Language of document : ECLI:EU:T:2022:247

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 avril 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative SmartThinQ – Marque nationale figurative antérieure SMARTTHING – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Traduction de la liste des produits couverts par la marque antérieure dans la langue de procédure – Usage sérieux de la marque antérieure »

Dans l’affaire T‑181/21,

LG Electronics, Inc., établie à Séoul (Corée du Sud), représentée par Me M. Graf, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Anferlux-Electrodomésticos, Lda, établie à Vila Nova de Monsarros (Portugal),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 3 février 2021 (affaire R 1657/2020‑4), relative à une procédure de nullité entre Anferlux-Electrodomésticos et LG Electronics,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 janvier 2016, la requérante, LG Electronics, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en revendiquant la priorité découlant de la demande de marque coréenne no 40‑2015-0079083, à compter du 27 octobre 2015.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 7 et 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « machines pour la teinture ; machines à laver la vaisselle ; aspirateurs » ;

–        classe 11 : « grils à gaz ; appareils de désinfection de vaisselle à usage ménager ; purificateurs d’eau (non électriques) pour le ménage ; filtres non électriques de purification d’eau à usage domestique ; cuisinières à gaz ; plaques de cuisson électriques : appareils à air chaud ; chauffe-eau solaires ; chauffe-eau ; climatiseurs ; appareils et installations de réfrigération ; appareils de refroidissement ; climatiseurs ; installations de climatisation ; capteurs thermosolaires (de chauffage) ; feux pour vélos ; feux pour automobiles ; réflecteurs pour automobiles : ampoules d’indicateurs de direction pour automobiles ; ampoules d’indicateurs de direction pour automobiles ; dispositifs anti-éblouissants, pour véhicules (garnitures de lampes) ; dégivreurs d’automobiles ; climatiseurs pour automobiles ; phares pour automobiles ; installations et appareils de ventilation (climatisation) pour automobiles ; radiateurs pour automobiles ; appareils pour la purification de l’air ; ioniseurs d’eau non électriques à usage domestique ; ioniseurs électriques ; appareils d’épuration d’eau ; installations pour l’épuration de l’eau ; appareils et machines pour la purification de l’eau ; micro-filtres pour le traitement de l’eau ; installations de désalinisation de l’eau de mer ; installations pour la purification des eaux d’égouts ; filtres pour les eaux usées ; installations pour la purification de l’eau, à usage commercial ; parties de filtres pour appareils d’épuration d’eau ; membranes filtrantes pour eaux d’égout ; appareils et installations d’éclairage ; réfrigérateurs électriques ; réfrigérateurs pour kimchi ; fours à micro-ondes ; cave à vins électrique à usage domestique ; fours ; congélateurs électriques à usage domestique ; sèche-linge ; fours à micro-ondes ; cuisinières électriques ; humidificateurs électriques ; déshumidificateurs électriques à usage domestique ; chauffe-pieds électriques ; épurateurs d’eau à usage domestique ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée le 1er février 2016 et la marque a été enregistrée le 22 mai 2018 sous le numéro 14983861.

5        Le 18 mars 2019, l’autre partie devant la chambre de recours, Anferlux-Electrodomésticos, Lda, a déposé une demande en nullité de ladite marque pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus en vertu des dispositions combinées de l’article 60, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6        La demande en nullité était fondée sur la marque portugaise no 386597, reproduite ci-après, demandée le 14 janvier 2005 et enregistrée le 9 décembre 2005 :

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7        La description des produits couverts par la marque invoquée à l’appui de la demande en nullité figurait dans un extrait de la base de données TMview de l’EUIPO annexé au formulaire de demande en nullité. Cette description était libellée dans la langue du pays d’enregistrement de ladite marque, à savoir le portugais, et traduite en anglais, la langue de procédure, dans les termes suivants : « vacuum cleaners, tumble dryers and washing machines », relevant de la classe 7, et « stoves (except stoves for experiments), refrigerators, stoves, refrigerators, combined and desumifiers », relevant de la classe 11.

8        Le 16 juillet 2019, la requérante a demandé la preuve de l’usage de la marque antérieure.

9        Le 4 décembre 2019, dans le délai imparti par l’EUIPO, l’autre partie devant la chambre de recours a produit des éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure.

10      Par décision du 11 juin 2020, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en nullité. Plus précisément, elle a estimé que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été prouvé pour les « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences), réfrigérateurs, cuisinières portatives, réfrigérateurs équipés d’un congélateur », relevant de la classe 11, et qu’il existait un risque de confusion pour les produits suivants couverts par la marque contestée :

–        classe 7 : « machines pour la teinture ; machines à laver la vaisselle ; aspirateurs » ;

–        classe 11 : « grils à gaz ; appareils de désinfection de vaisselle à usage ménager ; cuisinières à gaz ; plaques de cuisson électriques : appareils à air chaud ; climatiseurs ; appareils et installations de réfrigération ; appareils de refroidissement ; climatiseurs ; installations de climatisation ; réfrigérateurs électriques ; réfrigérateurs pour kimchi ; fours à micro-ondes ; cave à vins électrique à usage domestique ; fours ; congélateurs électriques à usage domestique ; sèche-linge ; fours à micro-ondes ; cuisinières électriques ».

11      La division d’annulation a rejeté la demande en nullité pour le surplus.

12      Le 10 août 2020, la requérante a formé un recours devant l’EUIPO en vertu des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001, tendant à l’annulation de la décision de la division d’annulation dans la mesure où celle-ci avait accueilli la demande en nullité.

13      Par décision du 3 février 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours comme étant non fondé.

14      En particulier, la chambre de recours a constaté, comme la division d’annulation, que l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait été prouvé que pour les « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences), réfrigérateurs, cuisinières portatives, réfrigérateurs équipés d’un congélateur », relevant de la classe 11. S’agissant du risque de confusion, elle a considéré que le Portugal était le territoire pertinent et approuvé la comparaison des produits effectuée par la division d’annulation, que la requérante n’avait pas remise en cause. Ensuite, après avoir procédé à la comparaison des signes en conflit, elle a considéré que, « compte tenu du degré moyen de similitude visuelle, du degré élevé de similitude phonétique et du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure dans son ensemble », il existait un risque de confusion pour tous les produits faisant l’objet du recours devant l’EUIPO.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle a accueilli la demande en nullité ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 8 janvier 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1) (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée), dans sa version antérieure à la modification par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement no 207/2009 et le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21).

