Language of document : ECLI:EU:T:2023:3

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

18 janvier 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Clavis – Marque de l’Union européenne verbale antérieure CLAVIS – Absence d’identification de la marque antérieure dans l’acte d’opposition – Conditions de recevabilité de l’opposition »

Dans l’affaire T‑758/21,

Dorsum Informatikai Fejlesztő és Szolgáltató Zrt., établie à Budapest (Hongrie), représentée par Me G. Hajdu, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova et M. D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

id Quantique SA, établie à Carouge (Suisse), représentée par Me F. Nielsen, avocat,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et Mme M. Brkan (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Dorsum Informatikai Fejlesztő és Szolgáltató Zrt., demande la réformation ou l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 septembre 2021 (affaire R 189/2021-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 mai 2019, l’intervenante, id Quantique SA, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal Clavis qui a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2019/118, du 26 juin 2018.

3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 9 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels pour le cryptage ; appareils de cryptage ; unités de cryptage électroniques ; appareils de cryptage ; logiciels pour le cryptage ; appareils de cryptage ; appareils de décodage ; appareils et instruments de codage et de décodage ; générateurs de nombres électroniques ; logiciels de déchiffrement ; appareils de décryptage ; unités électroniques de décryptage ; appareils de décryptage de données ; logiciels informatiques pour décryptage ; logiciels de cryptographie quantique ; appareils de cryptographie quantique ; logiciels de distribution de clé quantique ; appareils de distribution de clé quantique ; générateurs de nombres aléatoires ; compteurs de photons ; détecteur à photon unique » ;

–        classe 42 : « Services de chiffrement de données ; services de décryptage de données ; services de cryptage et de décodage de données ; cryptage, décryptage et authentification d’informations, de messages et de données ; services de conception de circuits intégrés ; conception de cartes de circuits électriques ; recherche concernant les techniques de télécommunications ; recherche dans le domaine des technologies de l’information ; recherches dans le domaine des technologies de télécommunication ; services de recherche technique ; recherches scientifiques ; services de sécurité informatique sous la forme de fourniture de certificats numériques ; recherche dans le domaine du cryptage quantique ; recherche dans le domaine du décryptage quantique ; recherche dans le domaine de la cryptographique quantique ; recherche dans le domaine des télécommunications quantiques ; recherche dans le domaine des télécommunications à photon unique ; recherche dans le domaine de l’optique ; développement dans le domaine du cryptage quantique ; développement dans le domaine du décryptage quantique ; développement dans le domaine des télécommunications quantiques ; développement dans le domaine des télécommunications à photon unique ; développement dans le domaine de la cryptographie quantique ; développement dans le domaine de l’optique ; validation et test d’algorithmes post-quantiques ».

4        Le 22 août 2019, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les services relevant de la classe 42 visés au point 3 ci-dessus. Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1).

5        Dans l’acte d’opposition, la requérante a désigné comme fondement de son opposition la marque de l’Union européenne verbale « CLAVIS » pour laquelle la demande d’enregistrement a été déposée le 15 mai 2019 sous le numéro 18 064 876. La date de priorité indiquée était le 27 décembre 2013. En outre, en haut du formulaire de l’acte d’opposition, dans le champ « Votre référence », la requérante a indiqué la mention « clavis2013 ».

6        Le 26 septembre 2019, le délai d’opposition prévu à l’article 46, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 a expiré.

7        Dans sa communication à la requérante datée du 9 octobre 2019, la division d’opposition a estimé que l’opposition était recevable, à tout le moins, dans la mesure où elle était fondée sur la marque de l’Union européenne no 18 064 876. La requérante s’est vu impartir un délai expirant le 9 février 2020 pour étayer, le cas échéant, ses droits antérieurs et présenter les faits, preuves et observations à l’appui de l’opposition, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

8        Le 14 janvier 2020, la requérante a soumis à l’EUIPO le certificat d’enregistrement de la marque de l’Union européenne verbale CLAVIS enregistrée le 27 décembre 2013 sous le no 12 031 563 (ci-après la « marque antérieure »).

9        Le 7 mai 2020, la division d’opposition a informé la requérante que l’EUIPO entendait révoquer la décision sur la recevabilité de l’opposition. La raison en était que la procédure ayant abouti à la décision du 9 octobre 2019 comportait une erreur manifeste imputable à l’EUIPO, à savoir qu’il avait ignoré que la marque antérieure invoquée n’était pas une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. La requérante, qui s’est vu accorder un délai pour présenter des observations, n’a formulé aucune objection ni observation.

