Language of document : ECLI:EU:T:2021:538

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Harcèlement moral – Demande d’assistance – Recours en annulation – Litispendance – Intérêt à agir – Recevabilité – Règle de concordance entre la requête et la réclamation – Obligation de motivation – Incompétence de l’auteur de l’acte – Erreur d’appréciation – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑630/19,

AH, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), représentée par M. F. van Boven et Mme M. Jepsen, en qualité d’agents, assistés de Mme C. Callanan, solicitor,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’Eurofound du 9 novembre 2018 clôturant l’enquête administrative AI‑2018/01 ouverte à la suite de la demande d’assistance pour harcèlement moral formulée par le requérant à l’encontre de ses supérieurs et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait prétendument subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, AH, est agent contractuel auprès de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).

2        Le 12 janvier 2018, le requérant a découvert un fichier intitulé « hrlink », accessible au personnel d’Eurofound sur l’un des serveurs de celle-ci. Ce fichier contenait, notamment, un dossier créé au sujet d’une réclamation administrative que le requérant avait introduite le 8 septembre 2017 contre une décision lui refusant un reclassement rétroactif de son groupe de fonctions (ci-après la « réclamation du 8 septembre 2017 »). Dans ce dossier figuraient des documents concernant le traitement de cette réclamation, dont un courriel du 9 septembre 2017 (ci-après le « courriel du 9 septembre 2017 »), dans lequel le [confidentiel] (1) et le [confidentiel] discutaient, notamment, de la possibilité d’entamer une procédure disciplinaire à l’égard du requérant au vu des fausses allégations faites par ce dernier dans la réclamation du 8 septembre 2017.

3        Le 2 février 2018, le requérant a adressé, par le biais de son avocat, un courriel au directeur exécutif et au chef des ressources humaines alors en fonction (ci-après le « courriel du 2 février 2018 ») ayant pour objet, d’une part, une demande d’assistance afin qu’Eurofound enquête sur les graves manquements de la part de sa hiérarchie découverts à la lecture de ce dossier, concernant notamment la divulgation de ses données à caractère personnel et les propos formulés par le [confidentiel] dans le courriel du 9 septembre 2017 (ci-après, concernant ce dernier aspect, la « demande d’assistance pour harcèlement moral »), et, d’autre part, une demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), tendant à obtenir un paiement de 60 000 euros à titre provisoire pour le préjudice subi en raison de ces manquements.

4        Par courriel du 26 mars 2018, la directrice adjointe d’Eurofound (ci-après la « directrice adjointe ») a informé le requérant qu’Eurofound souhaitait ouvrir d’office une enquête administrative pour harcèlement à la suite des allégations faites par ce dernier dans la réclamation du 8 septembre 2017 et dans le courriel du 2 février 2018, en lui demandant de confirmer s’il souhaitait que cette enquête soit menée.

5        Par courriel du 5 avril 2018, le requérant a écrit à la Commission européenne afin de contester l’inertie d’Eurofound dans le traitement du courriel du 2 février 2018. Le 18 mai 2018, la Commission lui a répondu qu’elle n’était pas compétente pour traiter cette demande, dès lors qu’Eurofound exerçait ses pouvoirs d’autorité habilitée à conclure des contrats (ci-après l’« AHCC ») à l’égard de son personnel de façon indépendante.

6        Par décision du 11 mai 2018, la directrice adjointe a ouvert l’enquête administrative AI‑2018/01 (ci-après l’« enquête administrative »), pour harcèlement moral au titre de l’article 24 du statut, à l’égard de trois membres du personnel d’Eurofound, dont notamment le [confidentiel] et le [confidentiel]. Cette enquête s’est déroulée, sous le contrôle d’une enquêtrice externe, du mois de mai au mois d’octobre 2018.

7        Par décision du 9 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la directrice adjointe a informé le requérant que l’enquêtrice externe lui avait communiqué le rapport de l’enquête administrative pour harcèlement moral (ci-après le « rapport d’enquête ») concluant que les personnes faisant l’objet de cette enquête n’avaient pas méconnu l’article 12 bis du statut et que, dès lors, aucune décision ne serait prise par Eurofound à leur égard. À sa demande, le requérant a reçu une copie dudit rapport le 10 novembre 2018.

8        Par courriel du 11 février 2019 (ci-après le « courriel du 11 février 2019 » ou la « réclamation du 11 février 2019 »), adressé à la directrice adjointe, le requérant a, par le biais de son avocat, contesté les conclusions du rapport d’enquête ainsi que l’absence de décision de celle-ci sur la demande d’assistance pour harcèlement moral, en précisant que ce courriel devait être considéré comme une réclamation dans l’hypothèse où une décision aurait déjà été prise à cet égard. Par courriel du 18 février 2019, la directrice adjointe a accusé réception de ce courriel en répondant que celui-ci allait être traité par l’unité des ressources humaines d’Eurofound.

9        Par courriel du 7 mars 2019, la Commission a également accusé réception du courriel du 11 février 2019, qui lui a été transféré par Eurofound, en le considérant comme une réclamation administrative au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et a informé le requérant qu’elle se chargerait de l’instruction du dossier. Par courriel du 11 mars 2019 adressé à la Commission, le requérant a contesté le fait que son courriel du 11 février 2019 ait été interprété comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dès lors qu’il s’agissait seulement d’une demande visant à ce qu’Eurofound se prononce sur les conclusions du rapport d’enquête.

10      Par décision du 7 juin 2019, communiquée au requérant le 10 juin 2019, le comité du conseil d’administration chargé des questions relatives au personnel d’Eurofounda rejeté la réclamation du 11 février 2019 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2019, le requérant a introduit le présent recours. Par acte séparé du même jour, il a demandé, d’une part, le bénéfice de l’anonymat, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, qui lui a été accordé le 29 octobre 2019. D’autre part, le requérant a demandé, en application de l’article 68 du même règlement, que la présente affaire soit jointe à l’affaire enregistrée sous le numéro T‑52/19 et, à titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la jonction ne serait pas accordée, de suspendre la procédure dans la présente affaire dans l’attente du prononcé de la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑52/19. Eurofound a déposé ses observations sur ces deux dernières demandes le 29 octobre 2019.

12      Le 22 octobre 2019, le requérant a présenté une demande d’omission de certaines données envers le public.

13      Par décision du 20 novembre 2019, le président de la première chambre du Tribunal a décidé de ne pas suspendre la procédure et de ne pas joindre l’affaire T‑52/19 à la présente affaire à ce stade de la procédure.

14      Eurofound a déposé le mémoire en défense le 11 décembre 2019.

15      Le requérant a déposé la réplique le 10 février 2020, qui contient également une demande de mesures d’organisation de la procédure.

16      Eurofound a déposé la duplique le 16 avril 2020, à la suite de quoi la phase écrite de la procédure a été clôturée.

