Language of document : ECLI:EU:T:2023:739

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 novembre 2023 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Décision d’ouverture d’une procédure d’invalidité – Conclusions en annulation – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité – Harcèlement moral – Enquête administrative – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Article 24 du statut – Règle de concordance – Principe de bonne administration – Droit d’être entendu – Régime de la preuve – Commencement de preuve – Erreur d’appréciation – Droit au respect de la vie privée – Droit à la protection des données personnelles – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑613/21,

XH, représentée par Me P. Nowak, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Lilamand et L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, S. Gervasoni et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la demande de fixation d’une audience de plaidoiries présentée par la requérante et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, d’ouvrir la phase orale de la procédure,

vu les demandes de report d’audience déposées par la requérante au greffe du Tribunal les 7 février, 15 mars, 17 et 19 avril 2023,

et à la suite de l’audience du 16 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, XH, demande, d’une part, l’annulation, premièrement, de la décision D/374/20 de la Commission européenne, du 4 décembre 2020, portant rejet de sa demande d’assistance (ci-après la « décision de rejet de la demande d’assistance ») et, deuxièmement, de la décision Ares(2021) 3466486 de la Commission, du 21 mai 2021, concernant la saisine de la commission d’invalidité (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure d’invalidité ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi.

 Antécédents du litige

2        La requérante est une fonctionnaire de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) depuis [confidentiel].

3        Jusqu’au 16 juin 2020, la requérante occupait un poste d’enquêtrice dans l’unité anciennement désignée comme l’unité A de l’OLAF. Au sein de cette unité, elle était notamment chargée des affaires dont la langue de procédure était [confidentiel]. En particulier, elle traitait, en qualité d’enquêtrice principale, trois affaires en cours, à savoir les affaires E, F et G.

4        Le 16 juin 2020, une réorganisation interne de l’OLAF est entrée en vigueur. À la suite de cette réorganisation, et compte tenu des préférences indiquées par la requérante, cette dernière a été affectée, à compter de cette date, à une nouvelle unité au sein de l’OLAF, à savoir l’unité B. En revanche, les affaires [confidentiel] devaient être traitées par l’unité C.

5        Entre les 2 et 22 juin 2020, la requérante a été en congé de maladie à la suite d’une opération médicale. Une prolongation de ce congé a été accordée pour une période continue du 23 juin au 31 octobre 2020, par approbation dans le système informatique de gestion du personnel de la Commission dénommé « Sysper 2 » (ci-après « Sysper 2 »), une première fois, le 23 juin 2020, pour la période comprise entre cette même date et le 10 juillet 2020, une deuxième fois, le 14 juillet pour la période comprise entre les 11 et 31 juillet 2020, une troisième fois, le 4 août 2020 pour la période comprise entre les 1er et 31 août 2020, une quatrième fois, le 1er septembre 2020, pour la période comprise entre cette même date et le 30 septembre suivant et, une cinquième fois, le 1er octobre 2020, pour la période comprise entre cette même date et le 31 octobre suivant.

6        Le 2 juin 2020, la requérante a envoyé un courriel aux membres de l’unité A, qui contenait un récapitulatif au sujet de l’une des trois affaires mentionnées au point 3 ci-dessus, à savoir l’affaire E. Dans ce courriel, elle a indiqué qu’elle était en congé de maladie, mais que, par précaution et de façon à éviter des retards, elle demeurerait connectée et ouverte à tout contact concernant ces trois affaires.

7        Le 8 juin 2020, un membre de l’unité A, a envoyé un courriel à la requérante et à la cheffe de l’unité A. Ce courriel concernait les trois affaires mentionnées au point 3 ci-dessus et contenait des observations et des suggestions pour les prochaines étapes. La cheffe de l’unité A a répondu que, compte tenu du congé de la requérante, ce membre de l’unité A devait consulter la future cheffe de l’unité C (ci-après la « cheffe de l’unité C »), afin de savoir si cette dernière souhaitait clore les affaires en cause avant la réorganisation du 16 juin 2020, ou bien si elle souhaitait attendre le retour de la requérante de son congé de maladie prévu après cette date. Ledit membre de l’unité A a envoyé un courriel à la cheffe de l’unité C, en mettant la requérante et la cheffe de l’unité A en copie. La requérante a répondu à ce dernier courriel et a expliqué qu’elle espérait que toutes les affaires pourraient être closes dans les meilleurs délais compte tenu de la réorganisation de l’OLAF et de son congé de maladie. Par ailleurs, elle a indiqué que, bien qu’elle fût en congé, elle était ouverte à recevoir les propositions finales concernant les affaires en question afin qu’elles puissent être finalisées.

8        Toujours le 8 juin 2020, la requérante a envoyé un courriel à un collègue investi du rôle de « personne de confiance » (confidential counsellor). Dans ce courriel, la requérante lui a communiqué les échanges mentionnés au point 7 ci-dessus et lui a demandé des conseils sur sa situation.

9        Le même jour, la secrétaire au sein de l’unité A (ci-après la « secrétaire de l’unité A ») a envoyé un courriel à la requérante au sujet de son changement de bureau lié à la réorganisation interne de l’OLAF visée au point 4 ci-dessus. Dans ce courriel, elle lui a demandé si, compte tenu de son congé de maladie jusqu’au 22 juin 2020, elle autoriserait qu’un tiers s’occupe de préparer le déménagement de ses affaires avant cette date. La requérante a répondu le jour même qu’elle préférait s’en occuper elle-même.

10      Le 9 juin 2020, la cheffe de l’unité C a répondu aux courriels mentionnés au point 7 ci-dessus. Dans sa réponse, elle a indiqué que, compte tenu des circonstances, il lui semblait très difficile de clore les affaires en cause avant le 16 juin 2020. Elle a précisé que la clôture de l’affaire E à la mi-juillet lui semblait réaliste.

11      Le 23 juin 2020, la cheffe de l’unité C a envoyé un courriel à la requérante pour discuter du projet de rapport final dans l’affaire E. Dans ce courriel, elle lui a demandé de l’appeler dans l’hypothèse où elle serait disponible. Le même jour, elle a adressé à la requérante une invitation à participer à une réunion par visioconférence pour le jour suivant, à savoir le 24 juin 2020. La requérante a répondu à ce courriel le lendemain, le 24 juin, en indiquant qu’elle était toujours en congé de maladie et que cette invitation coïncidait avec un rendez-vous médical. Elle a ajouté qu’elle serait toutefois disponible le lendemain toute la journée pour discuter au téléphone de l’affaire concernée.

12      Toujours le 23 juin 2020, la requérante a envoyé un courriel à la personne de confiance, mentionnée au point 8 ci-dessus, contenant l’invitation de la cheffe de l’unité C à la réunion par visioconférence mentionnée au point 11 ci-dessus. Dans ce courriel, elle lui a expliqué qu’elle avait une visite à l’hôpital pendant son congé de maladie et que cette invitation allait au-delà de ses capacités et était contraire aux règles. Elle lui a demandé de « notifier ce comportement comme harcèlement ».

13      Le 30 juin 2020, la secrétaire de l’unité A de la requérante lui a envoyé un second courriel pour lui demander si elle avait pris une décision concernant le déménagement de son bureau.

14      Le 1er juillet 2020, la cheffe de l’unité C a envoyé deux courriels à la requérante dans lesquels elle lui posait des questions concernant l’affaire E. La requérante y a répondu le 6 juillet suivant.

15      Le 1er août 2020, la requérante a déposé une demande d’assistance devant l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») compétente, au titre des articles 24, 59 et 60 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). Dans sa demande, la requérante a affirmé, en substance, que les courriels qu’elle avait reçus pendant son congé de maladie constituaient des demandes de la part de la hiérarchie ou du personnel de l’OLAF de travailler ou de se rendre immédiatement à son bureau pour préparer le déménagement de ses affaires, ce qu’elle considérait comme étant des tentatives d’interrompre ou de mettre un terme à son congé de maladie.

16      Le 26 août 2020, la cheffe de l’unité C a envoyé à la requérante un courriel qui contenait un nouveau projet de rapport final dans l’affaire E. Dans ce courriel, la cheffe de l’unité C a demandé à la requérante, d’une part, si elle approuvait le contenu de celui-ci et, d’autre part, si elle pouvait effectuer une vérification auprès de l’Office européen des brevets (OEB). La requérante lui a répondu qu’elle était toujours en congé de maladie. Dans un second courriel, la cheffe de l’unité C a précisé qu’elle avait envoyé son premier courriel pour qu’il soit traité par la requérante lors de son retour. La requérante lui a répondu le 28 août suivant, en précisant qu’elle considérait qu’il n’était pas nécessaire d’attendre son retour pour pouvoir finaliser les rapports en cause.

