mai 1990, Asia Motor France/Commission, C‑72/90, Rec. p. I‑2181, point 13, et ordonnance du Tribunal du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T‑202/02, Rec. p. II‑181, point 43).

11      En conséquence, la demande de la partie requérante visant à obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait subi suite à la prétendue carence de la Commission constituée par l’absence d’engagement d’une procédure en constatation de manquement, doit être rejetée comme manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

12      Troisièmement, la partie requérante demande au Tribunal de constater que la Bulgarie s’est illégalement abstenue de transférer à son bénéfice 90 % des actions de l’entreprise publique « Postes Bulgares ». En outre, la partie requérante demande réparation du prétendu préjudice résultant de cette abstention illégale.

13      Les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 225 CE, tel que précisé par l’article 51 du statut de la Cour de justice et l’article 1er de l’annexe au statut de la Cour de justice. En application de ces dispositions, le Tribunal est uniquement compétent pour connaître des recours introduits au titre de l’article 232 CE à l’encontre des institutions et organes communautaires, créés par les traités ou par des actes pris pour leur application.

14      En outre, les compétences du Tribunal en matière de responsabilité extracontractuelle sont celles énumérées aux articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE. Conformément à ces dispositions, le Tribunal est uniquement compétent pour connaître des recours en réparation de dommages causés par les institutions communautaires ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions.

15      En l’espèce, il apparaît que l’auteur du comportement reproché, dont il est allégué qu’il a causé un préjudice, n’est ni une institution ni un organe communautaire.

16      Il s’ensuit que les demandes de la partie requérante visant, d’une part, à faire constater la carence de la Bulgarie et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par elle de ce fait, doivent être rejetées pour cause d’incompétence manifeste.

17      Enfin, à titre subsidiaire, la partie requérante demande au Tribunal d’ordonner le transfert à son bénéfice de 90 % des actions de l’entreprise publique « Postes Bulgares ». Or, aucune disposition du traité CE ne permet au Tribunal, dans l’exercice de ses compétences, d’adresser une telle injonction aux institutions communautaires ni aux États membres.

18      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours en partie comme manifestement irrecevable, en partie comme manifestement non fondé et en partie pour cause d’incompétence manifeste, sans qu’il soit nécessaire de le signifier aux parties défenderesses.

 Sur les dépens

19      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête aux parties défenderesses et avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Goldman Management Inc. supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 novembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

        N. J. Forwood


1 Langue de procédure : le bulgare.