Language of document : ECLI:EU:T:2016:227

Affaires jointes T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II

Irlande
et

Aughinish Alumina Ltd

contre

Commission européenne

« Aides d’État – Directive 92/81/CEE – Droits d’accises sur les huiles minérales – Huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Exonération de l’accise – Aides existantes ou nouvelles – Article 1er, sous b, i), iii) et iv), du règlement (CE) no 659/1999 – Sécurité juridique – Confiance légitime – Délai raisonnable – Principe de bonne administration – Détournement de pouvoir – Obligation de motivation – Notion d’aide d’État – Avantage – Affectation du commerce entre États membres – Distorsion de la concurrence »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (première chambre élargie) du 22 avril 2016

1.      Droit de l’Union européenne – Principes – Protection de la confiance légitime – Sécurité juridique – Inclusion – Principe d’estoppel – Exclusion

2.      Droit de l’Union européenne – Principes – Sécurité juridique – Portée – Intangibilité des actes des institutions – Respect des règles de compétence et de procédure – Obligation d’éviter les incohérences pouvant subvenir dans la mise en œuvre des différentes dispositions du droit de l’Union – Portée et conséquences en matière d’aides d’État

(Art. 88 CE)

3.      Aides accordées par les États – Compétences respectives du Conseil et de la Commission – Décision du Conseil autorisant un État membre, conformément à la directive 92/81, à introduire une exonération de droits d’accise – Absence d’incidence sur la répartition, par le traité, desdites compétences

(Art. 87 CE, 88 CE et 93 CE ; directive du Conseil 92/81, art. 8, § 4 et 5 ; décision du Conseil 2001/224, considérant 5 et art. 1er, § 2)

4.      Aides accordées par les États – Notion – Appréciation au regard de la situation objective, indépendamment du comportement des institutions – Décision du Conseil autorisant un État membre, conformément à la directive 92/81, à introduire une exonération de droits d’accise – Appréciation de la Commission concernant l’absence, dans ce cadre, de distorsion de la concurrence et d’entrave au bon fonctionnement du marché intérieur – Absence d’incidence sur le pouvoir d’appréciation de la Commission en matière d’aides d’État – Absence de violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile ainsi que de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81

(Art. 87, § 1, CE et 88, § 2, CE ; directive du Conseil 92/81, art. 8, § 4 et 5)

5.      Aides accordées par les États – Examen par la Commission – Adoption d’une décision d’injonction de suspension du versement d’une prétendue aide – Obligation pour la Commission d’adopter une telle décision – Absence

(Art. 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 11, § 1)

6.      Recours en annulation – Moyens – Défaut ou insuffisance de motivation – Moyen distinct de celui portant sur la légalité au fond

(Art. 230 CE et 253 CE)

7.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision de la Commission en matière d’aides d’État – Caractérisation de l’atteinte à la concurrence et de l’affectation des échanges entre États membres

(Art. 87, § 1, CE et 253 CE)

8.      Aides accordées par les États – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Critères d’appréciation – Aides au fonctionnement – Aide de faible importance et taille modeste de l’entreprise n’excluant pas a priori l’affectation des échanges

(Art. 87, § 1, CE)

9.      Aides accordées par les États – Notion – Octroi par les autorités publiques d’une exonération fiscale à certaines entreprises – Inclusion – Aide existante – Condition – Versement effectif de l’aide octroyée

[Art. 87 CE et 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 1er, b), i)]

10.    Aides accordées par les États – Aides existantes et aides nouvelles – Procédure de contrôle des aides – Procédures distinctes – Effets d’une décision d’incompatibilité

(Art. 88 CE)

11.    Aides accordées par les États – Examen par la Commission – Appréciation à la date de la prise de décision de la Commission – Changement de régime juridique avant la prise de décision – Conséquences – Application des règles matérielles en vigueur au moment de la décision de la Commission – Application dans le temps des règles de procédure – Codification des règles jurisprudentielles – Appréciation

[Art. 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 1er, b), 4, § 6, et 15]

12.    Aides accordées par les États – Aides existantes et aides nouvelles – Transformation d’une aide notifiée en aide existante – Conditions – Pouvoir de l’État membre concerné de mettre à exécution l’aide seulement après l’expiration du délai d’engagement de la procédure formelle d’examen

(Art. 88 CE)

13.    Aides accordées par les États – Aides existantes et aides nouvelles – Absence d’enquête sur une aide nouvelle pendant une période relativement longue – Transformation en une aide existante – Inadmissibilité

(Art. 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 15)

