Language of document : ECLI:EU:T:2015:680

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 septembre 2015(*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑608/11 DEP,

Beifa Group Co. Ltd, établie à Ningbo (Chine), représentée par MM. R. Davis et B. Longstaff, barristers, et M. N. Cordell, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Schwan-Stabilo Schwanhäußer GmbH & Co. KG, établie à Heroldsberg (Allemagne), représentée par Mes H. Gauß et U. Blumenröder, avocats,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la partie requérante à la partie intervenante à la suite de l’arrêt du 27 juin 2013, Beifa Group/OHMI–Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d’écriture) (T‑608/11, EU:T:2013:334),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2011, la requérante, Beifa Group Co. Ltd, anciennement Ningbo Beifa Group Co., Ltd, a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessin, modèles) (OHMI) du 9 août 2011, (affaire R 1838/2010-3), relative à une procédure de nullité entre Schwan-Stabilo Schwanhäußer GmbH & Co. KG et Ningbo Beifa Group Co..

2        L’intervenante, Schwan-Stabilo Schwanhäußer GmbH & Co. KG, est intervenue dans le litige pour demander le rejet du recours et la condamnation de la requérante aux dépens.

3        Par l’arrêt du Tribunal du 27 juin 2013, Beifa Group/OHMI–Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d’écriture) (T‑608/11, EU:T:2013:334), le Tribunal a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les dépens, y compris ceux de l’intervenante, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

4        Par lettre du 17 avril 2014, l’intervenante a demandé à la requérante de lui régler le montant de ses dépens récupérables afférents à la procédure devant le Tribunal, qu’elle a chiffré à 20 982,08 euros.

5        Par lettres du 21 mai 2014 et du 14 janvier 2015, l’intervenante a réitéré sa demande auprès de la requérante. La requérante n’a à aucun moment répondu à ladite demande.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 février 2015, en application de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, l’intervenante a introduit la présente demande de taxation de dépens par laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner la requérante à lui verser, au titre des dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal, la somme de 20 982,08 euros.

7        Par télécopie du 25 février 2015, le greffe du Tribunal a informé la requérante que le délai pour le dépôt de ses observations sur la demande de taxation des dépens avait été fixé au 7 avril 2015. Cependant, cette dernière n’a pas déposé d’observations dans le délai qui lui était imparti.

 En droit

8        Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat.

9        Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec, EU:T:2004:192, point 13 et jurisprudence citée).

10      Selon une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance Airtours/Commission, point 9 supra, EU:T:2004:192, point 17 et jurisprudence citée).

11      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions européennes de nature tarifaire applicables, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (voir ordonnance Airtours/Commission, point 9 supra, EU:T:2004:192, point 18 et jurisprudence citée).

12      C’est en fonction de ces éléments qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

13      En l’espèce, l’intervenante a produit les copies de quatre factures concernant l’affaire au principal et d’un montant total de 20 982,08 euros hors taxes (HT). Ces factures, ainsi que leurs montants afférents à ces deux recours, sont les suivants :

–        facture n° 12018727, du 24 avril 2012, d’un montant de 8 044,98 euros HT (9 573,53 euros toutes taxes comprises (TTC)) qui mentionne 21,2 heures de travail au taux horaire de 300 euros pour les travaux suivants : analyse des conclusions de l’OHMI du 30 novembre 2011 ; compte-rendu de cette analyse au client et la discussion qui s’en est suivie ; réponse à la demande du Tribunal concernant le choix de la langue de procédure ; lecture approfondie des conclusions, de la jurisprudence existante et des dispositions du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1) ; préparation du mémoire en réponse et de ses annexes détaillées, ainsi que pour les frais de FedEx et les frais de photocopies ;

–        facture n° 12032809, du 19 juillet 2012, d’un montant de 4 450,00 euros HT (5 295,50 euros TTC) qui inclut 15,4 heures additionnelles au taux horaire de 300 euros pour les prestations mentionnées sur la facture du 24 avril 2012, ainsi que 1,5 heure au taux de 300 euros pour la préparation du mémoire demandant la tenue d’une audience du 4 juillet 2012 ;

–        facture n° 13012013, du 13 mars 2013, d’un montant de 6 958,85 euros HT (8 281,03 euros TTC) qui inclut 18,6 heures au taux horaire de 300 euros pour la préparation et la participation à l’audience et comprend les frais de voyage et les dépenses de l’un des avocats de la requérante, Me H. Gauß ;

–        facture n° 13051569, du 25 novembre 2013, d’un montant de 1 528,25 euros, qui inclut les frais de voyage et les dépenses du deuxième avocat de la requérante, Me U. Blumenröder relatifs à sa participation à l’audience.

14      L’intervenante fait valoir que le montant des dépens réclamé est justifié en raison de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire, des intérêts économiques que le litige représenterait pour les parties, ainsi que des difficultés de la cause et de l’ampleur du travail effectué par ses avocats.