17      Le 31 août 2020, la cheffe de l’unité C a envoyé un courriel à la requérante en lui expliquant que, compte tenu de l’importante charge de travail de l’équipe d’enquête concernée, elle ne pouvait pas attribuer les trois affaires en cause à un autre enquêteur principal et que, par conséquent, elle comptait sur elle pour clore ces affaires à son retour de congé, conformément à ce qui avait été convenu. Le même jour, elle a envoyé deux autres courriels à la requérante qui contenaient, respectivement, un projet modifié de rapport final dans l’affaire F et un nouveau projet de rapport final dans l’affaire G. Dans ces deux courriels, elle a précisé que la requérante devrait les traiter uniquement à son retour de congé de maladie.

18      Le 6 septembre 2020, la requérante a répondu que son congé de maladie avait été prolongé et que les affaires en cause pouvaient être closes sans elle.

19      Le 7 septembre 2020, la requérante a signé électroniquement une déclaration de conflit d’intérêts concernant l’affaire G, dans le logiciel de gestion de contenu (OCM) de l’OLAF.

20      Le 8 septembre 2020, la cheffe de l’unité C a informé la requérante qu’elle avait nommé un nouvel enquêteur qui ne parlait pas la langue de procédure dans deux des trois affaires en cause. Par ailleurs, elle a évoqué une consultation pour clore, sans la requérante, la troisième affaire, à savoir l’affaire G mentionnée au point 19 ci-dessus. La cheffe de l’unité C a demandé à la requérante de lui envoyer les informations manquantes au sujet de cette troisième affaire dans l’hypothèse où, dans l’intervalle, cette dernière reviendrait de son congé de maladie.

21      Le 11 septembre 2020, la requérante a reçu un courriel de la part d’un collègue de l’unité C, dans lequel ce dernier la félicitait pour sa victoire dans le cadre d’une affaire qui avait été traitée par le Tribunal.

22      Le 17 septembre 2020, la requérante a reçu, de la part de ce même collègue, un autre courriel qui contenait un hyperlien pour accéder à l’arrêt prononcé par le Tribunal.

23      Le 18 septembre 2020, la cheffe de l’unité C a envoyé un courriel à la requérante dans lequel elle lui a indiqué qu’elle avait vu la déclaration de conflit d’intérêts mentionnée au point 19 ci-dessus. Par ailleurs, afin de prendre une décision sur cette déclaration, elle lui a demandé des informations complémentaires sur le conflit d’intérêts en cause. La requérante a répondu à cette demande le 20 septembre suivant.

24      Le 25 septembre 2020, la cheffe de l’unité C a envoyé un courriel à la requérante afin de l’informer que la situation de conflit d’intérêts était acceptée et qu’elle avait été déchargée de sa dernière affaire en cours. Elle a ainsi constaté que la requérante n’avait plus d’affaires au sein de son unité.

25      Le 28 octobre 2020, le chef de l’unité HR.AMC.5 de la Commission a envoyé une note au service médical de cette institution pour demander l’ouverture d’une procédure d’invalidité à l’égard de la requérante. Cette demande était fondée sur le fait que, pour la période allant de novembre 2017 à octobre 2020, à savoir une période de trois ans, les congés cumulés de maladie de la requérante auraient excédé une durée de douze mois.

26      Le 4 décembre 2020, l’AIPN compétente a adopté la décision de rejet de la demande d’assistance de la requérante mentionnée au point 15 ci-dessus.

27      Le 28 février 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de rejet de la demande d’assistance.

28      Le 6 mai 2021, une visioconférence a été organisée entre, d’une part, la requérante et, d’autre part, l’Office d’investigation et de discipline (IDOC) et l’unité HR.E.2 (Recours et suivi des dossiers) de la Commission.

29      Le 10 mai 2021, un résumé des arguments avancés par la requérante au cours de cette visioconférence a été transmis à cette dernière.

30      Le 11 mai 2021, la requérante a présenté ses observations sur ce résumé et transmis des documents.

31      Le 21 mai 2021, la directrice générale de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission a adopté la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité, par laquelle elle a saisi la commission d’invalidité du cas de la requérante et a nommé un médecin pour représenter la Commission, conformément aux dispositions de l’article 7 de l’annexe II du statut.

32      Le 31 mai 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité.

33      Le 2 juillet 2021, l’AIPN compétente a adopté la décision R/138/21, portant rejet de sa réclamation contre la décision de rejet de la demande d’assistance (ci-après la « décision R/138/21 de rejet de la réclamation »), en raison de l’absence de commencement de preuve des allégations de la requérante. Par ailleurs, l’AIPN compétente a rejeté la demande de réparation du préjudice subi.

34      Le 30 septembre 2021, l’AIPN compétente a adopté la décision R/301/21, portant rejet de sa réclamation contre la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité (ci-après la « décision R/301/21 de rejet de la réclamation »), par laquelle elle a conclu que la réclamation introduite par la requérante contre la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité était irrecevable.

 Conclusions des parties

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, d’une part, la décision de rejet de la demande d’assistance et la décision R/138/21 de rejet de la réclamation et, d’autre part, la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité et la décision R/301/21 de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

37      Par son premier chef de conclusions, la requérante formule des demandes en annulation. À l’appui de ces demandes, elle présente plusieurs demandes de mesures d’organisation de la procédure ou de mesures d’instruction. Par son deuxième chef de conclusions, elle demande la réparation du préjudice qu’elle aurait subi. Il convient d’examiner, successivement, les demandes en annulation, puis la demande en indemnité et, enfin, les demandes de mesures d’organisation de la procédure ou de mesures d’instruction.

38      Par son premier chef de conclusions, d’une part, la requérante demande, notamment, l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité et de la décision R/301/21 de rejet de la réclamation. D’autre part, elle demande l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance et de la décision R/138/21 de rejet de la réclamation.

39      À titre liminaire, il convient de préciser que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8), ce qui est le cas en l’espèce. Il convient donc de considérer que le premier chef de conclusions, dirigé, d’une part, contre la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité et la décision de rejet de la demande d’assistance et, d’autre part, contre la décision R/301/21 de rejet de la réclamation et la décision R/138/21 de rejet de la réclamation, a pour unique objet des demandes d’annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité et de la décision de rejet de la demande d’assistance (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).

 Sur la demande en annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité

40      Au soutien de sa demande en annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité, la requérante invoque, en substance, la violation par la Commission des articles 59 et 90 du statut, lus à la lumière des articles 12 bis et 24 du statut, pour avoir décidé d’ouvrir une procédure d’invalidité à son égard alors que le nombre de ses jours de congé de maladie pendant une période de trois ans n’excédait pas douze mois au jour de cette décision. À l’appui de ces allégations, par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2023, elle a produit divers documents qui, selon elle, attestaient d’un manque d’impartialité de la personne l’ayant informée de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité.

41      En premier lieu, la Commission soulève plusieurs fins de non-recevoir à cet égard. D’une part, la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité ne serait pas un acte faisant grief à la requérante au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. D’autre part, la requête manquerait de clarté sur plusieurs aspects, alors que la requérante aurait soulevé de manière tardive des moyens et des arguments nouveaux dans la réplique et que la règle de concordance aurait été méconnue sur plusieurs aspects. En second lieu, et en tout état de cause, la Commission soutient que les arguments de la requérante à l’appui de la demande en annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité doivent être rejetés comme non fondés ou inopérants. Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a fait valoir que les documents relatifs à la personne ayant informé la requérante de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité étaient sans pertinence aux fins du présent litige, dans la mesure où cette personne n’était pas, en dehors de cet acte formel, intervenue dans cette procédure.

42      Il y a lieu d’examiner, d’abord, la recevabilité de la demande en annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité et, en particulier, la première fin de non-recevoir tirée de ce que cette décision ne serait pas un acte faisant grief à la requérante au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

43      Sur ce point, la Commission allègue que la décision de saisir la commission d’invalidité n’est pas un acte faisant grief à la requérante, mais un acte préparatoire, dont la légalité peut être contestée uniquement dans le cadre d’un recours en annulation introduit contre la décision finale adoptée à l’issue de la procédure. En particulier, la Commission souligne que la requérante ne parvient pas à démontrer les effets que la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité, engagée en l’absence de demande de sa part, aurait eus sur sa situation juridique. Les effets psychologiques allégués seraient indifférents à cet égard. Par ailleurs, la Commission soutient que le fait que cette décision ait pour effet juridique d’ouvrir la procédure d’invalidité ne signifie pas qu’elle fasse grief à la requérante.

