Language of document : ECLI:EU:F:2011:193

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

13 décembre 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Renvoi au Tribunal après annulation – Promotion – Exercice de promotion 2007 – Examen comparatif des mérites – Erreur manifeste d’appréciation – Absence – Motifs de la décision – Motif surabondant – Moyen inopérant »

Dans l’affaire F‑51/08 RENV,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Willem Stols, ancien fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Halsteren (Pays-Bas), représenté par Mes S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, E. Perillo et R. Barents, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 21 mai 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 26 mai 2008 suivant), M. Stols demande l’annulation de la décision du 16 juillet 2007 par laquelle le Conseil de l’Union européenne a refusé de l’inscrire sur la liste des promus au grade AST 11 au titre de l’exercice de promotion 2007, ensemble avec la décision du 5 février 2008 par laquelle le secrétaire général adjoint du Conseil a rejeté sa réclamation présentée sur le fondement des dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2004 (ci-après le « statut »).

 Cadre juridique

2        L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

3        Aux termes de l’article 59, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, « [l]e fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie ».

 Faits à l’origine du litige

4        Le requérant est entré au service du Conseil le 16 mai 1984 en tant que fonctionnaire de grade B 5. Il a été promu, en dernier lieu, le 1er janvier 2001 au grade B 1, devenu depuis le 1er mai 2006 le grade AST 10.

5        Le 13 juillet 2007, la commission consultative de promotion pour le groupe de fonctions des assistants (AST) s’est réunie et a proposé à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») trois fonctionnaires autres que le requérant pour une promotion au grade AST 11 au titre de l’exercice de promotion 2007.

6        Par communication nº 136/07 du 16 juillet 2007, l’AIPN a décidé de suivre l’avis de la commission consultative de promotion et de promouvoir les trois fonctionnaires proposés, C., P. et H.

7        Par réclamation du 8 octobre 2007, le requérant a contesté cette communication en tant qu’elle lui refusait une promotion (ci-après la « décision litigieuse »).

8        Par décision du 5 février 2008, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant. L’AIPN a en effet expliqué au requérant qu’elle avait refusé de le promouvoir au motif que les mérites des trois fonctionnaires promus étaient supérieurs aux siens et que, en tout état de cause, sa promotion devait être rejetée, dès lors que sa période d’activité effective au cours des trois derniers exercices de promotion avait été inférieure à celle des trois fonctionnaires promus.

 Procédures devant le Tribunal et le Tribunal de l’Union européenne

9        Le 21 mai 2008, le requérant a introduit la requête F‑51/08.

10      Au soutien de son recours, le requérant invoquait deux moyens. Le premier, subdivisé en deux branches, était tiré de ce que le Conseil n’avait pas procédé à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables et avait, en tout état de cause, commis une erreur manifeste dans l’appréciation des mérites des candidats, violant ainsi l’article 45, paragraphe 1, du statut. Le second était tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, du statut, de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de la méconnaissance du principe d’égalité et de non-discrimination.

11      Par arrêt du 17 février 2009, Stols/Conseil (F‑51/08, ci-après l’« arrêt Stols/Conseil »), le Tribunal a fait droit au recours.

12      Le Tribunal a tout d’abord constaté que la première branche du premier moyen, tirée de l’absence d’examen comparatif des mérites, manquait en fait.

13      En revanche, s’agissant de la seconde branche du premier moyen, le Tribunal a considéré que « le Conseil a[vait] commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant […] que les mérites du requérant n’étaient pas supérieurs, mais inférieurs à ceux des fonctionnaires promus ».

14      À cet égard, le Tribunal a, en premier lieu, relevé, au point 37 de l’arrêt Stols/Conseil, que les appréciations générales exprimées dans les rapports de notation de l’intéressé étaient particulièrement élogieuses et, s’agissant de celles figurant dans le rapport établi pour la période allant du 1er janvier 2005 au 30 juin 2006 (ci-après le « rapport de notation 2005/2006 »), étaient au moins équivalentes, voire supérieures, à celles des trois fonctionnaires promus, et qu’il ressortait du tableau comparatif des mérites produit par le Conseil que le requérant avait obtenu dans les différentes rubriques relatives aux appréciations analytiques des notes « excellent » et « très bon » en plus grand nombre que H., un des fonctionnaires promus, alors même que son notateur était en moyenne plus sévère que celui de H.

