Language of document : ECLI:EU:F:2012:152

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

14 novembre 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2007 – Refus de promotion – Annulation – Mesures d’exécution – Nouvel examen comparatif des mérites – Examen comparatif des mérites des fonctionnaires du groupe de fonctions AST suivant leurs parcours de carrière »

Dans l’affaire F‑75/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Vincent Bouillez, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Mes D. Abreu Caldas, S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et J. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (président), R. Barents et K. Bradley (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 28 juillet 2011, M. Bouillez a introduit le présent recours tendant en substance à l’annulation de la décision de ne pas le promouvoir au grade AST 7 pour l’exercice de promotion 2007 adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 1er octobre 2010 suite à un nouvel examen comparatif des mérites effectué en exécution de l’arrêt du Tribunal du 5 mai 2010, Bouillez e.a./Conseil, F‑53/08 (ci-après l’« arrêt du 5 mai 2010 »).

 Cadre juridique

2        L’article 266 TFUE est rédigé ainsi :

« L’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

[…] »

3        Aux termes de l’article 5, paragraphe 5, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

4        Aux termes de l’article 6 du statut :

« 1.      Un tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution fixe le nombre des emplois pour chaque grade et chaque groupe de fonctions.

2.      Afin de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur avant le 1er mai 2004 […] et la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur après le 1er mai 2004 […] et sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite, énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, point B. Ces taux s’appliquent sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er mai 2004.

[…] »

5        L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa du statut dispose :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »

6        Selon l’article 45, paragraphe 1, du statut :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

7        L’annexe I, point B, du statut, relative aux taux multiplicateurs de référence destinés à assurer l’équivalence des carrières moyennes, se lit comme suit :

« 

Grade

Assistants

Administrateurs

13

20 %

12

25 %

11

25 %

10

20 %

25 %

9

20 %

25 %

8

25 %

33 %

7

25 %

33 %

6

25 %

33 %

5

25 %

33 %

4

33 %

3

33 %

2

33 %

1

33 %

 »

8        Selon l’article 10 de l’annexe XIII du statut relative aux mesures de transition nécessitées par l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut ainsi que le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO L 124, p. 1) :

« 1.      Les fonctionnaires en fonction dans les catégories C ou D avant le 1er mai 2004 sont affectés à compter du 1er mai 2006 aux parcours de carrière permettant des promotions :

a)      dans l’ancienne catégorie C, jusqu’au grade AST 7 ;

b)      dans l’ancienne catégorie D, jusqu’au grade AST 5.

2.      Pour ces fonctionnaires, à compter du 1er mai 2004 et par dérogation à l’annexe I, [point] B, du statut, les [taux] visés à l’article 6, paragraphe 2, du statut sont les suivants :

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3.      Les fonctionnaires auxquels le paragraphe 1 s’applique peuvent devenir membre du groupe de fonctions des assistants sans restriction après avoir réussi un concours général ou sur la base d’une procédure d’attestation. […]

[…]

5.      Le présent article ne s’applique pas aux fonctionnaires qui ont changé de catégorie après le 1er mai 2004. »

9        L’article 7, paragraphe 1, de la décision du Conseil, du 2 décembre 2004, relative aux modalités de mise en œuvre de la procédure d’attestation (ci-après la « décision du 2 décembre 2004 »), qui a fait l’objet de la communication au personnel no 11/05 du 17 janvier 2005, prévoit :

« Les premiers fonctionnaires figurant sur […] la liste visée à l’article 6, jusqu’au rang correspondant au nombre de possibilités déterminé par l’[autorité investie du pouvoir de nomination] conformément à l’article 4, sont réputés attestés. Les fonctionnaires attestés deviennent membres du groupe de fonction des assistants sans restriction de carrière.

La progression de carrière de ces fonctionnaires demeure conditionnée à l’exercice effectif d’une fonction d’assistant ‘sans restriction de carrière’, identifiée comme telle. »

 Faits à l’origine du litige

10      Le requérant est entré en service au Conseil le 1er février 2003, en tant que fonctionnaire stagiaire de grade B 5.

11      Le 1er mai 2005, il a été promu au grade B*6. Suite à la réforme du statut effectuée par le règlement no 723/2004, ce grade a été renommé AST 6 et, à compter du 1er mai 2006, le requérant a été reclassé dans le groupe de fonctions des assistants (AST) sans restriction de carrière.

12      Par communication au personnel no 77/07 du 14 mai 2007, le Conseil a établi la liste des fonctionnaires issus de l’ancienne catégorie C qui ont été attestés et sont ainsi devenus membres du groupe de fonctions AST sans restriction de carrière.

