Language of document : ECLI:EU:T:2023:21

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

25 janvier 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative V8 – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑320/22,

Scania CV AB, établie à Södertälje (Suède), représentée par Mes C. Langenius, P. Sundin et S. Falkner, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, D. Petrlík et K. Kecsmár, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Scania CV AB, demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 mars 2022 (affaire R 1868/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 6 septembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 7, 9 et 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Bouteurs, excavatrices, engins de terrassement, machines pour la construction des routes ; monte-charge ; moteurs fixes, industriels et marins, moteurs hydrauliques et moteurs pour bulldozers, excavatrices, machines de terrassement et machines pour la construction de routes ; dispositifs antipollution pour les moteurs précités ; cylindres de moteurs ; convertisseurs catalytiques, économiseurs de carburant pour moteurs, mécanismes de commande pour machines et moteurs, silencieux pour moteurs (à l’exclusion de ceux pour moteurs d’aéronefs), dispositifs d’allumage pour moteurs, démarreurs pour moteurs ; joints de cardan ; arbres à manivelle, accouplements, transmissions et arbres de transmission, boîtes de vitesses ; valves en tant que composants de machines » ;

–        classe 9 : « Commandes électroniques de moteurs » ;

–        classe 12 : « Camions motorisés, dépanneuses, autobus, autocars et autres véhicules terrestres commerciaux ; moteurs pour véhicules ; moteurs électriques de véhicules ; pièces, pièces détachées et accessoires de et pour véhicules terrestres commerciaux, y compris filtres à air, filtres à carburant et filtres à huile, courroies de transmission, embrayages, boîtes de vitesses, transmissions et arbres de transmission, roulement à rouleaux, pots d’échappement, amortisseurs, freins, pièces de freins hydrauliques, segments de freins, disques de freins, plaquettes de freins, ventilateurs, courroies de ventilateur ».

4        Par décision du 22 juillet 2020, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement du signe en cause en tant qu’elle visait les produits mentionnés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). L’examinateur a également considéré que la requérante n’avait pas démontré que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

5        Le 22 septembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 20 avril 2021, la première chambre de recours de l’EUIPO, statuant dans une formation composée d’un seul membre, a rejeté le recours.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 juin 2021, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours du 20 avril 2021, enregistré sous la référence T‑327/21.

8        Par décision du 24 août 2021, la première chambre de recours a révoqué sa décision du 20 avril 2021, conformément à l’article 103 du règlement 2017/1001 et à l’article 70 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), en raison d’une erreur manifeste imputable à l’EUIPO, consistant dans le fait que la décision du 20 avril 2021, rendue par un seul membre, n’avait pas rejeté le recours comme étant manifestement non fondé, contrairement à ce qu’exige l’article 36, paragraphe 1, sous g), du règlement délégué 2018/625. L’affaire a ensuite été renvoyée devant la quatrième chambre de recours statuant dans une formation composée de trois membres.

9        Par l’ordonnance du 30 mars 2022, Scania CV/EUIPO (V8) (T‑327/21, non publiée, EU:T:2022:207), le Tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours visé au point 7 ci-dessus.

10      Par la décision attaquée, la quatrième chambre de recours a rejeté le recours au motif que le signe en cause était, d’une part, descriptif des produits litigieux, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, et, d’autre part, dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement. En outre, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas démontré que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée, en faisant droit à la demande d’enregistrement du signe en cause en ce qui concerne l’ensemble des produits litigieux ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation des parties à une audience.

 En droit

13      La requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et, le troisième, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

14      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, dès lors que le signe en cause n’est pas descriptif des produits litigieux.

15      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

17      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

18      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours. À cet égard, cette dernière a considéré, s’agissant des produits litigieux relevant de la classe 7, que le public pertinent était composé de professionnels du secteur de la construction ou d’utilisateurs professionnels, tels que des mécaniciens et des constructeurs de véhicules terrestres, de navires et de moteurs et machines industriels. S’agissant des produits litigieux relevant de la classe 9, le public pertinent était composé, selon la chambre de recours, en substance, d’utilisateurs professionnels de l’industrie, tels que des constructeurs de moteurs et de machines industriels. S’agissant, enfin, des produits litigieux relevant de la classe 12, ledit public comprenait des mécaniciens et des entreprises de transport routier et de cabotage pour le transport de marchandises et de passagers. Selon la chambre de recours, l’examen du caractère enregistrable du signe en cause devait être effectué en prenant en considération ledit public au niveau de l’Union européenne.