44      Afin de conclure à la recevabilité du recours, la requérante avance, dans la réplique, que la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité constitue un acte lui faisant grief, dans la mesure où cette décision ne doit pas être considérée comme un acte isolé, mais comme appartenant à une série de décisions et d’actes de la Commission pris à son égard et dont il résulterait un harcèlement continu. En outre, la requérante soutient que ladite décision affecte sa situation juridique au motif qu’elle s’est trouvée obligée de produire des documents portant sur son état de santé. Par ailleurs, la perspective d’un éventuel licenciement ou d’une mise à la retraite aurait engendré chez elle une dégradation de sa situation émotionnelle et un état de stress.

45      À cet égard, il est de jurisprudence constante que constituent des actes faisant grief les actes émanant de l’autorité compétente et renfermant une prise de position définitive de l’administration qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir arrêts du 8 octobre 2014, Bermejo Garde/CESE, T‑530/12 P, EU:T:2014:860, point 45 et jurisprudence citée, et du 29 novembre 2018, WL/ERCEA, T‑493/17, non publié, EU:T:2018:852, point 32 et jurisprudence citée).

46      Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, en principe, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale. Ainsi, en matière de recours des fonctionnaires, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêts du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, EU:T:2003:346, point 28 ; du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, EU:T:2005:374, point 28, et du 29 novembre 2018, WL/ERCEA, T‑493/17, non publié, EU:T:2018:852, point 33).

47      En l’espèce, la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité a été adoptée sur le fondement de l’article 59, paragraphe 4, du statut. À cet égard, il a déjà été jugé qu’une décision de soumettre une partie requérante à la commission d’invalidité était un acte préparatoire qui s’intégrait dans la procédure de mise en retraite et que ce n’était qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la décision prise au terme de cette procédure qu’une partie requérante pouvait faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui étaient étroitement liés (ordonnance du 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, EU:C:1988:255, point 13, et arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 43 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 25 mars 2020, Lucaccioni/Commission, T‑507/19, non publiée, EU:T:2020:118, points 39, 41 et 42).

48      Dès lors, en application de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité n’est pas un acte qui fixe définitivement la position de la Commission à cet égard, mais est un acte préparatoire d’une décision finale qui sera prise au terme de la procédure d’invalidité. La décision d’ouverture de la procédure d’invalidité ne constitue donc pas un acte faisant grief à la requérante au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

49      Partant, il y a lieu de rejeter, comme étant irrecevable, la demande en annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission ni les arguments des parties soulevés sur le fond.

 Sur la demande en annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance

50      Au soutien de sa demande en annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance, la requérante invoque quatre moyens.

51      Le premier moyen est tiré d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut, du devoir de sollicitude, des articles 7 et 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du principe de bonne administration. La première branche de ce moyen est tirée du non-respect du principe selon lequel la victime présumée n’est pas tenue de fournir des preuves de harcèlement. La deuxième branche est tirée d’une absence de prise en compte par l’AIPN compétente des éléments produits par la requérante et, plus précisément, de ses documents médicaux. La troisième branche est tirée du fait que l’AIPN compétente aurait fondé son appréciation exclusivement sur les conclusions du harceleur présumé et aurait refusé d’exercer sa compétence de contrôle et d’assistance. La quatrième branche est tirée d’une violation de l’article 41 de la Charte et du principe de bonne administration.

52      Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 12 bis, 24, 59 et 60 du statut. La requérante souligne, à cet égard, qu’il a été exigé d’elle un travail pendant son congé de maladie qui impliquait pour elle une incapacité totale de travail et que, dans ce cadre, elle s’est vu fixer des objectifs impossibles à atteindre.

53      En ce qui concerne le troisième moyen, la requérante a confirmé au cours de l’audience l’invoquer au soutien de la demande d’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance. Ce moyen est tiré de la violation des articles 59 et 90 du statut, lus à la lumière des articles 12 bis et 24 du statut, au motif que l’AIPN compétente a ouvert une procédure d’invalidité à une date à laquelle la requérante n’avait pas atteint la durée requise de congé de maladie.

54      Le quatrième moyen est tiré de la violation des articles 7 et 8 de la Charte. La requérante y fait valoir que le non-respect de sa vie privée et de sa santé découle des demandes répétées de fournir un travail actif pendant son congé de maladie. En outre, elle prétend que son droit à la protection de ses données personnelles a été méconnu au motif que ses collègues lui ont adressé des demandes relatives à ses données personnelles médicales.

55      Il convient d’examiner, successivement, la quatrième branche du premier moyen, la première branche du premier moyen, les deuxième et troisième branches du premier moyen ensemble avec les deuxième et troisième moyens et, enfin, le quatrième moyen.

 Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de bonne administration

56      Par la quatrième branche du premier moyen, la requérante affirme, en substance, que l’AIPN compétente a méconnu le droit à une bonne administration et, en particulier, son droit d’être entendue et l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, au motif que, aux fins d’apprécier la demande d’assistance et d’analyser le comportement du harceleur présumé, elle n’aurait pas utilement pris en compte l’ensemble des éléments pertinents de son dossier, notamment ses documents médicaux et les communications dont elle avait été destinataire pendant son congé de maladie. Elle ajoute que, si ces éléments avaient été dûment pris en considération et inclus dans le dossier de l’IDOC et dans son dossier personnel, le résultat de l’examen de sa demande d’assistance aurait été différent. Elle explique que son audition auprès de l’IDOC n’a pas été fidèlement retranscrite dans le procès-verbal de la réunion avec l’IDOC, dans la mesure où la présentation qu’elle a faite desdits éléments au cours de cette audition n’a pas été prise en compte par l’IDOC. À titre de justification, l’AIPN et l’IDOC auraient soutenu que ces documents étaient couverts par le secret médical.

57      La Commission soulève, en substance, deux fins de non-recevoir et soutient, en tout état de cause, que l’argumentation de la requérante est non fondée.

58      S’agissant de la première fin de non-recevoir tirée d’une méconnaissance de la règle de concordance, selon la Commission, la requérante n’a pas invoqué une violation de son droit d’être entendue dans sa réclamation. Ainsi, l’argumentation de la requérante fondée sur une telle violation serait irrecevable en raison du non-respect de la règle de concordance entre la réclamation et la requête. S’agissant de la seconde fin de non-recevoir, la requérante ne préciserait pas, en ce qui concerne les éléments prétendument non pris en considération par l’AIPN compétente, les éléments auxquels elle fait référence ni la raison pour laquelle ces éléments auraient dû être pris en considération comme un commencement de preuve de harcèlement. Ainsi, la Commission n’étant pas en mesure de répondre à cette allégation, cette argumentation serait irrecevable à défaut de précision suffisante de la requête.

59      D’une part, la requérante considère avoir respecté la règle de concordance. En effet, c’est sur la base de ses documents médicaux qu’elle aurait fondé sa présentation des faits pertinents devant l’IDOC et lors de la procédure administrative. Elle explique qu’elle ne pouvait réaliser que l’AIPN compétente n’avait pas tenu compte de l’ensemble de ces documents qu’après avoir pu prendre connaissance du contenu de la décision de rejet de sa demande d’assistance. D’autre part, elle estime avoir présenté dans sa requête les faits et les preuves du harcèlement allégué.

60      Il convient de rappeler que la règle de concordance entre la réclamation et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union européenne l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été mise en mesure de connaître d’une manière suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée [arrêts du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 71, et du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 57 (non publié)].

61      Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ceux-ci peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans ladite réclamation, mais s’y rattachant étroitement [arrêts du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 35, et du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 58 (non publié)].

62      Cependant, d’une part, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive. D’autre part, l’article 91 du statut ne doit pas avoir pour effet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation [arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 59 (non publié) ; voir également, en ce sens, arrêts du 1er juillet 1976, Sergy/Commission, 58/75, EU:C:1976:102, point 33, et du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, EU:C:1998:558, point 17].

63      De plus, il y a lieu de rappeler qu’une personne ayant, sur le fondement des articles 12 bis et 24 du statut, déposé une demande d’assistance au motif qu’elle faisait l’objet d’un harcèlement moral peut se prévaloir du droit d’être entendue sur les faits la concernant, au titre du principe de bonne administration (voir arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker, C‑187/19 P, EU:C:2020:444, point 66 et jurisprudence citée).