15      En deuxième lieu, au point 38 de l’arrêt Stols/Conseil, le Tribunal a fait observer que, si les quatre fonctionnaires promouvables maîtrisaient un nombre sensiblement comparable de langues, les débats à l’audience avaient permis d’apprendre que le requérant, eu égard à ses fonctions, avait été amené, d’une part, à travailler régulièrement dans les différentes langues dont il possédait la maîtrise et, d’autre part, à pratiquer occasionnellement d’autres langues de l’Union européenne.

16      En troisième lieu, au point 39 de l’arrêt Stols/Conseil, le Tribunal, après avoir rappelé que le requérant dirigeait une équipe de 30 personnes et que de telles fonctions étaient exercées dans les autres institutions de l’Union ou avaient été antérieurement exercées au Conseil par des fonctionnaires de grade A ou AD, a souligné qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier et n’avait pas été soutenu par le Conseil lors de l’audience que les trois fonctionnaires promus aient exercé des tâches d’encadrement comparables. Dès lors, les fonctions du requérant, compte tenu des responsabilités de management qu’elles impliquent, ne pouvaient, à l’évidence, être considérées comme inférieures à celles exercées par les trois fonctionnaires promus et justifiaient manifestement que les mérites de l’intéressé soient considérés comme supérieurs à ceux d’au moins un des trois fonctionnaires promus.

17      En conséquence, le Tribunal a considéré qu’il y avait lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen de la requête, d’annuler la décision litigieuse ainsi que la décision de rejet de la réclamation, et a condamné le Conseil aux dépens.

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 27 avril 2009, le Conseil a formé, au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, un pourvoi contre l’arrêt Stols/Conseil, enregistré sous la référence T‑175/09 P.

19      Par arrêt du 16 décembre 2010, Conseil/Stols (T‑175/09 P, ci-après l’« arrêt du 16 décembre 2010 »), le Tribunal de l’Union européenne a accueilli le pourvoi et annulé l’arrêt Stols/Conseil. Le Tribunal de l’Union européenne a en effet considéré que, en jugeant que le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les mérites du requérant n’étaient pas supérieurs mais inférieurs à ceux des fonctionnaires promus, le Tribunal avait dénaturé les éléments de preuve qui lui avaient été soumis et avait substitué sa propre appréciation des mérites de l’intéressé à celle de l’AIPN (arrêt du 16 décembre 2010, précité, point 40).

20      Concernant le grief de dénaturation, le Tribunal de l’Union européenne a relevé dans l’arrêt du 16 décembre 2010 que le Tribunal avait dénaturé des éléments de preuve produits en annexe au mémoire en défense de première instance en considérant que, au titre de l’exercice de notation 2005/2006, le notateur du requérant était en moyenne plus sévère que celui de H.

21      Concernant les griefs de substitution d’appréciation, le Tribunal de l’Union européenne a jugé dans l’arrêt du 16 décembre 2010 ce qui suit :

« 46  S’agissant, en premier lieu, des appréciations générales exprimées dans les rapports de notation, force est de constater que le Tribunal […] a substitué son appréciation des mérites respectifs des fonctionnaires concernés à celle de l’AIPN, dès lors qu’il s’est borné à relever, au point 37 de l’arrêt [Stols/Conseil], le caractère particulièrement élogieux des appréciations générales exprimées dans les rapports de notation [du requérant], pour conclure que celles-ci étaient au moins équivalentes, voire supérieures, à celles des fonctionnaires promus. Par ailleurs, le Tribunal […] n’a pas indiqué en quoi il considérait que l’appréciation de l’AIPN était entachée d’erreur manifeste. À cet égard, le constat que les appréciations générales exprimées à l’égard [du requérant], qualifiées de ‘particulièrement élogieuses’, sont ‘au moins équivalentes, voire supérieures, à celles des fonctionnaires promus’ ne suffit pas à justifier légalement l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de ses mérites à l’aune de ce critère et ne satisfait dès lors pas non plus à l’exigence de motivation, à défaut de toute référence à des éléments permettant de comparer les appréciations générales exprimées à l’égard de chacun des intéressés.