13      Par communication au personnel no 97/07 du 12 juin 2007, le Conseil a porté à la connaissance du personnel la liste des fonctionnaires promouvables et par communication au personnel no 136/07 du 16 juillet 2007, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a décidé de promouvoir 22 fonctionnaires au grade AST 7. Le nom du requérant ne figurait pas parmi ceux des fonctionnaires promus.

14      Le requérant et deux autres fonctionnaires ont introduit un recours, enregistré sous la référence F‑53/08, et dirigé, notamment, contre les décisions refusant de les promouvoir. Par arrêt du 5 mai 2010, le Tribunal a annulé notamment la décision refusant de promouvoir le requérant au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2007 en raison du fait que le Conseil n’avait pas tenu compte du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables lors de l’examen comparatif de leurs mérites.

15      Afin de donner exécution à l’arrêt du 5 mai 2010, le secrétaire général du Conseil, par note du 23 juin 2010, a chargé la commission consultative pour le groupe de fonctions AST, parcours de carrière AST 1 à AST 11 (ci-après la « commission consultative »), de procéder à un nouvel examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables de grade AST 6 pour l’exercice de promotion 2007. Le secrétaire général précisait que la liste des fonctionnaires promouvables, publiée le 12 juin 2007, resterait valable, qu’au terme de ses travaux, la commission consultative déterminerait si un ou plusieurs des requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mai 2010 devaient être proposés pour être promus en surnombre au titre de l’exercice de promotion 2007, et que, indépendamment des résultats des travaux de la commission consultative, les décisions de promotion des fonctionnaires déjà promus pendant l’exercice 2007 ne seraient pas remises en cause.

16      Dans son rapport du 14 septembre 2010, la commission consultative a indiqué que, après examen comparatif, elle estimait qu’il n’y avait pas lieu de promouvoir le requérant en surnombre des fonctionnaires déjà promus au titre de l’exercice de promotion 2007.

17      Par note du 1er octobre 2010, le requérant a été informé de la décision, adoptée suite au rapport de la commission consultative, de ne pas le promouvoir au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2007 (ci-après la « décision du 1er octobre 2010 »).

18      Le 23 décembre 2010, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 1er octobre 2010. L’AIPN a rejeté la réclamation par décision du 18 avril 2011 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties et procédure

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        en tant que de besoin, annuler la décision du 1er octobre 2010 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

20      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

21      Par lettre du 10 février 2012, le Tribunal a demandé au Conseil de lui transmettre, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le texte complet de la note du 23 juin 2010 par laquelle le secrétaire général du Conseil a saisi la commission consultative, le rapport de la commission consultative du 14 septembre 2010, ainsi que la liste définitive des fonctionnaires promus au grade AST 7 au titre de l’exercice 2007. Le Conseil a déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans le délai imparti. Le requérant a été invité à présenter ses observations sur les documents transmis par le Conseil, ce qu’il a fait par mémoire déposé le 21 mars 2012.

 En droit

 Sur les conclusions dirigées contre la décision de rejet de la réclamation

22      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8).

23      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la motivation pertinente pour apprécier la légalité de la décision du 1er octobre 2010 est celle qui figure dans la décision portant rejet de la réclamation, de sorte qu’il y a lieu de conclure que le présent recours a pour effet de saisir le Tribunal de la décision du 1er octobre 2010, dont la motivation a été précisée par la décision de rejet de la réclamation du 18 avril 2011 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, points 31 et 32).

 Sur les conclusions dirigées contre la décision du 1er octobre 2010

24      Eu égard à la teneur de ses écrits, il doit être considéré que le requérant soulève à l’appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 1er octobre 2010 en substance cinq moyens tirés respectivement :

–        du défaut de motivation ;

–        de la méconnaissance de l’article 45 du statut en ce que le Conseil aurait examiné séparément les mérites des fonctionnaires AST suivant leurs parcours de carrière ;

–        de la violation de l’article 266 TFUE et de l’article 45 du statut ;

–        de l’erreur manifeste dans l’appréciation comparative des mérites ;

–        de la violation de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

25      Le requérant soutient que la décision du 1er octobre 2010 ne fournit aucun élément permettant de vérifier comment l’AIPN a procédé à l’examen comparatif des mérites respectifs du requérant et des autres fonctionnaires promouvables au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2007. En outre, il considère que le Conseil ne fournit aucun élément permettant de comprendre la décision de promouvoir des fonctionnaires qui exerçaient des responsabilités d’un niveau inférieur à celles exercées par le requérant et ayant des mérites inférieurs et de s’assurer que l’AIPN, en arrêtant la décision attaquée, a examiné tous les éléments pertinents pour apprécier les mérites des candidats à une promotion dans le respect de l’article 45, paragraphe 1, du statut.