15      S’agissant, premièrement, de l’objet et de la nature du litige, de l’importance de l’affaire pour le droit de l’Union et l’ampleur du travail relatif à celle-ci, elle indique que, dans son recours, la requérante avait invoqué sept moyens de droit procédural et matériel et que certains d’entre eux étaient tirés de la violation, la mauvaise interprétation et l’application erronée de différents articles du règlement n° 6/2002 qui ne relèvent pas des matières juridiques ordinaires qu’un avocat spécialisé en propriété intellectuelle traite habituellement. À cet égard, l’intervenante fait valoir que, en absence de doctrine juridique et de jurisprudence très développées en matière du droit matériel et procédural des dessins et modèles communautaires, un travail considérable a dû être fourni pour l’interprétation du règlement n° 6/2002 et sur les règlements d’exécution. Il aurait en outre été nécessaire d’interpréter au sens large la jurisprudence allemande relative aux marques tridimensionnelles nationales ainsi que l’interaction de marques nationales avec des dessins ou modèles communautaires enregistrés. Dès lors, l’affaire aurait soulevé un grand nombre de questions juridiques et aurait été importante sous l’angle du droit de l’Union.

16      S’agissant, deuxièmement, des intérêts économiques que représentait le litige pour l’intervenante, celle-ci soutient que ce litige concernait le célèbre surligneur STABILO BOSS qui serait le produit le plus important de la requérante et connaîtrait un immense succès commercial au niveau mondial, ayant été vendu à plus de deux milliards d’exemplaires à la date de la procédure. De plus, la requérante violerait de manière permanente les droits de l’intervenant ce qui aurait déjà résulté en plusieurs procédures, au niveau national et communautaire, concernant les droits de propriété intellectuelle de l’intervenant relatifs audit produit. Le litige représentait donc d’importants intérêts financiers pour la requérante.

17      S’agissant, troisièmement, de l’ampleur du travail que la procédure a causé aux représentants impliqués, l’intervenante soutient que, au vu de la complexité de l’affaire, 36,6 heures facturées pour la préparation et le dépôt du mémoire en réponse, soit 5,2 heures par moyen présenté, ainsi que 2,6 heures par moyen afin de préparer et de participer à l’audience, seraient appropriées. En outre, le taux horaire de 300,00 euros serait justifié pour le travail d’avocats spécialistes de la propriété intellectuelle et serait même relativement bas par rapport aux taux horaires habituellement facturés en Europe. De plus, les frais de voyage des deux avocats de la requérante seraient également raisonnables et devraient être remboursés intégralement.

18      En premier lieu, quant à l’objet et à la nature de l’affaire au principal, le Tribunal relève que, en raison de l’absence, notamment, d’une jurisprudence communautaire bien développée en matière de la protection des dessins et modèles, celle-ci était, en soi, assez complexe et présentait, pour la même raison, une importance certaine au regard du droit de l’Union.

19      Cependant, il convient de préciser que la décision attaquée dans l’affaire au principal avait été adoptée par la chambre de recours suite à l’annulation par le Tribunal, par l’arrêt du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), (T‑148/08, Rec, EU:T:2010:190), d’une première décision qui portait sur le même objet et avait impliquée les mêmes parties que la décision attaquée dans l’affaire au principal. En effet, au point 117 de l’arrêt Instrument d’écriture (EU:T:2010:190), le Tribunal avait conclu que « dès lors que, dans la [première] décision […], la chambre de recours a fondé sa conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion entre le dessin ou modèle contesté et la marque [figurative] antérieure sur la comparaison dudit dessin ou modèle avec un signe différent de la marque [figurative] antérieure,[à savoir la marque tridimensionnelle antérieure], elle avait commis une erreur de droit ».

20      Dès lors, et au regard notamment du nombre des références faites, dans le second arrêt rendu par le Tribunal (arrêt Instruments d’écriture, EU:T:2013:334), aux motifs exposés par le premier arrêt rendu par le Tribunal (arrêt Instrument d’écriture, EU:T:2010:190), ainsi que du fait que, dans le cadre des deux procédures, l’intervenante avait été représentée par les mêmes avocats, il convient de conclure que le degré de difficulté juridique des questions de droit soulevées par l’affaire au principal ne saurait plus être qualifié d’exceptionnel.

21      En deuxième lieu, le Tribunal constate que même si l’intervenante n’a pas avancé de données chiffrées, il ne saurait être nié, vu notamment le succès commercial notoire du produit concerné, que l’affaire présentait un intérêt économique important pour elle.

22      En troisième lieu, en ce qui concerne la charge de travail que la procédure a pu engendrer pour les avocats de l’intervenante, il convient de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de prendre en considération le travail objectivement indispensable à l’ensemble de la procédure judiciaire. Par ailleurs, il importe de souligner que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies [ordonnance du 6 mars 2014, Spectrum Brands (UK)/OHMI – Philips (STEAM GLIDE), T‑544/11 DEP, EU:T:2014:147, point 16].

23      En l’espèce, il y a lieu de relever que la procédure écrite a consisté en un seul tour de mémoires et qu’une audience a été tenue le 21 février 2013. Il ressort des factures jointes en annexe à la présente demande de taxation des dépens que les avocats de l’intervenante ont consacré un total de 36,6 heures à l’analyse de la requête et à la préparation de la lettre relative au choix de la langue et au mémoire en réponse, 1,5 heures à la prise de position sur la tenue d’une audience et 18,6 heures à la préparation et à la participation à l’audience de plaidoirie. Ces heures sont facturées à un taux horaire de 300 euros, soit au total 17 010, 00 euros.

24      Or, même si le taux horaire pratiqué peut être considéré comme raisonnable pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon très efficace et rapide, le nombre d’heures ainsi facturées apparaît excessif vu l’ampleur des mémoires et compte tenu, notamment, de la connaissance du dossier déjà acquise par les avocats de l’intervenante en raison de leur participation à la première procédure devant le Tribunal ayant donné lieu à l’arrêt Instrument d’écriture (EU:T:2010:190) et devant la chambre de recours.

25      À cet égard, il convient d’observer que la lettre relative au choix de la langue de procédure ne comportait qu’une page, la lettre de prise de position sur la tenue d’une audience deux pages et le mémoire en réponse que 18 pages. Enfin, la demande de taxation des dépens contenait sept pages.

26      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la prise en compte d’une rémunération d’un niveau tel que facturé en l’espèce doit avoir pour contrepartie une évaluation nécessairement stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure contentieuse (voir, en ce sens, ordonnance du 15 janvier 2008, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02 DEP, EU:T:2008:7, point 64 et jurisprudence citée).

27      En outre, l’ampleur du travail fourni par les avocats de l’intervenante doit également être relativisée, en ce que, en règle générale, la tâche procédurale d’une partie intervenante est sensiblement facilitée par le travail de la partie principale au soutien de laquelle elle est intervenue (ordonnance du 12 décembre 2008, Endesa/Commission, T‑417/05 DEP, EU:T:2008:570, point 45).

28      Enfin, il ressort du procès-verbal d’audience dans l’affaire au principal que l’audience du 21 février 2013 s’est déroulée, en l’absence de la requérante, de 9h34 à 9h45 et a ainsi duré environ dix minutes. Dès lors, le Tribunal estime que le nombre de 18,6 heures de travail liées à la préparation et à la participation à l’audience est manifestement excessif et doit être sensiblement réduit.

29      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal estime que le litige a objectivement nécessité une activité des avocats de l’intervenante d’une durée de 19 heures. Partant, il sera fait une juste appréciation du total des dépens récupérables afférents au titre des honoraires d’avocats de l’intervenante et indispensables aux fins de la procédure principale devant le Tribunal ainsi que de ceux afférents à la procédure de taxation des dépens en fixant leur montant à 5 700 euros.

30      En ce qui concerne les débours d’avocat, le Tribunal estime que la présente affaire ne comportait pas de circonstances spécifiques justifiant que les frais encourus pour deux avocats, aux fins de leur participation à l’audience, soient considérés comme indispensables au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure. Par ailleurs, il ressort tant du procès-verbal de l’audience que du transcrit de celle-ci qu’un seul des avocats de l’intervenante avait effectivement participé à l’audience du 21 février 2012.

31      Il y a donc lieu de ne retenir que les frais engagés pour le seul avocat de l’intervenante qui avait plaidé à l’audience, Me H. Gauß. À cet égard, il ressort des factures produites en annexe à la présente demande que les débours dudit avocat consistent en des frais de voyage en avion pour un montant de 979,25 euros et en frais de séjour et de déplacements à Luxembourg pour un montant de 323,00 euros. Ces montants paraissent, dans l’ensemble, raisonnables et justifiés par la production de factures de sorte que le montant réclamé doit être considéré comme récupérable.

32      En revanche, l’intervenante n’a fourni aucun justificatif de nature à établir la réalité et, a fortiori, le caractère indispensable des frais d’un montant de 1 456,38 euros correspondant aux frais de photocopies et de 228,6 euros correspondant aux frais d’envoi par Fedex. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant de ces frais, à titre forfaitaire, à 500 euros.

33      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal en fixant leur montant à 7 502,25 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens que Beifa Group Co. Ltd, anciennement Ningbo Beifa Group Co., Ltd, doit rembourser à Schwan-Stabilo Schwanhäußer GmbH & Co. KG est fixé à 7 502,25 euros.

Fait à Luxembourg, le 10 septembre 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Prek


* Langue de procédure : l’anglais.