20      En outre, il y a lieu de relever, sans que cela soit contesté par la requérante, que le signe figuratif en cause contient le terme « V8 », étant précisé que le chiffre « 8 » est placé au-dessus de la lettre « V » et que ledit signe apparaît en différentes nuances d’argent sur un fond noir, ce qui lui confère une certaine impression tridimensionnelle, brillante et polie. La requérante ne conteste pas non plus le constat de la chambre de recours selon lequel le terme « V8 » correspond à la désignation générique d’un type de moteur, à savoir un moteur en V à 8 cylindres.

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante, laquelle porte, notamment, sur la question de savoir s’il existe un rapport suffisamment direct et concret entre le signe en cause et les produits litigieux.

22      Premièrement, la requérante soutient que le terme « V8 » n’est pas descriptif de l’ensemble des produits litigieux. En effet, selon elle, ce terme ne saurait être considéré comme descriptif qu’en ce qui concerne les moteurs en V à 8 cylindres.

23      À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le signe en cause, et notamment le terme « V8 », était descriptif de la nature, de la destination ou des caractéristiques des produits litigieux.

24      En particulier, tout d’abord, s’agissant des produits de la classe 7 correspondant à la description « bouteurs, excavatrices, engins de terrassement, machines pour la construction des routes », « monte-charge » et « moteurs fixes, industriels et marins, moteurs hydrauliques et moteurs pour bulldozers, excavatrices, machines de terrassement et machines pour la construction de routes », la chambre de recours a relevé que le signe en cause était descriptif de la nature ou des caractéristiques de ceux-ci, en particulier du fait que ces produits consistaient en un moteur en V à 8 cylindres ou étaient équipés d’un tel moteur. Ensuite, s’agissant des autres produits litigieux de la classe 7 et de ceux de la classe 9, elle a estimé que ledit signe était descriptif de la destination de ceux-ci, en particulier du fait que ces produits étaient destinés à être utilisés avec un moteur en V à 8 cylindres. Enfin, s’agissant des produits de la classe 12 correspondant à la description « camions motorisés, dépanneuses, autobus, autocars et autres véhicules terrestres commerciaux », « moteurs pour véhicules » et « moteurs électriques de véhicules », elle a considéré que ledit signe était descriptif des caractéristiques de ceux-ci, en particulier du fait que ces produits étaient équipés d’un moteur en V à 8 cylindres ou constitués d’un tel moteur. S’agissant des autres produits litigieux de la classe 12, elle a relevé que ledit signe était descriptif de la destination de ceux-ci, en particulier du fait que ces produits étaient destinés à être utilisés avec des véhicules terrestres commerciaux équipés d’un moteur en V à 8 cylindres.

25      La requérante ne conteste pas que les différents produits litigieux peuvent soit consister en un moteur en V à 8 cylindres, soit être équipés ou constitués d’un tel moteur, soit être destinés à être utilisés avec un tel moteur ou avec des véhicules terrestres commerciaux équipés d’un tel moteur.

26      La requérante fait pourtant valoir que le terme « V8 » ne saurait être considéré comme descriptif qu’en ce qui concerne les moteurs en V à 8 cylindres, mais non en ce qui concerne les autres produits litigieux.

27      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, cet argument repose sur une interprétation erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, selon laquelle, en substance, cette disposition ne s’opposerait qu’à l’enregistrement des signes pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce ou la nature des produits en cause. Or, il ressort du libellé même de cette disposition que celle-ci s’oppose également à l’enregistrement des signes pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la destination ou d’autres caractéristiques desdits produits.

28      Or, en l’espèce, étant donné qu’il est constant que les produits litigieux, autres que les moteurs, peuvent être équipés d’un moteur en V à 8 cylindres ou destinés à être utilisés avec un tel moteur ou avec des véhicules terrestres commerciaux équipés d’un tel moteur, la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation en considérant que le terme « V8 » était descriptif notamment de la destination ou des caractéristiques de certains des produits litigieux.

29      Partant, la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours aurait erronément considéré que le terme « V8 » était descriptif de l’ensemble des produits litigieux.