10      Par sa communication du 2 juillet 2020, la division d’opposition a informé la requérante que l’examen de l’acte d’opposition avait montré que celle-ci était irrecevable, étant donné que la marque sur laquelle l’opposition était fondée n’était pas une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et qu’il n’avait pas été remédié à cette irrégularité dans le délai d’opposition. La division d’opposition a invité la requérante à présenter ses observations sur ce sujet.

11      Le 10 septembre 2020, la requérante a fait valoir qu’elle était titulaire de la marque antérieure et que, selon les données du registre, celle-ci était en effet antérieure à la marque demandée.

12      Le 27 novembre 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition comme irrecevable. Elle a considéré que la marque invoquée dans l’acte d’opposition n’était pas antérieure à la marque demandée et que la marque antérieure n’avait pas été clairement indiquée en tant que base de l’opposition avant l’expiration du délai d’opposition.

13      Le 28 janvier 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

14      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a tout d’abord considéré que la requérante avait erronément introduit les données de la marque demandée sous l’intitulé « base de l’opposition » dans son acte d’opposition. Elle a ajouté que les données correctes de la marque antérieure n’avaient été fournies qu’après l’expiration du délai d’opposition. La chambre de recours a ensuite confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle la marque indiquée dans l’acte d’opposition n’était pas un droit antérieur et que par conséquent le droit antérieur n’avait pas été identifié conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué 2018/625, ce qui constituait un motif de rejet de l’opposition comme irrecevable conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625. Enfin, la chambre de recours a considéré que l’article 7 du règlement délégué 2018/625, invoqué par la requérante, porte sur la justification du droit antérieur et non pas sur les conditions de recevabilité de l’opposition. S’agissant de la recevabilité de l’opposition, l’EUIPO ne disposait d’aucun pouvoir discrétionnaire pour consulter son registre afin d’identifier le droit antérieur que la requérante avait l’intention d’invoquer ou pour accepter des éléments de preuve déposés après l’expiration du délai d’opposition.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée et faire droit à son recours ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et la décision de la division d’opposition du 27 novembre 2020 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions

18      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de réformer la décision attaquée et de faire droit à son recours contre la décision de la division d’opposition par lequel elle demandait d’annuler la décision de la division d’opposition, de faire droit à l’opposition et de rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée.

19      L’EUIPO estime que ce chef de conclusions n’est pas recevable.

20       Il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

21      En l’espèce, la chambre de recours s’est prononcée sur la recevabilité de l’opposition introduite par la requérante sans prendre position sur le bien-fondé de celle-ci. Or, au vu de la jurisprudence citée au point précédent, le Tribunal ne peut pas, dans le cadre de la demande en réformation, procéder à une appréciation au fond de l’affaire sans que la chambre de recours n’ait déjà pris position.

22      Il s’ensuit que le premier chef de conclusions doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le fond

23      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés respectivement de la violation de l’article 47, paragraphe 1, des articles 107 et 95, ainsi que de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 47, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

24      Par son premier moyen, la requérante avance, en substance, en premier lieu, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant qu’elle n’avait fourni aucune information concernant sa marque antérieure dans l’acte d’opposition. La requérante relève que c’est l’EUIPO qui a attiré son attention sur la marque demandée au moyen d’une lettre de surveillance et elle soutient que l’EUIPO lui a fourni, dans ladite lettre, la référence « clavis2013 » identifiant clairement sa marque antérieure et l’année 2013.

25      En second lieu, la requérante considère que l’EUIPO a violé l’article 47 du règlement 2017/1001 en ce qu’il n’a pas apprécié dans son ensemble l’acte d’opposition ce qui aurait dû le conduire à prendre en compte la référence « clavis2013 » afin de lui permettre d’identifier le droit antérieur et de l’inviter à régulariser les irrégularités constatées dans l’acte d’opposition.

26      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

27      Il convient de rappeler que l’article 47 du règlement 2017/1001, intitulé « Examen de l’opposition », prévoit qu’au cours de l’examen de l’opposition, l’EUIPO invite les parties, aussi souvent que cela est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’il leur impartit, des observations sur les communications émanant des autres parties ou de lui-même. Cette disposition prévoit ainsi, pour l’examen de l’opposition, une procédure contradictoire invitant les parties à produire leurs observations, laquelle est décrite à l’article 8 du règlement délégué 2018/625. Or, il résulte de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement que la phase contradictoire de l’opposition, qui comprend notamment l’invitation des parties à la production d’observations, n’est ouverte qu’après que l’opposition ait été déclarée recevable.

28      Il convient dès lors de vérifier si la chambre de recours a commis une erreur de droit en confirmant la décision de la division d’opposition de rejeter l’opposition comme irrecevable sans inviter préalablement la requérante à remédier aux irrégularités contenues dans l’acte d’opposition.