47       S’agissant, en second lieu, du critère de la maîtrise des langues, examiné au point 38 de l’arrêt [Stols/Conseil], il s’impose pareillement de constater que le Tribunal […] a substitué son appréciation à celle de l’AIPN, en se fondant sur un tableau comparatif duquel il résultait que les quatre fonctionnaires promouvables maîtrisaient un nombre sensiblement comparable de langues. Pour le surplus, en se référant à des explications nouvelles fournies à l’audience et qui ne concernaient que le cas [du requérant], le Tribunal […] a outrepassé les limites de son contrôle, qui, conformément à la jurisprudence, portait sur la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui avaient pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’était tenue dans des limites non critiquables et n’avait pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée.

48       S’agissant, en troisième lieu, du niveau des responsabilités exercées, la considération énoncée au point 39 de l’arrêt [Stols/Conseil], selon laquelle les fonctions [du requérant], compte tenu des responsabilités de management qu’elles impliquaient, ne pouvaient, à l’évidence, être considérées comme inférieures à celles exercées par les fonctionnaires promus, repose sur la prémisse erronée selon laquelle le niveau des responsabilités exercées est déterminé avant tout par l’importance des tâches de management exercées. Or, un fonctionnaire peut assumer un niveau de responsabilités élevé sans encadrer de nombreux subordonnés et, inversement, un fonctionnaire peut encadrer de nombreux subordonnés sans exercer des responsabilités particulièrement élevées. Par conséquent, la circonstance que [le requérant] dirigeait une équipe de 30 personnes et que les fonctionnaires promus n’exerçaient pas des tâches d’encadrement comparables ne suffit pas à justifier légalement la conclusion selon laquelle le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation de leurs mérites respectifs à l’aune de ce critère. »

22      Bien qu’ayant annulé l’arrêt Stols/Conseil, le Tribunal de l’Union européenne n’a pas statué lui-même sur le litige qu’il a estimé ne pas être en état d’être jugé et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Le Tribunal de l’Union européenne a en effet jugé, en premier lieu, que la réponse qu’il convenait d’apporter, quant au fond, à la seconde branche du premier moyen de première instance, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen comparatif des mérites, impliquait une réappréciation des faits et circonstances pertinents à laquelle il ne pouvait se livrer. En second lieu, le Tribunal de l’Union européenne a relevé que le Tribunal n’avait pas statué, au fond, sur le second des deux moyens avancés par le requérant en première instance. Enfin, le Tribunal de l’Union européenne a réservé les dépens de la procédure de pourvoi.

23      Par lettre du 6 janvier 2011, le greffe du Tribunal a, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, informé le requérant qu’il disposait d’un délai de deux mois augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours à compter de la signification de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne pour déposer son mémoire d’observations écrites.

24      Le mémoire d’observations écrites du requérant est parvenu au greffe du Tribunal le 2 mars 2011 et a été communiqué au Conseil.

25      Le mémoire d’observations écrites du Conseil est parvenu au greffe du Tribunal le 18 avril 2011 et a été communiqué au requérant.

 Conclusions des parties

26      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer ses prétentions, telles que formulées dans la requête F‑51/08 ;

–        condamner le Conseil aux dépens relatifs aux procédures devant le Tribunal et à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens des instances devant le Tribunal et devant le Tribunal de l’Union européenne.

 En droit

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 45, paragraphe 1, du statut

28      Le premier moyen de la requête F‑51/08 était subdivisé en deux branches, la première tirée de ce que le Conseil n’aurait pas procédé à un véritable examen comparatif des mérites des candidats, la seconde de ce que, en tout état de cause, le Conseil aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation desdits mérites.

29      Toutefois, dans son mémoire d’observations écrites, le requérant s’est borné à soulever des arguments à l’appui de la seconde branche du premier moyen. Il doit ainsi être regardé comme ayant renoncé au premier moyen pris dans sa première branche.