64      En effet, l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte dispose que le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker, C‑187/19 P, EU:C:2020:444, points 67 et 68).

65      Par ailleurs, il convient de rappeler que si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut imposer auxdites institutions d’adhérer à celui-ci (voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 110 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, dans sa réclamation contre la décision de rejet de la demande d’assistance, la requérante a allégué que, dans cette décision, l’AIPN compétente ne s’était pas « référée » exhaustivement à toute la correspondance qu’elle avait soumise et à tous les faits qu’elle avait présentés.

67      À cet égard, il est vrai que le droit d’être entendu implique que l’administration prête toute l’attention requise aux observations soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88).

68      Toutefois, cette allégation de la requérante dans la réclamation, lue dans son contexte, visait exclusivement à contester le bien-fondé des appréciations de l’AIPN compétente sur sa demande d’assistance. D’ailleurs, dans la décision R/138/21 de rejet de la réclamation, l’AIPN compétente n’a pas interprété ladite allégation comme visant à faire valoir une irrégularité telle qu’une violation du droit d’être entendu.

69      Ainsi, il y a lieu de constater que la réclamation de la requérante contre la décision de rejet de la demande d’assistance ne contient aucun élément portant sur une prétendue violation du droit d’être entendu sous couvert de protection du secret médical.

70      Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la règle de concordance entre la requête et la réclamation en ce qui concerne le droit d’être entendu doit être accueillie. Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante sur la quatrième branche du premier moyen comme étant irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner la seconde fin de non-recevoir présentée par la Commission à cet égard.

71      En tout état de cause, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la requérante a été invitée à présenter ses observations à plusieurs reprises au cours de la procédure administrative. En effet, le 20 novembre 2020, la requérante a été invitée à se prononcer sur le contenu de l’analyse préliminaire de sa demande d’assistance, avant que l’AIPN n’adopte la décision de rejet de la demande d’assistance. Le 6 mai 2021, la requérante s’est entretenue par visioconférence avec l’unité des ressources humaines et l’IDOC au sujet du contenu de sa réclamation. Le 10 mai suivant, un résumé des arguments avancés par la requérante au cours de cette visioconférence a été transmis à cette dernière. Enfin, le 11 mai suivant, la requérante a présenté ses observations sur ce résumé et a transmis des documents additionnels, qu’elle n’a pas produits devant le Tribunal. Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante invoque la violation de son droit d’être entendue.

72      Ensuite, à supposer que la requérante invoque, en outre, une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 41 de la Charte et à l’article 25 du statut, il y a lieu de rappeler qu’un acte est suffisamment motivé lorsqu’il intervient dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet d’en saisir la portée (voir arrêt du 3 mars 2021, Barata/Parlement, T‑723/18, EU:T:2021:113, point 67 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’une motivation ne doit pas être exhaustive, mais au contraire doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 20 octobre 2021, ZU/Commission, T‑671/18 et T‑140/19, non publié, EU:T:2021:715, point 165 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, ainsi que cela ressort de la jurisprudence mentionnée au point 72 ci-dessus, l’obligation de motivation n’impliquait pas pour l’AIPN compétente d’aborder spécifiquement tous les documents soumis par la requérante. Dans cette mesure, il y a lieu de souligner qu’il ne ressort pas de la décision de rejet de la demande d’assistance, complétée par la décision R/138/21 de rejet de la réclamation, qu’une violation de cette obligation a été commise, ces actes étant suffisamment motivés et ayant permis à la requérante de les contester devant le Tribunal et à ce dernier d’en examiner la légalité.

74      Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’AIPN compétente n’a pas « pris en compte » les documents qu’elle estimait pertinents, il convient de souligner notamment que, dans la décision R/138/21 de rejet de la réclamation, l’AIPN a mentionné les documents produits par la requérante le 11 mai 2021.

75      Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du premier moyen doit être écartée comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée.

 Sur la première branche du premier moyen, relative au régime de la preuve applicable à une demande d’assistance fondée sur un prétendu harcèlement

76      La requérante soutient qu’il n’appartient pas à la victime d’un prétendu harcèlement d’apporter des éléments de preuve étayant sa situation sur le lieu de travail. À cet égard, elle mentionne le point 50 de l’arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement (F‑26/14, EU:F:2015:22), dans lequel le Tribunal de la fonction publique a jugé que « ni les articles 12 bis et 24 du statut ni les règles internes ne pos[ai]ent la condition qu’une personne qui s’estim[ait] victime de harcèlement serait obligée d’apporter un commencement de preuve des allégations formulées ».

77      La Commission conteste cette interprétation.

78      Selon une jurisprudence constante, lorsque l’administration est saisie au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, elle doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si elle est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 46, et du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑65/19, EU:T:2021:454, point 64).

79      S’agissant de l’exigence selon laquelle le demandeur d’assistance doit apporter un commencement de preuve de la réalité de la conduite abusive dont il affirme être victime, l’institution en cause ne saurait être tenue de mener une enquête administrative sur la base de simples allégations dénuées de preuve, étant entendu que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’institution doit également veiller à protéger les droits des personnes mises en cause dans une demande d’assistance et susceptibles d’être visées par une enquête (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 58 et jurisprudence citée ; arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 142).

80      Lorsque, comme en l’espèce, les allégations figurant dans la demande d’assistance concernent un harcèlement moral, il appartient au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de celui-ci au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut (arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 80), à savoir « toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, [à] la dignité ou [à] l’intégrité physique ou psychique » du demandeur (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 59).

81      Enfin, s’agissant de la légalité d’une décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte, le juge de l’Union doit examiner le bien-fondé de cette décision au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 60 et jurisprudence citée ; ordonnance du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑79/20, non publiée, EU:T:2021:478, point 65).

82      Premièrement, l’arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement (F‑26/14, EU:F:2015:22), ne peut être interprété, comme le soutient la requérante, en ce sens que le Tribunal de la fonction publique aurait entendu procéder à un renversement de la charge de la preuve et prévoir qu’il n’appartenait pas à la victime d’un prétendu harcèlement d’apporter des éléments de preuve étayant sa situation sur le lieu de travail. Dans cet arrêt, le Tribunal de la fonction publique a uniquement entendu souligner que, lorsque l’administration disposait d’autres informations que celles fournies par la partie requérante, le devoir de sollicitude commandait que l’administration prenne en compte tous les éléments d’information qui étaient à sa disposition et qu’elle ne pouvait se contenter de considérer que la partie requérante n’avait pas apporté le commencement de preuve du prétendu harcèlement.

83      Deuxièmement, il y a lieu de constater que l’observation qui figure au point 50 de l’arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement (F‑26/14, EU:F:2015:22) (voir point 76 ci-dessus), a été formulée dans des circonstances particulières. En effet, il ressort du point 54 du même arrêt que contrairement à ce que le Parlement européen avait indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, ce dernier ne disposait pas uniquement de trois courriels. La Parlement disposait également de nombreux autres éléments tels que la plainte déposée par la partie requérante auprès du comité consultatif sur le harcèlement, contenant une description détaillée du comportement du député au Parlement en cause, les explications données par le médecin et par le psychologue du Parlement, un arrêt de travail de la partie requérante et l’explication qui y était relative, la démission de la partie requérante et les raisons de celle-ci ou, encore, le fait qu’une autre demande d’assistance pour harcèlement avait été introduite par une personne différente contre le même député.

84      Dans ce contexte particulier, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 56 de l’arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement (F‑26/14, EU:F:2015:22), que, pris dans leur ensemble, les éléments d’information dont disposait le Parlement constituaient des indices susceptibles de créer des doutes sérieux quant à la question de savoir si, dans le cas d’espèce, les conditions posées à l’article 12 bis du statut étaient satisfaites. Compte tenu de ce contexte particulier, le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 57, que le Parlement avait méconnu son devoir de sollicitude envers la partie requérante.

85      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, l’AIPN compétente n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a considéré que la requérante devait apporter des éléments établissant l’existence d’un commencement de preuve du harcèlement.

86      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

 Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen et les deuxième et troisième moyens, relatifs au caractère suffisant des preuves apportées au soutien de la démonstration du harcèlement moral allégué

87      La requérante soutient, en substance, qu’elle a apporté suffisamment d’éléments de preuve d’un harcèlement moral et que l’AIPN compétente aurait, sans procéder à un examen suffisant de ces éléments, conclu à tort à l’absence de harcèlement moral.