29      Il résulte de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), du règlement délégué 2018/625 que l’acte d’opposition doit comporter une identification claire de la marque antérieure sur laquelle l’opposition est fondée, à savoir, pour une marque enregistrée, l’indication du numéro d’enregistrement, l’indication que la marque antérieure est enregistrée, ainsi que le nom de l’État membre dans lequel ou pour lequel la marque antérieure est protégée ou, le cas échéant, la mention qu’il s’agit d’une marque de l’Union européenne.

30      Selon l’article 5, paragraphe 3 du règlement délégué 2018/625, l’opposition est rejetée pour irrecevabilité, entre autres, si l’acte d’opposition n’indique pas clairement la marque antérieure, tel qu’exigé par l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de ce règlement et s’il n’est pas remédié auxdites irrégularités avant l’expiration du délai d’opposition. En effet, cette disposition vise à ce que l’indication de la marque antérieure soit suffisamment claire pour que l’EUIPO et l’autre partie à la procédure puissent l’identifier [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 15 juin 2005, Spa Monopole/OHMI – Spaform (SPAFORM), T‑186/04, EU:T:2005:224, points 44 et 47, et du 13 février 2019, Etnia Dreams/EUIPO – Poisson (Etnik), T‑823/17, non publié, EU:T:2019:85, point 40].

31      Dès lors, il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, l’acte d’opposition contenait une indication claire de la marque antérieure.

32      En premier lieu, force est de constater que, dans l’acte d’opposition, la requérante a indiqué fonder son opposition sur la marque « CLAVIS », portant le numéro d’enregistrement 18 064 876, et dont la « date d’introduction » de la demande était le 15 mai 2019. Dès lors que ces indications correspondent à la marque demandée, elles ne sauraient constituer un droit antérieur et par conséquent aucun droit antérieur n’a été identifié clairement, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), du règlement délégué 2018/625. À cet égard, la requérante ne conteste pas que l’acte d’opposition contenait des données erronées.

33      En deuxième lieu, la requérante estime que la chambre de recours était tenue de procéder à une lecture d’ensemble de l’acte d’opposition, qui permettrait de déduire sa volonté de fonder son opposition sur la marque antérieure en raison de l’indication du 27 décembre 2013 comme date de priorité et de la mention de la référence « clavis2013 » dans le champ « votre référence », référence utilisée également par l’EUIPO dans la lettre de surveillance du 26 juin 2019 adressée à la requérante. À cet égard, il convient de noter qu’il ne saurait être demandé à la chambre de recours de devoir effectuer des recherches supplémentaires pour identifier le droit antérieur. En effet, les éléments nécessaires pour identifier clairement dans l’acte d’opposition la marque antérieure sur laquelle l’opposition est fondée ressortent de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), du règlement délégué 2018/625, parmi lesquels figure notamment l’indication du numéro d’enregistrement de celle-ci.

34      Ainsi, force est de constater que la seule indication de la référence « clavis2013 » dans le champ intitulé « votre référence » dans l’acte d’opposition et la mention d’une date de priorité remontant à 2013 ne permettent pas, à elles seules, de conclure, en l’absence d’indications expresses dans l’acte d’opposition permettant d’identifier la marque antérieure, enregistrée le 27 décembre 2013 sous le numéro 12 031 563, que c’est sur cette marque que la requérante entendait fonder son opposition.

35      Dès lors, il ne peut s’agir d’une identification claire de la marque antérieure au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), du règlement délégué 2018/625.

36      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’EUIPO aurait dû l’inviter à remédier aux irrégularités constatées dans l’acte d’opposition, il convient de rappeler que l’article 5 du règlement délégué 2018/625 contient une distinction entre deux catégories de conditions de recevabilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 février 2019, Etnik, T‑823/17, non publié, EU:T:2019:85, point 61).

37      Si l’acte d’opposition ne remplit pas les conditions de recevabilité visées par l’article 5, paragraphe 3 du règlement délégué 2018/625, l’opposition est rejetée pour irrecevabilité à moins qu’il ne soit remédié aux irrégularités constatées avant l’expiration du délai de l’opposition. En revanche, si l’acte d’opposition ne satisfait pas aux dispositions de l’article 2, paragraphe 2, points d) à h) du règlement délégué 2018/625, l’article 5, paragraphe 5, de ce même règlement prévoit que l’opposition n’est rejetée pour irrecevabilité que lorsque l’opposant, après avoir été invité par l’EUIPO à remédier aux irrégularités constatées dans un délai de deux mois, n’a pas corrigé lesdites irrégularités dans le délai imparti.