26      À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’AIPN n’est pas tenue de motiver les décisions de non-promotion. Néanmoins, l’AIPN doit motiver sa décision portant rejet d’une réclamation déposée, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts du Tribunal du 28 septembre 2011, AC/Conseil, F‑9/10, point 29, et du 10 novembre 2011, Merhzaoui/Conseil, F‑18/09, point 71).

27      Dans ce cadre, le caractère suffisant de la motivation est apprécié au regard du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué. Les promotions se faisant au choix, conformément à l’article 45 du statut, il suffit que la motivation de la décision portant rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire. De plus, s’agissant de la motivation d’une décision adoptée dans le cadre d’une procédure affectant un grand nombre de fonctionnaires ou agents, il ne saurait être exigé de l’AIPN qu’elle motive sa décision portant rejet de la réclamation, au-delà des griefs invoqués dans ladite réclamation, en expliquant notamment pour quelles raisons les fonctionnaires promus avaient chacun des mérites supérieurs à ceux de l’auteur de la réclamation (voir arrêt du Tribunal du 8 février 2012, Bouillez e.a./Conseil, F‑11/11, points 22 et 23, ci-après l’« arrêt du 8 février 2012 »).

28      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision de rejet de la réclamation contenait, en réponse aux différents points soulevés dans la réclamation, des précisions suffisantes pour permettre au requérant de comprendre le raisonnement de l’administration et d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours et au Tribunal d’exercer son contrôle.

29      En effet, premièrement, ladite décision indique que l’AIPN, suite à l’arrêt du 5 mai 2010, avait considéré nécessaire de procéder de nouveau à l’examen des mérites de tous les fonctionnaires de grade AST 6 relevant du parcours de carrière AST 1 à AST 11 et promouvables au titre de l’exercice de promotion 2007. Deuxièmement, dans la même décision figurent les critères adoptés par la commission consultative, sur instruction de l’AIPN, et notamment l’indication que le nouvel examen comparatif des mérites devait être effectué en conformité avec l’article 45, paragraphe 1, du statut, et en particulier en application de tous les critères reconnus par la jurisprudence. Troisièmement, la décision fait état des instructions données par l’AIPN à la commission consultative quant à la manière dont les critères relatifs au mérite, au niveau des responsabilités et aux langues devaient être appréciés. Quatrièmement, en ce qui concerne la situation spécifique du requérant, la décision de rejet de la réclamation indique que la commission consultative a observé, d’une part, que le requérant « a[vait] des mérites notables » mais « [une] ancienneté dans le grade […] trop faible pour qu’il ait pu [cumuler] des mérites dans le temps » et que, d’autre part, son notateur « ne lui a[vait] attribué aucun ‘excellent’ […] au titre des mentions analytiques ». Pour ce qui est de l’utilisation des langues, la commission consultative a considéré que le requérant utilisait deux langues autres que sa langue maternelle. Enfin, au regard du niveau de responsabilités exercées, la décision de rejet de la réclamation fait état de ce que la commission consultative a considéré que le requérant exerçait des responsabilités de niveau élevé mais que de nombreux autres fonctionnaires promouvables au grade AST 7 avaient également un niveau de responsabilités élevé et que certains d’entre eux démontraient même un niveau de responsabilités très élevé.

30      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’examen séparé des mérites des fonctionnaires AST suivant leurs parcours de carrière serait contraire à l’article 45 du statut

–       Arguments des parties

31      Le requérant soutient que le Conseil ne pouvait légalement se livrer à des examens comparatifs distincts pour des fonctionnaires de même grade relevant d’un même groupe de fonctions, sauf à violer l’article 5, paragraphe 5, et l’article 45, paragraphe 1, du statut. Selon le requérant, ce ne serait qu’après que l’AIPN a procédé à l’examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires d’un même grade AST et établi une liste de mérites par ordre de priorité qu’elle devrait appliquer les taux mentionnés à l’article 6, paragraphe 2, du statut et à l’annexe I, point B, du statut, ainsi qu’à l’article 10 de l’annexe XIII du statut.

32      Le Conseil conclut au rejet de ce moyen.

–       Appréciation du Tribunal

33      L’article 45 du statut, qui impose à l’AIPN d’effectuer un « examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion », suppose qu’un tel examen concerne tous les fonctionnaires promouvables, quelles que soient les fonctions exercées. En effet, une telle exigence est l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et de celui de leur vocation à la carrière (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, Almeida Campos e.a./Conseil, F‑14/09, point 31, et la jurisprudence citée).

34      Or, si le législateur statutaire a entendu fusionner dans un groupe de fonctions unique l’ensemble des administrateurs, qu’ils exercent des fonctions linguistiques ou d’autres fonctions, il appartient à l’AIPN de procéder à un examen comparatif unique des mérites pour l’ensemble des administrateurs promouvables du même grade (arrêt Almeida Campos e.a./Conseil, précité, point 35).