18      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 ainsi que, notamment, par celles du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

19      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références à l’article 60, paragraphe 1, sous a), et à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance, dans leurs écritures, comme visant l’article 53, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique. En outre, il convient d’entendre les références à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par la requérante, dans sa requête, comme visant l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, dont la teneur est certes légèrement différente, mais sans que cela ait d’incidence en l’espèce.

20      La requérante présente quatre moyens au soutien du recours.

21      Elle fait valoir en substance que la chambre de recours a violé, premièrement, les principes d’égalité des armes et de neutralité, deuxièmement, l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, troisièmement, les dispositions applicables à l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure, et, quatrièmement, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      Il y a lieu de traiter ensemble les premier et deuxième moyens, puis d’examiner successivement les troisième et quatrième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité des armes et de neutralité, et sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625

23      Le premier moyen se subdivise en deux branches, l’une ayant pour base le principe d’égalité des armes, l’autre le principe de neutralité.

24      Au soutien de la première branche, la requérante avance que la chambre de recours aurait dû considérer que la traduction erronée en anglais, langue de procédure, de la liste des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité rendait celle-ci irrecevable.

25      La requérante fait observer que, conformément à l’article 16, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625, les preuves concernant l’enregistrement de la marque antérieure sont déposées dans la langue de la procédure, soit l’anglais en l’espèce, ou sont accompagnées d’une traduction dans cette langue. Selon la requérante, l’exigence de traduction est fondée sur le principe d’égalité des armes, les deux parties devant avoir la même connaissance des produits couverts par le droit antérieur. Or, l’extrait de la base de données TMview déposé par l’autre partie devant la chambre de recours, pour prouver l’enregistrement de la marque antérieure, contiendrait une liste des produits couverts rédigée en portugais et aurait été accompagné d’une traduction non officielle et erronée de celle-ci en anglais, laquelle ne satisferait pas aux exigences légales. La même traduction erronée se trouverait dans le formulaire de demande en nullité. Cette violation de l’obligation de traduction entraînerait une rupture de l’égalité des armes entre les parties, que la chambre de recours n’aurait, à tort, pas sanctionnée.

26      Par la seconde branche du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir accepté que la division d’annulation ait elle-même corrigé la traduction anglaise erronée de la liste des produits couverts par la marque antérieure. Selon la requérante, en procédant à cette correction, la division d’annulation avait aidé la demanderesse en nullité à remplir son obligation de traduction et, de la sorte, avait méconnu le principe de neutralité. Or, la chambre de recours aurait non seulement toléré une telle inégalité de traitement, mais aussi fondé son appréciation sur cette nouvelle traduction anglaise de ladite liste.

27      S’agissant du deuxième moyen, la requérante invoque une violation de l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, selon lequel, lorsque le demandeur en nullité n’a pas présenté les faits, arguments ou preuves requis à l’appui de sa demande, celle-ci est rejetée comme étant non fondée. Cette disposition n’aurait pas été respectée, du fait du dépôt d’une traduction erronée en anglais de la liste des produits couverts par la marque antérieure, corrigée par la division d’annulation et confirmée par la chambre de recours.

28      L’EUIPO conteste l’ensemble des arguments relatifs aux premier et deuxième moyens, considérant ces derniers comme irrecevables, inopérants et non fondés.

29      Il convient de relever que la décision attaquée n’aborde pas la question de la traduction dans la langue de procédure de la liste des produits couverts par la marque antérieure et invoqués à l’appui de la demande en nullité. Par ailleurs, devant la division d’annulation ou la chambre de recours, la requérante n’a pas avancé d’argument concernant cette traduction.

30      Au point 2 de la décision attaquée, rédigée dans la langue de procédure, donc en anglais, la chambre de recours a d’abord reproduit la traduction dans cette langue de la liste des produits invoqués dans la demande en nullité. Cette traduction du portugais vers l’anglais figurait dans l’extrait de la base de données TMview joint à la demande en nullité et était, pour les produits de la classe 11, libellée ainsi : « stoves (except stoves for experiments), refrigerators, stoves, refrigerators, combined and desumifiers ».

31      Ensuite, aux points 30, 48 et 50 de la décision attaquée, dans le cadre de l’appréciation de l’usage de la marque antérieure, ainsi qu’au point 53 de ladite décision, qui concerne la comparaison des produits pertinents dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours s’est référée à la traduction prétendument corrigée de la liste des produits de la classe 11 couverts par la marque antérieure, cette traduction étant libellée ainsi : « stoves (except stoves for experiments), refrigerators, portable stoves, refrigerators incorporating a freezer ».

32      Il y a lieu de rappeler qu’un extrait de la base de données TMview constitue un document équivalent à une copie du certificat d’enregistrement de la marque, à condition qu’il comporte l’ensemble des informations utiles. En outre, dans le cas où la liste des produits ou des services telle qu’elle figure dans l’extrait de la base de données TMview n’est pas disponible dans la langue de procédure, ladite liste doit être accompagnée de sa traduction dans cette langue [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2018, Deichmann/EUIPO – Vans (V), T‑848/16, EU:T:2018:884, points 61 et 69].

33      En l’espèce, pour prouver l’enregistrement de la marque portugaise antérieure, l’autre partie devant la chambre de recours a fourni un extrait de la base de données TMview, celui-ci contenant une traduction en langue de procédure de la liste des produits qu’elle invoquait à l’appui de sa demande en nullité.

34      Il résulte du dossier de la procédure devant l’EUIPO que la division d’annulation a retenu une traduction partiellement différente de la liste des produits de la classe 11 invoqués à l’appui de la demande en nullité. Cette liste en langue de procédure, qui était, selon la traduction figurant dans l’extrait de la base de données TMview annexé à la demande en nullité, « stoves (except stoves for experiments), refrigerators, stoves, refrigerators, combined and desumifiers », est devenue, dans le cadre des appréciations de la division d’annulation, « stoves (except stoves for experiments), refrigerators, portable stoves, refrigerators incorporating a freezer ».

35      À cet égard, il convient de relever que, lorsque la chambre de recours entérine la décision de l’instance inférieure de l’EUIPO dans son intégralité, comme c’est le cas en l’espèce, cette décision ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision de la chambre de recours a été adoptée, contexte qui est connu des parties et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours [voir arrêt du 24 septembre 2008, HUP Uslugi Polska/OHMI – Manpower (I.T.@MANPOWER), T‑248/05, non publié, EU:T:2008:396, point 48 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, premièrement, il ressort des points 30, 48 et 50 de la décision attaquée que la chambre de recours a fait sienne la traduction retenue par la division d’annulation et qu’elle a explicitement confirmé les appréciations de celle-ci en ce qui concerne l’usage sérieux de la marque antérieure.