30      Deuxièmement, la requérante soutient, en substance, que, même si le terme « V8 » était descriptif des produits litigieux, les aspects figuratifs du signe en cause seraient suffisamment originaux, uniques et inhabituels pour rendre celui-ci non descriptif, car ils seraient susceptibles de détourner l’attention du public pertinent du sens descriptif dudit terme.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation du caractère descriptif du signe en cause, la question décisive est celle de savoir si les éléments figuratifs changent, du point de vue du public pertinent, la signification de la marque demandée par rapport aux produits concernés. Si l’élément verbal d’une marque est descriptif, la marque est, dans son ensemble, descriptive si les éléments graphiques de cette marque ne permettent pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal [voir arrêt du 26 avril 2018, Pfalzmarkt für Obst und Gemüse/EUIPO (100 % Pfalz), T‑220/17, non publié, EU:T:2018:229, point 29 et jurisprudence citée].

32      En l’espèce, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, s’il est certes vrai que le fait que le signe en cause apparaît en différentes nuances d’argent sur un fond noir lui confère une certaine impression tridimensionnelle, brillante et polie, il n’en demeure pas moins que le terme « V8 » reste clairement lisible et domine l’impression d’ensemble créée par ce signe. En outre, il convient de relever que la requérante n’a pas contesté la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le fait de placer le chiffre « 8 » au-dessus de la lettre « V » ne présente pas un caractère remarquable ou inhabituel. Il s’ensuit que les aspects figuratifs du signe en cause revêtent un caractère purement décoratif et ne permettent pas de détourner l’attention du public pertinent du message descriptif transmis par le terme « V8 ».

33      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le signe en cause serait le résultat d’un long travail de conception, la présentation graphique de la lettre « V » étant inspirée de l’apparence des couvre-culasses utilisés dans les moteurs de la requérante. En effet, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le public pertinent n’a pas connaissance dudit travail de conception et que ce dernier n’affecterait donc en rien la manière dont ledit public percevrait le signe en cause en lien avec les produits litigieux.

34      En outre, dans la mesure où la requérante fait référence à des exemples, tirés des directives d’examen de l’EUIPO, de signes composés de termes descriptifs ou non distinctifs, mais considérés comme étant admissibles à l’enregistrement en raison de leurs aspects figuratifs, il convient de rappeler que les directives d’examen de l’EUIPO ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48). Selon la jurisprudence, la légalité de l’enregistrement d’un signe comme marque de l’Union européenne ne s’apprécie pas au regard des directives d’examen de l’EUIPO, mais au regard des dispositions du règlement 2017/1001 telles qu’interprétées par le juge de l’Union [voir arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 58 et jurisprudence citée].

35      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les aspects figuratifs du signe en cause n’étaient pas susceptibles de conférer à celui-ci un caractère non descriptif.

36      Troisièmement, la requérante fait valoir que l’examinateur avait fait droit à la demande d’enregistrement du signe en cause en ce qui concerne les « carrosseries pour véhicules terrestres et pièces de rechange pour ces carrosseries » et les « châssis pour véhicules terrestres », relevant de la classe 12, en considérant que ledit signe n’était pas descriptif de ces produits. Selon la requérante, il devrait en aller de même pour les produits litigieux.

37      Toutefois, d’une part, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours ne s’est pas prononcée quant au point de savoir si le signe en cause était descriptif ou non des produits mentionnés au point 36 ci-dessus, étant donné que ces produits ne faisaient pas partie de l’objet du recours porté devant elle. Il s’ensuit qu’aucune contradiction dans l’appréciation de la chambre de recours ne saurait en être inférée.

38      D’autre part, il y a lieu de relever que la requérante n’apporte pas d’éléments concluants de nature à démontrer que les produits mentionnés au point 36 ci-dessus sont comparables aux produits litigieux. Or, en l’absence de telles précisions, le constat selon lequel le signe en cause n’est pas descriptif des premiers produits ne saurait être transposé aux seconds.

39      Quatrièmement, la requérante fait valoir que, en l’espèce, aucun intérêt général digne de protection ne s’oppose à l’enregistrement du signe en cause, étant donné que la demande d’enregistrement de celui-ci ne concernerait pas le terme « V8 » en tant que tel, mais uniquement la configuration figurative particulière dudit terme constituant le signe demandé.

40      Selon la jurisprudence, en interdisant l’enregistrement en tant que marque de signes ou d’indications descriptifs, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31 et jurisprudence citée).

41      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé aux points 29 et 35 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que le terme « V8 » était descriptif de l’ensemble des produits litigieux et que les aspects figuratifs du signe en cause n’étaient pas susceptibles de conférer à celui-ci un caractère non descriptif. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, étant donné que le signe en cause est, dans son ensemble, descriptif des produits litigieux, l’intérêt général visé au point 40 ci-dessus s’oppose à son enregistrement en ce qui concerne lesdits produits.

