Language of document : ECLI:EU:T:2011:347

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

12 juillet 2011


Affaire T‑80/09 P


Commission européenne

contre

Q

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Pourvoi incident – Harcèlement moral – Article 12 bis du statut – Communication sur la politique en matière de harcèlement moral à la Commission – Devoir d’assistance incombant à l’administration – Article 24 du statut – Portée – Demande d’assistance – Mesures provisoires d’éloignement – Devoir de sollicitude – Responsabilité – Demande d’indemnité – Pleine juridiction – Conditions de mise en œuvre – Rapport d’évolution de carrière – Recours en annulation – Intérêt à agir »

Objet :      Pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 9 décembre 2008, Q/Commission (F‑52/05, RecFP p. I‑A‑1‑409 et II‑A‑1‑2235), et tendant à l’annulation de cet arrêt.

Décision :      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 9 décembre 2008, Q/Commission (F‑52/05, RecFP p. I‑A‑1‑409 et II‑A‑1‑2235), est annulé en tant que, au point 2 du dispositif, il condamne la Commission à verser à Q une indemnité d’un montant de 500 euros ainsi que la somme de 15 000 euros, pour autant que celle-ci vise à la réparation du préjudice moral subi par Q en raison d’un prétendu retard pris dans l’ouverture de l’enquête administrative, et que, aux fins de rejeter la requête en première instance pour le surplus, au point 3 du dispositif, il statue, aux points 147 à 189 des motifs, sur « le grief de harcèlement moral soulevé par [Q] » et prononce, au point 230 des motifs, un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l’annulation des rapports d’évolution de carrière la concernant, établis respectivement au titre des périodes allant du 1er janvier au 31 octobre et du 1er novembre au 31 décembre 2003. Le pourvoi principal et le pourvoi incident sont rejetés pour le surplus. L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue sur les conclusions en annulation des rapports d’évolution de carrière susmentionnés ainsi que sur la somme due à Q par la Commission au titre du seul préjudice moral résultant du refus, par cette dernière, de prendre une mesure provisoire d’éloignement. Les dépens sont réservés.


Sommaire


1.      Pourvoi – Moyens – Recevabilité – Questions de droit – Contrôle de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

(Art. 225 A CE ; statut de la Cour de justice, annexe I, art. 11, § 1)

2.      Fonctionnaires – Recours – Cadre procédural – Article 236 CE et articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires

(Art. 236 CE ; statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

3.      Fonctionnaires – Statut – Finalité – Établissement entre les institutions et leurs fonctionnaires de droits et d’obligations réciproques

(Statut des fonctionnaires)

4.      Fonctionnaires – Responsabilité non contractuelle des institutions – Conditions – Illégalité – Notion – Distinction entre le régime de la responsabilité de l’Union vis-à-vis de ses fonctionnaires et le régime général de la responsabilité de l’Union et des États membres en cas de violation du droit de l’Union

(Art. 288, al. 2, CE)

5.      Fonctionnaires – Recours – Compétence de pleine juridiction – Portée – Limites

(Statut des fonctionnaires, art. 24, 90, § 2, et 91, § 1)

6.      Fonctionnaires – Obligation d’assistance incombant à l’administration – Conditions – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 24, al. 1)

7.      Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Recours au titre de l’obligation de l’administration de réparer un dommage causé à un fonctionnaire par un tiers – Recevabilité – Condition – Obligation de s’adresser préalablement aux juridictions nationales

(Statut des fonctionnaires, art. 12 bis, § 3, 24, al. 2, et 91)

8.      Fonctionnaires – Obligation d’assistance incombant à l’administration – Champ d’application – Portée – Contrôle juridictionnel – Limites

(Statut des fonctionnaires, art. 24, al. 1)

9.      Fonctionnaires – Organisation des services – Affectation du personnel – Réaffectation – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Limites – Intérêt du service – Respect de la correspondance entre l’emploi et le grade

(Statut des fonctionnaires, art. 7, § 1, et 24, al. 1)

10.    Fonctionnaires – Obligation d’assistance incombant à l’administration – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 24, al. 1)

11.    Procédure – Fins de non-recevoir d’ordre public – Examen d’office par le juge – Respect du principe du contradictoire

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 113 ; statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

12.    Fonctionnaires – Recours – Acte faisant grief – Notion – Décisions prises sur la base d’un rapport d’enquête à la suite d’une procédure menée au titre de l’article 86 du statut – Acte préparatoire – Exclusion

(Statut des fonctionnaires, art. 24, 86, § 3 ; annexe IX, art. 3)