37      En particulier, dans sa décision du 11 juin 2020, la division d’annulation avait considéré qu’un usage sérieux avait été prouvé pour plusieurs produits, dont les « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et les « réfrigérateurs », c’est-à-dire des produits dont la description retenue par ladite division en langue de procédure est identique à celle figurant dans l’extrait de la base de données TMview déposé par l’autre partie devant la chambre de recours à l’appui de sa demande en nullité.

38      Parmi les descriptions de produits qui ont été retenues par la division d’annulation et qui diffèrent partiellement de celles figurant dans ledit extrait, à savoir les « cuisinières portatives, congélateurs, réfrigérateurs équipés d’un congélateur », la division d’annulation a estimé que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « cuisinières portatives » et « réfrigérateurs équipés d’un congélateur ».

39      Deuxièmement, aux points 53 et 54 de la décision attaquée, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, la chambre de recours a explicitement confirmé les appréciations de la division d’annulation relatives à la comparaison des produits en cause, en les fondant, s’agissant des produits couverts par la marque antérieure, notamment sur ceux dont la description retenue par ladite division était identique à celle figurant dans l’extrait de la base de données TMview déposé par l’autre partie devant la chambre de recours à l’appui de sa demande en nullité. De plus, il ressort de la décision de la division d’annulation du 11 juin 2020 que cette dernière a considéré que les produits visés par la marque contestée mentionnés au point 10 ci-dessus étaient identiques ou similaires aux produits visés par la marque antérieure relevant de la classe 11 en se référant essentiellement à ces derniers comme étant des « cuisinières » ou des « réfrigérateurs ». Partant, la traduction partiellement différente de la description de certains autres produits couverts par cette dernière marque à laquelle s’est référée la chambre de recours dans la décision attaquée ne saurait avoir affecté la comparaison des produits en cause sur laquelle est fondée la décision attaquée.

40      En tout état de cause, il convient d’observer que les « cuisinières portatives » n’ont pas une finalité fondamentalement différente de celle des « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) ». En effet, les premières comme les secondes servent à cuire des produits alimentaires. De même, les « réfrigérateurs équipés d’un congélateur » n’ont pas une finalité fondamentalement différente de celle des « réfrigérateurs », puisqu’ils servent, les premiers comme les seconds, à conserver des produits alimentaires grâce au froid.

41      Par conséquent, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un type général de produits [« cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et « réfrigérateurs »] et d’un type plus spécifique de produits (« cuisinières portatives » et « réfrigérateurs équipés d’un congélateur »).

42      Dès lors, il n’est pas nécessaire de vérifier si des erreurs commises dans la traduction de la liste des produits relevant de la classe 11 invoqués à l’appui de la demande en nullité ont conduit à une violation des principes d’égalité des armes et de neutralité ou à une violation de l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625.

43      Les premier et deuxième moyens doivent donc être rejetés comme inopérants, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité ou leur bien-fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des dispositions applicables à l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure

44      Par son troisième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’autre partie devant elle avait utilisé de manière sérieuse la marque antérieure pour certains des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité.

45      D’une part, la requérante soutient que le problème de traduction invoqué dans le cadre des premier et deuxième moyens empêche de déterminer si la chambre de recours était en mesure d’appréhender elle‑même la liste desdits produits établie en portugais ou si elle s’est fondée sur la traduction corrigée par la division d’annulation sans en vérifier l’exactitude.

46      D’autre part, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les documents produits devant l’EUIPO démontraient un usage sérieux de la marque antérieure pour les « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences), réfrigérateurs, cuisinières portatives, réfrigérateurs équipés d’un congélateur » relevant de la classe 11.

47      Premièrement, la requérante relève que la marque antérieure a été déposée initialement en tant que marque verbale, composée uniquement de l’élément « smartthing », puis qu’elle a été transformée en une marque figurative au cours de la procédure d’enregistrement. Selon la requérante, l’élément verbal de la marque antérieure renvoie à une caractéristique des produits en cause, parce que tous les produits peuvent être « intelligents » (« smart »), ce que le public pertinent, à savoir le public portugais, comprendrait aisément. Par conséquent, la marque antérieure serait descriptive et ne pourrait dès lors pas avoir fait l’objet d’une utilisation en tant que marque.

48      Deuxièmement, la requérante reconnaît que la chambre de recours a considéré à juste titre que l’autre partie devant elle était tenue de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure au Portugal au cours des cinq années précédant la date de priorité de la marque contestée, à savoir du 27 octobre 2010 au 26 octobre 2015 (ci-après la « première période pertinente »), ainsi qu’au cours de la période de cinq ans précédant la date de dépôt de la demande en nullité, c’est-à-dire du 18 mars 2014 au 17 mars 2019 (ci-après la « seconde période pertinente »). En revanche, la requérante estime que les éléments de preuve produits pour la première période pertinente ne permettaient pas de considérer que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences), cuisinières portatives » ou pour les « réfrigérateurs, réfrigérateurs équipés d’un congélateur ». En outre, elle fait valoir que les montants et les quantités mentionnés sur les factures relevant des deux périodes pertinentes font apparaître un faible chiffre d’affaires pour les produits commercialisés dans la catégorie des appareils ménagers, ce qui ne permettrait pas de prouver un usage sérieux. La chambre de recours aurait par ailleurs tenu compte de factures qui ne seraient pas pertinentes, parce qu’elles seraient postérieures à la seconde période pertinente.

49      Enfin, troisièmement, la requérante invoque l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, selon lequel, aux fins de la preuve de l’usage sérieux d’une marque, il y a lieu de tenir également compte de l’usage de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. Selon elle, la chambre de recours a méconnu cette disposition en considérant que l’absence de l’élément figuratif de la marque antérieure sur les factures ne privait pas ces dernières de pertinence pour l’appréciation de l’usage sérieux de cette marque.