88      À cet égard, premièrement, la requérante soutient dans la réplique que la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité ne devrait pas être considérée comme un acte isolé. Cette décision devrait être appréhendée comme faisant partie d’une série de décisions et d’actes de la Commission, dont il résulterait un harcèlement continu à son égard. Elle fait valoir que ladite décision était arbitraire et a été adoptée alors qu’il n’existait aucun motif la justifiant.

89      Deuxièmement, la requérante avance que certains éléments de son dossier, à savoir ses documents médicaux, auraient été importants et pertinents pour démontrer que la hiérarchie et le personnel de l’OLAF, notamment la secrétaire de l’unité A et la cheffe de l’unité C, étaient dûment informés de la gravité de sa condition médicale. Pourtant, aucune mesure n’aurait été prise pour respecter son congé de maladie.

90      Alors que d’autres bureaux étaient disponibles dans les locaux de l’OLAF, la secrétaire de l’unité A aurait continué à lui envoyer des courriels qui visaient à lui demander de préparer elle-même le déménagement de son bureau et à exiger sa présence dans ces locaux. En outre, la cheffe de l’unité C aurait exigé d’elle qu’elle travaille afin de terminer ses travaux en cours dans des délais irréalistes. Sur ce point, la requérante ne conteste pas que la cheffe de l’unité C avait le droit de la contacter pour s’informer de l’état des affaires en cours pendant son congé. Toutefois, elle souligne avoir signalé dans sa demande d’assistance le comportement discutable de cette cheffe d’unité. En effet, cette dernière lui aurait demandé, de manière insistante, de participer à une visioconférence à une date qui coïncidait avec une visite à l’hôpital ainsi que, à plusieurs occasions, de fournir des explications relatives à des dossiers – alors que d’autres collègues pouvaient y accéder par le biais du système de gestion des affaires – et de réaliser des tâches liées à des retards accumulés pendant son absence. Malgré son état de santé et la présence d’autres membres du personnel disponibles, la cheffe de l’unité C ou l’AIPN compétente n’auraient pas envisagé la désignation d’un remplaçant responsable des questions relatives à ses affaires pour la durée de son absence. En outre, même après l’envoi d’une déclaration de conflit d’intérêts, la requérante aurait été sollicitée pour l’analyse des dossiers. Partant, l’AIPN compétente aurait fondé son appréciation uniquement sur les conclusions du harceleur présumé, sans tenir compte d’une charge de travail qui aurait été intentionnellement accumulée afin de maintenir délibérément la requérante dans une situation de conflit à long terme avec son environnement professionnel.

91      Troisièmement, l’AIPN aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que des courriels d’un collègue de l’unité C ne constituaient pas une tentative d’aller à l’encontre de l’anonymat accordé par le Tribunal dans une autre affaire où elle était partie requérante.

92      Quatrièmement, selon la requérante, le harcèlement invoqué découlerait de la globalité des actes de la Commission. En effet, selon elle, le comportement adopté par ses différents collègues formerait une suite d’incidents qui devrait être considérée comme un ensemble unitaire constitutif d’un harcèlement moral.

93      La Commission conteste ces allégations.

94      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il appartient au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve d’un harcèlement moral au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, à savoir « toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, [à] la dignité ou [à] l’intégrité physique ou psychique » du demandeur (voir point 80 ci-dessus).

95      En outre, en présence d’une allégation de méconnaissance de l’article 12 bis du statut, le Tribunal doit rechercher si l’institution concernée a commis une erreur d’appréciation des faits au regard de la définition du harcèlement visée à cette disposition, et non une erreur manifeste d’appréciation de ces faits, le bien-fondé de la décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte devant être apprécié par le juge au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué [voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 242 (non publié) et jurisprudence citée].

96      Ainsi, il convient d’interpréter l’argumentation de la requérante, exposée aux points 87 à 92 ci-dessus, en ce sens qu’elle fait valoir que l’AIPN compétente a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a considéré que la requérante n’avait pas apporté un commencement de preuve de la réalité du harcèlement moral allégué.

–       Sur la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité

97      S’agissant de l’argument de la requérante, soulevé dans la réplique, selon lequel la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité est un élément qui participerait d’un harcèlement continu à son égard, il convient de relever que, dans la requête, la requérante se prévaut d’une violation des articles 59 et 90 du statut, lus à la lumière des articles 12 bis et 24 du statut, dans le cadre du troisième moyen et uniquement à l’appui de sa demande d’annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité. Interrogée sur ce point par le Tribunal, la requérante a, en substance, confirmé lors de l’audience que la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité devait, selon elle, être également examinée comme un élément pertinent pour la démonstration du harcèlement moral allégué, avancé au soutien de sa demande d’annulation de la décision de rejet de sa demande d’assistance.

98      À cet égard, il convient de relever qu’il ne ressort pas des écritures de la requérante qu’un tel argument a été formulé explicitement dans la requête ou qu’il se rattache à un moyen ou à un argument formulé dans la requête. Partant, il s’agit d’un argument nouveau, soulevé dans la réplique. Par ailleurs, cet argument n’est pas fondé sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure et doit donc être déclaré irrecevable, en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

–       Sur la prétendue obligation imposée à la requérante de travailler pendant son congé de maladie

99      En premier lieu, il est vrai que la cheffe de l’unité C a effectivement contacté la requérante, à plusieurs reprises, au cours de son congé de maladie, entre le 8 juin et le 25 septembre 2020.

100    Toutefois, premièrement, il convient de relever que les échanges des 8 et 9 juin 2020, mentionnés aux points 7 et 10 ci-dessus, ne contiennent aucune demande d’exécuter un travail. En effet, ces échanges évoquent uniquement un plan d’organisation concernant trois affaires encore en cours. La cheffe de l’unité C y a décidé, compte tenu des appréciations formulées par un membre de l’ancienne unité A sur ces affaires, de prolonger le délai initialement prévu pour leur clôture et d’attendre à cet effet le retour de la requérante de son congé, initialement prévu le 23 juin suivant. Certes, la requérante a été destinataire de ces courriels et, dans sa réponse, elle a considéré que lesdites affaires pouvaient être finalisées sans devoir attendre son retour. Néanmoins, au cours de ces échanges, elle n’a pas été priée de réaliser un travail précis. En effet, la cheffe de l’unité C lui a uniquement indiqué qu’elle tiendrait compte de son congé de maladie et exposerait la situation à son nouveau chef d’unité. Ainsi, c’est à juste titre que l’AIPN compétente a considéré que le courriel du 9 juin 2020 ne contenait aucune demande d’exécuter un travail précis.

101    Deuxièmement, s’agissant des courriels du 1er juillet 2020, mentionnés au point 14 ci-dessus, dans lesquels la cheffe de l’unité C a posé à la requérante des questions concernant l’affaire E, il y a lieu de constater que ces échanges consistaient, certes, en une demande d’informations concernant cette affaire, en vue de l’analyse du rapport préparé par la requérante, mais que la cheffe de l’unité C a également précisé qu’une réponse de la requérante n’était attendue qu’après son retour de congé de maladie.

102    Troisièmement, il convient de constater que tous les courriels entre la cheffe de l’unité C et la requérante, mentionnés aux points 100 et 101 ci-dessus, étaient formulés sur un ton courtois et respectueux. D’ailleurs, la requérante y a elle-même répondu en exprimant sa disponibilité à recevoir des propositions pour clore les dossiers en cause. En outre, la cheffe de l’unité C y a précisé, à plusieurs reprises, attendre une réponse de la requérante uniquement lorsqu’elle serait de retour au travail.

103    Quatrièmement, il est vrai que deux événements qui figurent au dossier de la présente affaire pourraient être considérés comme une demande d’exécuter un travail. D’une part, dans le courriel du 23 juin 2020, mentionné au point 11 ci-dessus, la cheffe de l’unité C a envoyé à la requérante une invitation pour une visioconférence afin de discuter d’une affaire. D’autre part, par ses courriels des 26 et 31 août 2020, mentionnés aux points 16 et 17 ci-dessus, elle a envoyé à la requérante, pour approbation, une nouvelle version d’un rapport et lui a demandé d’y compléter une information manquante.

104    Néanmoins, il convient de souligner que, en ce qui concerne les courriels des 26 et 31 août 2020, la cheffe de l’unité C a pris soin de préciser que l’exécution du travail qu’elle demandait n’était exigée qu’à la fin du congé de maladie de la requérante.

