Language of document : ECLI:EU:T:2005:395

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
15 novembre 2005


Affaire T-145/04


Elisabetta Righini

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Agents temporaires – Classement en grade et en échelon – Classement au grade supérieur de la carrière »

Objet : Recours ayant pour objet l’annulation des décisions de la Commission de classer la requérante, à son entrée en service, au grade A 7, échelon 3, que ce soit en qualité d’agent temporaire ou de fonctionnaire stagiaire, et, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision du 21 janvier 2004 portant rejeté de la réclamation de la requérante.

Décision : Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Statut – Régime applicable aux autres agents – Critères de classement en grade lors du recrutement – Application aux agents temporaires

(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2)

2.      Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière – Caractère exceptionnel par rapport aux règles générales de classement – Interprétation restrictive des conditions justifiant une telle nomination

(Statut des fonctionnaires, art. 5 et 31, § 2 ; annexe I)

3.      Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière – Pouvoir discrétionnaire de l’autorité investie du pouvoir de nomination – Obligation, dans certains cas, d’examiner la possibilité de procéder à une telle nomination – Droit à la nomination au grade supérieur de la carrière – Absence

(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2)

4.      Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière – Pouvoir d’appréciation de l’autorité investie du pouvoir de nomination – Contrôle juridictionnel – Limites

(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2)

5.      Fonctionnaires – Recrutement – Décision portant classement en grade – Obligation de motivation – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2, et 31)

6.      Fonctionnaires – Recrutement – Nomination en grade – Nomination au grade supérieur de la carrière – Prise en compte des qualifications exceptionnelles de l’intéressé – Critères – Violation du principe d’égalité de traitement non invocable

(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2)

7.      Fonctionnaires – Principes – Protection de la confiance légitime – Conditions


1.      Les règles relatives aux critères de classement en grade des fonctionnaires lors de leur recrutement, contenues à l’article 31, paragraphe 2, du statut, peuvent, en vertu du principe de bonne administration, raisonnablement être appliquées aux agents temporaires.

(voir point 40)

Référence à : Tribunal 17 novembre 1998, Fabert-Goossens/Commission, T‑217/96, RecFP p. I‑A‑607 et II‑1841, points 41 et 42 ; Tribunal 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 42 ; Tribunal 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 35


2.      L’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’autorité investie du pouvoir de nomination et à l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement la faculté de nommer un candidat au grade supérieur de sa carrière sans prévoir de condition particulière. L’usage de cette faculté doit cependant être concilié avec les exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut. En conséquence, les conditions justifiant un tel classement doivent être interprétées de manière restrictive et il n’est admissible de recruter au grade supérieur d’une carrière qu’à titre exceptionnel.

(voir points 42, 43 et 49)

Référence à : Cour 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, points 32 et 33 ; Tribunal 12 octobre 1998, Campoli/Commission, T‑235/97, RecFP p. I‑A‑577 et II‑1731, point 32


3.      Lorsque le fonctionnaire ou l’agent nouvellement recruté, qui demande à bénéficier de l’article 31, paragraphe 2, du statut, possède des qualifications exceptionnelles ou si les besoins spécifiques d’un service exigent le recrutement d’un fonctionnaire particulièrement qualifié, l’autorité investie du pouvoir de nomination et l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement sont tenues de procéder à une appréciation concrète de l’application éventuelle de cette disposition. Elles peuvent encore décider, à ce stade, en tenant compte de l’intérêt du service en général, s’il y a lieu ou non d’octroyer à un fonctionnaire ou un agent nouvellement recrutés un classement au grade supérieur. En effet, l’emploi du verbe « pouvoir » à l’article 31, paragraphe 2, du statut implique qu’elles ne sont pas obligées d’appliquer cette disposition et que les agents ou fonctionnaires nouvellement recrutés n’ont pas un droit subjectif à un tel classement.

(voir points 50 et 51)

Référence à : Tribunal 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683, point 21 ; Tribunal 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 43 ; Chawdhry/Commission, précité, point 44 ; Tribunal 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, non encore publié au Recueil, point 61


4.      Le contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en grade ne saurait se substituer à l’appréciation de l’autorité investie du pouvoir de nomination ou de l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement. Le juge communautaire doit, en conséquence, se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu violation des formes substantielles, si l’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement n’a pas fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur de droit ou d’une insuffisance de motivation. En outre, il convient de vérifier si l’autorité investie du pouvoir de nomination ou l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée.

(voir point 53)

Référence à : Tribunal 3 octobre 2002, Platte/Commission, T‑6/02, RecFP p. I‑A‑189 et II‑973, point 36 ; Chawdhry/Commission, précité, point 45 ; Brendel/Commission, précité, point 60


5.      L’obligation de motiver une décision de classement en grade peut être utilement remplie au stade de la décision statuant sur la réclamation et il suffit que la motivation concerne la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure de classement, la révélation de l’appréciation comparative que l’autorité investie du pouvoir de nomination a effectuée, en particulier, n’étant pas exigée. Il suffit que l’autorité investie du pouvoir de nomination indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à son égard.

(voir point 55)

Référence à : Chawdhry/Commission, précité, point 121 ; Brendel/Commission, précité, point 120


6.      Les qualifications exceptionnelles pouvant conduire à la nomination d’un fonctionnaire nouvellement recruté au grade supérieur de la carrière doivent être appréciées par l’institution non pas au regard de la population dans son ensemble, mais par rapport au profil moyen des lauréats de concours, qui constituent déjà une population très sévèrement sélectionnée conformément aux exigences de l’article 27 du statut, et cette appréciation ne peut être effectuée de manière abstraite, de sorte qu’une violation du principe d’égalité de traitement ne peut être utilement invoquée.

(voir points 92 et 122)

Référence à : Tribunal 5 novembre 1977, Barnett/Commission, T‑12/97, RecFP p. I‑A‑313 et II‑863, point 50 ; Platte/Commission, précité, point 38 ; Chawdhry/Commission, précité, point 102


7.      Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables.

La décision de classement fondée sur l’article 31, paragraphe 2, du statut relève exclusivement d’un pouvoir d’appréciation de l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement ou de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Par conséquent, les appréciations des services particuliers ne peuvent pas préjuger de ce que ces autorités appliqueront éventuellement cette disposition.

(voir points 130, 131 et 140

Référence à : Forvass/Commission, précité, points 70 et 74 ; Tribunal 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 106