35      Toutefois, s’agissant, comme en l’espèce, des fonctionnaires du groupe de fonctions AST, il convient de relever que l’article 10 de l’annexe XIII du statut prévoit, pour déterminer le nombre d’emplois vacants pour chaque grade, des taux multiplicateurs de référence différents selon les parcours de carrière.

36      Ainsi, s’agissant des fonctionnaires de grade AST 6, grade détenu par le requérant à l’époque des faits, le taux multiplicateur de référence applicable en 2007 est de 25 % pour ceux qui relèvent du parcours de carrière sans restriction, c’est-à-dire jusqu’au grade AST 11, tel que prévu à l’annexe I, point B, du statut, alors qu’il n’est que de 5 % jusqu’au 30 avril 2007 et de 10 % jusqu’au 30 avril 2008 pour ceux qui relèvent du parcours de carrière ne permettant des promotions que jusqu’au grade AST 7 en vertu de l’article 10 de l’annexe XIII du statut. L’administration devant se conformer à ces taux, c’est à bon droit que l’AIPN a procédé à des examens comparatifs distincts des mérites des fonctionnaires AST selon les parcours de carrière (arrêt du Tribunal du 10 novembre 2011, Juvyns/Conseil, F‑20/09, point 42).

37      Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, la comparaison pour les besoins de l’exercice de promotion, des mérites des fonctionnaires AST par parcours de carrière ne méconnaît pas l’article 45 du statut, dès lors que l’article 10 de l’annexe XIII du statut déroge, en tant que loi spéciale, aux dispositions générales du statut (arrêt Juvyns/Conseil, précité, point 43).

38      Le deuxième moyen doit, dès lors, être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE et de l’article 45 du statut

–       Arguments des parties

39      Le requérant considère que le Conseil a violé l’article 266 TFUE en ne tenant pas compte de l’arrêt du 5 mai 2010 et de l’interprétation que cet arrêt a fait de l’article 45 du statut.

40      En particulier, le requérant reproche au Conseil de n’avoir fourni, dans la décision du 1er octobre 2010, aucun élément permettant de vérifier comment il aurait tenu compte du niveau des responsabilités effectivement exercées par les fonctionnaires promouvables au titre de l’exercice de promotion 2007 dans le respect des critères fixés par l’article 45 du statut et précisés par le Tribunal.

41      En outre, le requérant conteste l’impartialité des décisions de la commission consultative.

42      Le Conseil demande au Tribunal de rejeter ce moyen dans son ensemble.

–       Appréciation du Tribunal

43      Le premier grief du présent moyen doit être compris comme étant tiré d’une violation de l’article 45 du statut en ce que le Conseil n’aurait pas pris en considération le critère du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables, étant entendu que, d’une part, le grief tiré du défaut de motivation de la décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2007 a été examiné de manière autonome dans le cadre du premier moyen et que, d’autre part, le grief tiré de l’erreur manifeste dans l’examen comparatif des mérites du requérant et des autres fonctionnaires promouvables sera examiné ci-dessous dans le cadre du quatrième moyen.

44      L’article 45, paragraphe 1, du statut, établit que le niveau de responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables constitue l’un des trois éléments pertinents que l’administration doit nécessairement prendre en compte, à titre principal, dans l’analyse comparative des mérites des fonctionnaires promouvables (arrêts du Tribunal du 7 novembre 2007, Hinderyckx/Conseil, F‑57/06, point 45, et du 5 mai 2010, point 52).

45      En l’espèce, il résulte du dossier que le secrétaire général du Conseil a expressément donné instruction à la commission consultative d’effectuer un examen comparatif des mérites en conformité avec l’article 45, paragraphe 1, du statut, portant sur les fonctionnaires relevant du parcours de carrière AST 1 à AST 11 qui étaient promouvables au grade AST 7 pour l’exercice 2007, sans égard pour la question de savoir s’ils étaient toujours au grade AST 6 ou s’ils avaient été promus entre-temps. En outre, dans son avis du 14 septembre 2010 adressé à l’AIPN, la commission consultative a indiqué qu’elle avait pris en considération le niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables, tel qu’il ressort de la description des tâches accomplies par les fonctionnaires et de l’appréciation d’ordre général portée dans les rapports de notation. Enfin, la décision de rejet de la réclamation fait état aussi de ce que l’AIPN a pris ce critère en compte.

46      Or, le requérant n’a pas démontré que, contrairement aux instructions de l’AIPN, aux indications de la commission consultative et à celles contenues dans la décision de rejet de la réclamation, dans le cadre du nouvel examen comparatif des mérites pour l’exercice de promotion 2007, le Conseil n’avait pas pris en considération le critère du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables.