13.    Fonctionnaires – Recours – Compétence du Tribunal de la fonction publique – Examen des conditions de recevabilité

14.    Fonctionnaires – Recours – Intérêt à agir – Appréciation au moment de l’introduction du recours – Disparition ultérieure de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

15.    Fonctionnaires – Recours – Intérêt à agir – Recours en annulation d’un rapport d’évolution de carrière – Fonctionnaire mis à la retraite en raison d’une invalidité permanente et totale durant la procédure contentieuse – Maintien de l’intérêt à agir – Limites

(Statut des fonctionnaires, art. 53, 78, 90 et 91 ; annexe VIII, art. 13 à 15)

16.    Cour de justice – Arrêts – Interprétation des règles de droit

1.      Il résulte de l’article 225 A du traité CE et de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour de justice qu’un pourvoi ne peut s’appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits.

Est donc recevable au titre d’un pourvoi devant le Tribunal l’invocation d’une violation de la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne tenant à l’existence d’un comportement illégal.

(voir points 24, 25, 27 et 28)


Référence à : Cour 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 43 et 44 ; Tribunal 12 mars 2008, Rossi Ferreras/Commission, T‑107/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑5 et II‑B‑1‑31, point 29, et la jurisprudence citée ; Tribunal 10 décembre 2008, Nardone/Commission, T‑57/99, RecFP p. I‑A‑2‑83 et II‑A‑2‑505), points 162 à 164


2.      Un litige entre un fonctionnaire et une institution dont il dépend ou dépendait et visant à la réparation d’un dommage relève, lorsqu’il trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit l’intéressé à l’institution, du champ d’application de l’article 236 CE et des articles 90 et 91 du statut et se trouve, notamment en ce qui concerne sa recevabilité, en dehors du champ d’application tant de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE que de l’article 46 du statut de la Cour.

(voir point 40)


Référence à : Tribunal 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑53 et II‑B‑1‑313, point 12, et la jurisprudence citée

3.      Le statut est un instrument autonome, qui a pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et leurs fonctionnaires, en établissant entre ces derniers des droits et des obligations réciproques. Le statut a ainsi créé, dans les relations entre les institutions et leurs fonctionnaires, un équilibre de droits et d’obligations réciproques, auquel ni les institutions ni les fonctionnaires ne doivent porter atteinte. Cet équilibre de droits et d’obligations réciproques est essentiellement destiné à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs fonctionnaires, aux fins de garantir aux citoyens européens le bon accomplissement des missions d’intérêt général dévolues aux institutions.

(voir point 41)


Référence à : Cour 31 mai 1988, Rousseau/Cour des comptes, 167/86, Rec. p. 2705, point 13 ; Cour 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, points 44 à 47 ; Tribunal 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, RecFP p. I‑A‑167 et II‑503, point 52 ; Tribunal 22 février 2006, Adam/Commission, T‑342/04, RecFP p. I‑A‑2‑23 et II‑A‑2‑107, point 34

4.      Dans les litiges relevant des relations entre les institutions et leurs fonctionnaires, un droit à réparation est reconnu si trois conditions sont réunies, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.

S’agissant de la condition tenant à l’illégalité du comportement, l’exigence que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ne s’applique pas. En effet, elle ne concerne que la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE, et la responsabilité des États membres pour violation du droit communautaire. En revanche, dans les litiges relevant des relations entre les institutions et leurs fonctionnaires, la seule constatation d’une illégalité est suffisante pour considérer comme remplie la première desdites trois conditions.

En effet, la différence entre, d’une part, les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la Communauté pour les dommages causés à ses fonctionnaires et anciens fonctionnaires en raison d’une violation des dispositions statutaires et, d’autre part, les conditions qui régissent la responsabilité de la Communauté à l’égard des tiers en raison d’une violation d’autres dispositions du droit communautaire se justifie, au regard de l’équilibre des droits et des obligations que le statut a spécifiquement créé dans les relations entre les institutions et leurs fonctionnaires, en vue de garantir aux citoyens européens le bon accomplissement des missions d’intérêt général dévolues aux institutions.