42      Cinquièmement, la requérante soutient, en substance, que le public pertinent perçoit le signe en cause comme un « label de qualité » indiquant que les produits offerts sous cette marque sont des produits haut de gamme de Scania. En outre, elle renvoie à des études de marché qui monteraient que le public pertinent associe le signe en cause à la requérante, ainsi qu’aux parts de marché de cette dernière, lesquelles témoigneraient du fait que ledit signe jouit d’une forte capacité à être reconnu comme une indication d’origine commerciale.

43      Toutefois, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, cet argument et ces éléments de preuve concernent la manière dont la requérante a utilisé le signe en cause sur le marché, ainsi que la perception dudit signe par le public pertinent en conséquence de cette utilisation. Or, selon la jurisprudence, de tels arguments ou éléments de preuve ne sont pas pertinents dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, disposition qui concerne uniquement les caractéristiques intrinsèques d’un signe dont l’enregistrement est demandé. En effet, ce n’est que dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 qu’il y a lieu d’apprécier l’usage effectif d’un signe dont l’enregistrement est demandé [voir arrêt du 29 septembre 2021, Enosi Mastichoparagogon Chiou/EUIPO (MASTIHACARE), T‑60/20, non publié, EU:T:2021:629, point 44 et jurisprudence citée].

44      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

45      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a considéré, à tort, que le signe en cause était également dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

46      Selon la jurisprudence, les signes ou indications descriptifs, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37]. Ainsi, les signes descriptifs visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 sont également, sans préjudice de la possibilité d’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, dépourvus de caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, achtung !/EUIPO, C‑214/19 P, non publié, EU:C:2020:632, point 35).

47      En l’espèce, étant donné que la chambre de recours a considéré à juste titre que le signe en cause était descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, ainsi qu’il a été relevé aux points 14 à 44 ci-dessus, ce signe doit, par conséquent, également être considéré comme étant dépourvu de caractère distinctif.

48      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001

49      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en estimant qu’elle n’avait pas démontré que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Selon la requérante, les éléments de preuve qu’elle a présentés devant l’EUIPO pendant la procédure administrative, notamment les études de marché et les données sur ses parts de marché et ses chiffres de ventes, pris dans leur ensemble, démontrent que le signe en cause a acquis un tel caractère en ce qui concerne l’ensemble des produits litigieux ou, à tout le moins, ceux relevant de la classe 12.

50      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

51      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement, ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle‑ci a acquis, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

52      L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à celle-ci les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, EU:T:2005:463, point 61 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 52].

53      La charge de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, en application de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, repose sur le demandeur de marque [voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2021, Jakober/EUIPO (Forme d’une tasse), T‑658/20, non publié, EU:T:2021:795, point 45 et jurisprudence citée].

54      Conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le caractère distinctif doit avoir été acquis par un usage de la marque antérieur à la date de la demande d’enregistrement (arrêt du 11 juin 2009, Imagination Technologies/OHMI, C‑542/07 P, EU:C:2009:362, point 49).

55      Le caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et en tenant compte de la perception qu’en a le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, EU:T:2003:54, point 51 et jurisprudence citée].

56      Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit procéder à un examen concret et apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que ladite marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 40 et jurisprudence citée).

57      Pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinion [voir arrêt du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier gris), T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 90 et jurisprudence citée].

58      Pour que soit admis l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue ab initio au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement [voir arrêt du 8 juillet 2009, Mars/OHMI – Ludwig Schokolade (Forme d’une barre chocolatée), T‑28/08, non publié, EU:T:2009:253, point 45 et jurisprudence citée].

59      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante, laquelle porte, notamment, sur les différents éléments de preuve qu’elle a présentés aux fins de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage du signe en cause.

 Sur les études de marché

60      La requérante soutient, en substance, que les études de marché qu’elle a présentées devant l’EUIPO pendant la procédure administrative, effectuées en Suède, au Royaume-Uni, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne, démontrent qu’une partie significative du public pertinent associe le signe en cause à la requérante. En effet, selon elle, 64 % des personnes interrogées auraient estimé que le signe en cause faisait référence à « une entreprise déterminée » et au moins 39 % desdites personnes auraient spontanément associé ledit signe à la requérante.