17      Le 29 avril 2020, le requérant a formulé une demande motivée, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

18      Par décision du 1er octobre 2020, le Tribunal a joint la présente affaire à l’affaire T‑52/19, AH/Eurofound, aux fins de la phase orale de la procédure. Le même jour, le Tribunal a ouvert la phase orale de la procédure.

19      Le 25 novembre 2020, Eurofound a déposé une offre de preuve. Le 30 novembre 2020, le Tribunal a invité le requérant à présenter ses observations sur cette preuve oralement lors de l’audience.

20      Le 1er décembre 2020, Eurofound a présenté une demande de dérogation au régime linguistique pour la phase orale, afin de pouvoir s’exprimer en anglais. Le 3 décembre 2020, le président de la première chambre du Tribunal a décidé de ne pas faire droit à la demande d’Eurofound de plaider en anglais lors de l’audience de plaidoiries, une telle demande de dérogation ne pouvant, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous f), et de l’article 45, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, être introduite par l’un des organes ou organismes de l’Union européenne.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 décembre 2020.

22      Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner Eurofound à lui verser une indemnité en réparation du préjudice moral subi, évaluée à 30 000 euros ;

–        condamner Eurofound aux dépens.

23      Dans le mémoire en défense, Eurofound conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

–        rejeter la demande du requérant visant sa condamnation aux dépens et condamner ce dernier à la totalité des dépens.

24      Dans la réplique, le requérant demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit à sa demande de production des mandats au travers desquels les différents intervenants internes ainsi que le cabinet d’avocats externe ont été mandatés pour :

–        répondre à la demande d’assistance pour harcèlement moral contenue dans le courriel du 2 février 2018 ;

–        répondre à la réclamation du 11 février 2019 ;

–        défendre Eurofound dans le cadre de la présente affaire ;

–        lui allouer le bénéfice des conclusions telles que développées dans la requête.

25      Dans la duplique, Eurofound conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

–        rejeter dans leur intégralité comme irrecevables et, en tout état de cause, dénuées de fondement les demandes de production de documents présentées dans la réplique ;

–        condamner le requérant à la totalité des dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

26      À l’appui des conclusions en annulation, le requérant invoque huit moyens tirés, le premier, de la méconnaissance du principe de bonne administration ; le deuxième, de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée ; le troisième, de l’absence de décision concernant la demande d’assistance pour enquêter sur des comportements inappropriés ; le quatrième, du défaut de motivation de la décision attaquée ; le cinquième, du conflit d’intérêts ainsi que de l’absence d’indépendance, de neutralité et d’objectivité ; le sixième, de la violation des articles 24 et 12 bis du statut, notamment du devoir de sollicitude et d’assistance ; le septième, de la violation du droit d’être entendu et le huitième, de l’erreur d’appréciation.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation

27      Sans exciper formellement de l’irrecevabilité du recours au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, Eurofound fait valoir des arguments en ce sens. Premièrement, elle invoque une exception de litispendance, dès lors que le requérant chercherait à soulever des questions similaires à celles dont le Tribunal a été saisi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19).

28      Deuxièmement, Eurofound soutient que le requérant n’aurait pas d’intérêt légitime à obtenir l’annulation de la décision attaquée, dès lors qu’il est certain que, même en présence d’irrégularités de procédure, cette décision ne saurait avoir un contenu différent.

29      Troisièmement, elle soulève une violation de la règle de concordance entre la réclamation et la requête, dès lors que les demandes dont le Tribunal est saisi dans le présent recours n’ont pas le même objet ni ne reposent sur les mêmes motifs que ceux exposés dans la réclamation du 11 février 2019. Cette réclamation se bornerait à énoncer que les griefs sur lesquels elle repose sont similaires à ceux figurant dans une autre réclamation relative à la violation des données à caractère personnel que le requérant avait introduite antérieurement, sans apporter davantage d’éléments ni d’explications.

30      Le requérant conteste ces arguments.

–       Sur l’exception de litispendance avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T52/19)

31      Selon une jurisprudence constante, un recours qui oppose les mêmes parties et tend aux mêmes fins, sur le fondement des mêmes moyens qu’un recours introduit antérieurement, doit être rejeté comme irrecevable (voir ordonnance du 20 juin 2018, L/Parlement, T‑156/17, non publiée, EU:T:2018:379, point 21 et jurisprudence citée).

32      Il incombe donc au Tribunal d’examiner si les recours dans la présente affaire et dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur les mêmes moyens.

33      En l’espèce, premièrement, il est constant que le présent recours et le recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), ont été introduits par la même partie requérante et concernent la même partie défenderesse.

34      Deuxièmement, s’agissant de l’objet du litige, il y a lieu de relever que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), a pour objet une demande tendant, notamment, à l’annulation de la décision du 22 mars 2018 concernant une demande d’assistance formulée par le requérant dans le cadre du courriel du 2 février 2018 au sujet de la divulgation de ses données à caractère personnel (arrêt de ce jour, AH/Eurofound, T‑52/19, points 9 et 37), alors que le présent recours a pour objet une demande tendant, notamment, à l’annulation de la décision de la directrice adjointe du 9 novembre 2018 clôturant l’enquête administrative ouverte à la suite de la demande d’assistance pour harcèlement moral formulée par le requérant dans le même courriel du 2 février 2018 à l’encontre de ses supérieurs.

35      Force est dès lors de constater que les objets des deux recours sont différents.

36      Dans ces circonstances, en l’absence d’identité d’objet, il doit être conclu que les conditions pour constater l’existence d’une situation de litispendance ne sont pas réunies. Les arguments d’Eurofound concernant la litispendance entre la présente affaire et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), doivent dès lors être rejetés.

–       Sur l’absence d’intérêt à agir du requérant

37      S’agissant d’une question aussi grave que le harcèlement moral, il doit être admis qu’un fonctionnaire ou agent qui se prétend victime d’un tel harcèlement et qui attaque en justice le refus de l’institution d’examiner au fond une demande d’assistance, examen requis pour décider d’ouvrir une enquête ou de prendre une autre mesure appropriée, conserve en principe l’intérêt légitime requis par la jurisprudence en tant que condition de recevabilité d’une requête. Cela vaut également dans le cas où la décision prise sur la base du rapport d’enquête ne donnerait pas satisfaction au fonctionnaire qui s’est plaint de harcèlement (arrêt du 26 février 2013, Labiri/CESE, F‑124/10, EU:F:2013:21, point 57).

38      En l’espèce, le requérant conteste la décision par laquelle Eurofound a entériné les recommandations formulées dans le rapport d’enquête, selon lesquelles les personnes visées par sa demande d’assistance n’ont pas commis de faits de harcèlement à son égard. Ainsi, le requérant justifie, à la lumière de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, d’un intérêt à voir la décision attaquée annulée.