14.    Aides accordées par les États – Aides existantes et aides nouvelles – Transformation d’une aide nouvelle en une aide existante – Délai de prescription décennale pour la récupération d’une aide illégale – Application dans le temps

(Art. 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 11, § 2, et 15)

15.    Aides accordées par les États – Récupération d’une aide illégale – Prescription décennale de l’article 15 du règlement no 659/1999 – Point de départ du délai de prescription – Date de l’octroi de l’aide au bénéficiaire

(Art. 88, § 2, CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 15)

16.    Aides accordées par les États – Récupération d’une aide illégale – Aide octroyée en violation des règles de procédure de l’article 88 CE – Confiance légitime éventuelle dans le chef des bénéficiaires – Conditions et limites – Fin de la confiance légitime à partir de la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen même en cas de circonstances exceptionnelles

(Art. 87 CE et 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 14, § 1 ; directive du Conseil 92/81)

17.    Aides accordées par les États – Décision de la Commission d’ouvrir une procédure formelle d’examen d’une mesure étatique – Obligation de rendre une décision dans un délai raisonnable – Violation – Absence d’obstacle quant à la récupération de l’aide – Limites – Violation des droits de la défense

(Art. 88 CE ; règlement du Conseil no 659/1999, art. 7, § 6, et 13, § 2)

18.    Aides accordées par les États – Procédure administrative – Obligation de la Commission de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations – Exclusion des intéressés du bénéfice des droits de la défense

(Art. 88, § 2, CE)

19.    Procédure juridictionnelle – Dépens – Condamnation de la partie gagnante à supporter une partie de ses propres dépens

[Art. 225 CE ; règlement de procédure du Tribunal (1991), art. 135]

1.      Le principe d’estoppel est une institution juridique anglo-saxonne qui n’existe pas, en tant que telle, en droit de l’Union européenne, ce qui ne préjuge pas de ce que certains principes, tels les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, et certaines règles, telle la règle nemo potest venire contra factum proprium, consacrés par celui-ci peuvent être regardés comme étant liés ou apparentés à ce principe. Partant, un grief doit être rejeté comme étant non fondé en droit, pour autant qu’il se fonde sur une violation du principe d’estoppel, ce qui ne préjuge pas de la possibilité d’examiner les arguments soulevés par la partie concernée lorsque ceux-ci peuvent être réputés venir à l’appui d’un moyen tiré, en substance, des principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime.

(cf. point 56)

2.      Le principe de sécurité juridique constitue un principe général du droit de l’Union, qui vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union. À cette fin, il est essentiel que les institutions respectent l’intangibilité des actes qu’elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu’elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure.

Le respect du principe de sécurité juridique requiert également que les institutions évitent, par principe, les incohérences pouvant survenir dans la mise en œuvre des différentes dispositions du droit de l’Union, et ce tout particulièrement dans l’hypothèse où ces dispositions visent un même objectif, tel qu’une concurrence non faussée dans le marché commun. À cet égard, en matière d’aides d’État, le principe de sécurité juridique impose que, lorsque la Commission a créé, en méconnaissance du devoir de diligence qui lui incombe, une situation de caractère équivoque, du fait de l’introduction d’éléments d’incertitude et d’un défaut de clarté dans la réglementation applicable, cumulée à un défaut de réaction prolongé de sa part nonobstant sa connaissance des aides concernées, il lui appartient de clarifier ladite situation avant de pouvoir prétendre entreprendre toute action visant à ordonner la restitution des aides déjà versées.

(cf. points 59, 218)

3.      La procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales, qui attribuait au Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, le pouvoir d’autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions du taux d’accise autres que celles prévues par ladite directive pour des raisons de politique spécifique, a une finalité et un champ d’application différents de ceux du régime établi à l’article 88 CE.

Dès lors, une décision du Conseil autorisant un État membre, conformément à l’article 8, paragraphe 4, de cette directive, à introduire une exonération de droits d’accise ne peut avoir pour effet d’empêcher la Commission d’exercer les compétences que lui confie le traité et, par conséquent, de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 88 CE aux fins d’examiner si cette exonération constitue une aide d’État et de prendre à l’issue de cette procédure, le cas échéant, une décision constatant l’existence d’une telle aide.

Par ailleurs, la circonstance que les décisions d’autorisation du Conseil accordent des exonérations totales des droits d’accise en fixant des conditions d’ordres géographique et temporel précises et que ces dernières sont strictement respectées par les États membres est sans incidence sur la répartition des compétences entre le Conseil et la Commission et ne peut donc priver la Commission d’exercer les siennes.