61      Selon la jurisprudence, les sondages d’opinion ou les études de marché visant à déterminer quelle partie du public pertinent associe la marque en cause à l’entreprise concernée constituent des preuves « directes » pour prouver l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, en particulier lorsqu’ils contiennent des questions non orientées et sont basés sur un échantillon représentatif [arrêt du 19 octobre 2022, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier II), T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, point 111 ; voir également, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2013, Germans Boada/OHMI (Carrelette manuelle), T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, points 74, 75 et 88, et du 19 juin 2019, adidas/EUIPO – Shoe Branding Europe (Représentation de trois bandes parallèles), T‑307/17, EU:T:2019:427, point 131].

62      Par ailleurs, même si un sondage d’opinion peut faire partie des éléments permettant d’apprécier si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, le résultat d’un tel sondage d’opinion ne saurait constituer le seul élément déterminant permettant de conclure à l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage (voir, par analogie, arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 48).

63      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que ces études de marché avaient une valeur probante limitée, car elles n’étaient pas basées sur un échantillon représentatif. D’une part, elle a estimé que les personnes interrogées ne pouvaient être considérées comme étant un échantillon représentatif du public pertinent pour les produits litigieux relevant des classes 7 et 9, étant donné que l’ensemble des participants auxdites études étaient des employés du secteur du transport routier ou du fret, alors que le public pertinent, en ce qui concerne ces produits, était constitué, en substance, de professionnels du secteur de la construction, d’utilisateurs professionnels tels que des mécaniciens et des constructeurs de véhicules terrestres, de navires et de moteurs et machines industriels, ainsi que d’utilisateurs professionnels de l’industrie tels que des constructeurs de moteurs et de machines industriels. D’autre part, elle a considéré que le nombre de personnes interrogées dans le cadre, en particulier, des études de marché effectuées au Royaume-Uni, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne, était faible, voire très faible. La chambre de recours a relevé, en outre, en substance, que lesdites études ne portaient pas sur les vingt autres États membres, pour lesquels seule une liste du nombre de camions vendus sous la marque demandée avait été soumise.

64      Premièrement, la requérante conteste le fait que les études en cause n’étaient pas basées sur un échantillon représentatif. Selon elle, le public pertinent pour les différents produits litigieux dans l’ensemble de l’Union serait homogène, car il serait composé de professionnels liés, de diverses manières, au marché du transport routier et du cabotage pour le transport de marchandises et de passagers. Par conséquent, selon elle, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, les personnes interrogées dans le cadre des études de marché constituaient un échantillon représentatif du public pertinent pour l’ensemble des produits litigieux, y compris pour ceux relevant des classes 7 et 9. En effet, selon la requérante, étant donné que le public pertinent pour l’ensemble des produits litigieux serait homogène, les questions posées dans le cadre desdites études auraient reçu des réponses identiques, quel que soit le professionnel interrogé.

65      À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, sans que cela soit contesté par la requérante, d’une part, que les produits litigieux relevant de la classe 7 étaient destinés aux professionnels du secteur de la construction, ou à des utilisateurs professionnels, tels que des mécaniciens et des constructeurs de véhicules terrestres, de navires et de moteurs et machines industriels, et, d’autre part, que les produits litigieux relevant de la classe 9 étaient destinés principalement, en substance, aux utilisateurs professionnels de l’industrie tels que des constructeurs de moteurs et de machines industriels.

66      Or, ainsi qu’il a été également relevé dans la décision attaquée, sans que cela soit contesté par la requérante, les personnes interrogées dans le cadre des études de marché en cause ne comprenaient que des employés du secteur du transport routier ou du fret.

67      Partant, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les personnes interrogées dans le cadre des études de marché ne faisaient pas partie du public pertinent pour les produits litigieux relevant des classes 7 et 9. En effet, les employés du secteur du transport routier ou du fret ne constituent ni des professionnels du secteur de la construction, ni des utilisateurs professionnels tels que des mécaniciens ou des constructeurs de véhicules terrestres, de navires et de moteurs ou machines industriels, ni des utilisateurs professionnels de l’industrie tels que des constructeurs de moteurs et de machines industriels.

68      À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, en substance, les personnes interrogées dans le cadre des études de marché et le public pertinent pour les produits litigieux relevant des classes 7 et 9 feraient partie d’un groupe homogène. En effet, ainsi qu’il a été constaté aux points 19, 65 et 67 ci-dessus, le public pertinent en l’espèce relève de différents secteurs de l’économie et paraît, de ce fait, hétérogène. Par ailleurs, l’argument de la requérante dans le sens inverse n’est étayé par aucun élément de preuve, de sorte qu’il ne saurait être présumé, comme le prétend la requérante, que la perception du public pertinent en ce qui concerne les produits litigieux relevant des classes 7 et 9 et celle des personnes interrogées dans le cadre des études de marché serait substantiellement la même.