39      Dès lors, la fin de non-recevoir, tirée du défaut d’intérêt à agir, doit être rejetée.

–       Sur la règle de concordance entre la réclamation et la requête

40      Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il ressort d’une jurisprudence établie que la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, premier tiret, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’AHCC ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou agents et l’administration. Partant, le juge de première instance est en droit de rejeter comme irrecevable un moyen ne respectant pas la règle de concordance, sans qu’il soit tenu d’examiner le bien-fondé d’un tel moyen (voir arrêt du 25 octobre 2018, DI/EASO, T‑129/17 RENV, non publié, EU:T:2018:722, point 56 et jurisprudence citée).

41      Il s’ensuit que, sous réserve des exceptions d’irrecevabilité et des moyens d’ordre public, les conclusions présentées devant le juge de l’Union de première instance ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts du 19 juillet 2016, Opreana/Commission, F‑67/15, EU:F:2016:153, point 61 et du 25 octobre 2018, DI/EASO, T‑129/17 RENV, non publié, EU:T:2018:722, point 57).

42      Ensuite, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture. En effet, l’article 91 du statut n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation. Toutefois, pour que la procédure précontentieuse prévue par l’article 91, paragraphe 2, du statut puisse atteindre son objectif, il faut que l’autorité en cause soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (arrêt du 25 octobre 2018, DI/EASO, T‑129/17 RENV, non publié, EU:T:2018:722, point 58).

43      Enfin, la motivation d’une décision portant rejet de la réclamation est censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée. Partant, dans l’hypothèse où le réclamant prendrait connaissance de la motivation de l’acte lui faisant grief par le biais de la réponse à sa réclamation ou dans l’hypothèse où la motivation de ladite réponse modifierait, ou compléterait, substantiellement la motivation contenue dans cet acte, tout moyen avancé pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé de la motivation exposée dans la réponse à la réclamation doit être considéré comme recevable (arrêt du 25 octobre 2018, DI/EASO, T‑129/17 RENV, non publié, EU:T:2018:722, point 62).

44      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’analyser si la règle de concordance entre la réclamation et la requête a été respectée par le requérant.

45      À titre liminaire, il importe de rappeler que les moyens tirés de l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief, de la violation des formes substantielles et de l’absence ou de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée sont des moyens d’ordre public qu’il appartient au Tribunal d’examiner d’office (arrêt du 6 novembre 2012, Marcuccio/Commission, F‑41/06 RENV, EU:F:2012:149, point 65). Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 41 ci-dessus, la règle de concordance entre la réclamation et la requête ne s’applique pas à de tels moyens.

46      En l’espèce, il y a lieu de relever que les deuxième et quatrième moyens invoqués au soutien des conclusions en annulation sont tirés, respectivement, de l’incompétence de l’auteur de l’acte faisant grief et du défaut de motivation. En conséquence et sans qu’il soit besoin de s’interroger quant à leur présence, en substance, dans la réclamation administrative, il y a lieu de les déclarer recevables.

47      S’agissant des six autres moyens soulevés par le requérant, il y a d’abord lieu d’analyser le contenu et la structure de la réclamation du 11 février 2019.

48      Cette réclamation est rédigée dans les termes suivants :

« […]

Néanmoins, bien qu’après réalisation de l’enquête, la personne en charge de celle-ci d[oive] transmettre ses conclusions au directeur adjoint et que cette transmission ait pour but de fournir la matière suffisante au directeur adjoint afin de prendre une décision concernant la plainte à l’initiative de cette enquête, aucune décision, quelle qu’elle soit, n’a été transmise à mon client.

Par conséquent, nous vous prions de nous communiquer dans les meilleurs délais la décision du directeur adjoint concernant la plainte qu’il a formulée à l’encontre de […]

Néanmoins, en vue de protéger les droits et intérêts de mon client, tenant compte des difficultés d’interprétation rencontrées par le passé concernant le dossier lié à la protection [des données à caractère personnel], il tient à préciser qu’il conteste les conclusions de ce rapport.

Si vous considérez donc qu’une décision définitive suite à la remise de ce rapport a déjà été prise, veuillez considérer la présente comme valant réclamation.

Concernant les motifs de celle-ci, ils seront de l’ordre de ceux présentés au travers de la réclamation introduite contre la décision de rejet de sa plainte visant la protection de ses données personnelles et peuvent être listés comme suit :

–        illégalité de la décision pour absence d’[AHCC] compétente ;

–        conflit d’intérêts manifeste en l’absence d’indépendance, de neutralité et d’objectivité dans le chef des enquêteurs par rapport aux personnes visées par la plainte ;

–        absence de prise en considération de l’ensemble de la matière fournie par le plaignant ;

–        erreur d’appréciation.

[C]ela étant dit, dès lors qu’en principe ce rapport n’est que le préalable à la décision, et que les délais de la phase précontentieuse […] ne s’appliquent pas, veuillez considérer comme valant demande de vous prononcer désormais sur la demande d’assistance et la plainte introduite par mon client.

[…] »

49      D’emblée, le Tribunal constate que ladite réclamation expose de manière extrêmement succincte les critiques dirigées contre la décision attaquée.

50      Pour autant, il y a lieu de relever que le requérant se réfère également, dans la réclamation, à la procédure précontentieuse ayant abouti à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), et invite l’AHCC à comprendre ses griefs à l’aune, en particulier, de la réclamation antérieure déposée dans ce contexte. De plus, le requérant avait souligné dans sa réclamation qu’il ne l’introduisait qu’aux fins de sauvegarder ses droits à contester la décision attaquée, tout en faisant explicitement état de difficultés à comprendre la procédure suivie par Eurofound pour traiter la demande d’assistance pour harcèlement moral, ainsi que de son intention d’introduire une réclamation lorsque la décision qu’il attendait serait finalement rendue.

51      Or, il ressort de la décision de rejet de la réclamation qu’Eurofound a compris à quoi le requérant faisait référence. Elle prend en effet position, notamment, sur les griefs soulevés par le requérant dans cette réclamation quant à l’erreur d’appréciation des faits analysés dans le cadre de l’enquête administrative, ainsi qu’au conflit d’intérêts des enquêteurs et à leur absence d’indépendance, de neutralité et d’objectivité.

52      En conséquence, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, Eurofound a été en mesure de répondre aux griefs du requérant tirés respectivement du conflit d’intérêts et de l’erreur d’appréciation, et que ceux-ci reposent sur le même fondement juridique que les cinquième et huitième moyens, il doit être conclu que ces moyens sont recevables au regard de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

53      S’agissant des premier, troisième, sixième et septième moyens, le Tribunal constate que les prétentions figurant dans ces moyens ne ressortent pas expressément de la réclamation du 11 février 2019 et qu’elles ne sont pas dirigées à l’encontre de la motivation contenue dans la décision de rejet de cette réclamation.

