Language of document : ECLI:EU:T:2015:50

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

28 janvier 2015 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Marché européen du peroxyde d’hydrogène et du perborate – Publication d’une décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Rejet d’une demande visant à obtenir le traitement confidentiel d’informations fournies à la Commission en application de sa communication sur la coopération – Obligation de motivation – Confidentialité – Secret professionnel – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑345/12,

Akzo Nobel NV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Akzo Chemicals Holding AB, établie à Nacka (Suède),

Eka Chemicals AB, établie à Bohus (Suède),

représentées par Mes C. Swaak et R. Wesseling, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito, M. Kellerbauer et G. Meessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

CDC Hydrogene Peroxide Cartel Damage Claims (CDC Hydrogene Peroxide), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me T. Funke, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 3533 final de la Commission, du 24 mai 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par Akzo Nobel, Akzo Chemicals Holding et Eka Chemicals, en vertu de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (affaire COMP/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 mai 2006, la Commission des communautés européennes a adopté la décision C (2006) 1766 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Chemicals Holding AB, Eka Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira OYJ, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci-après la « décision PHP »).

2        Dans la décision PHP, la Commission a notamment constaté qu’Akzo Nobel, Akzo Chemicals Holding et Eka Chemicals, les requérantes, avaient participé à une infraction à l’article 81 CE sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE), avec quatorze autres sociétés actives dans le secteur du peroxyde d’hydrogène et du perborate. Les requérantes se sont dès lors vu infliger conjointement et solidairement une amende de 25,2 millions d’euros.

3        En 2007, une première version non confidentielle de la décision PHP a été publiée sur le site Internet de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission (ci-après la « DG COMP »).

4        Dans un courrier adressé aux requérantes le 28 novembre 2011, la Commission a informé celles-ci de son intention de publier une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP, reprenant l’intégralité du contenu de ladite décision à l’exception des informations confidentielles. À cette occasion, la Commission a sollicité des requérantes qu’elles identifient, dans la décision PHP, les informations dont elles entendaient solliciter le traitement confidentiel.

5        Après avoir constaté que la version plus détaillée de la décision PHP dont la Commission envisageait la publication contenait un grand nombre d’informations fournies dans le cadre d’une demande fondée sur la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »), les requérantes ont, dans un courrier adressé à la Commission le 9 janvier 2012, informé cette dernière qu’elles s’opposaient à sa proposition, au motif que la publication envisagée porterait gravement atteinte à leurs intérêts, et ce de manière irréversible. Elles ont dès lors demandé à la Commission, à titre principal, de reconsidérer son intention de publier une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP et, à titre subsidiaire, d’omettre dans ladite publication une série d’informations qu’elles estimaient confidentielles.

6        Par lettre du 15 mars 2012, la Commission a informé les requérantes qu’elle acceptait leur demande de supprimer de la nouvelle version non confidentielle destinée à être publiée toutes les informations permettant directement ou indirectement d’identifier la source des informations communiquées au titre de la communication sur la coopération de 2002. En revanche, la Commission a estimé qu’il n’était pas justifié d’accorder le bénéfice de la confidentialité aux autres informations dont les requérantes avaient sollicité le traitement confidentiel.

7        Mettant en œuvre la possibilité prévue par la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO L 275, p. 29, ci‑après la « décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur »), les requérantes ont saisi le conseiller-auditeur afin que ce dernier exclue de la version non confidentielle à publier toute information qu’elles avaient fournie au titre de la communication sur la coopération de 2002.

 Décision attaquée

8        Par décision C (2012) 3533 final, du 24 mai 2012 (ci-après la « décision attaquée »), le conseiller-auditeur a, au nom de la Commission, rejeté les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes et, par conséquent, autorisé la publication d’informations communiquées par celles-ci à la Commission en vue de bénéficier du programme de clémence de cette dernière.

9        Dans la décision attaquée, le conseiller-auditeur a tout d’abord souligné les limites de son mandat, qui lui aurait permis seulement d’examiner si une information devait être considérée comme confidentielle et non de remédier à une violation alléguée des attentes légitimes des requérantes envers la Commission.

10      Il a par ailleurs relevé que les requérantes s’opposaient à la publication d’une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP au seul motif que celle-ci comportait des informations fournies en application de la communication sur la coopération de 2002. Or, selon le conseiller-auditeur, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour décider de publier davantage que l’essentiel de ses décisions. De surcroît, des références à des documents contenus dans le dossier administratif ne constitueraient pas, en soi, des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles.

11      Selon le conseiller-auditeur, les requérantes n’ont pas démontré que la publication d’informations qu’elles avaient communiquées à la Commission en vue de bénéficier de la clémence de cette dernière était susceptible de leur causer un préjudice grave. L’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mériterait, en tout état de cause, aucune protection particulière. Le conseiller-auditeur a rappelé, sur ce point, que les recours en indemnité faisaient partie intégrante de la politique de l’Union européenne en matière de concurrence et que, dès lors, les requérantes ne pouvaient faire valoir un intérêt légitime à être protégées contre le risque de faire l’objet de tels recours, en raison de leur participation au cartel visé par la décision PHP.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 août 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par ordonnance du 16 novembre 2012, Akzo Nobel e.a./Commission (T‑345/12 R), le président du Tribunal a décidé, d’une part, de surseoir à l’exécution de la décision attaquée et, d’autre part, d’ordonner à la Commission de s’abstenir de publier une version de la décision PHP qui serait plus détaillée, en ce qui concerne les requérantes, que celle publiée sur le site Internet de la DG COMP depuis 2007.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 janvier 2013, la Commission a sollicité du Tribunal qu’il accorde un traitement prioritaire à la présente affaire, en vertu de l’article 55, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

15      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 7 juin 2013, CDC Hydrogene Peroxide Cartel Damage Claims (CDC Hydrogene Peroxide) a été admise à intervenir dans la présente affaire, au soutien des conclusions de la Commission.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle l’affaire a été, par conséquent, attribuée.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans accéder à la demande de traitement prioritaire présentée par la Commission. Il a également, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, sollicité la production de documents par les requérantes. Ces dernières ont produit les documents demandés dans le délai imparti.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 avril 2014.

19      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tout ou en partie ;

–        pour le cas où le Tribunal considérerait que la décision attaquée implique une autorisation d’accès fondée sur le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), annuler la décision contenant une telle autorisation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      Lors de l’audience, les requérantes, en réponse à une question du Tribunal, ont indiqué qu’elles renonçaient à leur deuxième chef de conclusions, ce qui a été acté dans le procès-verbal d’audience.

21      La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

22      La Commission soutient, en substance, que, pour autant qu’il devrait être considéré que le courrier qu’elle a adressé aux requérantes le 28 novembre 2011 contenait une décision formelle de publier une version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP, lesdites requérantes seraient forcloses à contester la légalité d’une telle décision dans le cadre du présent recours dès lors qu’elles n’ont pas poursuivi son annulation dans le délai fixé à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

23      À cet égard, il convient de relever que, s’il est certes exact que, dans sa lettre du 28 novembre 2011, la Commission a informé les requérantes qu’elle avait « récemment décidé » de publier une nouvelle version de la décision PHP plus détaillée que celle disponible sur le site Internet de la DG COMP depuis 2007, l’objet de cette démarche était de permettre aux requérantes de solliciter que soient omis dans une telle publication d’éventuels secrets d’affaires les concernant ou d’autres informations confidentielles, conformément aux explications fournies à l’annexe III de ladite lettre. Cette dernière ne contenait dès lors pas la position définitive de la Commission sur les questions de confidentialité qui sont au cœur du présent litige.