69      Partant, la chambre de recours a estimé à juste titre que les études de marché étaient basées sur un échantillon non représentatif du public pertinent pour les produits litigieux relevant des classes 7 et 9.

70      En outre, il convient de constater que les autres éléments de preuve présentés par la requérante ne concernent pas non plus ces produits. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que le signe en cause a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait en ce qui concerne les produits litigieux relevant des classes 7 et 9.

71      Deuxièmement, en ce qui concerne les produits litigieux relevant de la classe 12, dont le public pertinent était composé notamment de professionnels des entreprises de transport routier et de cabotage pour le transport de marchandises et de passagers, la chambre de recours a considéré, ainsi qu’il a été rappelé au point 63 ci-dessus, que les études de marché mentionnées au point 60 ci-dessus étaient basées sur un échantillon non représentatif au motif que le nombre de personnes interrogées dans le cadre de ces études était faible, voire très faible.

72      La requérante rétorque que, contrairement à ce qu’a relevé la chambre de recours, le nombre de personnes interrogées dans le cadre des études de marché était approprié et suffisant. Selon elle, étant donné que le public pertinent serait homogène, il n’était pas nécessaire d’interroger un plus grand nombre de personnes pour obtenir des résultats statistiquement fiables.

73      À cet égard, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, pour que soit admis l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union où elle en était dépourvue ab initio au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement. Il s’ensuit que, s’agissant d’une marque dépourvue de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble des États membres, une telle marque ne peut être enregistrée en vertu de cette disposition que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 76 et jurisprudence citée).

74      À cet égard, la Cour a précisé qu’il serait excessif d’exiger que la preuve d’une telle acquisition soit apportée pour chaque État membre pris individuellement (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, EU:C:2012:307, point 62).

75      La Cour a précisé, dans ce contexte, qu’il y avait lieu de distinguer entre, d’une part, les faits qui doivent être prouvés, à savoir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage par un signe dépourvu d’un tel caractère intrinsèque, et, d’autre part, les moyens de preuve susceptibles de démontrer ces faits. En effet, aucune disposition du règlement 2017/1001 n’impose d’établir par des preuves distinctes l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans chaque État membre pris individuellement (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 79 et 80).

76      Ainsi, il est possible que des éléments de preuve de l’acquisition, par un signe déterminé, d’un caractère distinctif par l’usage présentent une pertinence en ce qui concerne plusieurs États membres, voire l’ensemble de l’Union. Notamment, il est possible que, pour certains produits ou services, les opérateurs économiques aient regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et aient traité ces États membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché national. Dans cette hypothèse, les éléments de preuve de l’usage d’un signe sur un tel marché transfrontalier sont susceptibles de présenter une pertinence pour tous les États membres concernés. Il en ira de même lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux États membres, le public pertinent du premier possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national du second (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 80 à 82).

77      S’il n’est donc pas nécessaire, aux fins de l’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, d’une marque dépourvue ab initio de caractère distinctif dans l’ensemble des États membres de l’Union, que la preuve soit apportée, pour chaque État membre pris individuellement, de l’acquisition par cette marque d’un caractère distinctif par l’usage, les preuves apportées doivent néanmoins permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des États membres de l’Union. En effet, dans le cas d’une marque qui ne possède pas un caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble de l’Union, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union, de sorte que, bien qu’une telle preuve puisse être rapportée de façon globale pour tous les États membres concernés ou bien de façon séparée pour différents États membres ou groupes d’États membres, il n’est en revanche pas suffisant que celui à qui en incombe la charge se borne à produire des éléments de preuve d’une telle acquisition qui ne couvriraient pas une partie de l’Union, même consistant en un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 83 et 87).

78      En l’espèce, le signe en cause était dépourvu de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble de l’Union. Par conséquent, la requérante devait démontrer que ledit signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble des États membres de l’Union.

79      Or, les études de marché présentées par la requérante et mentionnées au point 60 ci-dessus ne concernent que huit États membres. À cet égard, la requérante fait valoir, en substance, que, même si celles-ci portaient spécifiquement sur la perception du public pertinent en Suède, au Royaume-Uni, au Danemark, en Finlande, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne, elles étaient aussi pertinentes aux fins de l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage du signe en cause dans les autres vingt États membres de l’Union, car le public pertinent serait homogène dans l’ensemble de l’Union.