54      Cela étant précisé, il convient de relever, en ce qui concerne le troisième moyen, que le requérant fait valoir, dans la requête, qu’aucune décision concernant la demande d’assistance portant sur les comportements inappropriés de la part de sa hiérarchie et la demande indemnitaire qui y est afférente n’a été adoptée, dès lors que la décision attaquée se limite à rejeter l’existence d’un harcèlement et à clôturer l’enquête.

55      Or, il y a lieu de relever que, dans la réclamation du 11 février 2019 (voir point 48 ci-dessus) le requérant s’étonnait du fait qu’aucune décision concernant la « plainte » à l’initiative de cette enquête ne lui avait été transmise. Il importe de rappeler, à cet égard, que la « plainte » à laquelle fait référence le requérant, qui correspond en substance au courriel du 2 février 2018, contenait également une demande indemnitaire pour la réparation du préjudice moral découlant des prétendus manquements de la part de sa hiérarchie, y compris donc pour le prétendu harcèlement moral subi, à laquelle Eurofound n’a jamais répondu.

56      En conséquence, le troisième moyen se rattachant étroitement aux prétentions invoquées par le requérant dans la réclamation du 11 février 2019, il doit être conclu à sa recevabilité au regard de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

57      S’agissant du sixième moyen, tiré de la violation de l’article 12 bis et de l’article 24 du statut ainsi que des devoirs d’assistance et sollicitude, il y a lieu de relever que, dans la requête, le requérant fait valoir, en substance, que l’administration aurait réagi de manière inappropriée et porté atteinte à sa crédibilité à plusieurs reprises tout au long de la phase précontentieuse ayant abouti à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19). Or, le requérant ayant précisé dans la réclamation du 11 février 2019 que « les motifs [de celle-ci] seraient de l’ordre de ceux présentés au travers de la réclamation introduite contre la décision de rejet de sa plainte visant la protection de ses données personnelles », il doit être conclu que le sixième moyen repose sur le même fondement juridique que le grief soulevé dans la réclamation et est, de ce fait, recevable au regard de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

58      S’agissant du septième moyen, le requérant fait valoir, en substance, qu’Eurofound aurait méconnu son droit d’être entendu. Plus particulièrement, il n’aurait pas été entendu par la directrice adjointe quant au contenu de certains documents, notamment l’échange de correspondance entre le cabinet d’avocats externe et l’avocat du requérant, qui auraient été exclus de l’enquête par les personnes chargées de celle-ci et qui montreraient l’hostilité et le préjugé d’Eurofound à l’encontre du requérant.

59      Or, il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il ne ressort aucunement de la réclamation du 11 février 2019 que le requérant aurait demandé à être entendu par la directrice adjointe sur le rapport d’enquête ni, encore moins, au sujet de ces documents.

60      Dans ces circonstances, il y a lieu de déclarer le septième moyen irrecevable en raison du non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

61      S’agissant du premier moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration, le requérant précise, au point 70 de la requête, que ce moyen n’est pas autonome, dans la mesure où le comportement inapproprié et non diligent d’Eurofound déploré par ce dernier est décrit au travers des autres moyens en annulation. Ainsi, la substance de la cause du premier moyen ne se distinguant pas de celle des autres moyens en annulation analysés ci-dessus, notamment les deuxième à sixième et huitième moyens, il y a lieu de constater que le premier moyen est recevable au regard de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

62      Eu égard à ce qui précède, il doit être conclu que tous les moyens en annulation, à l’exception du septième, sont recevables au regard de cette règle.

 Sur le bien-fondé des conclusions en annulation

63      Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, les deuxième et quatrième moyens, ceux-ci tenant à l’illégalité externe de la décision attaquée, ensuite les troisième, cinquième, sixième, huitième et premier moyens, ceux-ci concernant la légalité interne de cette décision.

–       Sur le deuxième moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte faisant grief

64      Le requérant soutient, en substance, qu’il y a eu confusion quant à l’identification de l’AHCC compétente concernant sa demande d’assistance pour harcèlement moral, dans la mesure où, dans un premier temps, c’est un cabinet d’avocats externe qui a accusé réception de cette demande, lequel serait également intervenu à plusieurs reprises dans le cadre de la phase précontentieuse, et, dans un second temps, c’est la directrice adjointe qui a, d’abord, par décision du 11 mai 2018, ouvert l’enquête administrative, puis adopté la décision attaquée.

65      À ce dernier égard, le requérant affirme, en outre, que la seule possibilité prévue pour le transfert du pouvoir de l’AHCC à la directrice adjointe est, selon l’article 53 du règlement (CECA, CEE, Euratom) no 1860/76 du Conseil, du 29 juin 1976, portant fixation du régime applicable au personnel de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (JO 1976, L 214, p. 24, ci-après le « règlement du personnel d’Eurofound »), l’empêchement ou l’absence du directeur exécutif. En revanche, le conflit d’intérêts n’est pas prévu par ce règlement. En effet, le conflit d’intérêts étant une circonstance exceptionnelle, celui-ci ne pourrait pas être assimilé à un empêchement. Le requérant ajoute encore qu’il incombait à la Commission, en qualité d’autorité de contrôle, de suspendre provisoirement les pouvoirs du directeur exécutif et de les confier à « un des membres ou à un comité ad hoc ».

66      Eurofound conteste ces arguments.

67      D’emblée, le Tribunal relève que, s’il est vrai qu’un cabinet d’avocats externe a accusé réception du courriel du 2 février 2018 contenant la demande d’assistance pour harcèlement moral, ce cabinet n’a toutefois pris aucune décision concernant l’enquête administrative entamée à la suite de cette demande. En effet, force est de constater que c’est la directrice adjointe qui, par courriel du 26 mars 2018, a informé le requérant qu’Eurofound souhaitait ouvrir d’office une enquête administrative à la suite des allégations faites par ce dernier dans sa réclamation du 8 septembre 2017 et dans son courriel du 2 février 2018.

68      Ensuite, dans la mesure où la compétence de la directrice adjointe pour adopter la décision attaquée est remise en cause, il convient de relever que l’article 53 du règlement du personnel d’Eurofound, dont se prévaut le requérant, dispose :

« 1. Sans préjudice de l’article 54, les dispositions applicables au directeur et au directeur adjoint sont fixées par le conseil d’administration.

2. Le directeur adjoint assiste le directeur, il le remplace en cas d’absence ou d’empêchement. »

69      À cet égard, il y a lieu de constater, premièrement, que l’article 53 du règlement du personnel d’Eurofound n’exclut nullement que la notion d’« empêchement » puisse englober tous les cas dans lesquels le directeur exécutif est empêché d’exercer ses fonctions, indépendamment du motif d’empêchement, y compris en raison d’un conflit d’intérêts.

70      Deuxièmement, dans la mesure où le requérant affirme que la Commission, en qualité d’autorité de contrôle, aurait dû suspendre provisoirement les pouvoirs du directeur exécutif d’Eurofound et les confier « à un des membres ou à un comité ad hoc », il convient de relever qu’il n’indique pas la base légale sur laquelle la Commission aurait pu s’appuyer pour procéder à une telle suspension, ni, a fortiori, les dispositions consacrant une obligation, pour la Commission, d’agir en ce sens.