24      Cela explique au demeurant que la Commission, dans la lettre qu’elle a adressée aux requérantes le 15 mars 2012, ne s’est pas prévalue du caractère définitif d’une décision de publication prétendument contenue dans sa lettre du 28 novembre 2011, mais a plutôt invité celles-ci à saisir le conseiller-auditeur si elles souhaitaient contester le rejet par la DG COMP d’une majorité de leurs demandes de confidentialité.

25      Il convient encore de relever que, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, la Commission a, en réponse à une demande des requérantes, adressé au conseil de ces dernières un courrier électronique duquel il ressort que ladite décision était la seule prise à leur égard en la matière et que celle-ci reflétait sa position définitive.

26      Il s’ensuit que le recours est recevable.

 Sur le fond

27      À l’appui de leurs conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée, les requérantes soulèvent trois moyens. Le premier est pris d’une violation de l’obligation de motivation et du droit des requérantes à une bonne administration, le deuxième, d’une violation de l’obligation de confidentialité résultant de l’article 339 TFUE et de l’article 28, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et, le troisième, d’une violation des attentes légitimes des requérantes, du principe de sécurité juridique ainsi que du principe de bonne administration.

 Sur le premier moyen, pris d’une insuffisance de motivation et d’une violation du droit à une bonne administration

28      Les requérantes soutiennent que la décision attaquée n’est pas adéquatement motivée et viole dès lors l’article 296 TFUE ainsi que le droit à une bonne administration garanti par l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elles font tout d’abord valoir, à cet égard, que la décision attaquée ne leur permet pas de comprendre les raisons justifiant le rejet des arguments tirés de leurs attentes légitimes, présentés à l’appui de leurs demandes de traitement confidentiel. Ensuite, les requérantes soutiennent que la décision attaquée ne répond pas à leur argument selon lequel la publication envisagée par la Commission s’écarte de la pratique administrative antérieure de celle-ci. Enfin, elles font valoir que le niveau de motivation requis en l’espèce est élevé, dès lors que la décision attaquée s’écarte de l’approche retenue par la Commission en 2007, approche ayant consisté à publier une version non confidentielle de la décision PHP dépourvue des informations dont les requérantes avaient sollicité un traitement confidentiel.

29      La Commission soutient que la décision attaquée, envisagée dans son contexte, est suffisamment motivée.

30      En vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité, étant précisé toutefois que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 14 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑499/95, Rec. p. II‑1799, point 51).

31      Ainsi, si, en vertu de l’article 296 TFUE, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle-ci, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de cette disposition doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, CF Sharp Shipping Agencies/Conseil, T‑53/12, point 37). En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du Tribunal du 15 avril 2011, République tchèque/Commission, T‑465/08, Rec. p. II‑1941, point 163).

32      Cette obligation de motivation est mise en œuvre à l’article 8, paragraphe 2, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, lu conjointement avec le paragraphe 3 de cette disposition, s’agissant des décisions que le conseiller-auditeur est appelé à prendre sur des demandes de traitement confidentiel de certaines informations dans le cadre de procédures d’application des règles de concurrence.

33      En l’espèce, il ressort tant des courriers des requérantes des 8 décembre 2011 et 9 janvier 2012, adressés à la DG COMP, que du courrier qu’elles ont adressé au conseiller-auditeur le 10 avril 2012 que les requérantes ont soutenu, au cours de la procédure administrative, que la publication d’une version de la décision PHP contenant des informations qu’elles avaient communiquées volontairement en vue de bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 méconnaîtrait leurs attentes légitimes. Il ressort en outre de ces mêmes courriers que les requérantes ont fait valoir qu’une telle publication s’écarterait de la pratique administrative antérieure de la Commission, consistant à ne pas divulguer à des tiers les informations qui étaient communiquées à celle-ci par des entreprises dans le cadre du programme de clémence.

34      Sur ce point, il convient de relever que, si le conseiller-auditeur n’a pas spécifiquement répondu sur le fond à chacun de ces arguments, c’était, ainsi qu’il ressort en substance de l’arrêt du Tribunal de ce jour, Evonik Degussa/Commission (T‑341/12, points 42 à 44 et 58), en vue de respecter les limites du mandat qui lui a été conféré par le président la Commission en vertu de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur.

35      Toutefois, la décision attaquée a été adoptée au terme d’une procédure administrative au cours de laquelle la Commission a été appelée à répondre aux objections de principe à la publication envisagée soulevées par les requérantes, qui sortaient du cadre des compétences du conseiller-auditeur.

36      Dans ces circonstances et afin de garantir une protection juridictionnelle effective aux requérantes, il y a lieu d’envisager la décision attaquée dans le contexte ayant conduit à son adoption et de considérer, partant, que ladite décision inclut implicitement, mais nécessairement, les prises de position de la Commission au sujet de la publication envisagée, exprimées par le biais de la DG COMP, dans la mesure où celles-ci portent sur des aspects qui ne relèvent pas du mandat du conseiller-auditeur.

37      Or, la décision attaquée, envisagée de cette façon, permet aux requérantes de comprendre les éléments de fait et de droit dont dépend sa justification légale.

38      Ainsi, en premier lieu, la Commission, dans le courrier qu’elle a adressé aux requérantes le 28 novembre 2011, a justifié son intention de publier une version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP par référence à un objectif de transparence. Par ailleurs, dans un courrier adressé aux requérantes le 20 décembre 2011, la Commission a précisé, en substance, que la publication envisagée devait être comprise à l’aune d’une demande d’accès à la version confidentielle de la décision PHP, formée sur le fondement du règlement no 1049/2001.

39      En deuxième lieu, s’il est certes exact que le conseiller-auditeur a décliné sa compétence pour examiner une éventuelle violation des attentes légitimes des requérantes, au motif qu’un tel examen aurait dépassé les limites du mandat qu’il tirait de l’article 8 de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur, la Commission, dans le courrier adressé par sa DG COMP aux requérantes le 15 mars 2012, a toutefois expressément répondu à l’argument de ces dernières selon lequel la publication litigieuse méconnaîtrait leurs attentes légitimes.

40      Il ressort en effet dudit courrier, en substance, que, dans le cadre de l’analyse des objections de principe à la publication litigieuse, la Commission a estimé qu’il lui appartenait de mettre en balance, notamment , la protection des objectifs de ses activités d’enquête, visée par l’exception au principe de transparence prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, avec les intérêts légitimes des parties. La Commission a par ailleurs indiqué qu’un document ne bénéficiait pas d’une protection du seul fait qu’il avait été communiqué dans le cadre d’une demande de clémence et que la publication envisagée ne portait pas atteinte aux objectifs de ses activités d’enquête. Elle a, en outre, souligné qu’il convenait de tenir compte, en l’espèce, de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, en vertu duquel les exceptions au droit d’accès aux documents visées aux trois premiers paragraphes de cet article s’appliquaient uniquement au cours de la période durant laquelle la protection qui y était prévue était justifiée au regard du contenu du document. La Commission en a déduit que la publication litigieuse n’emportait pas une rupture de la confiance légitime des requérantes.

41      En troisième lieu, la décision attaquée mentionne plusieurs éléments au soutien du rejet des demandes de confidentialité formées par les requérantes. Le conseiller-auditeur y a souligné, à titre liminaire, que des références à des documents contenus dans le dossier administratif ne constituaient pas, en soi, des secrets d’affaires ou d’autres informations de nature confidentielle. Le rejet des demandes de confidentialité a ensuite été justifié, premièrement, par la large marge d’appréciation dont bénéficierait la Commission pour publier davantage que l’essentiel des décisions qu’elle prenait en application de l’article 23 du règlement no 1/2003, deuxièmement, par la circonstance que les requérantes n’avaient pas démontré que la publication des informations qu’elles avaient communiquées à la Commission au titre de la communication sur la coopération de 2002 risquerait de leur causer un préjudice grave et, troisièmement, par le fait que, à supposer même qu’un tel risque soit établi, il ressortait de la jurisprudence que l’intérêt des requérantes à ce que les détails de leur participation à une infraction ne soient pas connus du public n’était pas digne de protection.

