Language of document : ECLI:EU:T:2021:688

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 octobre 2021 (*)

« Produits phytopharmaceutiques – Substance active “composés de cuivre” – Renouvellement de l’approbation aux fins de la mise sur le marché – Substances dont on envisage la substitution – Recours en annulation – Recevabilité – Associations – Proportionnalité – Principe de précaution – Erreur manifeste d’appréciation – Expertise »

Dans l’affaire T‑153/19,

European Union Copper Task Force, établie à Springfield (Royaume-Uni), représentée par Mes I. Moreno-Tapia Rivas et C. Vila Gisbert, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Castilla Contreras et M. I. Naglis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par Mmes L. Stefani, C. Ionescu Dima et M. A. Tamás, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes D. Kornilaki et E. Karlsson, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2018/1981 de la Commission, du 13 décembre 2018, renouvelant l’approbation des substances actives « composés de cuivre » comme substances dont on envisage la substitution, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2018, L 317, p. 16),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme O. Porchia, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Faits à l’origine du litige

A.      Approbation des composés de cuivre en tant que substance active pour les produits phytopharmaceutiques

1        La requérante, European Union Copper Task Force, est une association de producteurs de composés de cuivre, dont certains sont titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant ces composés.

2        La requérante a été constituée dans le but de présenter une demande d’inscription des composés de cuivre à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1). À cet égard, elle a été la seule notifiante de la substance active « composés de cuivre ».

3        Par la directive 2009/37/CE de la Commission, du 23 avril 2009, modifiant la directive 91/414 pour y inclure le chlormequat, les composés de cuivre, le propaquizafop, le quizalofop-P, le teflubenzuron et la zéta-cyperméthrine comme substances actives (JO 2009, L 104, p. 23), les composés de cuivre ont été approuvés en tant que substances actives pour les produits phytopharmaceutiques et ont été inscrits à l’annexe I de la directive 91/414.

4        Les substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 ont été réputées approuvées en vertu du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1).

5        Le 25 mai 2011, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1), qui mentionnait que l’approbation des composés de cuivre en tant que substances actives pour les produits phytopharmaceutiques devait expirer le 30 novembre 2016.

B.      Inscription des composées de cuivre sur la liste des substances dont on envisage la substitution et contentieux relatif à cette inscription

6        Le règlement no 1107/2009 précise que certaines substances actives présentant certaines propriétés doivent être identifiées au niveau de l’Union européenne comme des substances dont on envisage la substitution (ci‑après les « SDS »). À cet égard, il est requis des États membres qu’ils examinent régulièrement les produits phytopharmaceutiques contenant de telles substances actives en vue de les remplacer par des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives nécessitant moins d’atténuation des risques ou par des méthodes non chimiques de prévention ou de lutte.

7        Ainsi, au titre de l’article 80, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009, la Commission devait établir une liste des substances inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 qui répondaient aux critères énoncés au point 4 de l’annexe II du même règlement pour les substances dont on envisageait la substitution. En application du règlement no 1107/2009, les principales conséquences attachées à la qualification de SDS sont, premièrement, la limitation des durées d’approbation desdites substances et de renouvellement desdites approbations (sept ans au lieu de quinze ans), deuxièmement, l’absence d’obligation pour un État membre d’autoriser, au titre de la procédure de reconnaissance mutuelle, la mise sur le marché d’un produit pharmaceutique contenant des SDS à une entreprise disposant déjà d’une telle autorisation délivrée par un autre État membre et, troisièmement, la nécessité pour les États membres d’évaluer si ces substances peuvent être remplacées par d’autres solutions plus sûres et appropriées avant d’autoriser la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique en contenant.

8        Dans le courant de l’année 2013, la requérante a eu connaissance de l’intention de la Commission d’inclure les composés de cuivre dans la liste des SDS au motif qu’ils répondaient à l’une des conditions prévues au point 4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, à savoir la satisfaction de deux des critères prévus pour être considérés comme une substance persistante, bioaccumulable et toxique (ci‑après les « critères PBT »), en l’occurrence la persistance et la toxicité.

9        Le 19 novembre 2013, la requérante a envoyé une lettre à la direction générale (DG) « Santé et consommateurs » de la Commission, dans laquelle elle exprimait sa position sur l’inapplicabilité des critères PBT aux substances inorganiques. La Commission n’a pas répondu à cette lettre.