(voir points 42 à 45)


Référence à : Tribunal 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 72 ; Tribunal 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 34 ; Tribunal 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, RecFP p. I‑A‑2‑181 et II‑A‑2‑1219, point 49

5.      La première phrase de l’article 91, paragraphe 1, du statut régit la seconde, de sorte que cette disposition n’attribue au juge de l’Union une compétence de pleine juridiction que dans le cas où il existe un litige portant sur la légalité d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

Par conséquent, le Tribunal de la fonction publique, saisi, par une personne visée par le statut, d’un recours portant sur la légalité d’un acte lui faisant grief, ne peut, même d’office, en vertu de la compétence de pleine juridiction, accorder une indemnité à cette personne que si ladite indemnité tend à la réparation d’un préjudice subi par celle-ci en raison de l’illégalité de l’acte faisant grief, objet du recours, ou, à tout le moins, d’un préjudice résultant d’une illégalité qui se rattache par un lien étroit à ce même acte.

À cet égard, il ne peut pas y avoir de lien étroit entre, d’une part, une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut dénonçant un harcèlement moral de la part de la hiérarchie de l’intéressé et, d’autre part, une décision implicite de rejet de cette demande et de la demande d’indemnité pour manquements par l’institution concernée à son devoir de sollicitude. En effet, alors que les faits dénoncés dans la demande d’assistance doivent être regardés comme des actes imputables à leurs auteurs, tel n’est pas le cas de la décision implicite de rejet, qui est un acte imputable à l’institution concernée. Or, la faute de service imputée à l’institution préexistait à la décision implicite de rejet et ne saurait dès lors être regardée comme se rattachant par un lien étroit à cette dernière.

Dans ces conditions, le Tribunal de la fonction publique ne saurait, sans violer les articles 90 et 91 du statut, statuer sur le point de savoir si certains faits dénoncés dans la demande d’assistance pouvaient, pris dans leur ensemble, être qualifiés de faute de service de l’institution ayant été à l’origine d’un préjudice, d’ordre moral, subi par le requérant, et devant être réparé.

(voir points 58, 63, 71 à 73)


Référence à : Cour 14 décembre 2006, Meister/OHMI, C‑12/05 P, non publié au Recueil, points 112 à 116 ; Cour 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, Rec. p. I‑4469, points 49 à 53 ; Tribunal 1er décembre 1994, Schneider/Commission, T‑54/92, RecFP p. I‑A‑281 et II‑887, point 49, et la jurisprudence citée, et Ditterich/Commission, T‑79/92, RecFP p. I‑A‑289 et II‑907, point 37, et la jurisprudence citée


6.      Le devoir d’assistance énoncé à l’article 24, premier alinéa, du statut vise la défense des fonctionnaires, par l’institution, contre des agissements de tiers et non contre les actes de l’institution même, dont le contrôle relève d’autres dispositions du statut. Bien que l’article 24, premier alinéa, du statut soit conçu avant tout en vue de protéger les fonctionnaires contre des attaques et mauvais traitements émanant de tiers, celui-ci impose également un devoir d’assistance à l’administration dans le cas où l’auteur des faits visés par cette disposition est un autre fonctionnaire.

(voir point 66)


Référence à : Cour 14 juin 1979, V./Commission, 18/78, Rec. p. 2093, point 15 ; Cour 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, Rec. p. 3187, point 23 ; Cour 25 mars 1982, Munk/Commission, 98/81, Rec. p. 1155, point 21 ; Tribunal 9 mars 2005, L/Commission, T‑254/02, RecFP p. I‑A‑63 et II‑277, point 85, et la jurisprudence citée

7.      La recevabilité du recours en indemnité intenté par un fonctionnaire au titre de l’article 24, second alinéa, du statut des fonctionnaires est subordonnée à l’épuisement des voies de recours nationales, pour autant que celles-ci assurent d’une manière efficace la protection des personnes intéressées et puissent aboutir à la réparation du dommage allégué.

À cet égard, le régime spécial de responsabilité, régime de responsabilité sans faute, instauré par ladite disposition est fondé sur le devoir de l’administration de protéger la santé et la sécurité de ses fonctionnaires et agents contre les attaques ou mauvais traitements émanant de tiers ou d’autres fonctionnaires, dont ils peuvent être victimes dans l’exercice de leurs fonctions, notamment sous la forme d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

(voir points 67 et 68)


Référence à : Cour 5 octobre 2006, Schmidt-Brown/Commission, C‑365/05 P, non publié au Recueil, point 78 ; Tribunal 26 octobre 1993, Caronna/Commission, T‑59/92, Rec. p. II‑1129, points 25 et 68 ; L/Commission, précité, point 148, et la jurisprudence citée, et, points 143 à 146 et 147 à 153

8.      En vertu du devoir d’assistance au titre de l’article 24, premier alinéa, du statut, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci, à défaut de quoi elle ne peut prendre une position définitive, notamment, sur le point de savoir si la plainte doit être classée sans suite ou si une procédure disciplinaire doit être ouverte et, le cas échéant, s’il y a lieu de prendre des sanctions disciplinaires.