42      Les constatations opérées au point précédent conduisent également à rejeter l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée n’exposerait pas ce qui justifie de déroger en l’espèce à la pratique administrative antérieure de la Commission. En effet, à supposer établie la pratique administrative antérieure à laquelle les requérantes font référence, la décision attaquée, envisagée dans le contexte de son adoption, fournit suffisamment d’éléments de nature à permettre à celles-ci de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de s’en écarter en l’espèce.

43      Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le niveau de motivation requis en l’espèce serait plus élevé qu’à l’accoutumée dès lors que la décision attaquée autorise la publication d’informations précédemment considérées comme confidentielles par la Commission, il doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, à supposer même qu’un tel renforcement de l’obligation de motivation soit justifié, il y aurait lieu de considérer que, compte tenu tant de la nature des arguments présentés par les requérantes au conseiller-auditeur dans leur courrier du 10 avril 2012 que du contexte dans lequel a été adoptée la décision attaquée, connu des requérantes, ladite décision expose de façon suffisamment claire et précise les raisons pour lesquelles il a été décidé, en l’espèce, de ne plus considérer comme confidentielles les informations litigieuses.

44      Partant, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles allèguent que la décision attaquée est insuffisamment motivée. Les requérantes n’ayant du reste pas indiqué en quoi leur grief pris d’une méconnaissance du droit à une bonne administration se distinguerait de leur argumentation visant à dénoncer l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, ledit grief ne saurait davantage prospérer. Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, pris d’une violation de l’obligation de confidentialité résultant de l’article 339 TFUE et de l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003

45      Les requérantes soutiennent que la décision attaquée méconnaît l’obligation de confidentialité qui pèse sur la Commission en vertu de l’article 339 TFUE et de l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Il résulterait, en effet, de la jurisprudence que les informations communiquées volontairement à la Commission par des entreprises doivent pouvoir bénéficier d’une protection contre la divulgation. Or, les informations dont les requérantes ont sollicité un traitement confidentiel en l’espèce auraient été communiquées volontairement par celles-ci à la Commission en vue de bénéficier de la communication sur la coopération de 2002.

46      Les requérantes se réfèrent, en outre, à cet égard, à l’article 30 du règlement no 1/2003, en vertu duquel la Commission, lors de la publication de ses décisions, doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, ainsi qu’à l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), en vertu duquel les secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne sont pas communiqués, ni rendus accessibles.

47      Les requérantes font également valoir que les informations qu’elles ont communiquées au titre de la communication sur la coopération de 2002 relèvent du secret professionnel.

48      Ainsi, ladite communication, notamment en ses paragraphes 29, 32 et 33, prévoirait le traitement confidentiel des informations contenues dans des demandes de clémence. La protection accordée à ces informations serait confirmée par le paragraphe 6 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »). De surcroît, il y aurait lieu de tenir compte du fait que ces informations ont été communiquées à la Commission à titre officiel, qu’elles ne sont connues que par un nombre limité de personnes et que leur divulgation porterait gravement préjudice aux requérantes dès lors qu’elle les désavantagerait de manière significative par rapport à d’autres destinataires de la décision PHP qui n’ont pas coopéré avec la Commission, dans le cadre de recours en indemnité intentés contre elles. Pour ces raisons, la nature confidentielle de ces informations ne serait pas affectée par l’écoulement du temps, à l’inverse d’informations commercialement sensibles au sens étroit du terme. L’intérêt des requérantes à ce que lesdites informations ne soient pas divulguées serait par ailleurs digne de protection dès lors que le traitement confidentiel desdites informations constitue une condition essentielle au bon fonctionnement du programme de clémence de la Commission et, partant, à l’effectivité du droit de l’Union en matière d’ententes.

49      Les requérantes contestent, dans ce cadre, l’approche de la Commission consistant à offrir une protection aux seuls documents communiqués dans le cadre de demandes de clémence ou aux déclarations effectuées par une demanderesse de clémence, à l’exclusion d’informations que ces documents et déclarations contiennent. Selon elles, cette approche méconnaît le droit fondamental à la protection du secret professionnel garanti par l’article 339 TFUE. À l’audience, les requérantes ont ajouté que la publication de la version non confidentielle plus détaillée envisagée par la Commission reviendrait à contourner les exceptions au droit d’accès aux documents des institutions prévues par le règlement no 1049/2001, de même que les règles spécifiques d’accès aux dossiers d’enquête en matière d’ententes prévues par le règlement no 1/2003.

50      Enfin, selon les requérantes, la publication de la version non confidentielle de la décision PHP en 2007 répond déjà à l’objectif que le public en général soit informé des motifs sur lesquels repose ladite décision. Par la publication d’une version non confidentielle plus complète de la décision PHP, la Commission chercherait en réalité à faciliter le recours en indemnité introduit par l’intervenante devant le Landgericht Dortmund (tribunal régional de Dortmund, Allemagne). La décision attaquée refléterait à cet égard un changement plus général de la politique de publication de la Commission en matière d’ententes, destiné à assister les demandeurs dans des actions en dommages et intérêts intentées contre des participants à ce type d’infraction au droit de la concurrence. En l’absence d’une réforme du cadre juridique applicable, la décision de publier une version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP ne serait toutefois pas justifiée. L’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 interdirait, en effet, l’utilisation d’informations recueillies dans le cadre de l’enquête à des fins étrangères à celle-ci et protégerait dès lors les intérêts d’entreprises impliquées dans des enquêtes de la Commission contre l’utilisation de telles informations dans le cadre d’actions civiles. Les requérantes ont encore ajouté lors de l’audience, en substance, que, en tout état de cause, l’intérêt d’éventuelles victimes d’une entente à obtenir des informations précises au sujet du déroulement de celle-ci était suffisamment protégé par la faculté dont disposaient les juges nationaux de solliciter de la Commission qu’elle leur communique de telles informations.

51      La Commission et l’intervenante contestent cette argumentation.

52      À cet égard, le Tribunal relève, à titre liminaire, que les arguments relatifs à une violation de la confiance légitime prétendument acquise par les requérantes du fait des communications sur la coopération de 2002 et 2006 ainsi que de la pratique antérieure de la Commission, invoqués au soutien du deuxième moyen, se confondent, en substance, avec une partie de l’argumentation développée au soutien du troisième moyen. Ces arguments sont dès lors examinés dans ce cadre.

53      Il convient ensuite de rappeler que, aux termes de l’article 339 TFUE, les membres des institutions de l’Union, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de l’Union sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient.

54      Selon l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, les informations recueillies par la Commission au cours des enquêtes qu’elle mène au titre dudit règlement, en application des articles 17 à 22 de celui-ci, ne peuvent, sans préjudice des articles 12 et 15 de ce même règlement, être utilisées qu’aux fins auxquelles elles ont été recueillies. L’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, qui complète la règle de conduite édictée à l’article 339 TFUE dans le domaine d’application dudit règlement, précise, notamment, que, sans préjudice de la coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ainsi que de la possibilité donnée aux destinataires d’une communication des griefs de consulter le dossier d’enquête, la Commission et lesdites autorités, leurs fonctionnaires, leurs agents et les autres personnes travaillant sous la supervision de ces autorités, ainsi que les agents et fonctionnaires d’autres autorités des États membres, sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées en application dudit règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

55      Par ailleurs, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, la Commission publie notamment les décisions par lesquelles elle inflige des amendes aux entreprises ou associations d’entreprises qu’elle tient pour responsables d’une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes. Selon l’article 30, paragraphe 2, de ce règlement, ladite publication mentionne le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées, mais doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

56      L’article 16, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 prévoit quant à lui, en substance, que la Commission est tenue de ne pas rendre accessibles ni de communiquer les informations, y compris les documents, contenues dans le dossier d’enquête dans la mesure où elles contiennent des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles appartenant à une personne quelconque.