71      Il s’ensuit que la décision attaquée n’est entachée d’aucune illégalité en ce qu’elle a été adoptée par la directrice adjointe.

72      Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant non fondé.

–       Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de motivation

73      Le requérant fait valoir, d’abord, que la décision attaquée ne serait pas motivée, puisqu’elle consiste en un courriel, dénommé « Suite du rapport final AI-2018/01 », dans lequel ne figurerait ni la qualité de la personne ayant pris la décision ni le rapport en question. Ensuite, par ledit courriel, la directrice adjointe aurait seulement indiqué avoir approuvé les conclusions du rapport d’enquête, mais non son contenu. Enfin, dans ce courriel, la directrice adjointe n’aurait pas pris position sur les commentaires présentés par le requérant à l’égard du projet de rapport d’enquête et n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle les courriels échangés entre les conseils des parties n’ont jamais été pris en considération dans le cadre de l’enquête administrative.

74      Eurofound conteste l’argumentation du requérant.

75      À cet égard, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 60 et jurisprudence citée).

76      Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, EU:T:2005:437, point 93 et jurisprudence citée). En outre, une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire ou de l’agent concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, EU:T:2005:437, point 97 et jurisprudence citée). Enfin, une institution de l’Union peut remédier à un éventuel défaut de motivation par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation, cette dernière motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 62 et jurisprudence citée).

77      S’agissant en particulier d’une décision adoptée à l’issue d’une enquête administrative, il a été jugé qu’il n’y avait pas de violation de l’obligation de motivation lorsque la décision attaquée a fait référence à un rapport d’enquête qui expose les motifs qui ont conduit l’autorité chargée de l’enquête à rejeter les griefs allégués dans la plainte (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, points 163 à 165, et du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, points 166 à 168).

78      Or, en l’espèce, en premier lieu, il importe de constater que le courriel contenant la motivation de la décision attaquée est concis. Néanmoins, il est malgré tout possible de déduire de ce dernier, dans des termes clairs et précis, d’une part, l’identité de l’autorité ayant adopté la décision, à savoir la directrice adjointe, et, d’autre part, les raisons ayant mené celle-ci à clôturer sans suite l’enquête administrative. À ce dernier égard, il ne saurait être reproché à l’AHCC d’avoir fait un renvoi au rapport d’enquête afin de motiver sa décision. En effet, d’une part, selon la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, il n’y a pas de violation de l’obligation de motivation lorsque la décision attaquée fait référence à un rapport d’enquête qui expose les motifs qui ont conduit l’autorité chargée de l’enquête à rejeter les griefs allégués dans la demande d’assistance. D’autre part, il ressort du dossier déposé devant le Tribunal que le rapport d’enquête en question contient une analyse très minutieuse de toutes les allégations avancées par le requérant.

79      En deuxième lieu, la décision attaquée a été adoptée à l’issue d’une enquête administrative ouverte aux fins d’établir si les griefs de harcèlement formulés par le requérant, notamment dans son courriel du 2 février 2018, étaient fondés, ce qui impliquait l’examen, par les enquêteurs, des circonstances factuelles alléguées par le requérant. Ce dernier connaissait ainsi le contexte dans lequel était intervenue l’adoption de la décision attaquée. En outre, le requérant a eu accès, dès la phase précontentieuse, au projet de rapport d’enquête, sur lequel il a d’ailleurs présenté ses commentaires. Or, ainsi qu’il a été précisé au point 78 ci-dessus, le rapport d’enquête expose les motifs qui ont conduit l’enquêtrice externe à rejeter les griefs de harcèlement allégués par le requérant.

80      En troisième lieu, il convient de relever que, dans la décision de rejet de la réclamation, Eurofound a complété la motivation contenue dans la décision attaquée, en prenant position sur les griefs soulevés par le requérant dans la réclamation du 11 février 2019, notamment au sujet du conflit d’intérêts en ce qui concerne les enquêteurs et du vice d’incompétence de l’autorité ayant adopté cette décision. En outre, dans cette décision, l’AHCC a procédé à une analyse ultérieure des faits déplorés par le requérant et a fourni davantage d’explications sur certains passages du rapport d’enquête. Or, le Tribunal estime que ce complément de motivation, dont l’essentiel ressortait déjà clairement de la décision attaquée, pouvait permettre au requérant d’apprécier davantage le bien-fondé de l’acte lui faisant grief.

81      Partant, il y a lieu de considérer que la motivation fournie tant dans la décision attaquée que dans la décision de rejet de la réclamation fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement d’Eurofound et a permis, d’une part, au requérant d’en comprendre la portée et de faire valoir son point de vue à cet égard et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision.

82      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les autres arguments soulevés par le requérant dans le cadre du présent moyen. En effet, d’une part, le fait que l’AHCC se soit limitée à approuver la conclusion et non le contenu du rapport d’enquête n’a aucune incidence sur la motivation, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort clairement de ce rapport, la conclusion se fonde sur les motifs exposés dans ledit rapport. D’autre part, quant à l’argument selon lequel la directrice adjointe n’aurait pris position ni sur les commentaires présentés par le requérant ni sur la raison pour laquelle les courriels échangés entre conseils des parties n’ont jamais été pris en considération dans le cadre de l’enquête administrative, il importe de relever que, eu égard à la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, il ne saurait être exigé d’une AHCC qu’elle prenne expressément position sur chaque annexe d’un rapport d’enquête afin de satisfaire à son obligation de motivation.

83      Au vu de ces considérations, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

–       Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de décision concernant la demande d’assistance pour enquêter sur des comportements inappropriés

84      Le requérant soutient, en substance, qu’aucune décision concernant la demande d’assistance portant sur les comportements inappropriés de la part de sa hiérarchie et la demande indemnitaire qui y est afférente n’a été adoptée, dès lors que la décision attaquée se limite à rejeter l’existence d’un harcèlement et à clôturer l’enquête. Ce faisant, Eurofound aurait méconnu le devoir de sollicitude et commis une faute.

85      Eurofound conteste ces arguments.

86      D’emblée, il convient de constater que l’argumentation du requérant est fortement imprécise. En effet, il affirme, tout d’abord, au point 88 de la requête, qu’« [il] n’a eu de cesse de préciser que sa plainte ne visait précisément pas principalement et exclusivement des faits de harcèlement », sans pour autant clarifier quels étaient les autres faits que l’administration aurait dû analyser. Ensuite, au point 129 de la requête, le requérant soutient que l’administration avait été saisie de la « gestion d’une double plainte […] : la première concernant une brèche à la sécurisation des données personnelles et la seconde visant un comportement inapproprié assimilable à du harcèlement dans le chef de son [confidentiel] ». Enfin, le requérant précise, au point 46 de la réplique, qu’« il ressort manifestement de l’ensemble des écrits, et cela est confirmé au travers du [mémoire en défense], que l’agence n’a pas traité la plainte [fondée sur l’]article 22bis ».