50      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

51      S’agissant d’abord du grief de la requérante tiré de la traduction erronée des descriptions de certains produits relevant de la classe 11 couverts par la marque antérieure et invoqués à l’appui de la demande en nullité, il découle de l’examen des premier et deuxième moyens que ce grief est inopérant. En effet, en tout état de cause, les descriptions retenues par l’EUIPO, en langue de procédure, des produits consistant en des « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et des « réfrigérateurs » étaient identiques à celles figurant dans l’extrait de la base de données TMview déposé par l’autre partie devant la chambre de recours à l’appui de sa demande en nullité et la chambre de recours a considéré que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été prouvé pour ces types généraux de produits.

52      Quant à l’argument de la requérante selon lequel ce n’est qu’au cours de la procédure d’enregistrement que la marque antérieure est devenue figurative, il suffit de constater, comme la chambre de recours l’a fait, que le certificat d’enregistrement portugais de la marque antérieure, dont la validité n’a été contestée par aucune des parties à la procédure devant l’EUIPO, porte sur une marque figurative, et non une marque verbale.

53      De plus, le caractère prétendument descriptif de l’élément verbal « smartthing » n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux. Cet argument est examiné ci-après dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion.

54      S’agissant ensuite de la preuve proprement dite de l’usage sérieux de la marque antérieure, il convient de rappeler que, conformément à l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625, la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de cette marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

55      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que les dispositions applicables en la matière ne visent ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 32 et jurisprudence citée, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 53 et jurisprudence citée].

56      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T-910/16 et T-911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

57      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 4 avril 2019, TESTA ROSSA, T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 30 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte (voir arrêt du 4 avril 2019, TESTA ROSSA, T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 31 et jurisprudence citée).

59      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner l’appréciation de la chambre de recours quant à l’usage sérieux de la marque antérieure.

60      Aux fins de cette appréciation, la chambre de recours s’est fondée sur les éléments de preuve suivants :

–        58 factures établies en portugais par l’autre partie devant la chambre de recours pour des ventes au Portugal entre les mois de juin 2011 et d’octobre 2019, mentionnant notamment la date, le numéro de facture, le client, les produits vendus sous la dénomination « smartthing » avec leur code, leur prix et le nombre d’unités, et accompagnées de traductions partielles en anglais s’agissant des produits vendus tels que des micro-ondes, des réfrigérateurs et des cuisinières ;

–        six pages reprenant des photographies non datées montrant des emballages et des produits sur lesquels la marque antérieure est apposée, son élément figuratif se trouvant néanmoins à gauche de l’élément verbal « smartthing », alors que, dans la version enregistrée de cette marque, l’élément figuratif de celle-ci est situé au-dessus de l’élément verbal ;

–        douze pages d’extraits non datés de catalogues en portugais montrant des produits, notamment des cuisinières et des réfrigérateurs, sur lesquels est apposée la marque antérieure dans sa version comportant l’élément figuratif à gauche de l’élément verbal.

 Sur la durée de l’usage de la marque antérieure

61      Comme la requérante le reconnaît, l’autre partie devant la chambre de recours devait prouver un usage sérieux de la marque antérieure au cours de la première période pertinente ainsi qu’au cours de la seconde période pertinente, conformément aux dispositions combinées de l’article 57, paragraphe 2, et de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenus, respectivement, article 64, paragraphe 2, et article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001).

62      La chambre de recours a estimé qu’une partie importante des factures produites relevaient des périodes pertinentes et que, selon la jurisprudence, les factures postérieures à ces périodes pouvaient aussi être prises en considération pour confirmer ou mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque antérieure et les intentions réelles de son titulaire au cours desdites périodes.

63      Il découle de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) qu’il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 45, et du 8 juillet 2010, Engelhorn/OHMI – The Outdoor Group (peerstorm), T‑30/09, EU:T:2010:298, point 33].

64      De plus, comme le souligne la chambre de recours, il n’est pas exclu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage au cours des périodes pertinentes puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à ces périodes. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours des périodes pertinentes [ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31 ; voir, également, arrêt du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 98 et jurisprudence citée].

65      Compte tenu des considérations énoncées aux deux points précédents et eu égard aux éléments de preuve examinés par la chambre de recours, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de celle-ci quant à la durée de l’usage de la marque antérieure.

 Sur le lieu de l’usage

66      Comme l’a relevé la chambre de recours, la marque antérieure est une marque portugaise. Conformément à l’article 42, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), le territoire pertinent aux fins de l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de cette marque est donc le Portugal, ce que la requérante ne conteste pas.

67      À cet égard, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a déduit que l’usage avait eu lieu sur le territoire pertinent du fait que les factures produites comme éléments de preuve étaient adressées à des clients établis au Portugal et du fait que toutes les factures ainsi que les extraits de catalogues produits par l’autre partie devant elle étaient en portugais.

 Sur l’importance de l’usage

68      La chambre de recours a considéré qu’un nombre suffisant de factures démontraient des ventes sous le nom « smartthing », portant notamment sur des « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et des « réfrigérateurs », et qu’il était clair que les factures faisaient référence aux produits vendus sous la marque antérieure. En outre, elle a relevé que, grâce aux codes attribués aux produits, ceux mentionnés sur les factures pouvaient être associés à ceux figurant dans les catalogues sous la marque antérieure, ce qui prouvait que les produits avaient été commercialisés et que la marque antérieure était utilisée publiquement et vers l’extérieur.

69      Par ailleurs, selon la chambre de recours, bien que le nombre de produits et les volumes mentionnés dans les factures ne fussent pas très élevés, les nombres d’unités vendues de différentes variétés de produits étaient typiques des commandes d’appareils électroménagers, étaient globalement importants et couvraient les périodes pertinentes. De l’avis de la chambre de recours, dans le cadre de l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, ces éléments permettaient de conclure à l’importance suffisante de cet usage.

70      Il y a lieu de constater que, même en limitant l’examen des éléments de preuve aux « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et aux « réfrigérateurs », donc aux types généraux de produits dont la description en langue de procédure dans la demande en nullité n’avait pas été modifiée par la division d’annulation, l’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne l’importance de l’usage de la marque antérieure est exempte d’erreur.

71      Aucun des arguments de la requérante ne saurait remettre en cause cette appréciation.

72      Premièrement, s’agissant des arguments selon lesquels les éléments de preuve produits pour la première période pertinente ne permettraient pas de considérer que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits en cause, la requérante distingue entre « cuisinières » et « réfrigérateurs ».