57      Enfin, l’article 8, paragraphes 1 à 3, de la décision relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dispose ce qui suit :

« 1.      Lorsque la Commission envisage de divulguer des informations susceptibles de constituer un secret d’affaires ou d’autres informations confidentielles d’une entreprise ou d’une personne, cette entreprise ou cette personne est informée par écrit de cette intention, ainsi que de sa motivation, par la [DG COMP]. Un délai est imparti à l’entreprise ou à la personne concernée pour présenter par écrit d’éventuelles observations.

2.      Lorsque l’entreprise ou la personne concernée s’oppose à la divulgation de l’information, elle peut en référer au conseiller-auditeur. Si le conseiller-auditeur estime que l’information en question peut être divulguée, parce qu’elle ne constitue pas un secret d’affaires ou une autre information confidentielle ou que sa divulgation présente un intérêt majeur, cette constatation est exposée dans une décision motivée qui est notifiée à l’entreprise ou à la personne concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.

3.      Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations par leur publication au Journal officiel de l’Union européenne. »

58      En l’espèce, les requérantes ne contestent pas avoir participé à l’entente ayant donné lieu à l’adoption de la décision PHP. Elles soutiennent, en revanche, que la confidentialité des informations litigieuses résulte du seul fait que celles-ci ont été communiquées volontairement à la Commission, dans le cadre du programme de clémence, et que la publication envisagée est ainsi susceptible de compromettre la protection des objectifs des activités d’enquête de la Commission.

59      Le domaine des informations couvertes par le secret professionnel s’étendant au-delà des secrets d’affaires des entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 34, et arrêt du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec. p. II‑1429, point 29), il convient de déterminer, sans préjudice de l’analyse du bien-fondé du troisième moyen, si, ainsi que le soutiennent les requérantes, des informations doivent bénéficier d’une protection à ce titre du seul fait qu’elles ont été volontairement communiquées par une entreprise à la Commission dans le but de bénéficier du programme de clémence.

60      Aux termes de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, au sein de l’Union, les décisions sont prises dans le plus grand respect du principe d’ouverture. Ce principe se reflète à l’article 15 TFUE, qui garantit, sous certaines conditions, un droit d’accès des citoyens aux documents des institutions. Conformément à ce principe et en l’absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu’elles adoptent est la règle, à laquelle il existe des exceptions dans la mesure où le droit de l’Union, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s’oppose à une divulgation de ces actes ou des informations qu’ils contiennent (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 69).

61      Ni l’article 339 TFUE ni l’article 28 du règlement no 1/2003 n’indiquent explicitement quelles informations, en dehors des secrets d’affaires, sont couvertes par le secret professionnel. Or, il ne saurait être déduit de l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que tel est le cas de toutes les informations recueillies en application dudit règlement, à l’exception de celles dont la publication est obligatoire en vertu de son article 30. En effet, tout comme l’article 339 TFUE, l’article 28 du règlement no 1/2003, qui complète et met en œuvre cette disposition du droit primaire dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, s’oppose uniquement à la divulgation des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 70).

62      En outre, il est vrai que, selon les points 75 de l’arrêt Bank Austria/Commission, point 59 supra, et 64 de l’arrêt du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, dans la mesure où la confidentialité de certaines informations est protégée par une exception au droit d’accès aux documents prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001, une telle protection est pertinente en vue d’apprécier le respect par la Commission de l’interdiction qui lui est faite à l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 de divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

63      Toutefois, postérieurement au prononcé de ces arrêts, la Cour a interprété l’article 4 du règlement no 1049/2001 de manière à ce qu’il soit loisible aux institutions de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles d’être opposées à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature. Cette interprétation s’impose lorsque la réglementation qui régit la procédure prévoit également des règles strictes quant au traitement des informations obtenues ou établies dans le cadre d’une telle procédure (arrêt de la Cour du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, points 108, 116 et 118). Or, tel est précisément le cas des articles 27, paragraphe 2, et 28 du règlement no 1/2003 et des articles 6, 8, 15 et 16 du règlement no 773/2004, qui régissent de manière restrictive l’usage des documents figurant dans le dossier relatif à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (arrêt de la Cour du 27 février 2014, Commission/EnBW Energie Baden-Württemberg, C‑365/12 P, point 86). Dans ce contexte, prendre en compte l’article 4 du règlement no 1049/2001 de manière à interdire à la Commission de publier toute information à laquelle elle serait en droit de refuser l’accès en vertu de cette dernière disposition en invoquant une présomption générale viderait l’article 30 du règlement no 1/2003 de sa substance. En effet, une telle interprétation aurait pour effet de priver la Commission de la possibilité de publier même l’essentiel de sa décision dans la mesure où celui-ci doit forcément ressortir des éléments du dossier de l’enquête. D’autre part, elle aurait également pour effet pratique de renverser la charge de la preuve, qui, en matière de traitement confidentiel, incombe au demandeur d’un tel traitement, puisqu’il suffirait à ce dernier de faire valoir la présomption générale que les institutions peuvent invoquer dans les conditions décrites ci-dessus et d’obliger de fait la Commission à démontrer que l’information litigieuse peut être incluse dans la version publiée de sa décision.

64      Or, contrairement à ce que soutiennent, en substance, les requérantes, la divulgation d’informations au sujet d’une infraction au droit de la concurrence de l’Union par le biais de la publication d’une décision sanctionnant ladite infraction, sur le fondement de l’article 30 du règlement no 1/2003, ne saurait, en principe, être confondue avec un accès par des tiers à des documents figurant dans le dossier d’enquête de la Commission relatif à une telle infraction. Ainsi, dans la présente affaire, la publication des informations relatives aux faits constitutifs de l’infraction qui ne figuraient pas dans la version non confidentielle de la décision PHP publiée en 2007, si elle devait avoir lieu, n’aurait pas pour résultat la communication à des tiers de demandes de clémence formées par les requérantes auprès de la Commission, de procès-verbaux consignant des déclarations orales des requérantes effectuées au titre du programme de clémence, voire de documents que ces dernières ont volontairement soumis à la Commission lors de l’enquête.

65      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner les trois conditions cumulatives qui doivent être remplies pour que des informations tombent, par leur nature, sous le coup du secret professionnel et bénéficient ainsi d’une protection contre la divulgation au public, à savoir, premièrement, que ces informations ne soient connues que par un nombre restreint de personnes, deuxièmement, que leur divulgation soit susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers et enfin, troisièmement, que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de telles informations soient objectivement dignes de protection (arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 71, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse /Commission, point 62 supra, point 65).

66      La Commission soutient que la première condition n’est pas remplie en l’espèce, au motif que les informations qui lui ont été transmises par les requérantes au cours de l’enquête figuraient dans le dossier auquel les autres destinataires de la décision PHP ont eu accès.

67      Cette argumentation doit être écartée. Une distinction doit, en effet, être opérée, à cet égard, entre la protection qu’il est nécessaire d’accorder à des informations couvertes par le secret professionnel par rapport à des personnes, des entreprises ou des associations d’entreprises bénéficiant d’un droit d’être entendues dans le cadre d’une procédure d’application des règles de concurrence et la protection qu’il convient d’accorder à de telles informations par rapport au public en général [arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 29 ; voir également, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), points 56 et 57].