47      Quant au grief tiré de la prétendue absence d’impartialité de la commission consultative, le requérant s’est limité à observer que la seule existence de l’instruction de tenir compte de l’arrêt du 5 mai 2010 et de faire abstraction de l’examen comparatif des mérites entre lui-même et les fonctionnaires promus lors de l’exercice initial de promotion 2007 ne suffirait pas à garantir l’impartialité des décisions de la commission consultative. Ceci étant, il n’a présenté aucun élément susceptible de mettre en doute l’impartialité de la commission consultative ou de démontrer que celle-ci n’aurait pas suivi les instructions qui lui avaient été données par le secrétaire général du Conseil.

48      En outre, le seul fait qu’aucun des requérants dans l’affaire F‑53/08 n’a été promu ne saurait à lui seul démontrer, comme le requérant semble le prétendre, que la commission consultative n’a pas procédé à l’examen comparatif des fonctionnaires promouvables avec soin et impartialité.

49      Enfin, quant à l’argument du requérant selon lequel la commission consultative n’aurait eu aucune marge de manœuvre, il suffit d’observer que les instructions données par l’AIPN laissaient à ladite commission toute liberté afin de proposer une promotion en surnombre pour le requérant, tout en précisant que les promotions décidées pour l’année 2007 ne devaient pas être remises en cause. D’ailleurs, il ressort de la réponse à la réclamation que la commission consultative, après avoir examiné la possibilité de proposer que le requérant soit promu « en surnombre », a décidé de ne pas le faire.

50      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dans le réexamen comparatif des mérites

–       Arguments des parties

51      Au soutien de ce moyen, le requérant considère, en premier lieu, que certains fonctionnaires exerçant des responsabilités d’un niveau « objectivement » inférieur aux siennes ont été promus. Selon le requérant, il découle d’une comparaison analytique des mérites des fonctionnaires faite par l’AIPN, telle qu’elle ressort de divers documents, notamment de l’annexe d’une lettre du 17 décembre 2009 produite dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mai 2010, ainsi que des documents transmis au Tribunal par le Conseil dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées dans le cadre du présent litige, que le requérant se situait dans une meilleure position que plusieurs autres fonctionnaires qui ont été promus et que le Conseil n’aurait fourni aucune explication à cet égard.

52      En deuxième lieu, le requérant soutient que la référence faite par la commission consultative à la faible ancienneté de son grade ne serait pas pertinente pour la comparaison avec les autres fonctionnaires promouvables, car le critère de l’ancienneté ne peut intervenir que comme critère subsidiaire.

53      En troisième lieu, le requérant prétend que la commission consultative se serait limitée au simple constat qu’il « travaill[ait] dans deux langues [autres que sa langue] maternell[e] (l’anglais et le néerlandais) », sans effectuer aucune comparaison avec les autres fonctionnaires promouvables.

54      En quatrième et dernier lieu, le requérant soutient que les appréciations d’ordre général de la commission consultative seraient subjectives et non explicites et que leur contenu ne serait connu ni du requérant ni du Tribunal, de sorte qu’elles ne fourniraient pas d’éléments objectifs et pertinents permettant à l’AIPN de procéder à un examen comparatif des mérites respectifs des fonctionnaires concernés conformément à l’article 45 du statut, notamment au regard des principaux critères d’appréciation, tels que les langues et le niveau de responsabilités exercés.

55      Le Conseil estime que les arguments du requérant ne sont pas fondés.

–       Appréciation du Tribunal

56      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux fins de l’examen comparatif des mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion prévue à l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, point 52, et la jurisprudence citée).

57      En outre, l’article 45, paragraphe 1, du statut laisse aux institutions une certaine liberté quant aux éléments factuels à prendre en compte pour procéder à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, car, sur ce point, il ne dresse pas une liste exhaustive. En effet, l’article 45, paragraphe 1, du statut précise, par l’emploi de l’expression « en particulier », les trois éléments factuels principaux qui doivent obligatoirement être pris en considération dans l’examen comparatif des mérites. Il n’exclut pas pour autant la prise en compte d’autres éléments factuels également susceptibles de donner une indication des mérites des fonctionnaires promouvables. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, en matière de promotion, l’AIPN ne peut prendre en considération l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service qu’à titre subsidiaire, à savoir en cas d’égalité de mérites entre les fonctionnaires promouvables au regard en particulier des trois éléments expressément visés à l’article 45, paragraphe 1, du statut. En effet, ni l’âge ni l’ancienneté ne sont par eux-mêmes susceptibles de donner une indication sur les mérites des candidats à la promotion. C’est pour cette raison qu’ils ne peuvent être pris en compte que pour départager des candidats de mérites équivalents (arrêt AC/Conseil, précité, point 25, et la jurisprudence citée).

