Language of document : ECLI:EU:T:2005:255

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)
28 juin 2005


Affaire T-147/04


Brian Ross

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Recours en annulation et en indemnité – Rapport d’évolution de carrière – Invalidité totale et permanente – Intérêt à agir – Irrecevabilité »

Objet :         Recours ayant pour objet, d’une part, l’annulation du rapport d’évolution de carrière du requérant pour l’exercice d’évaluation 2001/2002 et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts.

Décision :         Le recours est rejeté comme irrecevable. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Recours – Intérêt à agir – Appréciation au moment de l’introduction du recours – Recours en annulation d’un rapport d’évolution de carrière introduit par un fonctionnaire mis à la retraite avant l’introduction du recours – Irrecevabilité

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

2.      Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Autonomie par rapport au recours en annulation – Limites – Procédure précontentieuse différente en présence ou en l’absence d’un acte faisant grief

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et  91)

3.      Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Moyens – Illégalité d’une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination non attaquée dans les délais – Irrecevabilité

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)


1.      Pour qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire puisse introduire un recours en vertu des articles 90 et 91 du statut, il faut qu’il ait un intérêt personnel à l’annulation de l’acte attaqué. L’intérêt à agir en annulation doit s’apprécier au moment de l’introduction du recours et non pas à celui de l’introduction de la réclamation.

Le rapport d’évolution de carrière, qui a pour fonction première d’assurer à l’administration une information périodique sur l’accomplissement de leur service par les fonctionnaires, joue un rôle important dans le développement de la carrière du fonctionnaire dans un contexte temporel défini. Il n’affecte, en principe, l’intérêt de la personne notée que jusqu’à la cessation définitive de ses fonctions et, postérieurement à cette cessation, le fonctionnaire n’est plus recevable à introduire un recours, sauf à établir l’existence d’une circonstance particulière justifiant un intérêt personnel et actuel à obtenir l’annulation du rapport en cause.

(voir points 24 à 27)

Référence à : Cour 29 octobre 1975, Marenco e.a./Commission, 81/74 à 88/74, Rec. p. 1247, point 6 ; Cour 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 29 ; Cour 10 mars 1989, Del Plato/Commission, 126/87, Rec. p. 643, point 18 ; Tribunal 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑769, point 15 ; Tribunal 18 juin 1992, Turner/Commission, T‑49/91, Rec. p. II‑1855, point 24, et la jurisprudence citée ; Tribunal 16 décembre 1993, Moat/Commission, T‑58/92, Rec. p. II‑1443, point 31 ; Tribunal 30 novembre 1998, N/Commission, T‑97/94, RecFP p. I‑A‑621 et II‑1879, points 22, 23, 25 et 26


2.      Les articles 90 et 91 du statut ne faisant aucune distinction entre le recours en annulation et le recours en indemnité, en ce qui concerne la procédure tant administrative que contentieuse, le fonctionnaire peut choisir, en raison de l’autonomie de ces différentes voies de droit, soit l’une, soit l’autre, soit les deux conjointement, à condition de saisir le juge communautaire dans le délai de trois mois après le rejet de sa réclamation.

Cependant, cette autonomie connaît une exception lorsque l’action en indemnité comporte un lien étroit avec l’action en annulation, par ailleurs déclarée irrecevable. Les conclusions en indemnité sont, en effet, irrecevables lorsque l’action en indemnité tend exclusivement à faire réparer les conséquences de l’acte qui était visé dans l’action en annulation, elle‑même déclarée irrecevable, notamment lorsque l’action en indemnité a pour seul objet de compenser des pertes de rémunération qui n’auraient pas eu lieu si, par ailleurs, l’action en annulation avait prospéré.

En revanche, lorsque les deux actions trouvent leur origine dans des actes ou des comportements différents de l’administration, l’action en indemnité ne saurait être assimilée à l’action en annulation, même si les deux actions aboutissaient au même résultat pécuniaire pour le requérant.

À défaut de lien étroit entre les deux recours, la recevabilité des conclusions en indemnité s’apprécie indépendamment de celle du recours en annulation et se trouve subordonnée au déroulement régulier de la procédure administrative préalable, prévue par les articles 90 et 91 du statut. À cet égard, lorsque le recours en indemnité tend à la réparation d’un préjudice prétendument causé par des comportements qui, en raison de l’absence d’effets juridiques, ne peuvent pas être qualifiés d’actes faisant grief, la procédure administrative doit débuter, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, par une demande de l’intéressé invitant l’autorité investie du pouvoir de nomination à réparer ce préjudice. C’est seulement contre la décision de rejet de cette demande que l’intéressé peut saisir l’administration d’une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article.

(voir points 38 à 41, 45 et 46)

Référence à : Cour 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, 480 ; Cour 24 juin 1971, Vinck/Commission, 53/70, Rec. p. 601, points 8 à 15 ; Cour 13 juillet 1972, Heinemann/Commission, 79/71, Rec. p. 579 ; Cour 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, points 10 et 11 ; Cour 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303 ; Tribunal 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, Rec. p. II‑35, points 37 et 38 ; Tribunal 25 septembre 1991, Marcato/Commission, T‑5/90, Rec. p. II‑731, points 49 et 50 ; N/Commission, précitée, point 32 ; Tribunal 7 juin 2004, X/Commission, T‑230/02, non publiée au Recueil, point 15


3.      Le fonctionnaire qui a omis d’intenter, dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un recours en annulation d’un acte lui faisant prétendument grief ne saurait, par le biais d’une demande en indemnisation du préjudice causé par cet acte, réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours.

(voir points 48)

Référence à : Tribunal 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T­547/93, RecFP p. I‑A‑63 et II‑185, points 174 et 175