68      Ainsi, l’obligation des fonctionnaires et agents des institutions de ne pas divulguer les informations en leur possession qui sont couvertes par le secret professionnel, énoncée à l’article 339 TFUE et mise en œuvre, dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, par l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, est atténuée à l’égard des personnes auxquelles l’article 27, paragraphe 2, dudit règlement donne le droit d’être entendues. La Commission peut communiquer à de telles personnes certaines informations couvertes par le secret professionnel, pour autant que cette communication soit nécessaire au bon déroulement de l’instruction. Dans de telles circonstances, néanmoins, il y a lieu de considérer que ces informations ne sont connues que par un nombre restreint de personnes.

69      Il s’ensuit que la règle prévue à l’article 27, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, consacrant le droit des parties concernées par l’enquête de la Commission à accéder au dossier administratif, est sans préjudice de la protection contre la divulgation au public en général des informations communiquées à la Commission au cours de l’enquête et couvertes par le secret professionnel.

70      S’agissant de la deuxième condition, les requérantes soutiennent que la divulgation des informations qu’elles ont communiquées à la Commission au titre du programme de clémence leur porterait gravement préjudice puisqu’elle les désavantagerait de manière significative par rapport à d’autres destinataires de la décision PHP qui n’ont pas coopéré avec la Commission, dans le cadre de recours en réparation introduits à leur encontre. De surcroît, selon elles, une telle divulgation pourrait également léser l’intérêt public dès lors qu’elle est de nature à dissuader les entreprises de dénoncer à l’avenir des infractions à l’article 81 CE.

71      La Commission s’oppose à ce point de vue, en faisant valoir que la divulgation des informations litigieuses ne pourrait pas causer un préjudice sérieux aux requérantes dès lors que leur position prétendument moins favorable dans le cadre de recours civils ne serait que la conséquence légitime de leur participation à une infraction au droit de la concurrence de l’Union.

72      Toutefois, force est de constater que cette objection de la Commission porte exclusivement sur la légitimité de l’intérêt des requérantes à voir protéger la confidentialité des informations litigieuses, qui est au cœur de la troisième condition examinée aux points 79 à 89 ci-après, et non le caractère sérieux, envisagé de manière objective, du préjudice que pourraient subir les requérantes au cas où ces informations devraient être portées à la connaissance du public.

73      Or, à cet égard, il est constant que les informations litigieuses, dont la publication dépend de l’issue du litige, consistent, pour l’essentiel, en la description d’éléments constitutifs de l’infraction à l’article 81 CE sanctionnée par la Commission dans la décision PHP.

74      Ainsi, si la Commission n’a certes pas spécifiquement motivé la décision attaquée par référence à l’objectif de faciliter les recours en dommages et intérêts devant les juridictions nationales, il ressort néanmoins du dossier que, prima facie, la publication de la version non confidentielle plus complète de la décision PHP envisagée par la Commission, en particulier la partie de ladite décision relative à la description du fonctionnement de l’entente, serait de nature à permettre à l’intervenante, qui représente les intérêts d’entreprises s’estimant lésées par l’infraction au droit de la concurrence qui y a été constatée, d’établir plus aisément la responsabilité civile des requérantes ainsi que celle d’autres entreprises ayant participé à cette infraction et, le cas échéant, l’étendue de celle-ci, dans le cadre du recours en réparation qu’elle a introduit devant le Landgericht Dortmund.

75      En effet, ladite version révèle de manière détaillée les contacts collusoires ou accords anticoncurrentiels auxquels les requérantes ont participé, en mentionnant notamment des noms de produits concernés par lesdits contacts ou accords, des données chiffrées concernant les prix pratiqués ainsi que les objectifs poursuivis par les participants en termes de prix et de répartition des parts de marché. De telles informations sont propres à faciliter la démonstration de leur dommage par des personnes physiques ou morales qui, telles les entreprises dont les intérêts sont représentés par l’intervenante, s’estiment lésées par l’infraction à l’article 81 CE sanctionnée dans la décision PHP, de même que le lien causal unissant ladite infraction et le dommage allégué.

76      Il y a d’ailleurs lieu de relever que, outre les explications fournies par l’intervenante à cet égard dans le mémoire en intervention et lors de l’audience, la Commission a souligné, dans ses écritures, que l’application dans la sphère privée de l’interdiction contenue à l’article 81 CE serait favorisée par la publication de la nouvelle version non confidentielle qu’elle envisage.

77      Partant, sans même qu’il soit nécessaire, à ce stade du raisonnement, de se prononcer sur la question de savoir si, comme le prétendent les requérantes, la publication des informations litigieuses les défavoriserait, dans le cadre de recours en réparation, par rapport à d’autres entreprises ayant participé à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP, mais qui n’ont pas témoigné le même esprit de coopération, il y a lieu de tenir pour établi que la divulgation des informations dont les requérantes ont sollicité le traitement confidentiel serait de nature à leur causer un préjudice sérieux.

78      La deuxième condition rappelée au point 65 ci-dessus est donc bien remplie en l’espèce.

79      S’agissant enfin de la troisième condition, il convient de rappeler que celle-ci implique que l’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite une mise en balance entre les intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et l’intérêt général qui veut que les activités des institutions se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture (arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 71, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 62 supra, point 65).

80      À cet égard, s’agissant tout d’abord de l’argument des requérantes selon lequel la publication envisagée les exposerait à un risque accru de se voir condamnées dans le cadre de recours civils introduits contre elles, notamment par l’intervenante, du fait de leur participation à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP, il convient de relever d’emblée que l’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mérite en principe aucune protection particulière, compte tenu de l’intérêt du public à connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l’intérêt des opérateurs économiques à savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l’intérêt des personnes lésées par l’infraction à en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l’encontre des entreprises sanctionnées et compte tenu de la possibilité dont dispose cette entreprise de soumettre une telle décision à un contrôle juridictionnel (arrêts Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 78, et Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, point 62 supra, point 72 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour de l’AELE du 21 décembre 2012, DB Schenker/EFTA Surveillance Authority, E‑14/11, Report of the EFTA Court, p. 1178, point 189).

81      Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient légitimement s’opposer à la publication, par la Commission, d’informations révélant de manière détaillée leur participation à l’infraction sanctionnée dans la décision PHP au motif qu’une telle publication les expose à un risque accru de devoir assumer les conséquences, en termes de responsabilité civile, de leur participation à ladite infraction.

82      Cependant, indépendamment du troisième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée, en dissuadant les entreprises de dénoncer les infractions au droit de la concurrence de l’Union dont elles ont connaissance et de coopérer avec la Commission en vue de bénéficier du programme de clémence de celle-ci, est de nature à nuire à l’efficacité de la politique de lutte contre les infractions au droit de l’Union en matière d’ententes. Or, cet intérêt serait digne de protection dès lors que le programme de clémence a un impact essentiel sur l’effectivité globale du droit de l’Union en matière d’ententes. Elles ajoutent dans ce contexte, en substance, que, dès lors que les informations dont la publication est envisagée les concernent davantage que d’autres entreprises n’ayant pas sollicité la clémence, une telle publication les désavantagerait de manière disproportionnée dans le cadre de procédures devant les juridictions nationales, ce qui mettrait en péril l’efficacité du programme de clémence.