58      Ensuite, le Tribunal observe que l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’importance respective qu’elle accorde à chacun des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, les dispositions de celui-ci n’excluant pas la possibilité d’une pondération entre eux (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Canga Fano/Conseil, F‑104/09, point 68, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑281/11 P).

59      Toutefois, le pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (arrêt AC/Conseil, précité, point 14, et la jurisprudence citée).

60      Dans ce domaine, le contrôle du juge doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêt Casini/Commission, précité, point 52, et la jurisprudence citée).

61      Il n’appartient donc pas au Tribunal de procéder à un réexamen détaillé de tous les dossiers des candidats promouvables afin de s’assurer qu’il partage la conclusion à laquelle est parvenue l’AIPN, car, s’il entreprenait un tel exercice, il sortirait du cadre du contrôle de légalité qui est le sien, substituant ainsi sa propre appréciation des mérites des candidats promouvables à celle de l’AIPN (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2011, Stols/Conseil, F‑51/08 RENV, point 38).

62      Il convient de souligner, en outre, que le Tribunal ne saurait substituer son appréciation des qualifications et mérites des fonctionnaires à celle de l’AIPN (voir arrêt Casini/Commission, précité, point 52) et qu’une annulation pour erreur manifeste d’appréciation n’est possible que s’il ressort des pièces du dossier que l’AIPN a outrepassé les limites encadrant sa marge d’appréciation (voir arrêts AC/Conseil, précité, point 23, et Stols/Conseil, précité, point 37).

63      En premier lieu, en ce qui concerne l’examen comparatif des mérites, le requérant a fait valoir, en réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en promouvant, au titre de l’exercice 2007, M. A en ses lieu et place. En particulier, le requérant a d’abord contesté la méthode utilisée par le Conseil pour donner exécution à l’arrêt du 5 mai 2011 en affirmant qu’il aurait été suffisant d’apprécier ses mérites en comparaison avec ceux du fonctionnaire promu au titre de l’exercice 2007 ayant les mérites les plus faibles. En l’espèce, il s’agirait de M. A, lequel aurait eu une notation nettement inférieure à celle du requérant, une appréciation générale moins bonne que la sienne et un niveau de responsabilités équivalent au sien.

64      Quant, premièrement, à la méthode utilisée par le Conseil, le Tribunal constate que, par l’arrêt du 5 mai 2010, il a annulé la décision de ne pas promouvoir le requérant en raison d’une erreur de droit qui a entaché l’ensemble de la procédure.

65      Afin de donner exécution audit arrêt, le Conseil a décidé de procéder à un nouvel examen comparatif des mérites des fonctionnaires relevant du parcours de carrière AST 1 à AST 11 et promouvables au grade AST 7 au titre de l’exercice 2007, examen effectué selon les critères rappelés par l’arrêt du 5 mai 2010, et comparant les mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires proposés pour une promotion à la lumière de ce second examen des mérites.

66      Or, comme il résulte de l’arrêt du 5 mai 2010, une telle décision correspond à l’engagement inconditionnel que le Conseil avait pris dans le cadre des mesures d’exécution qu’impliquerait ledit arrêt en cas d’annulation (voir arrêt du 5 mai 2010, point 97). C’est sur la base de cet engagement que le Tribunal avait décidé que l’annulation des décisions de promotion des fonctionnaires promus au grade AST 7 au titre de l’exercice 2007 n’était pas strictement indispensable pour rétablir adéquatement dans leurs droits les requérants de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mai 2010 et avait donc rejeté les conclusions en annulation dirigées contre ces décisions.

67      S’il est vrai que, malgré les assurances données par le Conseil, les requérants ne s’étaient pas désistés de leurs conclusions tendant à l’annulation des décisions de promotion des fonctionnaires promus au grade AST 7 au titre de l’exercice 2007, le Tribunal observe que le rejet desdites conclusions n’a pas été contesté dans le cadre d’un pourvoi et que, par conséquent, il jouit de l’autorité de la chose jugée.

68      En outre, il y a lieu de constater que, par la décision du 23 juin 2010, le Conseil a repris la procédure visant à remplacer les décisions de non-promotion annulées par l’arrêt du 5 mai 2010 au point précis auquel l’illégalité sanctionnée par ledit arrêt était intervenue (voir ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99 P, point 20 ; arrêt du Tribunal du 22 octobre 2008, Tzirani/Commission, F‑46/07, point 52), c’est-à-dire au moment de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables.

69      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Conseil a décidé d’exécuter l’arrêt du 5 mai 2010 en procédant à un nouvel examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires de grade AST 6 promouvables au sein du parcours de carrière AST 1 à AST 11 au titre de l’exercice 2007.