105    De plus, il convient de relever que le courriel du 23 juin 2020 a été envoyé à une date qui correspondait au lendemain de la date initialement prévue pour la fin du congé de maladie de la requérante, c’est-à-dire à la date prévisible de son retour au bureau. En outre, il ressort de plusieurs courriels, et notamment d’un courriel du 31 août 2020, que la cheffe de l’unité C n’était pas au courant des prolongations de ce congé de maladie, dans la mesure où elle n’était pas sa supérieure hiérarchique. En effet, elle y explique qu’elle n’avait pu avoir connaissance de la durée du congé de maladie de la requérante qu’après chacune de ses prolongations successives, dans la mesure où elle ne faisait pas partie de son unité d’affectation et n’avait pas accès à son dossier figurant dans Sysper 2. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la requérante a effectivement informé son chef d’unité de ces prolongations successives. En revanche, la cheffe de l’unité C ne figurait pas parmi les destinataires de ces courriels.

106    Dans ces conditions, même s’il est, en principe, inapproprié de demander à un fonctionnaire ou à un agent en congé de maladie d’exécuter certaines tâches précises, il ressort du dossier que, dans le cas d’espèce, un tel comportement de la cheffe de l’unité C ne saurait être qualifié de harcèlement moral au sens de la définition rappelée au point 94 ci-dessus.

107    En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue obligation de la requérante de travailler et d’avoir accès aux dossiers même après sa déclaration de conflit d’intérêts concernant l’affaire G, il y a lieu de rappeler que la requérante a signé électroniquement cette déclaration le 7 septembre 2020 (voir point 19 ci-dessus). Il est vrai que, le jour suivant, la cheffe de l’unité C a contacté la requérante au sujet, notamment, de cette affaire, pour lui expliquer qu’elle avait été déchargée des deux autres affaires et pour lui demander des informations, dans l’hypothèse où, dans l’intervalle, elle reviendrait de son congé de maladie. À cet égard, même si la déclaration de conflit d’intérêts n’avait pas encore été analysée ou approuvée le 8 septembre suivant, ce qui n’a été fait que le 20 septembre suivant, il n’en demeure pas moins que cette demande de la cheffe de l’unité C était inappropriée.

108    Toutefois, une telle attitude ne saurait être, à elle seule, constitutive de harcèlement moral. En effet, dans le courriel en cause, la possibilité avait été laissée à la requérante de ne pas donner suite à la demande de la cheffe d’unité C. De plus, il ne ressort pas du dossier que cette dernière aurait insisté pour obtenir les renseignements demandés. Le 25 septembre 2020, après avoir informé la requérante que la demande de conflit d’intérêts avait été acceptée, elle lui a confirmé qu’elle avait été déchargée de l’affaire en cause et que, par conséquent, elle n’avait plus d’affaires en cours au sein de son unité (voir point 24 ci-dessus).

109    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante, tiré de ce que l’AIPN compétente aurait dû prévoir son remplacement pendant son congé de maladie, il y a lieu de souligner que, en réalité, les dossiers ont tous été clos sans son intervention (voir point 24 ci-dessus), ce qui implique que d’autres collègues ont finalisé ces affaires à sa place. En outre, il convient de noter que le congé de maladie de la requérante devait se terminer, initialement, le 22 juin 2020 (voir point 5 ci-dessus), et que l’administration n’était pas en mesure de prévoir qu’il serait prolongé successivement par la requérante jusqu’à la fin du mois d’octobre 2020.

110    Ainsi, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait subi un harcèlement en raison d’obligations de travailler pendant son congé de maladie.

111    Par conséquent, il y a lieu de conclure que l’AIPN compétente n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les faits examinés aux points 107 à 110 ci-dessus ne constituaient pas un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

–       Sur la prétendue obligation imposée à la requérante de se rendre sur son lieu de travail pour déménager son bureau

112    En ce qui concerne les échanges de courriels entre la secrétaire de l’unité A et la requérante, en vue de la préparation du déménagement de son bureau, il convient de relever que la secrétaire de l’unité A a effectivement contacté la requérante à cet effet, à deux reprises, les 8 et 30 juin 2020 (voir points 9 et 13 et ci-dessus).

113    Toutefois, par son courriel du 8 juin 2020, la secrétaire de l’unité A, tout en s’excusant de contacter la requérante pendant son congé de maladie, lui a demandé si elle autorisait une autre personne à procéder pour elle au déménagement de ses affaires, ce qu’elle a refusé. Il ne saurait être considéré que, en agissant de la sorte, la secrétaire de l’unité A a exigé de la requérante une présence au bureau pendant son congé de maladie. De même, il ne ressort pas du dossier dans la présente affaire qu’elle ait insisté, après la réponse négative de la requérante, contrairement à ce que prétend cette dernière.

114    Quant au courriel du 30 juin 2020, la secrétaire de l’ unité A ne pouvait pas savoir, au moment de son envoi, que le congé de maladie de la requérante n’était pas terminé. En effet, compte tenu du fait qu’elles ne faisaient plus partie de la même unité et que la fin de ce congé était initialement prévue à la date du 22 juin 2020, la secrétaire de l’unité A ne savait pas que le congé de la requérante avait été prolongé. Par ailleurs, le contenu de ce courriel demeure courtois et exclusivement dédié à faciliter la préparation du déménagement du bureau de la requérante.

115    Partant, il ne ressort pas de ces éléments que la requérante aurait été contrainte de déménager son bureau pendant son congé de maladie. Dès lors, l’AIPN compétente a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer qu’ils ne constituaient pas un commencement de preuve du harcèlement moral allégué.

–       Sur la prétendue absence de prise en compte par l’AIPN compétente des éléments médicaux produits par la requérante

116    En premier lieu, il convient de relever que c’est uniquement au stade de la réplique que la requérante renvoie à des documents médicaux qui figurent dans trois annexes. Partant, une telle argumentation doit être rejetée comme étant irrecevable pour tardiveté, au titre de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.

117    En tout état de cause, en ce qui concerne ces trois annexes mentionnées dans la réplique, il y a lieu de relever que la première se limite à confirmer le motif du congé de maladie de la requérante et sa prolongation, que la deuxième fait état de la transmission par la requérante à la direction générale des ressources humaines et à l’IDOC de documents médicaux à la suite de l’entretien du 6 mai 2021, sans toutefois contenir les documents médicaux en question, et que la troisième comporte une attestation médicale datée du 16 août 2021.

118    Il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été dit au point 81 ci-dessus, que la légalité d’un acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 60 et jurisprudence citée, et ordonnance du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑79/20, non publiée, EU:T:2021:478, point 65). Par conséquent, en ce qui concerne les pièces établies postérieurement à l’adoption des actes attaqués, elles ne sauraient être prises en considération que dans la mesure où elles tendent à prouver la réalité et la portée des informations dont disposait l’auteur des actes contestés (arrêt du 4 juin 2003, Del Vaglio/Commission, T‑124/01 et T‑320/01, EU:T:2003:153, point 77).

119    Ainsi, dans la mesure où, d’une part, l’attestation du 16 août 2021 présentée dans la troisième annexe a été établie postérieurement à l’adoption de la décision R/138/21 de rejet de la réclamation du 2 juillet 2021 et où, d’autre part, il ressort des points 99 à 110 ci-dessus que la requérante n’a pas, en tout état de cause, apporté de commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral commis par la cheffe de l’unité C, cette attestation ne saurait être prise en considération.

120    En deuxième lieu, s’agissant des autres annexes produites par la requérante, cette dernière y inclut un rapport médical daté de 2018. Cependant, ce rapport, qui porte sur des faits antérieurs qui remontent à 2014, a été produit en vue d’expliquer la raison pour laquelle la requérante avait demandé à changer d’unité au moment de la réorganisation de l’OLAF, et non en vue d’étayer les faits dénoncés dans la demande d’assistance introduite en août 2020. En outre, la requérante ne soutient pas, dans sa demande d’assistance, que le harcèlement en cause remonte à 2014. Dès lors, cet élément n’est pas pertinent au titre de la présente affaire. En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier dans la présente affaire que ce document aurait été soumis à l’AIPN lors de la demande d’assistance introduite par la requérante. Par ailleurs, les mêmes considérations s’appliquent s’agissant d’une décision du Médiateur européen également produite en annexe.