87      Interrogé à plusieurs reprises lors de l’audience de plaidoiries, notamment sur les chefs de contestations contenus dans le courriel du 2 février 2018, le requérant a expliqué que l’objectif de ce courriel était en réalité, d’une part, de réaliser une enquête tant sur la divulgation de ses données à caractère personnel que sur des faits de harcèlement qu’il aurait prétendument subis et, d’autre part, de se faire indemniser pour les préjudices moraux découlant de ces violations.

88      Or, tout d’abord, il importe de rappeler que la décision attaquée dans le cadre du présent recours clôture l’enquête administrative ouverte à la suite de la demande d’assistance pour harcèlement moral formulée par le requérant dans le courriel du 2 février 2018. Cette décision ne concerne pas, en revanche, le premier volet dudit courriel concernant la divulgation des données à caractère personnel, dont le rejet a fait l’objet du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), ainsi que cela a été précisé au point 34 ci‑dessus. Dès lors, le troisième moyen, en ce qu’il est dirigé à l’encontre de ce premier volet, doit être rejeté comme étant inopérant.

89      Ensuite, pour autant que ces « comportements inappropriés » correspondent aux faits de harcèlement dont le requérant se prétend victime, il convient de constater qu’Eurofound a bel et bien adopté une décision à cet égard, qui correspond à la décision attaquée. En conséquence, il convient de rejeter cet argument comme manquant en fait.

90      Enfin, en ce qui concerne l’absence de réponse à la demande indemnitaire, à supposer que la décision attaquée contienne un rejet implicite de cette demande, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable au recours en responsabilité formé devant le Tribunal et, par conséquent, les conclusions en annulation d’une telle décision ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2019, Mauritsch/INEA, T‑271/18, non publié, EU:T:2019:286, point 26 et jurisprudence citée). En l’espèce, le requérant ayant présenté des conclusions indemnitaires visant à l’indemniser du préjudice moral qu’il aurait prétendument subi à cause des faits de harcèlement qui ont fait l’objet de l’enquête administrative, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation dirigées à l’encontre du rejet de cette demande indemnitaire.

91      Le troisième moyen doit dès lors être rejeté.

–       Sur le cinquième moyen, tiré du conflit d’intérêts ainsi que de l’absence d’indépendance, de neutralité et d’objectivité

92      Le requérant fait valoir, en substance qu’il ressortirait d’un courriel du 10 septembre 2018, par lequel le [confidentiel] communiquait ses commentaires sur le projet de rapport d’enquête, que, malgré le fait que ce dernier soit visé par la demande d’assistance pour harcèlement moral du requérant, il poursuivait néanmoins l’instruction de son dossier concernant sa demande d’enquêter sur la divulgation de ses données à caractère personnel. C’est pourquoi, selon le requérant, sa demande d’assistance aurait dû être traitée dès le début par le conseil d’administration d’Eurofound, afin d’éviter tout conflit d’intérêts, ce qu’il aurait essayé de faire en contactant la vice-présidente de ce conseil, qui l’aurait cependant redirigé vers Eurofound. En outre, le requérant soutient que le [confidentiel] a assumé le rôle d’enquêteur actif chargé de l’enquête administrative, tout en ayant été chargé du dossier de réclamation du 8 septembre 2017 et en connaissant donc la position du [confidentiel] quant au contenu de cette réclamation. De plus, il serait encore intervenu dans le cadre du traitement de la demande concernant la divulgation des données à caractère personnel.

93      Tous ces éléments feraient douter, selon le requérant, de manière plausible et sérieuse, de la neutralité, de l’impartialité et de l’indépendance d’Eurofound dans le traitement de sa demande d’assistance pour harcèlement moral.

94      Dans la réplique, le requérant soulève un nouveau grief, qu’il estime être d’ordre public, concernant la contradiction dans les explications et motivations relatives à la portée de l’enquête et à la décision de clôture de celle-ci. Il soutient notamment au point 56 de la réplique ce qui suit :

« [S’il se] plaint de ne pas comprendre la portée de l’enquête administrative réalisée et de ne pas avoir effectivement été entendu, c’était initialement sur la base du peu de compréhension des échanges intervenus préalablement à l’audition du requérant par l’enquêtrice en charge de l’enquête et, à la lecture du [mémoire en défense], cela est encore moins clair dès lors que le préambule comporte une contradiction de motivation quant à la décision de rejet de la plainte pour harcèlement, la clôturant sans suite, dès lors qu’Eurofound fait exclusivement référence à une enquête visant à établir l’existence d’intention malveillante dans le chef du [confidentiel] et le [confidentiel] dans l’absence de sécurisation de données personnelles relatives au plaignant. »

95      Eurofound conteste ces arguments.

96      D’emblée, le Tribunal relève que le nouveau grief soulevé dans la réplique n’est pas lié au cinquième moyen, par lequel le requérant conteste, en substance, l’impartialité subjective tant du [confidentiel] que du [confidentiel] dans le cadre de l’enquête administrative. En outre, le requérant se borne à affirmer que ce grief serait d’ordre public, sans pour autant expliquer la raison pour laquelle il ne l’a soulevé qu’au stade de la réplique.

97      Or, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Ainsi, ce grief devant être considéré comme nouveau au sens de cette disposition dans la mesure où les éléments sur lesquels le requérant s’appuie ressortaient déjà de la décision attaquée et celui-ci ne justifiant pas sa présentation tardive, il doit être rejeté comme irrecevable. En outre, les circonstances de l’espèce ne justifient pas que le Tribunal se saisisse d’office de la question des éventuelles contradictions entachant la décision attaquée.

98      Quant aux autres griefs soulevés dans le cadre de ce moyen et concernant l’absence d’impartialité subjective du [confidentiel] et du [confidentiel] dans le cadre de l’enquête administrative, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le droit de l’Union exige que les procédures administratives se déroulent dans le respect des garanties conférées par le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Parmi ces garanties figure l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Le droit pour toute personne de voir ses affaires traitées impartialement recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée). En outre, afin de prouver un manque d’impartialité subjective, la partie requérante doit présenter des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance de ses allégations (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, QB/BCE, T‑827/16, EU:T:2018:756, point 99 et jurisprudence citée).

99      Pour ce qui est du [confidentiel], en premier lieu, il y a lieu de relever que celui-ci n’a joué aucun rôle dans la direction ou la conduite de l’enquête en cause ni dans le traitement de la demande d’assistance pour harcèlement moral.

100    En second lieu, le requérant n’apporte aucune preuve tangible sur l’influence que le [confidentiel] aurait pu exercer à son détriment sur le déroulement de l’enquête administrative ni d’explications quant au rôle qu’il aurait joué dans l’adoption de la décision attaquée.