73      En ce qui concerne les cuisinières, la requérante fait observer que seulement neuf factures ont été produites en rapport avec la première période pertinente et que seulement trois de ces factures sont susceptibles de concerner différents types de cuisinières. Elle ajoute que les autres éléments de preuve relatifs à la première période pertinente n’établissent pas que les produits concernés portaient la marque antérieure. Par exemple, des photographies montreraient des fours à micro-ondes, qui seraient dépourvus de pertinence en l’espèce. En outre, les chiffres d’affaires et les quantités vendues seraient trop modestes pour pouvoir être pris en compte. Par ailleurs, ne pourraient pas être prises en considération les cuisinières en regard desquelles figurent la mention « bonus » et un prix de zéro euro. Enfin, il n’y aurait aucune preuve relative à des cuisinières portatives pour la première période pertinente.

74      En ce qui concerne les réfrigérateurs, la requérante souligne que, parmi les neuf factures produites en rapport avec la première période pertinente, sept mentionnent des réfrigérateurs, correspondant à trois modèles différents, mais que les autres éléments de preuve relatifs à cette période ne contiennent qu’une seule photographie où figure une porte de réfrigérateur sur laquelle est apposé un signe comportant l’élément verbal « smartthing ». Il n’aurait donc pas été prouvé que la marque antérieure apparaissait sur les portes des trois modèles de réfrigérateur concernés par lesdites factures. Partant, la chambre de recours se serait fondée sur de simples présomptions pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure concernant les réfrigérateurs pendant la première période pertinente. De surcroît, elle aurait confondu les éléments de preuve relatifs à la seconde période pertinente avec ceux relatifs à la première période pertinente.

75      Force est de constater que les éléments de preuve produits pour la première période pertinente comprennent une facture relative à une cuisinière, deux factures relatives à des cuisinières portatives et sept factures relatives à des réfrigérateurs. Ils comprennent également des photographies d’emballages de cuisinières, de cuisinières portatives et de réfrigérateurs ainsi que des photographies d’un réfrigérateur et d’une cuisinière. Un signe composé de l’élément verbal « smartthing » avec, à sa gauche, l’élément figuratif de la marque antérieure est apposé sur les emballages ou les produits figurant sur ces photographies. D’autres photographies montrent des fours à micro-ondes sur lesquels un signe similaire est aussi apposé.

76      Même en faisant abstraction des mentions relatives à des fours à micro-ondes figurant sur les factures et des photographies montrant de tels fours, que la requérante considère comme des produits non pertinents, les mentions relatives à des cuisinières, portatives ou non, et à des réfrigérateurs, pourvus ou non de congélateurs, figurant sur les factures et photographies présentées comme éléments de preuve relatifs à la première période pertinente constituent des éléments concrets et objectifs qui doivent être pris en compte dans le cadre de l’appréciation globale de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce qu’il y a lieu d’effectuer, conformément à la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus. Ils permettent d’établir que, durant la première période pertinente, la marque antérieure a effectivement été utilisée pour des « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) », auxquelles il est possible de rattacher les « cuisinières portatives », qui constituent un type spécifique de cuisinières, ainsi que pour des « réfrigérateurs », qu’ils soient ou non pourvus d’un congélateur (voir points 40 et 41 ci-dessus).

77      À cet égard, les produits pour lesquels la mention « bonus » et un prix de zéro euro sont indiqués ne sont pas dépourvus de pertinence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 décembre 2008, Verein Radetzky-Orden, C‑442/07, EU:C:2008:696, points 16 à 21).

78      De plus, comme le fait observer l’EUIPO, les numéros et les dates des factures démontrent une continuité de l’usage, même si, pour la période allant de 2010 à 2015, l’importance de celui-ci apparaît plus limitée.

79      Par ailleurs, concernant les réfrigérateurs, la requérante ne démontre pas qu’il était requis de prouver que la marque antérieure apparaissait sur les portes des trois modèles de réfrigérateur mentionnés sur les factures. Il suffisait qu’il fût prouvé que la marque antérieure était effectivement utilisée sur des réfrigérateurs, ce qui est le cas en l’espèce, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve produits pour la première période pertinente.

80      Il ne saurait non plus être valablement reproché à la chambre de recours d’avoir confondu les éléments de preuve relatifs à la seconde période pertinente avec ceux relatifs à la première période pertinente. En effet, il ressort de la décision attaquée, notamment d’une lecture combinée des points 6, 7, 26 et 36 de celle-ci, que la chambre de recours a vérifié l’existence de l’usage sérieux pour les deux périodes pertinentes.

81      Par conséquent, eu égard à l’appréciation globale, tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et impliquant une certaine interdépendance de ces facteurs, qu’il y a lieu d’effectuer en ce qui concerne l’usage sérieux de la marque antérieure, conformément à la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus, les arguments de la requérante visant la première période pertinente ne sauraient prospérer.

82      Deuxièmement, quant à l’argument de la requérante selon lequel le chiffre d’affaires et les quantités mentionnées sur les factures, concernant les deux périodes pertinentes, seraient trop faibles pour qu’il soit considéré qu’un usage sérieux a été prouvé, il convient d’abord de souligner que l’exigence d’un tel usage ne vise pas à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 55 ci-dessus.

83      En l’espèce, les éléments de preuve qui ont été produits par l’autre partie devant la chambre de recours incluent un total de 58 factures, dont 11 concernent la première période pertinente et 47 la seconde période pertinente. La plupart de ces factures mentionnent des cuisinières, portatives ou non, ou des réfrigérateurs, qu’ils soient pourvus ou non de congélateurs. Grâce aux codes indiqués sur les factures, certains de ces produits peuvent être rattachés aux extraits de catalogues présentés également comme éléments de preuve.

84      Comme pour la première période pertinente, les numéros et les dates des factures démontrent une continuité de l’usage pour la seconde période pertinente.

85      En tout état de cause, les éléments de preuve de l’usage, pris dans leur ensemble, démontrent que la marque antérieure n’a pas fait l’objet d’un usage purement symbolique. Partant, les constatations de la chambre de recours à cet égard doivent être confirmées et l’argument de la requérante tiré d’un chiffre d’affaires et de quantités qui seraient insuffisants doit être rejeté.

86      Troisièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir pris en considération des factures qui seraient dénuées de pertinence, parce qu’elles ne seraient pas relatives aux deux périodes pertinentes. Cet argument de la requérante doit aussi être écarté, car il ressort de la décision attaquée et des éléments de preuve soumis à la chambre de recours que celle-ci n’a fait qu’appliquer une jurisprudence constante en tenant compte de factures postérieures à la seconde période pertinente, datées de 2019, afin de confirmer son évaluation des éléments de preuve relatifs aux périodes pertinentes [ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31  ; voir, également, arrêts du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 98 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2021, AC Milan/EUIPO – InterES (ACM 1899 AC MILAN), T‑353/20, non publié, EU:T:2021:773, points 36 et 37 et jurisprudence citée].