80      Cependant, l’affirmation de la requérante selon laquelle le public pertinent serait homogène dans l’ensemble de l’Union, indépendamment de la zone géographique dans laquelle opèrent les professionnels qui en font partie, n’est aucunement étayée. En réalité, cette affirmation est contredite par les résultats des études de marché, dont il ressort que le degré d’association du signe en cause à la requérante varie de manière très significative d’un État membre à l’autre.

81      Par ailleurs, la requérante ne fait pas valoir que les études de marché en cause présentent une pertinence en ce qui concerne les vingt autres États membres en raison du fait qu’elle a regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et a traité ces États membres, en particulier du point de vue de ses stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché national, ou encore en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre certains États membres, au sens de la jurisprudence rappelée au point 76 ci-dessus.

82      Partant, la requérante n’a pas démontré que les études de marché susmentionnées étaient pertinentes aux fins de l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage du signe en cause dans les vingt États membres qui n’étaient pas visés par celles-ci.

83      Il s’ensuit que l’argument de la requérante visé au point 72 ci-dessus, selon lequel le nombre de personnes interrogées dans le cadre des études de marché aurait été approprié et suffisant, est inopérant, dans la mesure où lesdites études portaient uniquement sur la perception du public pertinent dans une partie de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2013, Carrelette manuelle, T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, points 73 et 88).

84      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que les études de marché en cause n’étaient pas pertinentes aux fins de l’examen du caractère distinctif du signe en cause acquis par l’usage en ce qui concerne les produits litigieux relevant des classes 7 et 9. En ce qui concerne les produits litigieux relevant de la classe 12, si lesdites études revêtent, certes, une pertinence, il n’en demeure pas moins qu’elles ne couvraient qu’une partie de l’Union, à l’exclusion de vingt États membres.

 Sur les parts de marché et les chiffres de ventes de la requérante

85      La requérante soutient, en substance, que les données sur ses parts de marché et ses chiffres de ventes qu’elle a présentées devant l’EUIPO pendant la procédure administrative démontrent qu’elle occupe la première position sur le marché de la production et de la vente de camions au niveau européen et que le signe en cause jouit d’une forte capacité à être reconnu comme une indication d’origine commerciale.

86      Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Représentation d’un motif à damier gris, T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 90 et jurisprudence citée). En outre, les éléments de preuve relatifs au volume de ventes des produits ou des services portant une marque peuvent aussi être pris en considération aux fins de démontrer qu’une marque a acquis un caractère distinctif par son usage, dans la mesure où ils peuvent corroborer d’autres éléments de preuve tels que des déclarations d’associations professionnelles ou des études de marché (arrêt du 19 octobre 2022, Représentation d’un motif à damier II, T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, point 56 ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2013, Carrelette manuelle, T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, points 74 et 75).

87      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que les parts de marché et les chiffres de ventes de la requérante n’étaient pas susceptibles de démontrer que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Tout d’abord, elle a constaté que les ventes de camions portant le signe en cause ne représentaient qu’environ 2 % de toutes les immatriculations de camions en Europe en 2019. Ensuite, elle a estimé, en substance, que la requérante n’avait pas démontré que le signe en cause était une marque de luxe ou haut de gamme. Enfin, elle a relevé que les données fournies par la requérante sur ses parts de marché et ses chiffres de ventes ne provenaient pas de sources indépendantes.

88      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort des données fournies par la requérante, notamment, que, en 2019, celle-ci occupait la première position sur le marché de la production et de la vente de camions au niveau européen, avec une part de marché d’environ 19 %. Durant cette même année, le nombre de camions vendus par la requérante en Europe se serait élevé à environ 60 500 unités, dont environ 10 % auraient porté le signe en cause.

89      Premièrement, il convient de relever que les données qui font référence à la requérante en général, et non spécifiquement au signe en cause, peuvent constituer tout au plus, le cas échéant, un élément de contexte, mais n’apportent pas d’information directe et concrète sur l’usage du signe en cause (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, Représentation d’un motif à damier II, T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, points 49 et 50).

90      Ainsi, le fait que, notamment, en 2019, la requérante ait détenu une part de marché d’environ 19 % sur le marché de la production et de la vente de camions au niveau européen, et ait vendu environ 60 500 camions en Europe, ne saurait constituer, tout au plus, qu’un élément de contexte.

91      Deuxièmement, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que la part de marché attribuée concrètement aux camions vendus sous le signe en cause en 2019 en Europe était faible. En effet, il peut être déduit des données fournies par la requérante que les ventes de camions portant le signe en cause ne représentaient qu’environ 2 % de toutes les immatriculations de camions en Europe en 2019.