En outre, lorsque l’administration est saisie, par un fonctionnaire, d’une demande d’assistance, au titre de l’article 24, premier alinéa, du statut, elle est également tenue, en vertu du devoir de protection que lui impose cet article, de prendre les mesures préventives appropriées, telle la réaffectation ou la mutation provisoire de la victime, visant à protéger cette dernière contre la répétition du comportement dénoncé pendant toute la durée requise pour l’enquête administrative. Conformément à leur objectif de protection, de telles mesures ne peuvent être dépendantes de l’existence d’un emploi libre au sein des services.

En effet, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures, tant provisoires que définitives, devant être prises, au titre de l’article 24 du statut. Le contrôle du juge de l’Union se limite à la question de savoir si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.

(voir points 84 à 86 et 92)


Référence à : Cour 11 juillet 1974, Guillot/Commission, 53/72, Rec. p. 791, points 3, 12 et 21 ; Cour 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, points 15 et 16 ; Cour 9 novembre 1989, Katsoufros/Cour de justice, 55/88, Rec. p. 3579, point 16 ; Cour 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. 5863, points 40 et 41, et la jurisprudence citée ; Tribunal 5 décembre 2000, Campogrande/Commission, T‑136/98, RecFP p. I‑A‑267 et II‑1225, point 55 ; L/Commission, précité, point 84, et la jurisprudence citée


9.      Les décisions de réaffectation dans l’intérêt du service, prises sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du statut visent au bon fonctionnement du service, même lorsqu’elles sont justifiées par des difficultés relationnelles internes, et relèvent, par conséquent, du large pouvoir d’appréciation des institutions dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont confiées, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à condition que cette affectation se fasse dans le respect de la correspondance entre l’emploi et le grade.

(voir point 92)


Référence à : Ojha/Commission, précité, points 40 et 41, et la jurisprudence citée

10.    Le devoir d’assistance, au titre de l’article 24, premier alinéa, du statut, impose à l’administration de répondre avec la rapidité requise par les circonstances de l’espèce, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci. Toutefois, cela n’exclut pas que des raisons objectives, pouvant notamment tenir aux besoins d’organisation de l’enquête, puissent justifier un délai pour l’ouverture de ladite enquête.

(voir point 105)


Référence à : Campogrande/Commission, précité, points 42, 53 et 56


11.    En application de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public.

À cet égard, les conditions de recevabilité d’un recours au titre des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires étant d’ordre public, il appartient, le cas échéant, au juge de l’Union de les examiner d’office, sous réserve d’avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations.

(voir points 129 et 130)


Référence à : Cour 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, Rec. p. I‑12033, point 57, et la jurisprudence citée ; Tribunal 8 juin 2009, Krcova/Cour de justice, T‑498/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑35 et II‑B‑1‑197, point 52, et la jurisprudence citée

12.    S’agissant d’une procédure d’enquête menée au titre de l’article 86, paragraphe 3, du statut, aux fins de pouvoir statuer sur la demande d’assistance d’un fonctionnaire, au titre de l’article 24 du statut, le terme en est la décision finale de l’autorité investie du pouvoir de nomination, prise sur la base du rapport d’enquête, comme il ressort de l’article 3 de l’annexe IX du statut. C’est au moment de cette prise de décision que la position juridique du fonctionnaire se trouve affectée.

À cet égard, dans la mesure où elle se réfère aux conclusions du rapport d’enquête administrative, qui a été achevé après l’intervention de la décision implicite de rejet de la demande d’assistance et dans le cadre duquel les allégations du fonctionnaire intéressé ont été examinées en détail, la décision définitive de l’autorité investie du pouvoir de nomination doit être regardée non pas comme une décision purement confirmative de la décision implicite, mais comme une décision se substituant à cette dernière, au terme d’un réexamen de la situation par l’administration.

(voir points 137 et 138)


Référence à : Guillot/Commission, précité, points 21, 22 et 36 ; Cour 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789, points 29 à 31 ; L/Commission, précité, point 123 ; Tribunal 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, RecFP p. I‑A‑2‑203 et II‑A‑2‑1309, points 47 et 48

13.    Il ne saurait être fait grief au juge de l’Union de procéder à des constatations factuelles dans le cadre de l’examen d’office des conditions de recevabilité d’une demande d’indemnité qui lui est adressée dans le cadre d’un tel recours, dès lors que celles-ci résultent des pièces du dossier qui lui a été soumis par les parties, aux fins de statuer sur leur demande.