121    En troisième lieu, et plus généralement, il convient de relever que, dans la décision R/138/21 de rejet de la réclamation, l’AIPN a mentionné les documents produits par la requérante le 11 mai 2021, ce qui implique qu’elle en a tenu compte. De plus, la décision de rejet de la demande d’assistance ainsi que la décision R/138/21 de rejet de la réclamation ne sont pas fondées sur l’absence de connaissance, par les personnes mises en cause par la requérante, de son état de santé, mais, compte tenu de leur impossibilité d’accéder au dossier Sysper 2 de la requérante, sur leur méconnaissance des dates du congé de maladie et de ses renouvellements successifs.

122    Ainsi et alors que, par ailleurs, la requérante n’a pas démontré avoir subi un harcèlement en raison des obligations qui lui avaient été imposées de travailler durant son congé de maladie, ni du fait de la préparation du déménagement de son bureau pendant ce congé (voir points 99 à 115 ci-dessus), l’ensemble de ces documents n’apparaissent pas pertinents pour apprécier si elle a apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

123    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré, d’une part, que l’AIPN compétente n’avait pas analysé les documents médicaux qu’elle avait transmis et, d’autre part, à supposer que l’AIPN n’ait pas pris en compte ces documents, que les appréciations de l’AIPN compétente auraient pu être différentes si elle les avait pris en compte.

–       Sur le comportement d’un collègue de la requérante prétendument inapproprié à propos d’une affaire traitée par le Tribunal

124    S’agissant des courriels d’un collègue de l’unité C qui constitueraient une tentative d’aller à l’encontre de l’anonymat accordé par le Tribunal dans une affaire où la requérante était partie requérante, il ressort du dossier dans la présente affaire que, ainsi que le fait valoir la Commission, ce collègue n’a pas demandé directement à la requérante si elle était la partie requérante dans l’affaire en cause. À cet égard, par un premier courriel, il l’a simplement félicitée, sur un ton amical. De plus, il est vrai qu’un second courriel dudit collègue, envoyé quelques jours plus tard, contenait effectivement un hyperlien vers l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire en cause. Toutefois, même si ce comportement est empreint d’une certaine maladresse, un tel acte isolé ne saurait être considéré comme un élément de harcèlement moral de ce collègue agissant au nom de l’unité C. Par conséquent, il y a lieu de constater que la requérante n’apporte aucun élément de preuve à cet égard.

125    Partant, de tels éléments factuels ne sauraient être qualifiés de commencement de preuve apporté par la requérante au soutien de ses allégations de harcèlement moral. Dès lors, il y a lieu de conclure que l’AIPN n’a pas commis d’erreur d’appréciation à cet égard.

–       Sur l’appréciation globale des faits mis en avant par la requérante

126    S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le comportement adopté par certains de ses collègues devrait être considéré comme une suite d’incidents formant un ensemble unitaire constitutif d’un harcèlement moral, il convient de relever, premièrement, que pris isolément, les faits examinés aux points 99 à 125 ci-dessus ne sont pas constitutifs d’un commencement de preuve à cet égard.

127    Deuxièmement, force est de constater que cette allégation repose uniquement sur une affirmation générale de l’existence d’un harcèlement continu. En effet, la requérante n’établit pas l’existence de liens entre les personnes qu’elle désigne et, en particulier, entre la cheffe de l’unité C et la secrétaire de l’unité A. Par ailleurs, il convient de relever que les comportements prétendument inappropriés sont intervenus dans un contexte particulier caractérisé, notamment, par la réorganisation de l’OLAF ainsi que par les prolongations successives du congé de maladie de la requérante dont les personnes mises en cause n’étaient pas informées à l’avance, ainsi que la Commission l’a souligné sans être contredite par la requérante. Dans ce contexte, et en l’absence de tout commencement de preuve, ladite allégation de la requérante ne saurait suffire à faire naître des doutes sérieux quant au fait que les prétendus harceleurs auraient agi dans le cadre d’un seul et même comportement de harcèlement collectif (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 110).

128    Eu égard aux considérations qui précèdent, les éléments portés à la connaissance de l’AIPN compétente n’étaient pas susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la réunion des conditions posées par l’article 12 bis du statut, de sorte que c’est à juste titre que l’AIPN a considéré que la requérante n’avait pas apporté un commencement de preuve de la réalité du harcèlement moral dont elle affirmait avoir été victime.

129    Dès lors, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième branches du premier moyen ainsi que les deuxième et troisième moyens.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit au respect de la vie privée, du droit à la protection des données à caractère personnel et du droit à la santé

130    La requérante considère que, d’une part, en adoptant la décision R/138/21 de rejet de la réclamation sans tenir compte des sollicitations répétées de ses collègues visant à lui demander d’accomplir un travail effectif pendant son congé de maladie et, d’autre part, en recueillant des informations médicales ou relatives à une affaire devant le Tribunal qui constituent de données personnelles, la Commission a non seulement ignoré son état de santé, mais a également violé son droit au respect de sa vie privée et à la protection de ses données personnelles. Dans la réplique, la requérante considère que la référence aux articles 7 et 8 de la Charte concerne à la fois les premier, deuxième et quatrième moyens, dans la mesure où ces trois moyens reposeraient sur les mêmes faits. Elle estime également que la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité peut également être considérée comme un acte adopté en violation de ces dispositions.

131    La Commission soulève plusieurs fins de non-recevoir.

–       Sur la recevabilité

132    Selon la Commission, dans la mesure où la requérante n’a pas invoqué la violation des articles 7 et 8 de la Charte ainsi que la violation du droit à la santé dans sa réclamation introduite contre la décision de rejet de la demande d’assistance, le quatrième moyen, en ce qu’il est dirigé contre cette dernière décision, doit être rejeté comme étant irrecevable pour méconnaissance de la règle de concordance.

133    Au soutien de la recevabilité de cet argument, la requérante explique, dans la réplique, qu’il convient de lire la référence aux articles 7 et 8 de la Charte conjointement avec les premier, deuxième et quatrième moyens et, en substance, lors de l’audience, que, dans sa réclamation, elle a mentionné un effet négatif sur sa réputation, sa vie privée et la protection de ses données médicales.

134    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN soit en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. En outre, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture (voir points 60 à 62 ci-dessus).

135    En l’espèce, il est vrai que la requérante n’a pas explicitement invoqué les articles 7 et 8 de la Charte dans sa demande d’assistance ni dans sa réclamation. Toutefois, dans sa demande d’assistance, la requérante a fait valoir que « [s]a vie privée et sa santé [avaient] étés impactées à plusieurs reprises » par le comportement de la hiérarchie et du personnel de l’OLAF.

136    Par ailleurs, dans sa réclamation, la requérante a soutenu que les courriels de son collègue de l’unité C, mentionnés aux points 21 et 22 ci-dessus, n’avaient clairement pas respecté le caractère anonyme de l’arrêt du Tribunal en cause ni la protection des données.

137    Ainsi, même si la réclamation ne mentionne pas spécifiquement les articles 7 et 8 de la Charte, la violation invoquée de ces dispositions peut être rattachée aux griefs contenus dans la demande d’assistance et dans la réclamation de la requérante.

138    Dès lors, il y a lieu de considérer que le quatrième moyen respecte la règle de concordance et qu’il est recevable en ce qu’il vise à l’annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance.

–       Sur le fond

139    Aux termes de l’article 7 de la Charte, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. Conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.

140    Le droit à la protection des données à caractère personnel est étroitement lié au droit au respect de la vie privée et familiale et s’oppose à ce que des informations relatives à des personnes physiques, identifiées ou identifiables, soient diffusées à des tiers, qu’il s’agisse d’autorités publiques ou du public en général, à moins que cette diffusion n’intervienne en vertu d’un traitement loyal répondant aux exigences prescrites à l’article 8, paragraphe 2, de la Charte [voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 126].

141    Il convient également de noter que l’article 52, paragraphe 3, de la Charte prévoit ce qui suit :

« Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [convention] de sauvegarde des droits de l’[h]omme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. »

142    L’article 7 de la Charte, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, contient des droits correspondant à ceux garantis à l’article 8, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Il convient donc, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, de donner à l’article 7 de la Charte le même sens et la même portée que ceux conférés à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (voir arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland/Commission, T‑451/20, EU:T:2023:276, point 181 et jurisprudence citée). De même, pour l’interprétation de l’article 8 de la Charte, il convient de tenir compte de l’article 8 de la CEDH, en tant que seuil de protection minimale, dans la mesure où ces deux dispositions contiennent des droits équivalents (voir, par analogie, arrêt du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 54).