38      Partant, ce n’est que dans le cas où l’acte d’opposition ne satisfait pas à certaines conditions de recevabilité autres que celles expressément mentionnées à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 que l’EUIPO est tenu d’informer l’opposant et de l’inviter à remédier aux irrégularités constatées dans un délai de deux mois avant de rejeter l’opposition pour irrecevabilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 février 2019, Etnik, T‑823/17, non publié, EU:T:2019:85, point 64 et jurisprudence citée).

39      Or en l’espèce, comme indiqué au point 35 ci-dessus, l’acte d’opposition soumis par la requérante n’a pas satisfait à l’une des conditions de recevabilité de l’opposition prévue à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 de sorte que l’EUIPO n’était pas tenu de l’inviter à y remédier avant de rejeter l’opposition comme irrecevable.

40      Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’il s’agissait en l’espèce d’une irrégularité entraînant d’office, faute de régularisation avant l’expiration du délai d’opposition, le rejet de l’opposition pour irrecevabilité, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625.

41      C’est donc également à juste titre que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition déclarant l’opposition irrecevable. Partant, la phase contradictoire de la procédure d’opposition n’ayant pas été ouverte, la procédure d’examen contradictoire prévue à l’article 47 du règlement 2017/1001 ne pouvait pas s’appliquer en l’espèce.

42      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107 du règlement 2017/1001

43      Selon la requérante, aux fins du respect de l’article 107 du règlement 2017/1001, l’EUIPO doit également tenir compte des principes du code de procédure administrative hongrois qui incluent l’obligation pour les autorités publiques de coopérer, y compris l’obligation pour ces dernières d’inviter les parties à remédier aux irrégularités contenues dans leur demande et ce ne serait qu’à défaut d’une telle régularisation qu’une autorité publique pourrait traiter une demande en se fondant sur son contenu incomplet. L’EUIPO aurait ainsi l’obligation de coopérer avec les parties et de faciliter l’exercice de leurs droits procéduraux, ce qui inclurait l’obligation d’attirer leur attention sur les erreurs manifestes et de leur donner la possibilité de les rectifier.

44      En particulier, la requérante fait valoir que la chambre de recours a clairement indiqué que l’acte d’opposition contenait une erreur manifeste et que l’EUIPO, en prenant en compte la référence « clavis2013 » aurait dû identifier la marque antérieure.

45      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

46      L’article 107 du règlement 2017/1001 prévoit que, en l’absence d’une disposition de procédure dans ce règlement ou dans les actes adoptés en vertu de celui-ci, l’EUIPO prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les États membres.

47      Cette disposition ne trouve à s’appliquer qu’en cas de lacune ou d’ambiguïté des dispositions de procédure [voir arrêt du 13 septembre 2010, Travel Service/OHMI – Eurowings Luftverkehrs (smartWings), T‑72/08, non publié, EU:T:2010:395, point 76 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, la requérante soutient que l’article 107 du règlement 2017/1001 a été violé en ce que la chambre de recours a conclu qu’il n’appartenait pas à l’EUIPO de remédier aux erreurs commises par la requérante.

49      Toutefois, force est de constater que, ainsi que cela ressort des points 37 et 38 ci-dessus, tant le règlement 2017/1001 que le règlement délégué 2018/625, comportent des dispositions procédurales prévoyant les cas dans lesquels l’EUIPO est tenu d’inviter l’opposant à remédier aux irrégularités constatées dans son opposition avant de la rejeter pour irrecevabilité. À cet égard, il convient de relever que, comme il ressort du point 40 ci-dessus, dans le cas d’espèce, la chambre de recours a, à juste titre, considéré, en application de l’article 5, paragraphe 3 du règlement délégué 2018/625, que l’acte d’opposition ne contenait pas d’identification claire du droit antérieur et qu’il s’agissait d’une irrégularité entraînant d’office, faute de régularisation avant l’expiration du délai d’opposition, le rejet de l’opposition pour irrecevabilité.

50      Il s’ensuit, en l’absence d’ambiguïté des dispositions de procédure dont il a été fait application, que, contrairement à ce qui est allégué par la requérante, l’article 107 du règlement 2017/1001 ne saurait trouver à s’appliquer en l’espèce.

51      Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001

52      La requérante conteste l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle elle ne disposait d’aucun pouvoir discrétionnaire pour admettre des éléments de preuve produits après l’expiration du délai d’opposition.