(voir point 150)

14.    Pour qu’une personne entrant dans le champ d’application du statut soit recevable, dans le cadre d’un recours introduit au titre des articles 90 et 91 dudit statut, à demander l’annulation d’un acte lui faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, celle-ci doit posséder, au moment de l’introduction du recours, un intérêt, né et actuel, suffisamment caractérisé à voir annuler cet acte, un tel intérêt supposant que la demande soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice. En tant que condition de recevabilité, l’intérêt du requérant à agir doit s’apprécier au moment de l’introduction du recours. Toutefois, pour qu’une personne visée par le statut puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, il faut qu’elle conserve un intérêt personnel à l’annulation de cette dernière. À cet égard, faute d’un intérêt à agir actuel, il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

(voir point 156)


Référence à : Tribunal 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, points 30 et 31, et la jurisprudence citée ; Tribunal 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, RecFP p. I‑A‑171 et II‑771, point 25, et la jurisprudence citée ; Tribunal 29 novembre 2006, Agne-Dapper e.a./Commission e.a., T‑35/05, T‑61/05, T‑107/05, T‑108/05 et T‑139/05, RecFP p. I‑A‑2‑291 et II‑A‑2‑1497, point 35, et la jurisprudence citée

15.    S’agissant de l’intérêt d’un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire à agir en annulation d’un rapport d’évolution de carrière le concernant, il convient de relever que ledit rapport constitue un jugement de valeur porté par ses supérieurs hiérarchiques sur la manière dont le fonctionnaire évalué s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service durant la période concernée et que, indépendamment de son utilité future, il constitue une preuve écrite et formelle quant à la qualité du travail accompli par le fonctionnaire. Une telle évaluation n’est pas purement descriptive des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une appréciation des qualités humaines que la personne notée a montrées dans l’exercice de son activité professionnelle. Dès lors, chaque fonctionnaire dispose d’un droit à ce que son travail soit sanctionné par une évaluation établie de manière juste et équitable. Par conséquent, conformément au droit à une protection juridictionnelle effective, un fonctionnaire doit se voir reconnaître en tout état de cause le droit de contester un rapport d’évolution de carrière le concernant en raison de son contenu ou parce qu’il n’a pas été établi selon les règles prescrites par le statut.

En outre, un fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme étant atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale est mis d’office à la retraite, en vertu des articles 53 et 78 du statut, dès lors qu’il est susceptible d’être réintégré dans un emploi au sein d’une institution, conserve un intérêt à voir son rapport d’évolution de carrière établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’une évaluation régulière. À cet égard, la disposition générale de l’article 53 du statut doit être lue en combinaison avec les dispositions spécifiques des articles 13 à 15 de l’annexe VIII de ce même statut. Dans l’hypothèse d’une réintégration, ledit rapport aurait une utilité pour l’évolution du fonctionnaire au sein de son service ou des institutions de l’Union.

Il ne peut en aller différemment que dans certains cas particuliers, où l’examen de la situation concrète du fonctionnaire déclaré en état d’invalidité révèle qu’il n’est plus susceptible de reprendre un jour ses fonctions au sein d’une institution, eu égard, par exemple, à des conclusions de la commission d’invalidité chargée de l’examen de sa situation d’invalidité, desquelles il résulte que la pathologie ayant entraîné l’invalidité a un caractère fixe et qu’aucun examen médical de révision ne sera donc nécessaire ou eu égard à des déclarations du fonctionnaire intéressé, desquelles il résulte que, en tout état de cause, il ne reprendra plus ses fonctions au sein d’une institution.

(voir points 157 à 159)


Référence à : Cour 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, Rec. p. I‑10701, points 43 et 51 ; Ross/Commission, précité, points 9 et 32 ; Combescot/Commission, précité, points 27 et 29

16.    L’interprétation que la Cour donne d’une règle du droit de l’Union éclaire et précise, si besoin est, la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt de la Cour, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies. Eu égard à ces principes, une limitation des effets de l’interprétation donnée par la Cour apparaît exceptionnelle.

(voir point 164)


Référence à : Cour 27 mars 1980, Denkavit italiana, 61/79, Rec. p. 1205, points 16 et 17 ; Cour 11 août 1995, Roders e.a., C‑367/93 à C‑377/93, Rec. p. I‑2229, points 42 et 43