 Sur la nature de l’usage

87      Selon la chambre de recours, les éléments de preuve produits devant l’EUIPO révélaient que la marque antérieure était utilisée sur les emballages et les produits, l’élément figuratif se trouvant néanmoins à gauche de l’élément verbal, et non au-dessus de ce dernier, et que ledit élément verbal était employé seul sur les factures. Elle a considéré que, sous ces formes, le caractère distinctif de la marque antérieure n’avait pas été altéré et que celle-ci avait été utilisée conformément à sa fonction.

88      Il convient de rappeler que, premièrement, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001], est également considéré comme un usage au sens du premier alinéa dudit article 15, paragraphe 1, l’usage d’une marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

89      Deuxièmement, l’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque de l’Union européenne et celle sous laquelle cette marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑404/16, non publié, EU:T:2017:745, point 27 et jurisprudence citée].

90      Eu égard à cette jurisprudence, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé qu’il ne pouvait pas être considéré que le caractère distinctif de la marque antérieure avait été altéré pour le seul motif que son élément figuratif se trouvait à gauche de son élément verbal sur les emballages et les produits, alors que, dans la forme enregistrée de cette marque, l’élément figuratif était au-dessus de l’élément verbal.

91      Quant au fait que seul l’élément verbal de la marque antérieure figure sur les factures, la chambre de recours a considéré à juste titre qu’il était de pratique commerciale courante que de tels documents ne contiennent pas d’élément graphique des marques et que l’identification des produits se limite à des indications verbales. Comme elle l’a correctement exposé, il suffisait que la marque complète, avec son élément figuratif et son élément verbal, fût apposée sur les emballages et les produits et que, à l’aide des codes figurant sur les factures, il fût possible de rattacher ces dernières auxdits emballages et produits.

92      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, y compris celles concernant le caractère inopérant des premier et deuxième moyens, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été établi pour les « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et les « réfrigérateurs ». Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

93      Par le quatrième moyen, la requérante fait d’abord valoir que la traduction erronée en anglais de la liste des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité faisait obstacle à une comparaison exacte avec les produits couverts par la marque contestée.

94      S’agissant du caractère distinctif des éléments composant la marque antérieure, la requérante estime que l’élément figuratif est dominant et que l’élément verbal « smarttthing » est descriptif. Quant à la comparaison des marques en conflit, selon la requérante, celles-ci ne coïncident tout au plus que par cet élément verbal dépourvu de caractère distinctif. Les signes qui les constituent différeraient visuellement et seraient phonétiquement très peu similaires. De plus, leurs différences conceptuelles neutraliseraient toute similitude. Partant, ils seraient globalement différents.

95      Quant à l’appréciation globale du risque de confusion, la requérante se réfère à la jurisprudence selon laquelle, si les produits en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service, où le consommateur choisit lui‑même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance. Elle considère que cette jurisprudence s’applique aux réfrigérateurs et aux cuisinières, qui sont, selon elle, vendus dans les magasins d’électronique et en ligne et sont donc commandés non pas oralement, mais dans le cadre d’un processus de sélection plus long. Compte tenu du niveau d’attention élevé du public pertinent, de la plus grande importance de la différence visuelle et de la neutralisation par les différences conceptuelles de la similitude phonétique très faible, et eu égard au caractère descriptif de l’élément verbal « smartthing » dans la marque antérieure, il n’y aurait pas de risque de confusion.

96      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

97      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

98      Selon une jurisprudence constante, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement constitue un risque de confusion. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

99      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit ici de conditions cumulatives [arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – EasyGroup IP Licensing (EasyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée]. En outre, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du 14 décembre 2006, Mast‑Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

100    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la chambre de recours a estimé à juste titre que, en l’espèce, il existait un risque de confusion.

 Sur le public pertinent

101    Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

102    La chambre de recours a considéré que, étant donné que la marque antérieure était une marque nationale portugaise, le territoire pertinent était celui du Portugal, ce qui n’est, au demeurant, pas contesté par la requérante.

103    Quant au public pertinent, la chambre de recours a indiqué qu’il était composé du grand public, dont le niveau d’attention allait de moyen, par exemple pour les cuisinières portatives, à élevé, par exemple concernant les réfrigérateurs.

104    La requérante fait valoir que le niveau d’attention du grand public est élevé pour les appareils ménagers de grande taille, tels que les cuisinières et les réfrigérateurs, car ces produits seraient conservés par le consommateur moyen pendant plusieurs années et seraient relativement coûteux.

105    À cet égard, il suffit de constater que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé à juste titre que, même dans le cas d’un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, comme c’est le cas pour certains des produits en cause, le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire [arrêt du 19 mai 2021, Yongkang Kugooo Technology/EUIPO – Ford Motor Company (kugoo), T‑324/20, non publié, EU:T:2021:280, point 75]. À la lumière de cette jurisprudence, à supposer, comme le soutient la requérante, que le consommateur moyen ait un niveau d’attention élevé en ce qui concerne les produits en cause qui sont de grande taille, cette considération n’infirmerait pas la décision attaquée, car, dans celle-ci, la chambre de recours a pris en considération un niveau d’attention élevé pour de tels produits.

 Sur la comparaison des produits

106    Il convient de rappeler que la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle certains produits couverts par la marque contestée étaient identiques ou similaires aux produits désignés par la marque antérieure pour lesquels il avait été constaté que celle-ci avait fait l’objet d’un usage sérieux.

107    La requérante n’a pas avancé d’argument de nature à infirmer cette conclusion.

108    En effet, conformément aux considérations formulées ci-dessus au sujet des premier et deuxième moyens, il y a lieu de rejeter d’emblée comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel la traduction erronée en anglais de la liste des produits invoqués à l’appui de la demande en nullité ferait obstacle à une comparaison exacte de ceux-ci avec les produits couverts par la marque contestée.