Il s’ensuit que, en mettant en œuvre, sans engager préalablement la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, la procédure prévue à l’article 88 CE, aux fins d’examiner si une exonération de droits d’accises constitue une aide d’État, et en prenant, à l’issue de cette procédure, une décision constatant l’existence d’une telle aide alors même que l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2001/224, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques, autorisait expressément l’État membre concerné à continuer à appliquer cette exonération, la Commission ne viole pas les principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions, ni même l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81. En effet, les décisions d’autorisation du Conseil, adoptées sur proposition de la Commission, ne peuvent produire leurs effets que dans le champ couvert par les règles en matière d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise et ne préjugent pas des effets d’une éventuelle décision que la Commission peut adopter dans l’exercice de ses compétences en matière d’aides d’État.

(cf. points 62-64, 66, 69, 73, 91)

4.      La notion d’aide d’État répond à une situation objective et ne dépend pas du comportement ou des déclarations des institutions. Par conséquent, le fait que la Commission a estimé, lors de l’adoption de décisions du Conseil en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales, que des exonérations du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine n’entraînent pas de distorsions de concurrence et n’entravent pas le bon fonctionnement du marché commun ne peut faire obstacle à ce que lesdites exonérations soient qualifiées d’aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, si les conditions de l’existence d’une aide d’État sont réunies. Il en découle a fortiori que la Commission n’est pas liée, aux fins de la qualification des exonérations du droit d’accise d’aides d’État, par les appréciations du Conseil, dans ses décisions en matière d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise, selon lesquelles lesdites exonérations n’entraînent pas de distorsions de concurrence et n’entravent pas le bon fonctionnement du marché commun.

Il s’ensuit que, en mettant en œuvre la procédure prévue à l’article 88 CE, aux fins d’examiner si l’exonération litigieuse constitue une aide d’État, et en prenant, à l’issue de cette procédure, une décision constatant une aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa restitution, la Commission n’a fait qu’exercer les compétences que lui confie le traité CE en matière d’aides d’État et que, ce faisant, elle n’a violé ni les principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions ni l’article 8, paragraphe 5 de la directive 92/81.

(cf. points 69-71, 74, 88)

5.      L’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, relatif à l’application de l’article 88 CE, n’impose pas à la Commission, lorsque certaines conditions sont réunies, d’adopter une injonction de suspension de versement d’une aide illégale, mais prévoit seulement qu’elle peut adopter une telle injonction, lorsqu’elle l’estime nécessaire.

(cf. points 79, 259)

6.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 97)

7.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 99, 100)

8.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 112-115, 120, 122, 124, 127)

9.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 117, 201)

10.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 139)

11.    Si la sauvegarde des principes de sécurité juridique et de confiance légitime impose des limites à l’application immédiate des règles matérielles, ces limites ne peuvent jouer dans le cas d’une aide illégale ou d’une aide notifiée, avant qu’elle ne soit autorisée par la Commission. En effet, dans le système et la logique du contrôle des aides d’État, la situation n’est pas définie immédiatement et définitivement par la notification ou l’octroi de l’aide, mais reste en cours jusqu’à une décision des institutions de l’Union. Dans ce contexte, il appartient à la Commission d’appliquer les règles matérielles en vigueur au moment où elle se prononce sur l’aide ou sur le régime d’aides en cause ainsi que sur la compatibilité de celle-ci ou de celui-ci avec le marché commun, seules règles en fonction desquelles doit s’apprécier la légalité de la décision qu’elle prend à cet égard.

En revanche, les règles procédurales ne peuvent régir des actes de procédure intervenus avant leur entrée en vigueur. En effet, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer aux procédures en cours au moment où elles entrent en vigueur. La situation est, toutefois, différente en ce qui concerne les règles visant à codifier des règles de procédure qui, conformément à la jurisprudence de la Cour, étaient déjà applicables à l’époque où ces règles de procédure sont entrées en vigueur.

Tel est, notamment, le cas de la règle énoncée à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, portant modalités d’application de l’article 88 CE, qui concerne les conséquences de l’inaction de la Commission s’agissant de l’examen préliminaire d’une notification d’aide d’État. En effet, cette règle a notamment visé à codifier certaines règles de procédure qui, conformément à la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, étaient déjà applicables à l’époque où ces règles de procédure sont entrées en vigueur.