92      Or, une telle part de marché ne démontre pas une pénétration significative du signe en cause et n’est pas, en soi, susceptible de prouver que celui-ci a acquis un caractère distinctif par l’usage auprès d’une fraction significative du public pertinent. En outre, et en tout état de cause, il convient de relever que cette donnée concerne l’Union dans son ensemble. Or, la requérante n’a pas présenté de données concernant sa part de marché sur les marchés nationaux des États membres. À cet égard, la liste du nombre de camions portant le signe en cause vendus par État membre, figurant dans la décision attaquée, montre des variations très significatives d’un État membre à l’autre. Partant, la donnée relative à la part de marché attribuée aux produits revêtus du signe en cause ne démontre pas que celui-ci a acquis un caractère distinctif par l’usage dans les vingt États membres non visés par les études de marché.

93      Troisièmement, en ce qui concerne les données relatives au volume des ventes de camions revêtus par le signe en cause, présentées par la requérante, il convient de relever que, selon la jurisprudence, les volumes de ventes en tant que tels ne démontrent pas que le public visé par les produits en cause perçoit la marque litigieuse comme une indication d’origine commerciale. En effet, à l’égard des États membres pour lesquels aucune déclaration d’associations professionnelles ni aucune étude de marché n’est produite, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être rapportée, en principe, par la seule production des volumes de ventes [voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2013, Carrelette manuelle, T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, point 75, et du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 72 et jurisprudence citée].

94      Il s’ensuit que, pour les vingt États membres qui n’étaient pas visés par les études de marché, les données sur les ventes de camions portant le signe en cause dans ceux-ci ne sauraient suffire, en elles-mêmes, pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage dudit signe. En tout état de cause, force est de constater qu’il ressort de ces données que, dans certains de ces États membres, les ventes de camions portant le signe en cause n’étaient que très faibles, voire symboliques.

95      Quatrièmement, il y a lieu de relever que la requérante soutient que le signe en cause n’est utilisé qu’en lien avec ses produits les plus onéreux et positionnés dans le segment haut de gamme. Par conséquent, selon elle, il serait normal que le nombre de camions vendus portant le signe en cause ne soit pas élevé. Elle considère, en substance, que ceci n’a aucune incidence sur la capacité du signe en cause à être reconnu comme une indication d’origine commerciale, compte tenu du fait que les marques de luxe jouissent souvent d’une capacité à être reconnus et d’une renommée plus élevées que les marques ne relevant pas de cette catégorie.

96      Il est certes vrai que la connaissance, par le public pertinent, d’une marque de luxe ou haut de gamme n’est pas nécessairement proportionnelle au volume des ventes des produits revêtus de cette marque. En effet, dans la mesure où les marques de luxe poursuivent une stratégie marketing basée sur la rareté ou l’exclusivité, le public pertinent est susceptible d’en avoir connaissance, alors même qu’il n’achète pas des produits portant ces marques (arrêt du 19 octobre 2022, Représentation d’un motif à damier II, T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, point 60).

97      Pourtant, et ainsi que l’a relevé la chambre de recours, en l’espèce, la requérante n’a présenté aucun élément de preuve susceptible de démontrer que le signe en cause était une marque de luxe ou haut de gamme et que, par suite, une fraction significative du public pertinent associerait celle-ci à la requérante, en dépit du volume de ventes très faible, voire symbolique, des produits portant le signe en cause dans certains États membres.

98      Il résulte de ce qui précède que les parts de marché et les chiffres de ventes présentés par la requérante n’étaient pas susceptibles de démontrer que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage, en ce qui concerne les produits litigieux relevant de la classe 12, dans les vingt États membres qui n’étaient pas visés par les études de marché.

99      Partant, la requérante n’ayant pas démontré, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence citée aux points 73 à 77 ci-dessus, que le signe en cause avait acquis un caractère distinctif par son usage dans l’ensemble des États membres de l’Union, il convient de rejeter le troisième moyen soulevé par celle-ci dans son ensemble et, par conséquent, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante visant à réformer la décision attaquée.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

101    En l’espèce, même si la requérante a succombé, l’EUIPO n’a conclu à ce que celle-ci soit condamnée aux dépens que dans l’hypothèse où les parties seraient convoquées à une audience. Partant, le Tribunal ayant décidé de statuer sans phase orale de la procédure, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

Petrlík

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le suédois.