109    Partant, même si la comparaison des produits est limitée aux « cuisinières (à l’exception des réchauds destinés à être utilisés lors d’expériences) » et aux « réfrigérateurs », c’est-à-dire aux produits dont la description retenue par l’EUIPO en langue de procédure est identique à celle figurant dans l’extrait de la base de données TMview déposé par l’autre partie devant la chambre de recours à l’appui de sa demande en nullité, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les produits couverts par la marque contestée et qui étaient en cause devant elle étaient identiques ou similaires aux produits désignés pour la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes

110    La chambre de recours a comparé les signes suivants :

Marque contestée

Marque antérieure

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–       Sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit

111    La chambre de recours a considéré qu’une partie du public portugais comprendrait le terme anglais « smart », présent dans les deux marques, comme ayant le sens de « fonctionnant comme s’il s’agissait d’une intelligence humaine en utilisant un contrôle informatique automatique portant sur toute caractéristique technologique au-delà des caractéristiques traditionnelles des produits ». Quant au mot anglais « thing », présent dans la marque antérieure, il signifierait « tout objet ou concept, tangible ou non ». La combinaison de mots « smart thing » pour des appareils ménagers, tels que des réfrigérateurs, pourrait être comprise comme renvoyant à des produits électroniques connectés à d’autres appareils ou à des réseaux par l’intermédiaire de différents protocoles sans fil qui peuvent fonctionner de manière interactive et autonome. Par conséquent, pour la partie du public comprenant ces termes, le caractère distinctif de ceux-ci serait inférieur à la moyenne.

112    Selon la chambre de recours, l’élément figuratif de la marque antérieure n’a aucun lien évident avec les produits en cause ni avec le mot « smartthing » et sert principalement d’élément décoratif supplémentaire et distinct. Il posséderait donc un caractère distinctif moyen.

113    Par ailleurs, s’agissant de la marque contestée, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « thinq » était dépourvu de signification pour le public portugais par rapport aux produits concernés. Elle a ajouté que, compte tenu des produits pertinents que sont les appareils ménagers, l’élément figuratif représentant une maison avait un caractère distinctif faible.

114    La requérante conteste l’analyse de la chambre de recours en ce qui concerne les composants de la marque antérieure. Selon elle, l’élément figuratif de celle-ci est dominant et l’élément verbal « smartthing » est descriptif et donc dépourvu de caractère distinctif. Le caractère descriptif de l’élément verbal de la marque antérieure serait confirmé par le fait que la demande d’enregistrement avait initialement porté sur une marque verbale, laquelle avait été transformée en marque figurative au cours de la procédure d’enregistrement.

115    À cet égard, il y a lieu de relever que, premièrement, l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure doit être effectuée par rapport à la marque figurative telle qu’elle a été enregistrée.

116    Deuxièmement, admettre le caractère descriptif de l’élément verbal de la marque antérieure, comme la chambre de recours l’a fait dans une certaine mesure pour la partie du public pertinent portugais qui serait en mesure de comprendre les termes « smart » et « thing », n’a pas pour conséquence qu’il n’y aurait plus lieu de prendre en considération cet élément lors de la comparaison de la marque contestée avec la marque antérieure. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en conflit considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant [voir arrêt du 6 octobre 2021, Guo/EUIPO – Sand Cph (sandriver), T‑505/20, non publié, EU:T:2021:655, point 43 et jurisprudence citée]. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, de sorte que l’appréciation de la similitude entre la marque contestée et la marque antérieure ne saurait se faire uniquement sur la base de l’élément figuratif de cette dernière, à supposer même qu’il soit dominant.

117    De plus, il convient de relever que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 5 mai 2021, Grangé et Van Strydonck/EUIPO – Nema (âme), T‑442/20, non publié, EU:T:2021:237, point 38 et jurisprudence citée]

118    Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération les signes en conflit chacun dans son ensemble pour les besoins de leur comparaison.

–       Sur la comparaison visuelle des signes

119    Sur le plan visuel, la chambre de recours a constaté que les signes en cause coïncidaient par leurs éléments verbaux, sauf la dernière lettre de ces derniers. Les différences liées aux polices de caractères utilisées pour représenter lesdits éléments verbaux et à leurs éléments figuratifs respectifs ne seraient que légères et ne seraient pas suffisantes en elles-mêmes pour neutraliser l’impression de similitude des signes.

120    Les arguments présentés par la requérante concernant la comparaison visuelle des marques en cause visent à accentuer l’importance de l’élément figuratif de la marque antérieure par rapport à son élément verbal, que la requérante considère comme négligeable en raison de son caractère descriptif et accessoire. Elle soutient que les marques en cause diffèrent non seulement au niveau de la stylisation de leurs éléments figuratifs et verbaux, mais également dans leur structure, sans que les lettres qui coïncident ne puissent contrebalancer ces différences.

121    L’argument tiré de l’importance de l’élément figuratif de la marque antérieure et du prétendu caractère descriptif de son élément verbal doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 116 à 118 ci-dessus.

122    En l’espèce, les différences entre les marques en cause que la requérante souligne n’éclipsent pas les éléments qui rendent celles-ci similaires sur le plan visuel, notamment le fait que leurs éléments verbaux sont identiques, sauf en ce qui concerne la dernière lettre, et qu’ils ont, au moins autant que leurs éléments figuratifs, une place importante dans l’impression d’ensemble produite par chacun des signes en conflit.

123    C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle.

–       Sur la comparaison phonétique des signes

124    Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit se prononçaient de manière très similaire, au motif qu’ils partageaient le son de toutes les lettres de leurs éléments verbaux sauf les dernières, respectivement « q » et « g », lesquelles se prononçaient également de manière très similaire.

125    La requérante estime que l’élément distinctif et dominant de la marque antérieure est l’élément figuratif, qui pourrait être lu comme le nombre « 69 », avec trois syllabes, et qui serait différent des deux syllabes de l’élément verbal de la marque contestée. Les éléments ayant une fonction secondaire, tels que l’élément « smartthing » dans la marque antérieure, qu’elle présente comme un « sous-titre », ne seraient pas prononcés, puisque le public pertinent aurait tendance à négliger les éléments accessoires dans les signes composés. À supposer qu’une partie du public pertinent prononce la suite de lettres « s », « m », « a », « r », « t », « t », « h », « i », « n », « g » figurant dans la marque antérieure, la similitude phonétique serait, tout au plus, très faible.