83      À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que l’efficacité des programmes de clémence pourrait être affectée par la communication des documents relatifs à une procédure de clémence aux personnes désirant intenter une action en dommages et intérêts, même si les autorités nationales de concurrence ou la Commission accordent au demandeur de clémence une exonération totale ou partielle de l’amende qu’elles auraient pu imposer (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 juin 2011, Pfleiderer, C‑360/09, Rec. p. I‑5161, point 26). En effet, une personne impliquée dans une violation du droit de la concurrence, face à l’éventualité d’une telle communication, pourrait être dissuadée d’utiliser la possibilité offerte par de tels programmes de clémence, compte tenu notamment du fait que les documents communiqués à la Commission ou les déclarations effectuées auprès de cette dernière à ce titre sont susceptibles de présenter un caractère auto-incriminant.

84      D’autre part, le droit à obtenir réparation des dommages causés par un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence est de nature à contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union (voir arrêt de la Cour du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, point 42, et la jurisprudence citée) et participe ainsi à la réalisation d’un objectif d’intérêt public (voir, en ce sens et par analogie, arrêt DB Schenker/EFTA Surveillance Authority, point 80 supra, point 132).

85      C’est en application de ces principes que la Cour, interrogée par voie préjudicielle dans le cadre de litiges relatifs à des demandes d’entreprises s’estimant lésées par des infractions au droit de la concurrence d’accéder à des dossiers d’enquête détenus par des autorités nationales de la concurrence, a invité les juridictions nationales saisies de ces litiges à mettre en balance les intérêts justifiant la communication des informations fournies volontairement par des demandeurs de clémence et la protection de celles-ci (arrêts de la Cour Pfleiderer, point 83 supra, point 30, et du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a., C‑536/11, points 30 et 31).

86      Il importe d’apprécier la portée de cette jurisprudence dans le cas d’espèce.

87      Ainsi qu’il découle du point 64 ci-dessus, la présente affaire concerne non la contestation d’un refus d’accès à des documents relevant d’une procédure en matière de concurrence, au cœur des affaires ayant donné lieu aux arrêts Pfleiderer, point 83 supra, et Donau Chemie e.a., point 85 supra, mais la publication qu’envisage la Commission de certaines informations contenues dans des documents ou déclarations qui lui ont été soumis volontairement par les requérantes, en vue de bénéficier du programme de clémence.

88      En l’espèce, les requérantes se bornent à soutenir, en des termes généraux, que la publication des informations qu’elles ont communiquées volontairement au cours de l’enquête dans l’espoir de bénéficier du programme de clémence porterait atteinte à l’objectif des activités d’enquête de la Commission.

89      Dans ces conditions, force est de constater que, à supposer même la véracité de cette affirmation, cette dernière ne fait pas apparaître l’existence d’une règle de droit que la Commission aurait enfreinte du seul fait que la publication envisagée des informations fournies dans le cadre de la clémence pourrait avoir un impact sur la mise en œuvre dudit programme au regard des futures enquêtes. En outre, cet argument particulier implique l’intérêt du public à connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, celui des opérateurs économiques à s’informer des comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et, enfin, celui de la Commission de préserver l’effet utile de son programme de clémence. Or, ces intérêts spécifiques ne sont pas propres aux requérantes, si bien qu’il incombe à la seule Commission de mettre en balance, dans les circonstances de l’espèce, l’efficacité du programme de clémence, d’une part, et l’intérêt du public et des opérateurs économiques à s’informer du contenu de sa décision et d’agir afin de protéger leurs droits, d’autre part.

90      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel, en substance, les informations dont elles ont sollicité le traitement confidentiel ne sont pas essentielles pour la compréhension du dispositif de la décision PHP et ne relèvent dès lors pas de l’obligation de publication qui pèse sur la Commission en vertu de l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. En effet, sans même qu’il soit nécessaire d’apprécier si tel est le cas, il suffit de constater que, eu égard au constat figurant au point 80 ci-dessus, cette disposition ne vise pas à restreindre la liberté de la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’est pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 79).

91      De même, l’argument pris par les requérantes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 ne saurait être suivi dès lors que, ainsi qu’il ressort des considérations qui précèdent, celles-ci n’ont pas démontré que les informations dont elles sollicitaient le traitement confidentiel en l’espèce constitueraient soit des secrets d’affaires, soit d’autres informations confidentielles.

92      Dans ces circonstances, il y a lieu également de rejeter comme inopérant l’argument des requérantes selon lequel le caractère confidentiel des informations litigieuses ne serait pas affecté par l’écoulement du temps.

93      Quant à la référence faite par les requérantes à l’arrêt de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a. (C‑67/91, Rec. p. I‑4785), elle manque de pertinence en l’espèce, cette affaire se distinguant sur un point essentiel de la présente affaire.

94      En effet, sans même qu’il soit nécessaire de rappeler les différences existant entre l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), et l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, qui le remplace, il suffit de constater que cet arrêt concernait l’utilisation par des autorités nationales, comme moyens de preuve, d’informations recueillies par la Commission auprès d’entreprises et qui n’avaient pas été mentionnées dans une décision de celle-ci sanctionnant une infraction au droit de la concurrence, publiée dans les conditions prévues par l’article 21 du règlement no 17, la Cour ayant jugé qu’une telle utilisation était interdite car étrangère au motif pour lequel de telles informations avaient été recueillies (arrêt Asociación Española de Banca Privada e.a., point 93 supra, points 35 à 38 et 47 à 54).

95      À l’inverse, ainsi qu’il résulte de l’arrêt Evonik Degussa/Commission, point 34 supra (points 170 à 175), la publication par la Commission d’une version non confidentielle des décisions qu’elle prend en application de l’article 23 du règlement no 1/2003, contenant des informations qui lui ont été communiquées volontairement par des entreprises en vue de bénéficier du programme de clémence, ne saurait être qualifiée d’étrangère au motif pour lequel lesdites informations ont été recueillies.

96      Il s’ensuit que le deuxième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, pris d’une violation de la confiance légitime des requérantes, du principe de sécurité juridique et du principe de bonne administration

97      Les requérantes soutiennent que la décision attaquée, en tant qu’elle autorise la publication d’une version non confidentielle de la décision PHP contenant des informations qu’elles ont soumises volontairement à la Commission au titre du programme de clémence, méconnaît leurs attentes légitimes et viole ainsi le principe de sécurité juridique et le droit à une bonne administration, garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

98      Elles font tout d’abord valoir, à cet égard, que des assurances précises sont nées pour elles des communications sur la coopération de 2002 et de 2006 quant à la préservation du caractère confidentiel des informations qu’elles ont communiquées à la Commission au titre de leur demande de clémence. Ces assurances découleraient non seulement du libellé de ces communications, en particulier la référence au fait que les demanderesses de clémence pourraient être dissuadées de coopérer si leur position dans des actions civiles se trouvait être moins favorable que celle d’entreprises qui ne coopèrent pas, mais aussi de la pratique antérieure de la Commission. Les requérantes soulignent que la Commission n’a modifié que très récemment sa politique en matière de protection des déclarations et des documents soumis volontairement par des entreprises dans le cadre de son programme de clémence.

99      Les requérantes contestent par ailleurs l’argument de la Commission selon lequel cette dernière n’avait pas pour pratique, jusqu’à présent, d’accueillir les demandes de confidentialité portant sur les informations qui lui avaient été communiquées volontairement dans le cadre de son programme de clémence. Elles citent, à cet égard, plusieurs décisions antérieures de la Commission ayant infligé des amendes pour violation de l’article 81 CE. Si les requérantes admettent certes qu’il existe des cas dans lesquels des décisions constatant des infractions à l’article 81 CE ont été publiées sans que soient occultées les informations présentées à la Commission au titre de la clémence, il ne saurait être exclu que cela résulte du fait que les entreprises qui avaient communiqué lesdites informations n’en avaient pas sollicité le traitement confidentiel.