101    En effet, force est de constater que le requérant s’appuie essentiellement sur un courriel du 10 septembre 2018, inclus dans le rapport d’enquête et par lequel ce [confidentiel] communiquait aux enquêteurs ses observations sur le projet dudit rapport. Selon le requérant, il ressortirait de ce courriel que le [confidentiel] continuait à suivre l’évolution de son dossier concernant sa demande d’enquêter sur la divulgation de ses données à caractère personnel. Or, le Tribunal relève, à la lecture de l’extrait de ce courriel cité au point 112 de la requête, que le [confidentiel] se bornait simplement à y affirmer que la procédure précontentieuse dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), était encore en cours et qu’il était possible que cette affaire soit portée devant le Tribunal. Ainsi, non seulement la référence contenue dans cet extrait ne concerne pas la présente affaire, mais surtout elle ne saurait être considérée comme étant un indice suffisamment précis et objectif afin de soutenir la véracité ou la vraisemblance du manque d’impartialité subjective du [confidentiel].

102    En conséquence, ce grief doit être rejeté.

103    Pour ce qui est du [confidentiel], il importe de relever que le requérant n’apporte aucune preuve quant à l’absence d’impartialité de ce dernier dans la conduite de l’enquête administrative.

104    En effet, les courriels que le requérant présente en annexe 13 de la requête ne prouvent ni que le [confidentiel] était chargé du dossier de la réclamation du 8 septembre 2017 ni que ce dernier avait un préjugé ou un parti pris à l’égard du requérant. Ces courriels montrent tout au plus que celui-ci était au courant de l’existence de cette réclamation, circonstance qui n’est aucunement suffisante pour prouver l’absence d’impartialité subjective au sens de la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus.

105    Eu égard à ce qui précède, ce grief doit être rejeté, de même que le cinquième moyen dans son intégralité.

–       Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 12 bis et de l’article 24 du statut, ainsi que des devoirs d’assistance et de sollicitude

106    Premièrement, le requérant fait valoir, en substance, que l’administration aurait réagi de manière inappropriée et porté atteinte à sa crédibilité à plusieurs reprises tout au long de la phase précontentieuse ayant abouti à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), en méconnaissant ainsi les devoirs d’assistance et de sollicitude. Deuxièmement, le requérant soulève, aux points 72 et 73 de la réplique, un nouveau grief fondé sur l’erreur de droit commise par l’administration concernant la définition de harcèlement, dès lors qu’Eurofound exigerait la preuve d’une intention de nuire pour regarder les faits soumis à l’appréciation de l’enquêtrice externe et de l’AHCC comme étant constitutifs de harcèlement.

107    Pour ce qui est du premier grief, tiré de la violation des devoirs d’assistance et de sollicitude, force est de constater que le requérant s’appuie sur des faits et des éléments qui font l’objet du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19). En particulier, au point 128 de la requête, le requérant fait expressément référence à la décision de rejet de la réclamation administrative du 18 octobre 2018, par laquelle Eurofound a confirmé la décision du 22 mars 2018, à savoir la décision attaquée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19). En outre, au point 131 de la requête, le requérant conteste, en substance, le fait qu’Eurofound se serait refusée à enquêter sur la divulgation de ses données à caractère personnel et de reconnaître le préjudice prétendument subi à cause de cette divulgation.

108    Or, le Tribunal n’ayant pas à connaître, dans la présente espèce, du volet du courriel du 2 février 2018 concernant la divulgation des données à caractère personnel, qui ne fait pas l’objet du présent recours, ainsi que cela a été précisé au point 34 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le premier grief comme étant inopérant.

109    Pour ce qui est du second grief, tiré d’une erreur de droit concernant la notion de « harcèlement », il importe de souligner que celui-ci a été présenté pour la première fois au stade de la réplique. Le requérant justifie ce retard en soutenant qu’« [il ressort du mémoire en défense] que l’agence semble avoir rejeté la plainte sur la base de l’inexistence d’un harcèlement, en considérant qu’il [lui] incombait […] de démontrer le caractère intentionnel du harcèlement » et il se réfère en particulier au point 4.1 du mémoire en défense où figure l’expression « but de nuire ».

110    Cette justification ne saurait prospérer. En effet, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. À cet égard, un évènement doit être considéré comme étant un élément permettant la production d’un moyen nouveau, dès lors que celui-ci est de nature à modifier la situation de droit existant lors du dépôt de la requête. Ne constitue pas, en revanche, un élément nouveau de nature à justifier la présentation d’un nouveau moyen un évènement qui ne fait que confirmer une situation de droit que le requérant connaissait au moment où il a introduit son recours (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, points 15 et 16 et jurisprudence citée).

111    Or, en l’espèce, tant dans le rapport d’enquête que dans la décision de rejet de la réclamation, le cadre juridique applicable à cette enquête était précisé, notamment la notion de « harcèlement », ce que le requérant n’a toutefois contesté ni dans la réclamation administrative ni dans le recours dont il a saisi le Tribunal.

112    Dans ces circonstances, la présentation tardive de ce grief n’étant nullement justifiée et celui-ci ne constituant pas l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête, il y a lieu de constater que ledit grief méconnaît les dispositions de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure et doit dès lors être rejeté comme étant irrecevable.

113    En tout état de cause, ce nouveau grief est inopérant, dans la mesure où il vise un motif sur lequel, de l’aveu même du requérant, l’agence ne s’est appuyée ni dans la décision attaquée ni dans le rejet de la réclamation.

114    Au vu de ces considérations, il y a lieu de rejeter le sixième moyen dans son intégralité.

–       Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

115    Le requérant soutient, en premier lieu, que son courriel du 2 février 2018 ne fait pas partie de la documentation incluse dans les « moyens d’enquête », alors qu’il s’était déjà plaint, dans la réclamation du 11 février 2019, que l’ensemble de la documentation transmise n’avait pas été prise en compte. En second lieu, le rapport d’enquête indiquerait que le courriel du 9 septembre 2017 ne saurait être considéré comme établissant un fait de harcèlement en l’absence de toute autre action. Or, selon le requérant, ce courriel ne serait pas un fait isolé, dès lors que la teneur des différents courriels qui lui ont été adressés durant la phase précontentieuse démontrerait l’existence d’un comportement inapproprié dirigé uniquement contre lui et ayant pour but de le sanctionner pour avoir mis en œuvre ses droits statutaires. Ainsi, en ne prenant pas en compte ces éléments, Eurofound aurait commis une erreur d’appréciation.

116    S’agissant, en premier lieu, de l’argument concernant l’absence de prise en considération du courriel du 2 février 2018 dans le cadre de l’enquête administrative, il y a lieu de relever que le requérant n’explique aucunement la raison pour laquelle cette circonstance constituerait une erreur d’appréciation. Au demeurant, force est de constater, à l’instar d’Eurofound, que ledit courriel figure parmi les documents contenus à l’annexe 29 du rapport d’enquête.