10      Le 22 janvier 2015, la requérante a envoyé une deuxième lettre à la Commission lui demandant de retirer les composés de cuivre de son projet de liste de SDS. Le 11 février 2015, la Commission a répondu à cette lettre, sans cependant faire droit à la demande de la requérante.

11      Le 27 janvier 2015, la liste des SDS, incluant les composés de cuivre, a été approuvée par le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (ci-après le « Scopaff »). Le 11 mars 2015, cette liste a été adoptée par le règlement d’exécution (UE) 2015/408 de la Commission, du 11 mars 2015, relatif à l’application de l’article 80, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et l’établissement d’une liste de substances dont on envisage la substitution (JO 2015, L 67, p. 18).

12      Le 5 juin 2015, la requérante a formé un recours en annulation devant le Tribunal dirigé contre le règlement d’exécution 2015/408, comportant également une exception d’illégalité à l’encontre du règlement no 1107/2009. Ce recours a été rejeté comme irrecevable, en raison de l’absence de qualité pour agir, par ordonnance du 27 avril 2016, European Union Copper Task Force/Commission (T‑310/15, non publiée, EU:T:2016:265). Cette ordonnance a été confirmée par l’arrêt, rendu sur pourvoi, du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission (C‑384/16 P, EU:C:2018:176).

C.      Renouvellement de l’approbation des composés de cuivre en tant que substance active pour les produits phytopharmaceutiques

13      Conformément à l’article 1er du règlement d’exécution (UE) no 844/2012 de la Commission, du 18 septembre 2012, établissant les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement des substances actives, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2012, L 252, p. 26), la requérante a introduit, au mois de novembre 2013, une demande de renouvellement de l’approbation des composés de cuivre en tant que substances actives auprès de l’État membre rapporteur, à savoir la République française, et de l’État membre corapporteur, à savoir la République fédérale d’Allemagne. L’État membre rapporteur, en concertation avec l’État membre corapporteur, a établi un rapport d’évaluation en vue de ce renouvellement. Il a soumis ce rapport à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et à la Commission le 16 décembre 2016.

14      Le 20 décembre 2017, l’EFSA a transmis à la Commission ses conclusions sur la question de savoir si les composés de cuivre étaient susceptibles de satisfaire aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement no 1107/2009. Au cours de l’examen par les pairs, il est apparu que les données fournies par la requérante étaient insuffisantes pour conclure à une utilisation sûre pour les organismes non ciblés. Cet examen a mis en évidence un risque élevé pour les oiseaux et les mammifères ainsi que pour les organismes aquatiques, y compris ceux qui vivaient dans les sédiments, et ce pour toutes les utilisations représentatives.

15      La requérante a présenté des données de surveillance supplémentaires et demandé l’adoption d’une approche différente, conçue pour modéliser le comportement à long terme des métaux, mais ce modèle a été rejeté lors de l’examen par les pairs concernant l’évaluation de l’exposition. L’EFSA a conclu que le risque était élevé pour les organismes aquatiques, pour l’ensemble des utilisations, et ce en dépit de l’application de mesures d’atténuation des risques. En ce qui concerne les macro-organismes présents dans le sol, plusieurs études d’exposition chronique ont été menées en laboratoire sur des vers de terre et d’autres espèces pertinentes, et ont permis de conclure qu’il existait un risque élevé pour les organismes présents dans le sol lorsque le taux d’application était supérieur à quatre kilogrammes par hectare. Ce constat a conduit à une restriction de l’utilisation avec une limite maximale d’application de 28 kilogrammes de cuivre par hectare sur une période de sept ans.

16      Au cours de la procédure de renouvellement, la Commission a examiné la question de l’application aux composés de cuivre des critères PBT. Cette évaluation a conduit la Commission à considérer que les composés de cuivre pouvaient constituer des SDS au titre du point 4 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, au motif que l’une des conditions prévues audit point, à savoir la satisfaction de deux des critères PBT, était remplie.

17      Le 25 mai 2018, la Commission a présenté au Scopaff le projet de rapport d’évaluation des critères PBT, dans lequel elle proposait de renouveler l’approbation des composés de cuivre en tant que SDS pour une période de sept ans, en l’assortissant de la restriction d’utilisation de 28 kilogrammes de cuivre par hectare sur une période de sept ans. La requérante a eu la possibilité de présenter des observations sur ce projet de rapport.

18      Après l’adoption d’un avis favorable, le 27 novembre 2018, par le Scopaff, la Commission a adopté, le 13 décembre 2018, le règlement d’exécution (UE) 2018/1981 renouvelant l’approbation des substances actives « composés de cuivre » comme substances dont on envisage la substitution, conformément au règlement no 1107/2009, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011 de la Commission (JO 2018, L 317, p. 16, ci-après le « règlement attaqué »), avec la restriction susmentionnée concernant leur utilisation.

II.    Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 mars 2019, la requérante a introduit le présent recours.

20      Le 30 mai 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

21      Par décision du 21 juin 2019, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis le Parlement européen à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

22      Le 24 juillet 2019, la requérante a déposé la réplique.

23      Par décision du 31 juillet 2019, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis le Conseil de l’Union européenne à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

24      Le 2 août 2019, le Parlement a déposé son mémoire en intervention, sur lequel la requérante a présenté ses observations le 16 septembre 2019.

25      Le 26 septembre 2019, la Commission a déposé la duplique. Le même jour, le Conseil a déposé son mémoire en intervention, sur lequel la requérante a présenté ses observations le 16 octobre 2019.

26      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par décision du 21 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la première chambre.

27      Par acte du 4 novembre 2019, la requérante a formulé une demande motivée, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, aux fins d’être entendue dans le cadre de la phase orale de la procédure.

28      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a fait droit à la demande de la requérante et a ouvert la phase orale de la procédure.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 octobre 2020, à la suite de laquelle la phase orale de la procédure a été clôturée.

30      Par ordonnance du 10 décembre 2020, le Tribunal a décidé la réouverture de la phase orale de la procédure. Le 29 janvier 2021, la Commission, le Parlement et le Conseil ont déposé leurs observations sur les observations complémentaires de la requérante versées au dossier le 14 décembre 2020.

31      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner la nomination d’un expert, conformément à l’article 96 du règlement de procédure ;

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où celui-ci renouvelle l’approbation des composés de cuivre comme SDS et étendre les effets du présent recours au règlement d’exécution 2015/408, dans la mesure où celui-ci a mis en œuvre l’article 80, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009 et a inclus les composés de cuivre dans la liste des SDS ;

–        à titre subsidiaire, déclarer que le règlement attaqué viole le principe de proportionnalité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de nomination d’un expert ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

33      Sans formellement soulever d’exception d’irrecevabilité par acte séparé dans le cadre de la présente procédure, la Commission conteste la recevabilité du recours du fait, d’une part, que la requérante n’a pas démontré qu’elle était dotée de la personnalité juridique et, d’autre part, qu’elle n’est pas directement et individuellement concernée par le règlement attaqué.

34      Tant le Parlement que le Conseil se rallient à la position de la Commission à cet égard.

1.      Sur l’existence de la personnalité juridique de la requérante

35      Il est de jurisprudence constante que la recevabilité d’un recours en annulation, introduit par une entité en vertu de l’article 263 TFUE, dépend en premier lieu de sa qualité de personne morale. Il ressort de la jurisprudence en la matière que, dans le système juridictionnel de l’Union, une partie requérante a la qualité de personne morale si elle a acquis, au plus tard au moment de l’expiration du délai de recours, la personnalité juridique en vertu du droit applicable à sa constitution, ou si elle a été traitée par les institutions de l’Union comme une entité juridique indépendante (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, EU:T:1996:101, point 31 et jurisprudence citée).

36      Afin d’apprécier la question de savoir si un requérant a été traité par une institution comme une entité juridique indépendante, il y a lieu de prendre en compte trois critères, à savoir, premièrement, la représentativité de l’entité en cause, deuxièmement, son autonomie, nécessaire pour agir comme une entité responsable dans les rapports juridiques, telle que garantie par sa structure interne conformément à ses statuts et, troisièmement, le fait qu’une institution de l’Union a reconnu l’entité en cause comme interlocutrice (voir ordonnance du 21 janvier 2014, EPAW/Commission, T‑168/13, EU:T:2014:47, point 24 et jurisprudence citée).

37      À cet égard, la Commission, qui ne conteste pas la satisfaction du premier critère en l’espèce, fait valoir que la satisfaction du deuxième critère est incertaine et considère que le troisième critère n’est pas rempli, dans la mesure où le fait qu’elle ait correspondu avec la requérante en tant qu’association désignée par les producteurs aux fins de la notification ne constitue pas une forme de négociation et ne saurait donc entraîner une reconnaissance en tant qu’interlocutrice.

38      Premièrement, il convient de rappeler que la jurisprudence a reconnu à des entités la qualité d’interlocutrice dans des situations ne mettant pas seulement en jeu des « négociations », mais, plus largement, des échanges avec l’institution défenderesse (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1982, Groupement des Agences de voyages/Commission, 135/81, EU:C:1982:371, points 8 à 11 ; du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, EU:T:1996:101, point 34, et du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 29). Or, en l’espèce, le rôle particulier et unique endossé par la requérante dans le processus ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué ressort, notamment, des considérants 4, 5 et 9 dudit règlement. Ainsi, le Tribunal estime que, dans le contexte de la présente affaire, les échanges réalisés dans le cadre de l’obtention des approbations de substances et de leurs renouvellements comme SDS apparaissent suffisants pour satisfaire le troisième critère.

39      Deuxièmement, il y a lieu de relever que la requérante, une association de producteurs, a introduit le présent recours « au nom et pour le compte » de ses membres et a fourni, au titre de l’article 78, paragraphe 4, du règlement de procédure, le document de son établissement, à savoir un accord du 26 juillet 2000, date de son authentification, les signatures ayant été apposées en 1999. Or, la satisfaction du deuxième critère ressort tant de l’article 2, point 1, de cet accord du 26 juillet 2000, qui donne à la requérante l’autonomie nécessaire pour agir comme une entité responsable dans les rapports juridiques, que d’un document annexé à la requête au titre des documents formels requis, duquel il ressort que, lors de sa réunion du 7 février 2019, la requérante a décidé de donner mandat à ses avocats pour introduire le présent recours. Cette appréciation est, par ailleurs, cohérente au regard de l’activité contentieuse antérieure de la requérante devant les juridictions de l’Union, dans les affaires T‑310/15, European Union Copper Task Force/Commission, et C‑384/16 P, European Union Copper Task Force/Commission, et n’avait alors pas été contestée par la Commission.

40      Par ailleurs, il peut également être souligné que la requérante a fourni, en tant qu’annexe de la réplique, une attestation de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or, il ressort de la jurisprudence relative à l’existence d’une opération imposable (arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C‑151/13, EU:C:2014:185, point 29), d’une part, et de celle relative à la fonction de l’assujetti dans le système de la TVA (arrêt du 8 mai 2019, A-PACK CZ, C‑127/18, EU:C:2019:377, point 22), d’autre part, que seule une structure dotée de la capacité juridique peut mentionner des taxes sur une facture, les collecter au moyen du prix ou les recouvrer [voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Valstybinė mokesčių inspekcija (Contrat d’activité commune), C‑312/19, EU:C:2020:310, points 35 à 37].

41      Au regard de ce qui précède, il convient de reconnaître à la requérante la capacité d’ester en justice devant le Tribunal dans le cadre de la présente procédure.

2.      Sur la qualité pour agir

42      Selon une jurisprudence constante, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas la destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui‑ci la concerne directement (voir arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 26 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 juillet 2019, Air France/Commission, T‑894/16, EU:T:2019:508, point 24).

43      Au regard des éléments du dossier, il y a lieu d’examiner d’abord le second cas de figure.

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la requérante, en tant qu’association représentant des producteurs de composés de cuivre, n’est recevable à introduire un recours en annulation que si elle peut faire valoir un intérêt propre ou, si tel n’est pas le cas, si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel (arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 87).

45      En l’espèce, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, si, d’une part, l’acte attaqué est un acte réglementaire qui concerne directement les membres de la requérante et, d’autre part, cet acte ne comporte pas de mesures d’exécution, la qualité pour agir de ces membres sera démontrée.

46      Premièrement, en ce qui concerne la nature du règlement attaqué, d’une part, il convient de relever qu’il a pour objet le renouvellement d’une substance active définie selon des caractéristiques objectives et que, par la concrétisation des effets liés à la catégorisation de cette substance comme SDS, conformément au règlement d’exécution 2015/408, qu’il engendre, il affecte des catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir tout opérateur dont l’activité est liée à cette substance. Par conséquent, le règlement attaqué est un acte de portée générale (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2016, European Union Copper Task Force/Commission, T‑310/15, non publiée, EU:T:2016:265, points 26 et 27), ce qui n’est, d’ailleurs, pas contesté par les parties.

47      D’autre part, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif, dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE. Or, la notion d’acte réglementaire doit être comprise comme visant tout acte de portée générale, à l’exception des actes législatifs (ordonnance du 27 avril 2016, European Union Copper Task Force/Commission, T‑310/15, non publiée, EU:T:2016:265, point 33). À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 20, paragraphe 1, et de l’article 79, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, lesquelles renvoient aux articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23), le règlement attaqué a été adopté par la Commission dans l’exercice de compétences d’exécution. Par conséquent, il constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ce qui n’est, d’ailleurs, pas contesté par les parties.

48      Deuxièmement, en ce qui concerne l’absence de mesure d’exécution, tout d’abord, il importe de rappeler que, au point 59 de son arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission (C‑384/16 P, EU:C:2018:176), la Cour a confirmé l’analyse du Tribunal selon laquelle, dans la mesure où les effets du règlement attaqué relatifs à la réalisation, par les États membres, d’une évaluation comparative des risques pour la santé ou l’environnement des produits phytopharmaceutiques contenant des composés de cuivre par rapport à un produit de remplacement ou à une méthode non chimique de prévention ou de lutte contre les ennemis des cultures, ne seraient déployés à l’égard des membres de la requérante que par l’intermédiaire d’actes pris par les autorités compétentes des États membres, de tels actes constituaient, dès lors, des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

49      Ensuite, la Cour a confirmé la conclusion du Tribunal selon laquelle, dans la mesure où les effets du règlement attaqué relatifs à la procédure de reconnaissance mutuelle des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant des SDS concernaient uniquement la marge d’appréciation laissée aux États membres pour statuer sur une demande en ce sens, ces effets ne seraient, le cas échéant, déployés à l’égard des membres de la requérante que par l’intermédiaire des actes des autorités nationales statuant sur des demandes de reconnaissance mutuelle introduites par lesdits membres et, par conséquent, de tels actes constituaient des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE (arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 62).

50      En l’espèce, comme le souligne la Commission, ces deux conclusions restent pertinentes dans le cadre de l’examen de l’existence de mesures d’exécution en relation avec le règlement attaqué.

51      Enfin, quant à l’existence ou non de mesures d’exécution en ce qui concerne les effets du règlement d’exécution 2015/408 relatifs à la durée de validité du renouvellement de l’approbation des composés de cuivre en tant que SDS, le Tribunal, confirmé par la Cour, a conclu à l’existence de telles mesures, ces effets ne se déployant, à l’égard des membres de la requérante, que par l’intermédiaire d’un règlement adopté par la Commission renouvelant ladite approbation (ordonnance du 27 avril 2016, European Union Copper Task Force/Commission, T‑310/15, non publiée, EU:T:2016:265, point 44).

52      Comme le reconnaît la Commission, l’acte attaqué dans le présent recours constitue l’acte identifié par le Tribunal dans l’ordonnance du 27 avril 2016, European Union Copper Task Force/Commission (T‑310/15, non publiée, EU:T:2016:265), comme étant celui par l’intermédiaire duquel les effets des règles relatives à la durée de validité du renouvellement de l’approbation des composés de cuivre en tant que SDS se matérialisent.

53      Par conséquent, il ressort de ce qui précède qu’aucune mesure d’exécution n’est nécessaire pour faire naître ces effets. Ainsi, il convient de conclure que le règlement attaqué ne comporte pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, à l’égard au moins d’un de ses effets.

54      Troisièmement, au regard de l’appréciation relative à l’absence de mesures d’exécution en ce qui concerne les règles relatives à la durée de validité du renouvellement de l’approbation des composés de cuivre en tant que SDS, il convient d’examiner si les effets du règlement attaqué à cet égard affectent directement les membres de la requérante.

55      Il est important de relever que ces membres sont producteurs de composés de cuivre et que certains sont titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance (voir point 1 ci‑dessus). Or, le fait de devoir soumettre des demandes de renouvellement d’approbation de ladite substance au bout de sept ans au lieu de quinze ans affecte directement la situation juridique de ces producteurs dans la mesure où, alors qu’ils bénéficiaient d’un régime juridique leur octroyant une certitude et une sécurité juridique quant à l’approbation de cette substance et, de ce fait, quant aux autorisations de mise sur le marché de leurs produits phytopharmaceutiques la contenant, la durée de ces autorisations étant liée à l’approbation de ladite substance conformément à l’article 32 du règlement no 1107/2009, ils sont désormais soumis à un régime juridique plus strict, la période de stabilité juridique étant réduite de plus de moitié par rapport au régime juridique antérieur. Cette modification automatique est suffisante pour considérer que les membres de la requérante sont directement concernés par le règlement attaqué au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