(cf. points 140, 141, 169, 190, 228)

12.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 154, 156, 160, 229)

13.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 160)

14.    L’article 15 du règlement no 659/1999, portant modalités d’application de l’article 88 CE, qui prévoit la transformation d’une aide nouvelle en une aide existante après l’expiration du délai de prescription décennale pour la récupération d’une aide illégale, est une règle procédurale censée s’appliquer au moment de son entrée en vigueur. Cependant, dans la mesure où cet article ne contient aucune disposition transitoire quant à son application dans le temps, celui-ci s’applique à toutes les procédures formelles d’examen en cours au moment de cette entrée en vigueur ou ouvertes à compter de celle-ci. Il s’ensuit que, même si l’octroi de l’aide est intervenu à une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de l’article 15 du règlement no 659/1999, celui-ci a néanmoins pour effet d’ouvrir le délai de prescription de dix ans prévu à cet article, lorsque la décision de récupération de cette aide intervient, comme en l’espèce, postérieurement à l’entrée en vigueur dudit article.

(cf. point 173)

15.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 181)

16.    Un État membre, dont les autorités ont accordé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 88 CE, peut invoquer la confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire pour contester devant le juge de l’Union la validité d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide, mais non pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de son exécution. Toutefois, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne peuvent avoir, en principe, une confiance légitime dans la légalité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée.

Dans ces conditions, le retard pris par la Commission pour décider qu’une aide est illégale et qu’elle doit être supprimée et récupérée par un État membre peut, dans certaines circonstances, fonder chez les bénéficiaires de ladite aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d’enjoindre audit État membre d’ordonner la restitution de cette aide. Toutefois, au regard des exigences découlant des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, une telle situation de caractère équivoque créée par des décisions du Conseil, adoptées sur proposition de la Commission, d’autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions du taux d’accise en vertu de la directive 92/81, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales, ne s’oppose qu’à la récupération de l’aide accordée sur le fondement de l’exonération litigieuse jusqu’à la date de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. En revanche, à compter de ladite publication, le bénéficiaire de l’aide doit savoir que, si celle-ci constitue une aide d’État, elle doit être autorisée par la Commission, conformément à l’article 88 CE. Il s’ensuit que la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen met effectivement fin à la confiance légitime que le bénéficiaire de l’aide pouvait précédemment avoir dans la légalité d’une telle exonération. En effet, cette publication est à même d’éliminer toute incertitude, liée au libellé des décisions d’autorisation du Conseil, quant au fait que les mesures en cause, si elles constituent des aides d’État, doivent être autorisées par elle, conformément à l’article 88 CE.

S’agissant, enfin, de circonstances exceptionnelles qui pourraient avoir légitimement fondé la confiance légitime du bénéficiaire d’une aide illégale dans le caractère régulier de celle-ci, toute inaction apparente de la Commission est dépourvue de signification lorsqu’un régime d’aides ne lui avait pas été notifié. Une telle solution s’impose également dans un cas où un régime d’aides a été mis à exécution sans que le préavis de la mise à exécution requis par l’arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, soit respecté et, partant, sans que la procédure prévue par l’article 88 CE soit intégralement suivie.

(cf. points 214, 216, 223-225, 230, 252)

17.    Le seul fait que le règlement no 659/1999, portant modalités d’application de l’article 88 CE, hors un délai de prescription d’une durée de dix ans, à compter de l’octroi de l’aide, à l’issue duquel la récupération de l’aide ne peut plus être ordonnée, ne prévoie aucun délai, même indicatif, pour l’examen par la Commission d’une aide illégale, conformément à l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement disposant que la Commission n’est pas liée par le délai fixé à l’article 7, paragraphe 6, de ce même règlement, ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie si cette institution n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive.

En effet, en application de l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, le délai de référence pour mener à terme une procédure formelle d’examen dans le cadre des aides d’État notifiées est de 18 mois. Ce délai, même s’il n’est pas applicable aux aides illégales, conformément à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, fournit un point de référence utile pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure formelle d’examen portant sur une mesure mise en œuvre de manière illégale.

À cet égard, un délai d’un peu plus de 49 mois entre l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et l’adoption d’une décision constatant une aide d’État et ordonnant sa récupération, qui est un peu plus du double de celui prévu à l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/1999 pour mener à terme une procédure formelle d’examen dans le cadre des aides d’État notifiées, paraît déraisonnable. Un tel délai n’est pas davantage justifié en ce qui concerne des dossiers ne présentant aucune difficulté manifeste et sur lesquels la Commission a pu se former une opinion bien avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

Toutefois, la violation du respect d’un délai raisonnable ne justifie l’annulation de la décision adoptée au terme de ce délai qu’en tant qu’elle emporte également une violation des droits de la défense des entreprises concernées.

(cf. points 217, 234, 237-239, 242, 248, 259, 268-270)

18.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 271)

19.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 276, 277)