126    Il y a lieu de constater que, comme pour la comparaison visuelle des marques en conflit, la requérante cherche à tort à faire prévaloir l’élément figuratif de la marque antérieure sur son élément verbal, prétendument descriptif. Ses arguments relatifs à la comparaison phonétique doivent être écartés à cet égard pour des motifs analogues à ceux énoncés ci-dessus en ce qui concerne la comparaison visuelle. De plus, la requérante n’explique pas pourquoi le public pertinent prononcerait l’élément figuratif de la marque antérieure comme le nombre « 69 ». En tout état de cause, il n’est pas moins probable que cet élément soit simplement perçu comme un élément décoratif supplémentaire et distinct, ainsi que la chambre de recours l’a constaté, qui ne serait donc pas prononcé et serait donc dépourvu de pertinence aux fins de la comparaison des marques en conflit sur le plan phonétique [voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2016, LR Health & Beauty Systems/OHMI – Robert McBride (LR nova pure.), T‑202/14, non publié, EU:T:2016:28, points 77 et 78 et jurisprudence citée].

127    Par conséquent, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont très similaires sur le plan phonétique.

–       Sur la comparaison conceptuelle des signes

128    Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a distingué entre la partie du public pertinent portugais qui attribuerait une signification aux éléments verbaux des signes en conflit et celle qui ne leur en attribuerait aucune. Pour la première partie de ce public, les marques seraient conceptuellement similaires, à tout le moins à un degré inférieur à la moyenne. Pour la partie dudit public n’attribuant aucune signification auxdits éléments verbaux, de même qu’en ce qui concerne les éléments figuratifs, une comparaison conceptuelle ne serait pas possible et n’influencerait pas l’appréciation de la similitude des signes.

129    La requérante fait valoir que la présente affaire est un cas d’application de la jurisprudence selon laquelle l’absence de similitude sur le plan conceptuel peut à elle seule permettre de conclure que les signes sont différents. Selon la requérante, la marque contestée renvoie au concept de réflexion intelligente (« smart thinking »). En revanche, la marque antérieure évoquerait le nombre « 69 » et l’idée d’une chose intelligente (« smart thing »). Les signes seraient donc conceptuellement différents, ce qui neutraliserait toute similitude sur les autres plans. En définitive, les signes seraient donc différents.

130    Toutefois, la thèse de la requérante ne convainc pas. En effet, d’une part, comme le fait observer l’EUIPO, la comparaison conceptuelle est neutre pour la partie du public pertinent qui n’est pas en mesure de comprendre la signification des termes anglais composant les éléments verbaux des marques en conflit. D’autre part, à l’instar de l’EUIPO, il y a lieu de constater l’existence d’une similitude conceptuelle entre celles-ci pour la partie dudit public qui comprendra ces termes. En effet, le mot « smart » est identique dans les deux marques et, comme la chambre de recours l’a constaté, renvoie à certaines caractéristiques technologiques des produits (voir point 111 ci-dessus). Quant à la suite de lettres « t », « h », « i », « n », « q » figurant dans la marque contestée, elle ressemble fortement au mot « thing », présent dans la marque antérieure, qui signifie, ainsi que la chambre de recours l’a correctement relevé, « tout objet ou concept, tangible ou non ».

131    Il en résulte que, pour la partie du public pertinent qui attribuera une signification aux éléments verbaux des marques en cause, il existe une certaine similitude conceptuelle entre celles-ci, ce qui, par ailleurs, exclut l’application de la jurisprudence invoquée par la requérante selon laquelle l’absence de similitude sur le plan conceptuel peut à elle seule permettre de conclure que les signes sont différents.

132    Il convient de rejeter également l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée renverrait au concept de réflexion intelligente (« smart thinking »), alors que l’élément figuratif de la marque antérieure évoquerait le nombre « 69 » et son élément verbal l’idée d’une chose intelligente (« smart thing »). En effet, cet argument ignore le fait, relevé ci-dessus, que la suite de lettres « t », « h », « i », « n », « q » figurant dans la marque contestée et le mot « thing » présent dans la marque antérieure se ressemblent au point que la première pourra être aisément assimilée au second par la partie du public pertinent qui attribuera une signification à ces éléments. De plus, comme il a été considéré ci-dessus concernant la comparaison phonétique, ledit public ne percevra pas nécessairement l’élément figuratif de la marque antérieure comme le nombre « 69 », qui pourra tout aussi bien être perçu comme un élément purement figuratif et donc, contrairement à ce que fait valoir la requérante, dépourvu de contenu conceptuel.

133    Par conséquent, il n’y a pas lieu de remettre en question l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel soit conduit à constater l’existence d’un degré de similitude à tout le moins inférieur à la moyenne, soit n’est pas possible.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

134    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

135    En l’espèce, il résulte des points 74 à 82 de la décision attaquée que, après avoir pris en compte tous les facteurs pertinents, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

136    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, cette conclusion est exempte d’erreur et les arguments de la requérante à cet égard ne sauraient l’infirmer.

137    Premièrement, la requérante fait valoir que, même si l’on admet qu’il existe un certain degré de similitude entre les signes en conflit, la chambre de recours n’a, à tort, pas pris en compte la prépondérance de la comparaison sur le plan visuel desdits signes, qui résulterait des conditions de commercialisation des produits en cause.

138    À cet égard, il convient de noter que cette prétendue prépondérance de la comparaison sur le plan visuel des signes en conflit n’est pas susceptible de remettre en cause le fait que ces signes doivent être appréciés chacun pris dans son ensemble et que, dans ce cadre, les différences entre eux ne priment pas leurs éléments de similitude. En outre, en tout état de cause, l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse selon laquelle les signes en conflit sont différents sur le plan visuel. Or, une telle prémisse est erronée, eu égard à la conclusion établie au point 123 ci-dessus. Par conséquent, la prépondérance de la comparaison sur le plan visuel invoquée par la requérante ne saurait infirmer le constat de la chambre de recours selon lequel il existe un risque de confusion.

139    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait conclu à tort que le niveau d’attention du consommateur moyen variait de moyen à élevé, il convient de relever que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe un risque de confusion en l’espèce ne saurait être infirmée par un niveau d’attention du public pertinent qui serait élevé pour les produits en cause qui sont de grande taille, eu égard, d’une part, au fait que la chambre de recours a pris en compte un niveau d’attention élevé pour de tels produits (voir points 103 à 105 ci-dessus), et, d’autre part, aux similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles entre ces marques et compte tenu de la similitude, voire de l’identité, existant entre les produits en cause.

140    Partant, le quatrième moyen doit également être rejeté, de même que, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

141    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

142    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      LG Electronics, Inc., supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.