100    La confiance légitime des requérantes trouverait également sa source dans la circonstance que la Commission avait déjà publié une version non confidentielle de la décision PHP en 2007, que cette version n’avait pas été présentée comme étant provisoire et que les règles applicables en matière de publication ne prévoyaient pas la possibilité de publier une version non confidentielle plus détaillée de ladite décision. La présente affaire se distinguerait, sur ce dernier point, d’autres affaires dans lesquelles la Commission a publié des versions non confidentielles provisoires de décisions constatant des infractions à l’article 81 CE, dans l’attente d’un règlement définitif de questions de confidentialité.

101    La Commission et l’intervenante contestent cette argumentation.

102    À cet égard, il convient de souligner, à titre liminaire, que, conformément au raisonnement exposé aux points 34 à 36 ci-dessus, la décision attaquée doit être envisagée dans le contexte de la procédure administrative ayant donné lieu à son adoption et que ladite décision inclut dès lors les prises de position de la Commission au sujet de la publication envisagée, dans la mesure où elles portent sur des aspects qui ne relèvent pas du mandat du conseiller-auditeur.

103    Il s’ensuit que la seule circonstance que le conseiller-auditeur n’était pas compétent pour se prononcer sur les arguments pris par les requérantes d’une violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique est sans préjudice de la compétence du juge de l’Union pour se prononcer sur de tels arguments dans le cadre du présent recours (voir, par analogie, arrêt Evonik Degussa/Commission, point 34 supra, point 133).

104    Sur le fond, il y a lieu de rappeler que, en adoptant des règles de conduite telles que celles contenues dans les communications sur la coopération de 2002 et de 2006 et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sans justification, sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 211 ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 71).

105    Il est, en outre, de jurisprudence constante que peut se prévaloir du principe de la confiance légitime tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies [arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. I‑1155, point 44, et du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, Rec. p. I‑12917, point 63].

106    En l’espèce, en premier lieu, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel l’interdiction pour la Commission de rendre publiques en toutes circonstances des informations contenues dans des demandes de clémence ou des déclarations effectuées au titre du programme de clémence résulterait de la communication sur la coopération de 2002, voire de celle de 2006.

107    Certes, il ressort des paragraphes 32 et 33 de la communication sur la coopération de 2002 que « toute déclaration écrite faite à la Commission [à ce titre] ne peut être divulguée ou utilisée à d’autres fins que l’application de l’article 81 [CE] » et que « [l]a Commission considère d’une manière générale que la divulgation, à un moment quelconque, de documents reçus [dans le cadre d’une demande de clémence] porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection et d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1049/2001 ». Certes également, la Commission a précisé dans sa communication sur la coopération de 2006, dont l’adoption est postérieure à la période au cours de laquelle les requérantes ont coopéré à l’enquête ayant abouti à la décision PHP, d’une part, que les initiatives prises par certaines entreprises de lui soumettre spontanément ce qu’elles savaient d’une entente, ainsi que de leur rôle dans cette entente, « ne devraient pas être découragées par des décisions ordonnant la communication de pièces dans des procédures civiles » (paragraphe 6) et, d’autre part, que « les autres parties, telles que les plaignants, n’[avaient] pas accès aux déclarations des entreprises » effectuées au titre de la clémence (paragraphe 33).

108    Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission, ces divers engagements ne portent que sur la divulgation des documents qui lui sont soumis volontairement par les entreprises souhaitant bénéficier du programme de clémence et des déclarations effectuées par ces mêmes entreprises à ce titre. C’est d’ailleurs, notamment, à la lumière de ces engagements qu’il convient de comprendre la décision de la Commission, à laquelle cette dernière fait référence dans ses écritures, de refuser à EnBW Energie Baden-Württemberg AG l’accès à l’ensemble des documents figurant dans le dossier administratif relatif à la procédure dans l’affaire COMP/F/38.899 ‑ Appareillages de commutation à isolation gazeuse.

109    Ces engagements fournissent de surcroît un éclairage sur le motif qui sous-tend la décision de la Commission de supprimer, dans la version non confidentielle plus détaillée de la décision PHP dont la publication est envisagée, toutes les informations de nature à permettre d’identifier directement ou indirectement la source des informations qui lui ont été communiquées par les requérantes en vue de bénéficier du programme de clémence.

110    En deuxième lieu, il convient de relever que la distinction reflétée aux points 106 à 109 ci-dessus n’est pas contredite par les déclarations ou prises de position de la Commission auxquelles se réfèrent les requérantes.

111    Ainsi, s’agissant, tout d’abord, du passage du courrier adressé par le directeur général de la DG COMP à un magistrat des États-Unis d’Amérique en octobre 2011, dans lequel il aurait été indiqué que « [l]a politique constante de la Commission est que les déclarations spécifiquement établies par les entreprises pour être soumises dans le cadre du programme de clémence sont protégées contre la divulgation avant et après son enquête », celui-ci manque de pertinence en l’espèce. Comme le fait remarquer à juste titre la Commission, ce passage se borne, en effet, à refléter sa volonté de protéger contre la divulgation les déclarations qui sont effectuées par des entreprises dans le cadre du programme de clémence. Il ne saurait, en revanche, être déduit de ce passage que le directeur général de la DG COMP a suggéré l’existence d’une politique de la Commission garantissant la confidentialité de toute information volontairement communiquée par une entreprise sollicitant le bénéfice du programme de clémence, notamment dans le cadre de la publication des décisions que la Commission prend sur le fondement de l’article 23 du règlement no 1/2003.

112    Un raisonnement analogue s’applique au passage des déclarations effectuées par la Commission en tant qu’amicus curiae devant la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] en novembre 2011, cité par les requérantes, dès lors que la Commission s’y est contentée de rappeler « [s]a politique constante [selon laquelle] les déclarations spécifiquement établies par les entreprises pour être soumises dans le cadre du programme de clémence [étaient] protégées contre la divulgation avant et après son enquête ».

113    S’agissant ensuite de la référence à une réunion du réseau européen de la concurrence qui s’est tenue le 23 mai 2012, les requérantes se bornent à relever qu’il y a été souligné que la protection contre la divulgation des demandes de clémence comme telles, et non, en principe, des informations qu’elles contenaient, était fondamentale aux fins de la mise en œuvre efficace des règles de concurrence de l’Union.

114    Quant aux références faites par les requérantes au point de vue défendu par la Commission dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 22 mai 2012, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission (T‑344/08), et à l’arrêt de la Cour Commission/EnBW Energie Baden-Württemberg, point 62 supra, de même qu’à l’arrêt du Tribunal du 15 décembre 2011, CDC Hydrogene Peroxide/Commission (T‑437/08, Rec. p. II‑8251), elles manquent de pertinence en l’espèce dès lors que, comme le souligne à juste titre la Commission, ces affaires concernaient soit une décision de refus d’accès au dossier d’enquête relatif à une infraction à l’article 81 CE, soit une décision de refus d’accès à la table des matières d’un dossier d’enquête relatif à une telle infraction. Il en découle que le point de vue défendu par la Commission dans ce cadre n’a pu créer chez les requérantes l’attente légitime que la Commission s’abstiendrait de porter à la connaissance du public toute information qu’elles lui avaient volontairement communiquée lors de l’enquête en vue de bénéficier du programme de clémence.

115    Enfin, les requérantes relèvent que la Commission a indiqué, dans un mémoire présenté devant l’Antitrust Modernization Commission (Commission de modernisation du droit des ententes et des abus de position dominante, États-Unis) en avril 2006, que « la divulgation d’informations fournies spontanément pendant l’enquête risque de compromettre gravement l’efficacité des mesures prises par la Commission et les autres autorités pour faire appliquer le droit de la concurrence ».