30      En tout état de cause, si le requérant entendait maintenir le premier moyen pris dans sa première branche, celui-ci ne pourrait qu’être rejeté comme manquant en fait. En effet, il ressort des pièces du dossier que la commission consultative de promotion pour le groupe de fonctions AST a été consultée et que, pour émettre son avis, elle avait à sa disposition un grand nombre de documents, notamment les dossiers personnels des fonctionnaires, des fiches individuelles de reconstitution de carrière, des relevés récapitulatifs des congés pour raison de maladie ou d’accident portant sur les trois dernières années, des rapports sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service. En outre, il ressort de la lecture de la décision litigieuse que l’AIPN, pour établir la liste des fonctionnaires promus, s’est notamment fondée sur l’avis de la commission consultative de promotion.

 Arguments des parties

31      Au soutien du premier moyen pris dans sa seconde branche, le requérant soutient que, en ayant estimé, pour adopter la décision litigieuse, que ses mérites étaient inférieurs à ceux des trois fonctionnaires promus, le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

32      Le requérant explique en effet que les appréciations analytiques et générales figurant dans son rapport de notation établi pour la période allant du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2004 (ci-après le « rapport de notation 2003/2004 ») et dans son rapport de notation 2005/2006 auraient été meilleures que celles de P. et de H. pour les mêmes exercices de notation, qu’il aurait utilisé, dans l’exercice de ses fonctions, un nombre de langues supérieur, ou à tout le moins équivalent, à celui utilisé par P. et par H., et enfin qu’il aurait exercé des responsabilités plus importantes, ou en tout cas de même importance, que celles confiées à P. et à H.

33      Le Conseil conclut au rejet du premier moyen pris dans sa seconde branche.

 Appréciation du Tribunal

34      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’après avoir annulé l’arrêt Stols/Conseil sur la réponse donnée par le Tribunal à la seconde branche du premier moyen soulevé par le requérant, le Tribunal de l’Union européenne n’a pas statué lui-même sur ledit moyen et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, au motif principalement que « la réponse qu’il convient d’apporter, quant au fond, à la seconde branche du premier moyen de première instance, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen comparatif des mérites, implique une réappréciation des faits et circonstances pertinents, fondée sur un examen des éléments de preuve soumis au Tribunal […], à la lumière des arguments qui ont été échangés par les parties en première instance, mais qui n’ont pas nécessairement été réitérés dans le cadre du présent pourvoi ».

35      En vertu de l’article 45, paragraphe 1, du statut, pour accorder une promotion, l’AIPN prend en considération, aux fins de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. Ainsi que le Tribunal a eu l’occasion de le préciser, c’est à la lumière de ces trois éléments que l’AIPN doit effectuer l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables (arrêt du Tribunal du 7 novembre 2007, Hinderyckx/Conseil, F‑57/06, point 45).

36      Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante, l’AIPN dispose, aux fins de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires candidats à une promotion, d’un large pouvoir d’appréciation, et le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, point 52, et la jurisprudence citée).

37      À cet égard, pour préserver l’effet utile de la marge d’appréciation que le législateur a entendu confier à l’AIPN en matière de promotion, le juge de l’Union ne peut annuler une décision pour le seul motif qu’il se considère en présence de faits suscitant des doutes plausibles quant à l’appréciation portée par l’AIPN, voire établissant l’existence d’une erreur d’appréciation. Une annulation pour erreur manifeste d’appréciation n’est possible que s’il ressort des pièces du dossier que l’AIPN a outrepassé les limites encadrant ladite marge d’appréciation (arrêt du Tribunal du 28 septembre 2011, AC/Conseil, F‑9/10, point 23).

38      Il n’appartient donc pas au Tribunal de procéder à un réexamen détaillé de tous les dossiers des candidats promouvables afin de s’assurer qu’il partage la conclusion à laquelle est parvenue l’AIPN, car, s’il entreprenait un tel exercice, il sortirait du cadre du contrôle de légalité qui est le sien, substituant ainsi sa propre appréciation des mérites des candidats promouvables à celle de l’AIPN (arrêt AC/Conseil, précité, point 24).