143    Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la « vie privée » est une notion large, qui ne se prête pas à une définition exhaustive. Ainsi, l’article 8 de la CEDH protège également le droit à l’identité et au développement personnel ainsi que le droit pour tout individu de nouer et de développer des relations avec ses semblables et avec le monde extérieur. Aucune raison de principe ne permet d’exclure les activités professionnelles ou commerciales de la notion de « vie privée » (voir Cour EDH, 16 décembre 1992, Niemietz c. Allemagne, CE:ECHR:1992:1216JUD001371088, § 29 ; Cour EDH, 16 février 2000, Amann c. Suisse, CE:ECHR:2000:0216JUD002779895, § 65, et Cour EDH, 4 mai 2000, Rotaru c. Roumanie, CE:ECHR:2000:0504JUD002834195, § 43).

144    Toutefois, il y a lieu de souligner que le fait que la notion de « vie privée » soit large, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et que le droit à la protection des données à caractère personnel puisse constituer l’un des aspects du droit au respect de la vie privée ne signifient pas que toutes les données à caractère personnel entrent nécessairement dans la notion de « vie privée » (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Parlement/Conseil et Commission, C‑317/04 et C‑318/04, EU:C:2006:346, point 209).

145    La Cour européenne des droits de l’homme s’est déjà prononcée sur la possibilité de considérer des données non professionnelles contenues dans des courriels envoyés depuis le lieu de travail, comme relevant de l’article 8 de la CEDH et, par conséquent, de la notion de « vie privée » et de « correspondance » (Cour EDH, 22 février 2018, Libert c. France, CE:ECHR:2018:0222JUD000058813, § 24 et 25). Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que pour qu’il puisse être conclu que des courriels envoyés depuis le lieu de travail relevaient des articles 7 et 8 de la Charte, ils devaient contenir des données non professionnelles, c’est-à-dire des données qui relevaient de la vie privée de la personne en cause.

146    En outre, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que les considérations liées à la vie privée entraient en jeu dans les situations où des informations avaient été recueillies sur une personne bien précise, où des données à caractère personnel avaient été traitées ou utilisées et où les éléments en question avaient été rendus publics d’une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi les intéressés pouvaient raisonnablement s’attendre (Cour EDH, 28 juin 2018, M.L. et W.W. c. Allemagne, CE:ECHR:2018:0628JUD006079810, § 87).

147    En l’espèce, premièrement, en ce qui concerne les échanges de courriels entre, d’une part, la cheffe de l’unité C et la secrétaire de l’unité A et, d’autre part, la requérante, il y a lieu de relever que ces échanges reposent sur des aspects strictement professionnels, concernant des affaires en cours et des changements de bureaux à la suite de la réorganisation de l’OLAF. Par ailleurs, le congé de maladie de la requérante, qui peut être considéré comme relevant des données personnelles, est abordé dans un contexte professionnel et d’une manière vague. À cet égard, aucune date précise de retour de congé n’est mentionnée. Ainsi, si ces courriels contiennent, en eux-mêmes, des données personnelles de la requérante, ils sont néanmoins traités dans un contexte strictement professionnel et ne portent pas sur la vie privée de la requérante. Par ailleurs, ils n’ont donné lieu à aucune transmission d’informations personnelles susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la requérante.

148    Deuxièmement, en ce qui concerne les deux courriels envoyés par le collègue de la requérante concernant un arrêt prononcé par le Tribunal, il y a lieu de préciser que, à la suite d’une demande d’anonymat présentée par la requérante, les données contenues dans l’arrêt en cause ont été rendues anonymes. De plus, il ne ressort pas de ces courriels que leur expéditeur aurait demandé à la requérante de confirmer sa qualité de partie à la procédure dans l’arrêt prononcé par le Tribunal. Ainsi, les données contenues dans lesdits courriels ne sont pas des données relatives à une personne physique identifiée ou identifiable et, partant, des données personnelles au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 140 et 146 ci-dessus.

149    Troisièmement, en ce qui concerne le « droit à la santé », il y a lieu de rappeler que l’AIPN compétente n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a considéré que la requérante n’avait pas apporté un commencement de preuve de harcèlement en raison des obligations de fournir un travail ou du fait d’une demande de déménager son bureau pendant son congé de maladie (voir points 99 à 115 ci-dessus). Dans ces conditions, et à supposer que les faits dénoncés par la requérante relèvent du champ d’application de l’article 35 de la Charte, le droit à la santé de la requérante n’a pas été méconnu.

150    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

151    Compte tenu de ce qui précède, la demande en annulation de la décision de rejet de la demande d’assistance doit être rejetée dans son ensemble comme non fondée.

 Sur la demande en indemnité

152    En l’espèce, la requérante demande la réparation, à hauteur de 20 000 euros, du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison des actes prétendument irréguliers en cause, qui ont affecté sa situation personnelle et provoqué une détérioration de son état de santé. Elle soutient que la Commission et le directeur général de l’OLAF n’ont pris aucune initiative afin de remédier à cette situation.

153    Selon une jurisprudence constante relative au contentieux indemnitaire dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas remplie, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 161 et jurisprudence citée).

154    Il a également été jugé que les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel ou moral devaient être rejetées dans la mesure où elles présentaient un lien étroit avec les conclusions en annulation qui avaient, elles-mêmes, été rejetées soit comme irrecevables, soit comme non fondées (arrêts du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T‑207/95, EU:T:1997:12, point 88, et du 22 mars 2018, Popotas/Médiateur, T‑581/16, EU:T:2018:169, point 171).

155    Par ailleurs, il convient de rappeler que, en application de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit néanmoins être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. Par conséquent, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [arrêts du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 61, et du 25 juin 2020, XH/Commission, T‑511/18, EU:T:2020:291, point 45 (non publié)].

156    En l’espèce, d’une part, il ne ressort pas clairement de la requête que la requérante demande l’indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi en raison de l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité. Dans ces conditions, à défaut de précision suffisante, cette demande indemnitaire ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et doit être considérée comme étant irrecevable (voir point 155 ci-dessus). Par ailleurs, en tout état de cause, dans la mesure où ladite demande présente un lien étroit avec la demande en annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’invalidité, qui a été rejetée comme irrecevable (voir point 49 ci-dessus), elle devrait, en application de la jurisprudence rappelée au point 154 ci-dessus, être considérée comme étant irrecevable et rejetée sur ce fondement.

157    D’autre part, dès lors que la demande en annulation de la requérante portant sur la décision de rejet de la demande d’assistance a été rejetée comme non fondée (voir point 151 ci-dessus), par voie de conséquence, la demande en réparation du préjudice moral mentionnée au point 152 ci-dessus, étroitement liée, doit également être rejetée en application de la jurisprudence rappelée au point 154 ci-dessus.

158    Dès lors, il y a lieu de rejeter dans son ensemble la demande en indemnité de la requérante.

 Sur les mesures sollicitées par la requérante

159    À l’appui du premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire de nombreux éléments de preuve portant, notamment, sur la charge de travail des membres du personnel des unités A, C et D, sur des échanges entre l’OLAF et le service médical de la Commission sur l’ouverture de la procédure d’invalidité et sur des documents relatifs au nombre de jours de congé de maladie de certains membres du personnel de l’OLAF. Dans la réplique, la requérante demande également au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire l’intégralité du dossier de la procédure d’invalidité en cours la concernant et, si nécessaire, de procéder à une expertise médicale en vue de vérifier si son état de santé justifie ou non de laisser en suspens cette procédure. Par ailleurs, dans une demande de mesures d’instruction, déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2023, elle a demandé la production d’informations relatives à une procédure d’enquête de l’OLAF qui serait en cours à l’encontre d’un collègue.

160    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 90 du règlement de procédure prévoit que les mesures d’organisation de la procédure sont décidées par le Tribunal. Par ailleurs, il ressort de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure que le Tribunal est seul compétent pour apprécier l’utilité de mesures d’instruction aux fins de la solution du litige (arrêt du 10 juillet 2012, Interspeed/Commission, T‑587/10, non publié, EU:T:2012:355, point 81).

161    En l’espèce, dans la mesure où le présent litige peut être tranché sur le fondement des pièces versées au dossier, les mesures d’instruction demandées par la requérante sont sans utilité aux fins de la solution du litige. Ainsi, il y a lieu de rejeter l’ensemble de ces demandes.

162    Partant, il y a lieu de rejeter les mesures sollicitées par la requérante et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

163    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

164    La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      XH est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Gervasoni

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.