53      La requérante ne conteste pas avoir fourni, après l’expiration du délai d’opposition, les données correctes concernant la marque sur laquelle elle entendait fonder son opposition. Toutefois, elle estime qu’en vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO aurait tout de même pu tenir compte de ces éléments de preuve. En effet, la requérante est d’avis qu’il ressortirait manifestement du libellé de cette disposition que l’EUIPO disposait d’un pouvoir discrétionnaire en pareil cas et qu’il n’existait aucune règle de procédure en vertu de laquelle l’EUIPO serait tenu d’écarter de tels éléments de preuve.

54      Dès lors, la requérante estime que l’EUIPO était tenu de motiver sa décision quant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et qu’en ne le faisant pas, la chambre de recours a violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

55      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

56      L’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 dispose que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

57      Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement 2017/1001. Il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits. En précisant que ce dernier « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit l’EUIPO d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre ceux-ci en compte (voir, par analogie, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, points 77 et 78 et jurisprudence citée).

58      Toutefois, la possibilité pour les parties à la procédure devant l’EUIPO de présenter des faits et des preuves après l’expiration des délais impartis à cet effet se trouve subordonnée à la condition qu’il n’existe pas de disposition contraire. Ce n’est que si cette condition est remplie que l’EUIPO dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte de faits et de preuves présentés tardivement conformément à l’article 95, paragraphe 2 du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2007, K & L Ruppert Stiftung/OHMI – Lopes de Almeida Cunha e.a. (CORPO livre), T‑86/05, EU:T:2007:379, point 47].

59      À cet égard, il convient d’opérer une distinction entre, d’une part, les conditions auxquelles doit satisfaire l’acte d’opposition, érigées en conditions de recevabilité de l’opposition, et, d’autre part, la production des faits, preuves et observations ainsi que des pièces justificatives à l’appui de l’opposition, relevant de l’instruction de cette dernière [voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, EU:T:2008:203, point 64].

60      Conformément au libellé de l’article 5, paragraphe 3 du règlement délégué 2018/625, le non-respect des conditions de recevabilité prévues à cette disposition entraîne le rejet d’office de l’opposition pour irrecevabilité. À cet égard, l’identification claire de la marque antérieure constitue une condition de recevabilité à laquelle doit satisfaire l’acte d’opposition conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 et ne relève pas de l’examen au fond de l’opposition.

61      L’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 constitue une disposition expresse contraire, au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, en vertu de laquelle le rejet de l’opposition est impératif et non simplement une option soumise à la discrétion de l’EUIPO. Ainsi, le pouvoir discrétionnaire de l’EUIPO, pour prendre en considération des éléments de faits et de preuves soumis après l’expiration des délais impartis, prévu à l’article 95, paragraphe 2 du règlement 2017/1001, ne s’applique pas aux conditions de recevabilité de l’opposition prévues à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625.

62      En l’espèce, comme indiqué au point 40 ci‑dessus, l’irrégularité constatée consistant en l’absence d’identification claire de la marque antérieure entraîne d’office le rejet de l’opposition pour irrecevabilité conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré au point 25 de la décision attaquée qu’en ce qui concerne la recevabilité, l’EUIPO n’avait aucun pouvoir discrétionnaire pour accepter des preuves déposées après l’expiration du délai d’opposition.

63      Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme non-fondé.

 Sur le quatrième moyen tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001

64      La requérante estime que l’EUIPO a commis une violation des formes substantielles au sens de l’article 72, paragraphe 2 du règlement 2017/1001, d’une part, en ce qu’il a manqué à son devoir de coopérer avec la requérante en ne l’invitant pas à remédier à l’erreur figurant dans l’acte d’opposition et, d’autre part, en ce qu’il n’a pas tenu compte, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, des éléments de preuves produits par la requérante.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

66      Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, le recours devant le Tribunal est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, violation du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

67      En l’espèce, il y a lieu de constater que, d’une part, l’argument de la requérante relatif à l’obligation pour l’EUIPO de l’inviter à remédier à ses erreurs a été examiné dans le cadre des premier et deuxième moyens. D’autre part, l’argument de la requérante relatif à la prise en compte par l’EUIPO de certains éléments de preuves dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation a également été examiné dans le cadre du troisième moyen. Ainsi, dans la mesure où le quatrième moyen tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 2 du règlement 2017/1001 invoqué par la requérante n’est pas un moyen autonome, mais est lié aux autres moyens invoqués par cette dernière, lesquels ont été rejetés comme non fondés, ce moyen doit également être rejeté comme non fondé. Partant, le chef de conclusions à fin d’annulation est rejeté.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci. L’intervenante, qui n’a pas conclu sur les dépens, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dorsum Informatikai Fejlesztő és Szolgáltató Zrt. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3)      id Quantique SA supportera ses propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 janvier 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.