117    Ainsi, ce grief doit être écarté comme étant non fondé.

118    Pour ce qui est, en second lieu, de l’argument concernant l’erreur d’appréciation de certains éléments qui démontreraient, selon le requérant, l’existence d’un harcèlement moral à son égard, le Tribunal constate que, en dépit du fait que l’enquête administrative a porté sur trois personnes et que le rapport d’enquête, qui compte plus de 1 000 pages, analyse en détail plusieurs évènements, documents ainsi que le comportement de chacune de ces personnes à l’égard du requérant, celui-ci se borne à faire un renvoi général non circonstancié et ne fournit pas plus d’indications concernant concrètement les éléments appréciés de façon erronée par l’AHCC.

119    Or, selon une jurisprudence constante, la partie requérante est tenue d’exposer d’une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu’elle présente, sans que le Tribunal puisse être contraint, du fait d’un manque de structure de la requête ou de rigueur de cette partie, de reconstituer l’articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de la requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de ladite partie. En décider autrement serait contraire à la fois à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu’aux droits de la défense de la partie défenderesse [arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 44 (non publié) et ordonnance du 9 juillet 2019, Scaloni et Figini/Commission, T‑158/18, non publiée, EU:T:2019:491, point 30].

120    Dans ces circonstances, les indications fournies par le requérant étant extrêmement vagues et imprécises et le Tribunal n’étant pas mis en mesure d'exercer son contrôle juridictionnel sur l’existence d’une erreur d’appréciation, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

121    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le huitième moyen dans son intégralité.

–       Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

122    Le requérant fait valoir, d’une part, que, dans le traitement de sa demande d’assistance pour harcèlement moral, l’administration a été intimidante, accusatrice et n’a pas réagi de manière appropriée et, d’autre part, qu’il n’aurait pas bénéficié de l’assistance de l’administration afin de déterminer l’existence des faits dénoncés et d’en tirer les conséquences appropriées. En outre, le requérant précise, tant au point 70 de la requête qu’au point 36 de la réplique, que ce moyen n’est pas autonome, dans la mesure où le comportement inapproprié et non diligent déploré par ce dernier est décrit au travers des autres moyens en annulation.

123    Or, l’analyse des autres moyens en annulation n’ayant pas relevé l’existence d’actes de mauvaise administration commis par Eurofound à l’égard du requérant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

124    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner l’offre de preuve présentée par Eurofound.

125    Il y a lieu également de rejeter la demande de mesures d’organisation de la procédure présentée par le requérant dans la réplique. En effet, ces mesures n’apparaissent, en l’espèce, ni pertinentes ni utiles pour la solution du litige, dans la mesure où le Tribunal a pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, moyens et arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties. Au demeurant, le requérant se borne à affirmer, au point 84 de la réplique, qu’il aurait besoin des documents sollicités puisque, « en fonction de l’identité du mandant, le mandataire pourrait avoir été illégalement mandaté ou encore, le conflit d’intérêts, la partialité, absence de neutralité et subjectivité de l’AHCC pourraient être corroborés ». Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 67 ci-dessus, à supposer que le requérant se réfère au cabinet d’avocats externe, ce dernier n’est pas intervenu dans le traitement de la demande d’assistance pour harcèlement moral. En outre, il ressort de l’analyse du cinquième moyen que le requérant conteste l’impartialité subjective non pas de l’AHCC ayant adopté la décision attaquée, c’est-à-dire la directrice adjointe, mais celle du [confidentiel] et du [confidentiel].

 Sur les conclusions indemnitaires

126    Par ses conclusions indemnitaires, le requérant indique avoir subi, d’une part, un préjudice psychologique découlant du « chaos total » dans le cadre duquel l’enquête administrative et le traitement de ses demandes ont eu lieu ; d’autre part, une atteinte à sa réputation en regard de ses collègues et de l’administration qui, en dehors de tout élément de preuve, estime qu’il utiliserait la procédure de demande d’assistance contre ses supérieurs à des fins détournées. Le requérant évalue le dommage subi à hauteur de 30 000 euros.

127    Eurofound conteste ces arguments. Elle fait valoir que, d’une part, les conclusions indemnitaires sont irrecevables en raison de la règle de litispendance, notamment par rapport aux conclusions indemnitaires présentées par le requérant dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), et, d’autre part, la demande d’indemnisation présentée par le requérant n’étant qu’un « recours en annulation déguisé », le rejet du recours en annulation doit emporter le rejet automatique de celui en indemnisation.

128    Il y a lieu de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans qu’il soit nécessaire de statuer préalablement sur la recevabilité de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

129    Or, dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé des conclusions en indemnité du requérant, sans statuer préalablement sur la recevabilité de celles-ci.

130    Il suffit de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence bien établie, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, l’engagement de la responsabilité de l’institution présuppose la réunion d’un ensemble de trois conditions concernant l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Les trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée. Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir ordonnance du 11 juin 2020, Vanhoudt e.a./BEI, T‑294/19, non publiée, EU:T:2020:264, point 70 et jurisprudence citée).

131    En l’espèce, il suffit de constater que le requérant ne prouve aucunement la réalité ni du préjudice psychologique ni de l’atteinte à sa réputation qu’il prétend avoir subis. En effet, tant dans la requête que dans la réplique, le requérant se borne à formuler des allégations qui ne sont étayées par aucun élément de preuve tangible. En ce qui concerne en particulier les preuves présentées dans la réplique, il importe de relever, tout d’abord, que la note figurant dans l’annexe 6 de celle-ci a été élaborée uniquement par le requérant. Ensuite, l’annexe 7 de la réplique est constituée par un échange de messages entre le requérant et une collègue au sujet d’une réunion du conseil d’administration pendant laquelle le montant réclamé par le requérant au titre du préjudice moral subi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T‑52/19), aurait été révélé, élément de fait qui ne concerne cependant pas la présente affaire. Enfin, le requérant affirme au point 77 de la réplique que « tentant de faire bonne figure, [il] subit un stress qui lui impose des examens médicaux fréquents et l’ont contraint à un mi-temps » sans produire aucune preuve à l’appui.

132    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions d’Eurofound.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AH supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur la recevabilité des conclusions en annulation

– Sur l’exception de litispendance avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, AH/Eurofound (T52/19)

– Sur l’absence d’intérêt à agir du requérant

– Sur la règle de concordance entre la réclamation et la requête

Sur le bien-fondé des conclusions en annulation

– Sur le deuxième moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte faisant grief

– Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de motivation

– Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de décision concernant la demande d’assistance pour enquêter sur des comportements inappropriés

– Sur le cinquième moyen, tiré du conflit d’intérêts ainsi que de l’absence d’indépendance, de neutralité et d’objectivité

– Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 12 bis et de l’article 24 du statut, ainsi que des devoirs d’assistance et de sollicitude

– Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

– Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

Sur les conclusions indemnitaires

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées.