Language of document : ECLI:EU:T:2011:324

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

30 juin 2011 (*)

« Recours en annulation – Sixième programme-cadre de recherche, développement technologique et de démonstration – Lettre confirmant les conclusions d’un rapport d’audit financier et informant de la suite de la procédure – Nature contractuelle et non décisionnelle de cette lettre – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑252/10,

Cross Czech a.s., établie à Prague (République tchèque), représentée par Me T. Schollaert, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et W. Roels, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la lettre de la Commission, du 12 mars 2010, référencée INFSO-O2/FD/GVC/Isc D (2010) 208676, confirmant les conclusions du rapport de l’audit financier 09-BA74-006 ayant porté sur les relevés des coûts déclarés par la requérante pour la période allant du 1er février 2005 au 30 avril 2008 en ce qui concerne trois contrats conclus entre la requérante et la Commission dans le cadre du sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006), et informant la requérante de la suite de la procédure,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Cross Czech a.s., a conclu avec la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté européenne, plusieurs contrats dans le cadre du sixième programme-cadre de la Communauté pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (ci-après les « contrats FP6 », à savoir le contrat n° 028051, relatif au projet eMapps.com, le contrat n° 015942, relatif au projet CEEC IST NET, et le contrat n° 027767, relatif au projet Transfer-East).

2        L’article 12 du contrat n° 028051 désigne le droit luxembourgeois comme droit applicable, tandis que les articles 12 des contrats n° 015942 et n° 027767 désignent le droit belge à cet égard. En outre, les articles 13 de ces trois contrats stipulent que les juridictions de l’Union européenne (Cour ou Tribunal) ont compétence exclusive pour connaître de tout litige entre les parties relatif à la validité, à l’exécution ou à l’interprétation desdits contrats.

3        Selon les articles 14 de ces contrats, les conditions générales figurant en annexe II desdits contrats (ci-après les « conditions générales FP6 ») font partie intégrante de ces contrats.

4        Au titre de l’article II.29.1 des conditions générales FP6, la Commission a confié à une société d’audit externe la mission d’effectuer un audit financier des coûts déclarés par la requérante en vertu desdits contrats.

5        Dans le projet de rapport d’audit transmis à la requérante le 27 novembre 2009, la société d’audit a constaté que cette dernière avait amplifié les coûts de personnel invoqués. Sur un montant total de 765 351,14 euros, déclaré par la requérante au titre des contrats n° 028051, n° 015942 et n° 027767, pour les périodes allant respectivement du 1er octobre 2005 au 31 mars 2008, du 1er février 2005 au 31 janvier 2007 et du 1er janvier 2006 au 30 avril 2008, la société d’audit a considéré que les coûts éligibles s’élevaient à un montant total de seulement 81 125,86 euros.

6        Par lettres des 8 et 11 décembre 2009, la requérante a formulé ses observations sur le projet de rapport d’audit.

7        Le 9 février 2010, après avoir pris en considération ces observations, l’auditeur externe a finalisé son rapport d’audit.

8        Par lettre du 3 mars 2010, la Commission a informé la requérante que, au vu du rapport d’audit et du contenu des observations formulées dans ce cadre par la requérante, celle-ci apparaissait coupable de faute professionnelle grave. La Commission lui a notifié son intention de l’exclure de la procédure de passation des marchés en cours relative aux projets Carare et Progr-East, conformément aux articles 93, paragraphe 1, sous c), et 114, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »). La durée de l’exclusion envisagée était de cinq ans. La Commission a invité la requérante à présenter ses observations sur cette exclusion envisagée et sur sa durée, dans un délai de quatorze jours à compter de la réception de ladite lettre.

9        Par lettre du 12 mars 2010, qui est l’acte attaqué en l’espèce, la Commission a indiqué à la requérante qu’elle confirmait les conclusions du rapport d’audit relatives aux ajustements nécessaires à opérer pour les contrats n° 028051, n° 015942 et n° 027767 et pour les périodes concernées par l’audit, et elle a informé la requérante des prochaines étapes de la procédure.

10      Dans cette lettre, la Commission a indiqué, s’agissant des périodes concernées par l’audit, que le rapport d’audit serait transmis à ses services compétents pour la mise en œuvre de ses conclusions.

11      S’agissant des périodes et contrats non concernés par l’audit, la Commission, considérant certaines des erreurs relevées dans l’audit comme étant de nature systématique, a estimé qu’il convenait d’extrapoler les conclusions de l’audit auxdites périodes et contrats et, partant, de procéder aux corrections nécessaires également pour ces périodes et contrats.

12      La Commission a donc demandé à la requérante d’examiner si ces erreurs systématiques affectaient bien les contrats et périodes non concernés par l’audit et lui a indiqué différentes méthodes pour la correction de ces éventuelles erreurs.

13      La Commission a, en outre, indiqué à la requérante les règles à suivre et les informations à lui fournir dans le cadre de la mise en œuvre de ces corrections. Elle a également invité la requérante, dans l’hypothèse où celle-ci considérerait que les conclusions du rapport d’audit ne peuvent pas être extrapolées à toute ou partie des périodes et des contrats non concernés par l’audit, d’expliquer à la Commission les raisons pour lesquelles ces périodes et contrats ne sont pas concernés par des erreurs constatées dans l’audit.

14      La Commission a indiqué comment les ajustements résultant des corrections par extrapolation seraient mis en œuvre par elle, s’agissant des contrats en cours et des contrats clôturés. Elle a précisé que, à ce stade, ces ajustements ne susciteraient ni indemnités ni intérêts financiers si ces corrections étaient opérées conformément aux instructions données dans sa lettre. Elle a demandé à la requérante de lui faire parvenir, dans les trois mois, le résultat des éventuelles corrections par extrapolation, afin que ce résultat puisse être transmis à ses services compétents aux fins de la réalisation des ajustements correspondants.

15      La Commission a ajouté se réserver le droit d’engager de nouveaux audits si la requérante ne réagissait pas dans les délais impartis à ses demandes relatives à l’extrapolation, ainsi que le droit d’engager des audits de suivi de la mise en œuvre de l’extrapolation. Elle a indiqué que, si de tels audits complémentaires devaient révéler l’existence de coûts non éligibles non corrigés lors de l’extrapolation ou d’autres coûts non éligibles, des indemnités et des intérêts financiers pourraient être appliqués. Elle s’est également réservée le droit de suspendre des paiements dus au titre de projets en cours jusqu’à ce que l’extrapolation soit menée à bien ou qu’il soit expliqué pourquoi cette extrapolation n’a pas lieu d’être.

16      La Commission a rappelé à la requérante la nécessité de conformer ses rapports financiers aux dispositions financières convenues dans les contrats et lui a demandé de respecter les conclusions et recommandations du rapport d’audit dans tous les rapports financiers qu’elle serait amenée à soumettre dans le contexte de projets relevant du sixième programme-cadre.

17      Enfin, la Commission a indiqué qu’elle considérait l’inflation intentionnelle des coûts de personnel détectée par l’audit comme une « (substantial) irregularity » [irrégularité (substantielle)], au sens de l’article II.1.11 des conditions générales FP6, de l’article II.1.10 des conditions générales des conventions de subvention intervenant dans le cadre du septième programme-cadre de la Communauté pour des actions de recherche, de développement et de démonstration (2007-2013) (ci-après les « conditions générales FP7 »), et au sens de l’article II.1 des conditions générales des conventions de subvention intervenant dans le cadre du programme communautaire pluriannuel eContentplus visant à rendre le contenu numérique européen plus accessible, plus utilisable et plus exploitable (ci-après les « conditions générales eContentplus »). La Commission a indiqué que, en considération de cette irrégularité, elle proposait de mettre fin à la participation de la requérante dans tous les projets en cours avec la direction générale (DG) « Société de l’information et médias », en conformité avec l’article II.16.2 des conditions générales FP6, l’article II.38.1, sous c), des conditions générales FP7 et l’article II.9.3, sous e), des conditions générales eContentplus.

18      Par lettre à la requérante du 15 mars 2010, la Commission a accepté une demande de prorogation du délai pour le dépôt des observations de la requérante en réponse à la lettre du 3 mars 2010 (voir point 8 ci-dessus). Par ailleurs, la Commission a informé la requérante de l’inscription provisoire d’un avis d’exclusion la concernant, valable jusqu’au 12 septembre 2010, dans la base de données centrale sur les exclusions créée par le règlement (CE, Euratom) n° 1302/2008 de la Commission, du 17 décembre 2008 (JO L 344, p. 12).

19      Par lettre à la Commission du 23 mars 2010, répondant à la lettre du 15 mars 2010, la requérante a contesté les constatations du rapport d’audit, produit des documents à cet égard et fait valoir qu’il n’existait pas de motifs de l’exclure des procédures de passation de marchés publics, qu’il s’agisse des projets Carare et Prog-East ou de tout autre projet.

20      Par lettre du 6 avril 2010, la requérante a transmis à la Commission divers documents supplémentaires.

21      Par lettre du 19 avril 2010, la Commission a répondu à un courriel de la requérante du 29 mars 2010, sollicitant des informations au sujet de la procédure administrative en cours à la suite de l’audit.

22      Le 23 avril 2010, la requérante a présenté à la Commission ses observations relatives à la procédure d’exclusion, au cours d’une réunion organisée, à sa demande, à Bruxelles.

23      Par lettre du 27 avril 2010, faisant référence au contrat n° 027767, la Commission a informé la requérante de l’engagement prochain d’une procédure en recouvrement d’un montant de 86 158,38 euros. La Commission a ajouté que l’objet de sa lettre était d’inviter la requérante à fournir ses éventuelles observations dans les quinze jours et que, en l’absence d’observations, elle continuerait la procédure.

24      Par lettre du 3 mai 2010, la requérante a répondu qu’elle demeurait dans l’attente des minutes et des conclusions de la réunion du 23 avril 2010 ainsi que des notifications concernant les prochaines étapes de la procédure. Elle a indiqué souhaiter disposer de ces éléments avant de déposer des observations et elle a demandé que, en l’état, sa lettre du 23 mars 2010 soit considérée comme des observations provisoires.

25      Par lettre du 11 mai 2010, la Commission a communiqué à la requérante les minutes de la réunion du 23 mars 2010.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2010, la requérante a introduit le présent recours.

27      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 18 juin 2010, la requérante a introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué. Par ordonnance du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission (T‑252/10 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté cette demande en référé et a réservé les dépens.

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la lettre du 12 mars 2010 nulle et non avenue ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 10 septembre 2010, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      La requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 27 octobre 2010. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours en annulation recevable. 

32      Par lettre du 21 janvier 2011, le Tribunal a demandé à la Commission, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de produire certains documents contractuels, ce que la Commission a fait par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2011.

 En droit

33      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

34      En l’espèce, le Tribunal considère qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

35      Il convient de relever que la requérante a expressément introduit son recours sous le fondement de l’article 263 TFUE.

36      En vertu dudit article, les juridictions communautaires contrôlent la légalité des actes adoptés par les institutions destinés à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard des tiers, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (ordonnances du Tribunal du 10 avril 2008, Imelios/Commission, T‑97/07, non publiée au Recueil, point 21 ; du 6 octobre 2008, Austrian Relief Program/Commission, T‑235/06, non publiée au Recueil, point 34, et arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, non encore publié au Recueil, point 51 ).

37      Selon une jurisprudence constante, cette compétence ne concerne que les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité (ordonnances du Tribunal du 9 janvier 2001, Innova/Commission, T‑149/00, Rec. p. II‑1, point 28 ; du 10 juillet 2002, Comitato organizzatore del convegno internazionale/Commission, T‑387/00, Rec. p. II-3031, point 39, et du 10 mai 2004, Musée Grévin/Commission, T‑314/03, Rec. p. II‑1421, point 63).

38      En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (ordonnances Musée Grévin/Commission, point 37 supra, point 64, Austrian Relief Program/Commission, point 36 supra, point 35, et arrêt CEVA/Commission, point 36 supra, point 52).

39      En l’espèce, il convient, dès lors, d’examiner si la lettre du 12 mars 2010 figure au nombre des actes visés par l’article 288 TFUE, dont les demandes d’annulation relèvent de la compétence exclusive de la juridiction communautaire en vertu de l’article 263 TFUE ou si, au contraire, elle revêt une nature contractuelle (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal Musée Grévin/Commission, point 37 supra, point 66 ; du 26 février 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑205/05, non publiée au Recueil, point 42, et Imelios/Commission, point 36 supra, point 23).

40      En l’espèce, dans la lettre du 12 mars 2010, la Commission a informé la requérante que, à la suite de la transmission à celle-ci du projet de rapport d’audit, de ses observations et des ajustements à ce projet opérés en conséquence par les auditeurs, elle considérait les conclusions présentées dans le rapport d’audit, joint à la lettre du 12 mars 2010, comme appropriées, et considérait donc que l’audit était, désormais, terminé (page 1 de la lettre du 12 mars 2010).

41      Dans la suite de cette lettre, premièrement, la Commission a informé la requérante que le rapport d’audit serait transmis à ses services compétents pour la mise en œuvre de ses conclusions, s’agissant des contrats et des périodes concernés par l’audit (page 2 de la lettre du 12 mars 2010).

42      Deuxièmement, la Commission a invité la requérante à appliquer, par extrapolation, les conclusions du rapport d’audit aux périodes et contrats non concernés par l’audit (pages 2 à 6 de la lettre du 12 mars 2010).

43      Troisièmement et pour ce qui concerne les périodes futures, la Commission a rappelé à la requérante la nécessité de conformer ses rapports financiers aux dispositions financières convenues dans les contrats et lui a demandé de respecter les conclusions et recommandations du rapport d’audit dans tous les rapports financiers qu’elle serait amenée à soumettre dans le contexte de projets relevant du sixième programme-cadre (page 6 de la lettre du 12 mars 2010).

44      Quatrièmement, la Commission, après certaines considérations sur l’importance de joindre des certificats d’audit fiables aux rapports financiers, a informé la requérante qu’elle considérait l’inflation intentionnelle des coûts de personnel détectée comme une « irrégularité (substantielle) » au sens des conditions générales FP6, FP7 et eContentplus et que, en considération de cette irrégularité, elle proposait de mettre fin à la participation de la requérante à tous les projets en cours avec la DG « Société de l’information et médias », en conformité avec lesdites conditions générales (pages 6 et 7 de la lettre du 12 mars 2010).

45      S’agissant, tout d’abord, des éléments de la lettre du 12 mars 2010 rappelés aux points 40 et 41 ci-dessus et relatifs tant à l’acceptation par la Commission des conclusions du rapport d’audit qu’à la transmission de ce rapport aux services compétents de la Commission, force est de constater qu’ils s’inscrivent dans le cadre des contrats conclus avec la requérante.

46      À cet égard, il résulte de l’article II.29 des conditions générales FP6, que « [à] tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits […] se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat ». Cette disposition contractuelle prévoit également que « [l]es montants qui seraient dus à la Commission en raison des résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement comme indiqué à l’article II.31 ».

47      S’agissant, ensuite, des éléments de la lettre du 12 mars 2010 évoqués aux points 42 et 43 ci-dessus, le rappel de la nécessité de respecter les stipulations financières des contrats s’inscrit, à l’évidence, dans le cadre des relations contractuelles. Quant aux demandes d’extrapoler les conclusions de l’audit aux périodes et aux contrats non concernés par l’audit et de respecter, pour l’avenir, les recommandations de cet audit, elles sont également indissociables des relations contractuelles entre la requérante et la Commission. En effet, ces demandes découlent directement du droit de la Commission de contrôler la bonne exécution du contrat (article II.29.1 des conditions générales FP6), de l’obligation du contractant de fournir à la Commission les informations demandées dans le cadre des contrôles [article II.3.2, sous c), et article II.29.2 des conditions générales FP6] et de l’obligation de la requérante de ne déclarer que des coûts réellement éligibles (articles II.19 et II.30 des conditions générales FP6, lus en combinaison).

48      S’agissant, enfin, des éléments de la lettre du 12 mars 2010 rappelés au point 44 ci-dessus, relatifs au fait que la Commission proposait de mettre fin à la participation de la requérante à tous les contrats (FP6, FP7 et eContentPlus) en cours avec la DG « Société de l’information et médias », il suffit de constater que la requérante ne conteste pas l’existence d’un fondement contractuel pour la résiliation par la Commission de tels contrats en cas d’irrégularité commise par le contractant dans le cadre d’un autre contrat avec la Commission.

49      Les considérations qui précèdent, desquelles il ressort que la lettre du 12 mars 2010 est de nature purement contractuelle, ne sont nullement remises en cause par les divers arguments avancés par la requérante dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, lesquels sont un mélange de considérations sur la nature prétendument non contractuelle de la lettre du 12 mars 2010 et de considérations sur son caractère prétendument décisionnel.

50      S’agissant, tout d’abord, de l’affirmation de la requérante selon laquelle l’extrapolation constituerait pour elle une obligation ne reposant sur aucune base contractuelle, il a déjà été constaté que la demande d’extrapolation s’inscrit dans les relations contractuelles (voir point 47 ci-dessus).

51      En tout état de cause, la Commission n’a, contrairement à ce que suggère la requérante, nullement obligé celle-ci à procéder à l’extrapolation. La Commission l’a invitée à le faire ou, sinon, à lui indiquer pourquoi elle estimait cette extrapolation inappropriée.

52      Quant à la circonstance, évoquée par la requérante, selon laquelle la Commission peut réclamer le paiement d’indemnités et de pénalités financières en cas d’erreurs non corrigées, cette circonstance n’a nullement pour effet de transformer l’invitation à extrapoler, exprimée dans la lettre du 12 mars 2010, en une obligation. Elle n’est que l’expression du droit contractuellement garanti à la Commission d’obtenir, en toutes circonstances, le paiement d’indemnités et de pénalités financières dans le cas où un contractant a reçu une contribution financière injustifiée (article II.30 des conditions générales FP6).

53      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à tort que la requérante soutient que le présent recours en annulation devrait être considéré comme recevable en ce qu’il contesterait une prétendue décision de la Commission, adoptée en dehors des prévisions du contrat et obligeant la requérante à pratiquer l’extrapolation.

54      S’agissant, ensuite, de l’argument selon lequel la lettre du 12 mars 2010 aurait pour conséquence directe d’exclure la requérante de tous les projets en cours avec la DG « Société de l’information et médias », il suffit de rappeler que la requérante ne conteste pas l’existence d’un fondement contractuel pour la résiliation des autres contrats en cours avec ladite DG (voir point 48 ci-dessus). Quoi qu’il en soit, la lettre du 12 mars 2010 ne comporte, contrairement à ce que suggère la requérante, aucune décision de résiliation des contrats en cours, mais tout au plus une information de la requérante à ce sujet.

55      S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel la lettre du 12 mars 2010 aurait pour conséquence directe d’exclure la requérante de toutes les procédures de passation de marché en cours sans pour autant que cela soit prévu par les trois contrats faisant l’objet de l’audit, il convient de relever que, comme le fait valoir la Commission, la lettre du 12 mars 2010 n’évoque, à absolument aucun endroit, une telle exclusion. La lettre du 12 mars 2010 ne saurait donc, en rien, constituer une décision d’exclusion.

56      Cette exclusion de la requérante des procédures de passation de marchés en cours n’est évoquée par la Commission que dans ses lettres des 3 et 15 mars 2010. Dans la première de ces lettres (voir point 8 ci-dessus), la Commission a informé la requérante de son intention de l’exclure et elle l’a invitée à présenter ses observations. Dans la seconde de ces lettres (voir point 18 ci-dessus), la Commission a octroyé une prorogation du délai pour le dépôt de ces observations et a informé la requérante de son inscription, à titre provisoire et jusqu’au 12 septembre 2010, dans la base de données centrale sur les exclusions.

57      Or, indépendamment même du point de savoir si l’une ou l’autre de ces deux lettres pourrait constituer un acte attaquable par la voie du recours en annulation, force est de constater que ni l’une ni l’autre ne fait l’objet du présent recours.

58      Il s’ensuit que, dès lors que l’exclusion de la requérante des procédures de passation des marchés en cours ne fait pas l’objet de la lettre attaquée, les considérations avancées et les pièces produites par la requérante au sujet d’une telle exclusion sont dépourvues de toute pertinence.

59      En conclusion, aucun des arguments avancés par la requérante ne parvient à remettre en cause le fait que la lettre du 12 mars 2010 s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable et donc non susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE. En tout état de cause, dans l’hypothèse inverse, non réalisée en l’espèce, où la lettre du 12 mars 2010 serait considérée comme excédant le cadre purement contractuel, force est de constater que cette lettre ne comporte aucune décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, mais a tout au plus le caractère d’un acte préparatoire.

60      Partant, le présent recours, dès lors qu’il tend à l’annulation, sur le fondement de l’article 263 TFUE, de la lettre du 12 mars 2010, est irrecevable.

61      Il convient d’ajouter que, saisi d’un recours en annulation alors que le litige était, en réalité, de nature contractuelle, le Tribunal a, certes, déjà accepté de requalifier le recours (arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Lecureur/Commission, T‑26/00, Rec. p. II-2623, point 38).

62      Toutefois, en l’espèce, il n’y a pas lieu de procéder à une telle requalification.

63      En effet, en présence d’un litige de nature contractuelle, le Tribunal s’estime dans l’impossibilité de requalifier un recours en annulation soit lorsque la volonté expresse de la requérante de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification, soit lorsque le recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause, qu’il s’agisse des clauses contractuelles ou des dispositions de la loi nationale désignée dans le contrat (arrêt CEVA/Commission, point 36 supra, point 59).

64      En l’espèce, la requérante, confrontée à une exception d’irrecevabilité fondée sur la nature contractuelle de la lettre du 12 mars 2010, se limite exclusivement à défendre la recevabilité du recours en ce qu’il est fondé sur l’article 263 TFUE. À aucun moment, à la différence du requérant dans l’affaire ayant donné à lieu à l’arrêt CEVA/Commission, point 36 supra, la requérante, en l’espèce, ne demande la requalification du recours en recours sur le fondement de l’article 272 TFUE. Or, c’est à la partie requérante qu’il convient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03, Rec. p. I‑2077, point 35, ordonnances Evropaïki Dynamiki/Commission, point 39 supra, point 38 ; Imelios/Commission, point 36 supra, point 19 ; Austrian Relief Program/Commission, point 36 supra, point 32, et arrêt CEVA/Commission, point 36 supra, point 46).

65      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent recours est rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Cross Czech a.s. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 30 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.