70      Deuxièmement, le Tribunal observe que M. A a été promu au grade AST 7 sur la base de la décision du 16 juillet 2007 (mentionnée au point 13 du présent arrêt), et que le Conseil avait décidé de ne pas remettre cette promotion en cause (voir point 15 du présent arrêt). Toutefois, il résulte du dossier que la commission consultative, après avoir effectué un nouvel examen comparatif des mérites suite à l’arrêt du 5 mai 2010, n’a pas estimé que M. A aurait mérité une promotion. Par conséquent, comme l’a affirmé le Conseil lors de l’audience, l’AIPN, en se basant sur les résultats de ce second examen comparatif des mérites, n’était pas tenue de prendre en considération le cas de M. A aux fins de l’examen comparatif des mérites du requérant avec ceux des autres fonctionnaires proposés pour une promotion à la suite du second examen comparatif des mérites.

71      Par conséquent, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être imputée au Conseil du fait d’avoir promu M. A au lieu du requérant, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner si les mérites de ce dernier étaient manifestement supérieurs de ceux de M. A.

72      Quant aux autres fonctionnaires proposés pour une promotion après le deuxième examen comparatif des mérites, le requérant soutient que, sur la base d’un calcul des notations pondérées par rapport à la sévérité relative du premier notateur, huit fonctionnaires avaient des mérites inférieurs aux siens et que sept de ces fonctionnaires ne pouvaient compenser leurs mérites inférieurs sur la base des autres critères prévus par l’article 45 du statut.

73      Toutefois, un tel argument ne saurait à lui seul démontrer que l’AIPN a commis une erreur manifeste. En effet, le requérant fonde son argumentation sur une comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables basée sur une moyenne pondérée, sans toutefois prendre en considération la cote moyenne des appréciations analytiques telle qu’elle ressort du tableau synoptique annexé au rapport de la commission consultative.

74      En particulier, il ressort de ce tableau que, en prenant en considération la moyenne des appréciations analytiques des fonctionnaires par rapport auxquels le requérant considère avoir des mérites supérieurs, dans cinq cas leur moyenne est meilleure que celle du requérant et dans deux autres cas l’écart entre leur moyenne et celle du requérant ne dépasse pas 0,07 point, de sorte que cet écart doit être considéré comme étant négligeable (voir, en ce sens, arrêt Canga Fano/Conseil, précité, points 46 à 50). En outre, les huit fonctionnaires qui selon le requérant avaient des mérites inférieurs aux siens, y compris un fonctionnaire dont la cote moyenne des appréciations analytiques présente un écart de 0,26 point par rapport à celle du requérant, ont eu, à la différence de celui-ci, plusieurs mentions « Excellent ». Il s’ensuit que le requérant n’a pas démontré que l’AIPN avait commis une erreur manifeste dans l’examen comparatif de ses mérites et de ceux de ces fonctionnaires.

75      En deuxième lieu, le Tribunal constate que le requérant n’avance aucun argument susceptible d’établir à suffisance de droit que le critère de l’ancienneté dans le grade aurait été adopté par l’AIPN en tant que critère principal.

76      Au contraire, dans sa décision du 23 juin 2010, l’AIPN a bien donné instruction à la commission consultative de ne retenir le critère de l’ancienneté en grade qu’à titre subsidiaire, dans les cas exceptionnels d’égalité des mérites. À cet égard, il résulte du rapport de la commission consultative que cinq fonctionnaires ont été proposés pour une promotion compte tenu du niveau particulièrement élevé de leurs mérites au vu des critères prévus par l’article 45 du statut, bien qu’ils aient une ancienneté de 24 mois dans leur grade, comme c’est le cas pour le requérant.

77      En outre, la commission consultative a certes affirmé dans son rapport que le requérant avait « une ancienneté dans [son] grade de seulement 24 mois » et que son inscription sur la liste des fonctionnaires proposés pour une promotion ne pouvait être fondée que « sur des mérites d’un niveau particulièrement élevé ». Toutefois, une telle considération ne saurait démontrer que l’AIPN a pris le critère de l’ancienneté comme critère principal comme le prétend le requérant. En effet, cette affirmation doit être appréciée dans le contexte de la motivation de la proposition de ne pas promouvoir le requérant où il apparaît que la commission consultative a considéré que le requérant avait des mérites notables et un niveau de responsabilités élevé, mais n’avait pas des mérites accumulés dans le temps, ni des mérites exceptionnellement élevés ni un niveau de responsabilités plus élevé que d’autres fonctionnaires promus.