39      Cependant, le large pouvoir d’appréciation ainsi reconnu à l’AIPN est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d’informations et de renseignements comparables (arrêt Casini/Commission, précité, point 53, et la jurisprudence citée).

40      En l’espèce, le requérant prétend que ses mérites auraient été supérieurs à ceux d’au moins deux des trois fonctionnaires promus, P. et H., ainsi que le mettraient en évidence tant les appréciations analytiques et générales de ses rapports de notation 2003/2004 et 2005/2006 que le nombre de langues qu’il utilisait et le niveau de ses responsabilités.

41      Il convient donc successivement d’analyser les éléments du dossier relatifs aux rapports de notation, à l’utilisation des langues et au niveau des responsabilités exercées.

–       Les rapports de notation

42      Dans le cas d’espèce, alors que les rapports de notation des fonctionnaires du Conseil comportent treize rubriques, chacune d’entre elles faisant l’objet d’une appréciation analytique sous la forme d’une mention (« excellent », « très bon », « bon », « passable » ou « laisse à désirer »), il ressort des pièces du dossier que le requérant a obtenu, dans son rapport de notation 2003/2004, la mention « excellent » à trois rubriques, la mention « très bon » à huit rubriques et la mention « bon » à deux rubriques, alors que deux des trois fonctionnaires promus, P. et H., ont obtenu dans leurs rapports de notation respectifs couvrant la même période, pour le premier, la mention « très bon » à cinq rubriques et la mention « bon » à huit rubriques, pour le deuxième, la mention « excellent » à deux rubriques, la mention « très bon » à cinq rubriques et la mention « bon » à six rubriques.

43      Pour ce qui est du rapport de notation 2005/2006, le requérant s’est vu attribuer les mêmes mentions que dans son rapport de notation 2003/2004. De son côté, dans son rapport de notation 2005/2006, P. a obtenu la mention « excellent » à trois rubriques, la mention « très bon » à cinq rubriques et la mention « bon » à cinq rubriques. Quant à H., celui-ci a reçu dans son rapport de notation 2005/2006 la mention « excellent » à deux rubriques, la mention « très bon » à sept rubriques et la mention « bon » à quatre rubriques.

44      Ainsi, les éléments rappelés ci-dessus mettent en évidence que, dans le cadre tant de l’exercice de notation 2003/2004 que de l’exercice de notation 2005/2006, le requérant a obtenu un plus grand nombre de mentions « excellent » et « très bon » que P. et H. De surcroît, s’agissant en particulier du rapport de notation 2005/2006, il ressort des statistiques relatives à la moyenne des notes attribuées par les différents notateurs à l’ensemble des agents du Conseil que, si le notateur de l’intéressé était moins sévère que celui de H., il était en revanche plus sévère que celui de P.

45      Toutefois, le Tribunal ne saurait davantage déduire de ces circonstances que des appréciations générales élogieuses figurant dans les rapports de notation 2003/2004 et 2005/2006 du requérant que le Conseil, en estimant que les mérites du requérant étaient inférieurs à ceux de P. et de H., aurait outrepassé de manière manifeste les limites de son pouvoir d’appréciation.

46      En effet, il y a lieu de relever que, pour déterminer la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 2007, l’AIPN ne s’est pas bornée à prendre en considération les mérites des fonctionnaires promouvables tels que reflétés dans leurs rapports de notation 2003/2004 et 2005/2006, mais que, de manière plus générale, sur la base de la communication du secrétaire général du Conseil nº 97/07 du 12 juin 2007, relative à l’exercice de promotion 2007, elle s’est fondée sur tous les rapports de promotion dont ces fonctionnaires avaient fait l’objet depuis leur dernière promotion. Or, ainsi que le mettent en évidence les pièces versées par le Conseil, P. et H., dont l’ancienneté dans le grade AST 10 s’élevait respectivement à 144 et 150 mois, contre seulement 72 mois pour le requérant, justifiaient, depuis leur dernière promotion, de rapports de notation élogieux faisant état de prestations d’un niveau élevé.

47      Certes, l’ancienneté dans le grade et dans le service ne peut intervenir comme critère pour la promotion qu’à titre subsidiaire, en cas d’égalité des mérites établie sur la base, en particulier, des trois critères visés expressément à l’article 45, paragraphe 1, du statut (arrêts du Tribunal du 10 septembre 2009, Behmer/Parlement, F‑124/07, point 106, et la jurisprudence citée, et du 15 février 2011, Barbin/Parlement, F‑68/09, points 90 et 91, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑228/11 P). Toutefois, l’AIPN a pu légalement procéder à l’appréciation comparative des mérites du requérant et des autres fonctionnaires promouvables en se fondant sur la constance dans la durée de leurs mérites respectifs et estimer, à l’aune de cette appréciation, que les mérites du requérant étaient inférieurs à ceux de P. et de H.

–       L’utilisation des langues

48      Le requérant fait valoir que, dans l’exercice de ses fonctions, il utiliserait, en sus de sa langue maternelle (le néerlandais), sept autres langues (l’espagnol, l’allemand, l’anglais, le français, l’italien, le finnois et le suédois), c’est-à-dire un nombre de langues supérieur à celui respectivement utilisé par P. et par H.

49      Toutefois, ainsi que l’a jugé le Tribunal dans l’arrêt AC/Conseil, précité, le libellé de l’article 45, paragraphe 1, du statut suppose de n’inclure dans l’appréciation des mérites des fonctionnaires que les langues dont l’utilisation, compte tenu des exigences réelles du service, apporte une valeur ajoutée suffisamment importante pour apparaître nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci (arrêt AC/Conseil, précité, point 61).

50      Or, lors de l’audience, le Conseil a indiqué, sans être contredit, que les langues de travail les plus couramment utilisées en son sein étaient l’anglais et le français.

51      Dans ces conditions, le requérant, qui n’établit pas utiliser de manière habituelle d’autres langues que l’anglais et le français dans l’exercice de ses fonctions, n’est pas fondé à prétendre que, de manière manifeste, ses mérites auraient été, sur la base du critère des compétences linguistiques, supérieurs à ceux de P. et de H. Par ailleurs, le fait qu’une des tâches du requérant consistait dans le traitement et le classement de documents rédigés dans toutes les langues officielles de l’Union ne signifie pas qu’il aurait maîtrisé l’ensemble de ces langues ni surtout qu’il les aurait utilisées de manière habituelle dans l’exercice de ses fonctions.

–       Le niveau des responsabilités exercées

52      Pour prétendre, sur la base du critère du niveau des responsabilités exercées, que ses mérites auraient été supérieurs à ceux de P. et de H., le requérant fait observer qu’il dirigeait une équipe de 30 personnes, ce qui ne serait pas le cas de ces deux fonctionnaires promus. L’intéressé ajoute que ces fonctions, occupées avant lui par un fonctionnaire de grade AD, seraient de nouveau, depuis son départ à la retraite, assurées par un fonctionnaire de grade AD.

53      Toutefois, comme l’a jugé le Tribunal de l’Union européenne statuant sur le pourvoi du Conseil contre l’arrêt Stols/Conseil, le niveau des responsabilités exercées n’est pas nécessairement déterminé par l’importance des tâches de management exercées, un fonctionnaire pouvant assumer un niveau de responsabilités élevé sans encadrer de nombreux subordonnés et, inversement, un fonctionnaire pouvant encadrer de nombreux subordonnés sans exercer des responsabilités particulièrement élevées (arrêt du 16 décembre 2010, point 48). Or, il ressort des pièces du dossier que P. et H. occupaient, au sein de la direction générale A « Personnel et administration » du Conseil, des postes impliquant des responsabilités significatives, qu’il s’agisse de l’organisation des événements en lien avec les travaux de la présidence de l’Union et du Conseil (pour P.), ou de la préparation des documents nécessaires pour les réunions du Conseil et du Coreper (pour H.).

54      Il n’apparaît donc pas, de façon évidente, que les mérites du requérant, en ce qui concerne le critère des responsabilités exercées, auraient été supérieurs à ceux de P. et de H.

55      En conclusion de l’examen des trois critères, le Tribunal constate que le requérant est resté en défaut d’établir que le Conseil, en estimant que les mérites des trois fonctionnaires promus étaient supérieurs aux siens, aurait usé du pouvoir d’appréciation dont il dispose en matière de promotion de manière manifestement erronée.

56      Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen doit être écartée.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, du statut et de la méconnaissance du principe de non-discrimination

 Arguments des parties

57      Le requérant soutient que l’AIPN aurait méconnu l’article 59, paragraphe 1, du statut et le principe de non-discrimination, en prenant en considération ses absences pour raison de santé lors de l’examen comparatif des mérites des candidats à la promotion. En effet, un fonctionnaire qui connaît des problèmes de santé serait en droit de prendre des congés de maladie et l’exercice de ce droit ne pourrait avoir ensuite des conséquences négatives lors de la procédure de promotion, sauf à méconnaître le principe de non-discrimination. Le requérant fait également valoir que la prise en compte de son état de santé violerait les stipulations de l’article 14 de la CEDH et de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux.

58      Le Conseil conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

59      S’agissant de la prise en compte, dans les décisions relatives à la promotion, des absences d’un fonctionnaire pour raisons médicales ou en cas d’accident, le juge de l’Union a jugé que, compte tenu du nombre réduit de postes budgétaires disponibles, une institution pouvait légalement, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement, prendre en considération, à titre subsidiaire, la période d’activité effective d’un fonctionnaire et promouvoir par priorité, tous autres mérites étant égaux, d’autres fonctionnaires ayant assuré une exécution objectivement plus suivie de leurs prestations et ainsi, dans une mesure nettement plus large que l’intéressé, la continuité et, partant, l’intérêt du service au cours des périodes de référence (voir arrêts du Tribunal de première instance du 21 octobre 1997, Patronis/Conseil, T‑168/96, point 34, et du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, point 76).

60      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision de rejet de la réclamation, que l’AIPN a refusé de promouvoir le requérant au motif que les mérites des fonctionnaires promus étaient supérieurs aux siens, et que ce n’est qu’à titre surabondant que l’AIPN a motivé son refus de promouvoir le requérant par la circonstance que sa période d’activité effective au cours des trois derniers exercices de promotion avait été inférieure à celle des autres fonctionnaires promus. Dans ces conditions, et alors que le requérant n’a pas prouvé que, en estimant que les mérites des trois fonctionnaires promus étaient supérieurs aux siens, l’AIPN aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, le second moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 59 du statut et du principe de non-discrimination et dirigé contre un motif surabondant de la décision litigieuse, doit être écarté comme inopérant.

61      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Enfin, selon l’article 115 du règlement de procédure, dans le cas du renvoi d’une affaire après annulation par le Tribunal de l’Union européenne d’un arrêt ou d’une ordonnance du Tribunal, ce dernier « statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne ».

63      S’agissant de la procédure initiale engagée devant le Tribunal, ayant donné lieu à l’arrêt Stols/Conseil, il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a finalement succombé en son recours. En outre, le Conseil a, dans ses conclusions après renvoi, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens des deux instances devant le Tribunal. Dans ces conditions, s’agissant de la procédure initiale devant le Tribunal, le requérant devra supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil.

64      En ce qui concerne les dépens exposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne, puis dans le cadre de la présente procédure devant le Tribunal, il y a lieu de relever que ces frais supplémentaires n’ont été occasionnés aux parties qu’en raison de l’erreur commise par le Tribunal dans l’arrêt Stols/Conseil et ne sauraient donc être imputés à l’une plutôt qu’à l’autre des parties. Dans ces conditions, chacune des parties supportera ses propres dépens afférents à ces deux procédures.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours de M. Stols est rejeté.

2)      M. Stols supporte ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne dans l’affaire F‑51/08.

3)      M. Stols et le Conseil de l’Union européenne supportent chacun leurs propres dépens exposés dans l’affaire T‑175/09 P et dans la présente affaire.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.