Language of document : ECLI:EU:C:2024:93

ORDONNANCE DE LA COUR

25 janvier 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑553/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er septembre 2023,

CEDC International sp. z o.o., établie à Oborniki Wielkopolskie (Pologne), représentée par Me M. J. Falkowski, adwokat, M. Fijałkowski, A. Młoczkowska, et  K. Tobiasz-Dumania, radcy prawni,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Underberg AG, établie à Dietlikon (Suisse),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. F. Biltgen et N. Wahl (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme J. Kokott, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, CEDC International sp. z o.o. demande l’annulation de l’arrêt du 28 juin 2023, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille) (T‑145/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:365), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 22 décembre 2021 (affaire R 1954/2020-5), relative à une procédure d’opposition entre CEDC International et Underberg.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les deux moyens de son pourvoi, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) et, le second, de la violation de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        S’agissant du premier moyen, subdivisé en deux griefs, la requérante soutient que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 40/94, en limitant son application, d’une part, aux seuls cas où la relation d’agent ou de représentant résulte d’une relation directement établie entre les parties et, d’autre part, et plus spécifiquement, aux cas dans lesquels les droits antérieurs invoqués dans le cadre de l’opposition ont été explicitement désignés dans le contrat écrit établissant une telle relation.

8        Ce moyen soulèverait plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, qui n’ont pas encore été examinées de manière exhaustive par la Cour.

9        Il s’agirait, premièrement, de l’appréciation de la nature de la relation d’agent ou de représentant du point de vue de la ratio legis de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 40/94, deuxièmement, de l’interprétation des règles permettant de déterminer si une relation commerciale peut être considérée comme imposant une obligation de confiance et de loyauté et, troisièmement, du niveau de preuve qui doit être appliqué lors de l’appréciation de relations implicites et de la question de savoir si ce niveau exige que la marque en cause soit désignée explicitement dans les accords contractuels constituant la base de la relation entre les parties.

10      S’agissant du second moyen, subdivisé également en deux griefs, la requérante reproche au Tribunal d’avoir enfreint l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. D’une part, il aurait jugé à tort et sans motivation adéquate que l’absence d’examen, par la chambre de recours de l’EUIPO, des motifs d’opposition fondés sur l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 40/94 au regard du droit antérieur invoqué dans l’acte d’opposition en tant que « marque déposée par un agent », est dépourvue d’incidence sur la légalité de la décision de la chambre de recours de l’EUIPO et sur le résultat du litige. Un défaut de motivation adéquate constituerait en tant que tel une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

11      D’autre part, le Tribunal aurait accepté et entériné un examen sélectif des faits limité à l’existence d’un accord contractuel direct entre les parties pour apprécier l’existence d’une relation d’agent ou de représentant entre les parties. Selon la requérante, la question du niveau d’examen adéquat requis afin d’apprécier l’existence d’une relation d’agent ou de représentant entre les parties est une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

12      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 17 juillet 2023, Canai Technology/EUIPO, C‑280/23 P, EU:C:2023:596, point 12).

16      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, des arguments résumés aux points 7 à 9 et 11 de la présente ordonnance, il importe de relever que, bien que la partie requérante identifie l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, elle n’explique pas, à suffisance de droit, ni, a fortiori, ne démontre, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, qui justifierait l’admission du pourvoi.

17      À cet égard, il convient de rappeler que la requérante doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (ordonnance du 17 juillet 2023, Puma/EUIPO, C‑94/23 P, EU:C:2023:598, point 20 et jurisprudence citée).

18      En l’espèce, les allégations de la requérante selon lesquelles, en raison de prétendues erreurs commises par le Tribunal, il importerait, dans l’intérêt de l’unité, de la cohérence et du développement du droit de l’Union, que la Cour clarifie les règles relatives à l’appréciation de la nature de la relation d’agent ou de représentant du point de vue de la ratio legis de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 40/94, les règles permettant de déterminer si une relation commerciale peut être considérée comme imposant une obligation de confiance et de loyauté, le niveau de preuve exigé lors de l’appréciation de relations implicites et, enfin, le niveau d’examen adéquat requis afin d’apprécier l’existence d’une relation d’agent ou de représentant entre les parties, sont manifestement trop générales pour constituer une telle démonstration.

19      Pour ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argument exposé au point 8 de la présente ordonnance, selon lequel la Cour ne s’est pas encore prononcée de manière exhaustive sur les questions soulevées, il suffit de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi étant toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard desdits critères (ordonnance du 27 octobre 2023, Wallmax/EUIPO, C‑495/23 P, EU:C:2023:824, point 18). Or, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande, la requérante se bornant à affirmer, de manière générique, que la Cour ne s’est pas encore exprimée de manière exhaustive sur les questions concernées.

20      En troisième lieu, pour ce qui est de l’argument résumé au point 11 de la présente ordonnance et tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, force est de constater que la requérante ne fournit pas les raisons pour lesquelles le défaut de motivation de cet arrêt qu’elle allègue soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Or, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 14 de la présente ordonnance, que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, par analogie, ordonnance du 17 juillet 2023, Puma/EUIPO, C‑94/23 P, EU:C:2023:598, point 23).

21      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      CEDC International sp. z o.o. supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.