78      En troisième lieu, le Tribunal observe que, en ce qui concerne les appréciations d’ordre général, il ne peut être déduit du simple fait que l’appréciation comparative des mérites a été réalisée, ainsi que l’indique le Conseil, sur la base d’un système « beaucoup moins ‘mathématique’ » que celui appliqué dans d’autres institutions de l’Union, qu’un tel système doive être considéré comme étant arbitraire, ou manquant d’objectivité ou contraire aux exigences de l’article 45 du statut (voir arrêt AC/Conseil, précité, point 17).

79      En quatrième et dernier lieu, le fait que la commission consultative ait constaté que le requérant « travaill[ait] dans deux langues [autres que sa langue] maternell[e] (l’anglais et le néerlandais) », ne signifie pas pour autant, comme le prétend le requérant, qu’elle n’a pas procédé à un examen comparatif au regard des langues utilisées par les autres fonctionnaires promouvables. En effet, il ressort du rapport de la commission consultative qu’elle a pris en compte, pour chaque fonctionnaire promouvable, le nombre de langues autres que la langue maternelle, dont il a justifié posséder une connaissance approfondie, et qui étaient utilisées de façon régulière dans l’accomplissement de ses fonctions.

80      Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004

–       Arguments des parties

81      Le requérant fait valoir que l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 prévoit que la progression de carrière des fonctionnaires attestés dépend de l’exercice effectif d’une fonction d’assistant « sans restriction de carrière » et identifiée comme telle. Selon le requérant, le Conseil n’aurait pas vérifié que les fonctionnaires attestés en 2006 et 2007 et promus au titre de l’exercice de promotion 2007 au grade AST 7 ou au grade AST 8 remplissaient tous la condition posée par l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004.

82      Dans son mémoire en défense, le Conseil rétorque qu’il est en désaccord avec l’interprétation que donne le requérant des dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004. Ces dispositions devraient en effet être interprétées dans un sens conforme au statut, c'est-à-dire que, selon le Conseil, elles permettraient à l’AIPN, dans le seul intérêt du service, d’affecter chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. Le Conseil soutient qu’il ne pourrait pas ajouter une condition supplémentaire à la promotion qui ne serait pas prévue à l’article 45 du statut.

83      À l’audience, le requérant a précisé qu’il ne contestait pas le fait que, ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 46 de l’arrêt du 8 février 2012, dans l’hypothèse où une décision à caractère général prise par une institution déroge illégalement à des dispositions supérieures, il appartient à cette institution de laisser inappliquée cette décision à caractère général. Toutefois, il a soutenu que, en considération de la présomption de légalité des actes des institutions et du fait que le Conseil n’a pas abrogé ladite décision, il était en droit de soulever et maintenir le présent moyen, même après l’arrêt du 8 février 2012.

84      Pour sa part, le Conseil a reconnu à l’audience que les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la décision du 2 décembre 2004 sont contraires au statut.

–       Appréciation du Tribunal

85      Le Tribunal constate que l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la décision du 2 décembre 2004 est entaché d’illégalité dès lors qu’il subordonne la progression de carrière d’un fonctionnaire ayant bénéficié d’une attestation au titre de l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, à l’exercice effectif de fonctions que l’institution réserve, en méconnaissance de l’article 7, paragraphe 1, du statut, à une certaine catégorie de fonctionnaires, à savoir les fonctionnaires « sans restriction de carrière » et alors que, au surplus, une telle condition n’est pas posée à l’article 45 du statut (arrêt du 8 février 2012, point 50).

86      De ce fait, en s’abstenant de vérifier, lors de l’exercice de promotion 2010, si les fonctionnaires promouvables attestés exerçaient effectivement des fonctions d’assistant « sans restriction de carrière », le Conseil n’a commis aucune erreur de droit. Au contraire, en laissant inappliquées les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la décision du 2 décembre 2004 relative aux modalités de mise en œuvre de la procédure d’attestation, il s’est conformé aux dispositions supérieures du statut.

87      Par suite, le cinquième moyen ne peut qu’être écarté.

88      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Aux termes de l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement, voire totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude.

90      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, le Conseil a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens.

91      Il est toutefois constant qu’au jour de la mise en délibéré de la présente affaire le Conseil n’a pas encore abrogé les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, de la décision du 2 décembre 2004 qu’il considère lui-même comme n’étant pas conformes aux règles pertinentes du statut, en particulier à son article 45. Ces dispositions n’ayant pas été abrogées, en méconnaissance du principe de sécurité juridique, le requérant a pu, de ce fait, être incité à en demander l’application en formant le présent recours (arrêt du 8 février 2012, point 56).

92      Dans ces conditions, et par application des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure, il sera fait une juste appréciation des circonstances du litige en décidant que le Conseil supporte ses propres dépens et est condamné à supporter un quart des dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens et est condamné à supporter un quart des dépens exposés par M. Bouillez.

3)      M. Bouillez supporte les trois quarts de ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2012.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.