116    Toutefois, si cette déclaration concerne certes les informations communiquées à la Commission dans le cadre de demandes de clémence et non, comme telles, les demandes de clémence ou les déclarations effectuées au titre de telles demandes, il n’en demeure pas moins que ladite déclaration est, de ce point de vue, isolée au regard des constatations figurant aux points 111 à 114 ci-dessus.

117    C’est, au demeurant, à juste titre que la Commission souligne la différence qui existe entre une publication telle que celle qui est envisagée en l’espèce et la divulgation d’informations obtenues au titre de la clémence dans le contexte de procédures pendantes devant les autorités de poursuite et de répression d’une infraction au droit de la concurrence d’un État tiers, tel que les États-Unis. En effet, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 95 ci-dessus, la divulgation de telles informations par le biais d’une publication au titre de l’article 30 du règlement no 1/2003 ne relève pas d’une utilisation à d’autres fins que celles auxquelles lesdites informations ont été recueillies au sens de l’article 28, paragraphe 1, de ce même règlement, à savoir poursuivre et sanctionner les infractions au droit de la concurrence de l’Union. En revanche, la Commission a pu considérer, sans se contredire sur ce point, que la règle contenue à l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 était susceptible de constituer un obstacle à la divulgation à des autorités d’un État tiers du contenu de demandes de clémence ou de déclarations effectuées auprès d’elle à ce titre, sans préjudice des éventuelles obligations de coopération auxquelles elle était tenue en vertu d’engagements internationaux de l’Union.

118    En troisième lieu, il convient d’examiner l’argument des requérantes selon lequel la rupture de leur confiance légitime trouverait également sa source dans la pratique antérieure de la Commission ayant consisté à ne pas divulguer les informations qui lui étaient communiquées volontairement par des entreprises au titre de demandes de clémence et dont lesdites entreprises avaient sollicité le traitement confidentiel. Cette pratique serait illustrée par la version non confidentielle de la décision PHP publiée en 2007, laquelle reflète les demandes de traitement confidentiel présentées par les requérantes et, à la différence d’autres versions publiées de décisions sanctionnant des infractions au droit de la concurrence de l’Union, n’a pas été qualifiée de provisoire par la Commission.

119    À cet égard, il y a lieu de relever que, à supposer même une telle pratique établie, celle-ci n’aurait pas été susceptible de créer chez les requérantes une confiance légitime dans le fait que la Commission ne la modifierait pas à l’avenir.

120    En effet, si le respect du principe de la confiance légitime fait partie des principes fondamentaux du droit de l’Union, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (arrêt de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745, point 27 ; voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, Rec. p. II‑4077, point 426, et la jurisprudence citée).

121    En l’espèce, il ressort de l’examen du deuxième moyen ci-dessus que les informations à la publication desquelles s’opposent les requérantes ne peuvent être considérées, au vu de l’argumentation présentée par celles-ci au cours de la procédure administrative et dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle, comme étant par nature confidentielles.

122    Or, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour décider ou non de publier de telles informations. En effet, compte tenu des principes rappelés aux points 60 et 61 ci-dessus, il y a lieu d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en ce sens qu’il limite l’obligation de publication qui pèse sur la Commission à la seule mention des parties intéressées et de l’essentiel des décisions auxquelles il est fait référence au premier paragraphe de cette disposition, en vue de faciliter la tâche de la Commission d’informer le public de l’existence et du contenu de ces dernières, compte tenu notamment des contraintes linguistiques liées à une publication au Journal officiel de l’Union européenne. En revanche, cette disposition ne restreint pas la faculté de la Commission, si elle l’estime opportun et si ses ressources le lui permettent, de publier le texte intégral ou, à tout le moins, une version très détaillée de ses décisions, sous réserve de la protection due aux secrets d’affaires et aux autres informations confidentielles (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 76).

123    Bien que la Commission soit donc soumise à une obligation générale de ne publier que des versions non confidentielles de ses décisions, il n’est pas nécessaire, pour garantir le respect de celle-ci, d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en ce sens qu’il accorderait un droit spécifique aux destinataires des décisions adoptées au titre des articles 7 à 10, 23 et 24 dudit règlement leur permettant de s’opposer à la publication par la Commission au Journal officiel et, le cas échéant, sur le site Internet de cette institution des informations qui, quoique non confidentielles, ne sont pas essentielles pour la compréhension du dispositif de ces décisions (voir, par analogie, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 77). Ainsi, l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 ne vise pas à restreindre la liberté de la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’est pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 79).

124    Il résulte dès lors de cette marge d’appréciation que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 120 ci-dessus, les requérantes, à supposer établie la pratique administrative antérieure à laquelle elles font référence, ne pouvaient acquérir aucune confiance légitime dans le maintien de celle-ci.

125    Cette conclusion s’impose d’autant plus en l’espèce que la publication d’informations détaillées sur une infraction au droit de l’Union en matière d’ententes est de nature à faciliter l’établissement de la responsabilité civile des entreprises responsables d’une telle infraction et, de cette façon, à renforcer l’application dudit droit dans la sphère privée. Il y a lieu également de tenir compte, à cet égard, du fait que la Commission a souligné, au paragraphe 31 de sa communication sur la coopération de 2002 et au paragraphe 39 de sa communication sur la coopération de 2006, que « [l]e fait qu’une entreprise bénéfici[ait] d’une immunité d’amende ou d’une réduction de son montant ne la [protégeait] pas des conséquences en droit civil de sa participation à une infraction à l’article 81 [CE] ».

126    Quant à l’argument des requérantes selon lequel leur confiance légitime dans le fait que la Commission ne divulguerait pas les informations communiquées volontairement au cours de l’enquête trouve sa source dans la publication d’une première version non confidentielle de la décision PHP en 2007, tenant compte des demandes de confidentialité qu’elles avaient présentées, il ne saurait davantage prospérer.

127    Certes, la Commission n’a pas expressément qualifié cette première version non confidentielle de la décision PHP, publiée en 2007, de provisoire.

128    Toutefois, il convient de rappeler que, à cette époque, le Tribunal avait déjà interprété l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 17, qui correspond, en substance, à l’article 30, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, en ce sens que cette disposition ne visait pas à restreindre la liberté dont disposait la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’était pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’était pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 59 supra, point 79). Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que la seule circonstance que la Commission a publié une première version non confidentielle de la décision PHP en 2007 et qu’elle n’a pas qualifié celle-ci de provisoire n’a pu fournir aux requérantes aucune assurance précise qu’une nouvelle version non confidentielle plus détaillée de ladite décision ne serait pas publiée ultérieurement, au sens de la jurisprudence rappelée au point 105 ci-dessus.

129    Les requérantes n’ayant par ailleurs présenté aucun élément de nature à établir que la Commission se serait spécifiquement engagée vis-à-vis d’elles à ne pas publier une version non confidentielle de la décision PHP contenant davantage d’informations que celle publiée sur le site Internet de la DG COMP en septembre 2007, elles ne sauraient se fonder sur cette seule publication pour en déduire une confiance légitime en ce sens.

130    Enfin, les griefs tirés d’une méconnaissance des principes de sécurité juridique ainsi que du droit à une bonne administration doivent également être écartés, le raisonnement avancé par les requérantes à l’appui de ceux-ci se confondant, en substance, avec celui avancé à l’appui du grief tiré d’une violation du principe de confiance légitime.

131    Il s’ensuit que le troisième moyen n’est pas fondé et doit dès lors être rejeté, de même que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

132    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

133    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Akzo Nobel NV, Akzo Chemicals Holding AB et Eka Chemicals AB sont condamnées aux dépens y compris à ceux afférents à la procédure de référé.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.