56      Par ailleurs, dans son arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission (T‑67/18, EU:T:2019:873, point 53 à 55), le Tribunal a procédé à l’analyse du critère de l’affectation directe, visé par la deuxième hypothèse envisagée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à l’égard de la partie requérante dans cette affaire du fait, spécifiquement, des effets du règlement d’exécution 2015/408 relatifs à la durée de validité du renouvellement de l’approbation d’une substance inscrite sur la liste des SDS. Dans ce contexte, le Tribunal a conclu que la condition relative à l’affectation directe de la partie requérante dans cette affaire était satisfaite. Or, la présente affaire porte sur un règlement qui déploie les effets du règlement d’exécution 2015/408 à cet égard.

57      Par conséquent, le règlement attaqué concerne directement les membres de la requérante au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, à l’égard au moins de l’un de ses effets.

58      Au regard de ce qui précède, il convient de considérer que les membres de la requérante ont qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

59      Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de ce recours au regard d’autres hypothèses, il convient de conclure que le recours de la requérante est recevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 44 ci‑dessus.

B.      Sur le fond

60      La requérante demande l’annulation partielle du règlement attaqué dans la mesure où il renouvelle l’approbation des composés de cuivre comme SDS. Au soutien de son recours, la requérante soulève trois moyens.

61      Par son premier moyen, sans renvoyer expressément à l’article 277 TFUE, la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 24 du règlement no 1107/2009 et du point 4 de l’annexe II de ce règlement (ci‑après les « dispositions litigieuses du règlement no 1107/2009 »), estimant que, dans la mesure où les critères PBT ne sont pas appropriés d’un point de vue scientifique pour les substances inorganiques, le fait pour le législateur de ne pas exclure l’application de ces critères aux composés de cuivre est constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation.

62      Par son deuxième moyen et à titre préventif, la requérante soulève, sans renvoyer non plus expressément à l’article 277 TFUE, une exception d’illégalité à l’encontre du règlement d’exécution 2015/408 qui avait précédemment établi que les composés de cuivre répondaient aux critères PBT.

63      Par son troisième moyen, la requérante affirme, à titre subsidiaire, que le règlement attaqué enfreint le principe de proportionnalité en ce qu’il applique les critères PBT alors que la Commission avait connaissance du caractère inapproprié des documents d’orientation relatifs à l’évaluation des composés de cuivre en tant que SDS.

1.      Observations liminaires sur l’étendue du contrôle juridictionnel

64      En premier lieu, il convient de relever que le présent recours s’inscrit dans un contexte technique et scientifique complexe à caractère évolutif. Dès lors, il est de jurisprudence constante que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant aux éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent. Le contrôle du juge de l’Union doit alors se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des institutions à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée). Ainsi, dans le cadre du contrôle du pouvoir d’appréciation du législateur, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone, C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52 et jurisprudence citée).

65      Afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision. Toutefois, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 11 février 2015, Espagne/Commission, T‑204/11, EU:T:2015:91, points 32 à 33 et jurisprudence citée).

66      En d’autres termes, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 164 et jurisprudence citée).

67      À cet égard, au point 35 de l’arrêt du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a. (C‑691/15 P, EU:C:2017:882), la Cour a souligné que l’exercice de ce pouvoir n’était pas soustrait au contrôle juridictionnel et, en particulier, que, lorsqu’une partie invoquait une erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par l’institution compétente, le juge de l’Union devait contrôler si cette institution avait examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce sur lesquels cette appréciation était fondée. Cette obligation de diligence est en effet inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union.

68      En deuxième lieu, il convient de relever que, dans la mesure où le présent recours vise à obtenir l’annulation d’un règlement adopté conformément au règlement no 1107/2009, il doit être tenu compte du fait que, en vertu de son article 1er, paragraphes 3 et 4, le règlement no 1107/2009 vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement.

69      En troisième et dernier lieu, il doit être rappelé que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté et ne saurait en particulier dépendre de considérations rétrospectives concernant son efficacité. Lorsque le législateur de l’Union est amené à apprécier les effets futurs d’une réglementation à prendre alors que ces effets ne peuvent être prévus avec exactitude, son appréciation ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont il disposait au moment de l’adoption de la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2011, Agrana Zucker, C‑309/10, EU:C:2011:531, point 45 et jurisprudence citée).

2.      Sur le premier moyen, relatif à l’illégalité des dispositions litigieuses du règlement no 1107/2009

70      La requérante articule son premier moyen en trois branches, tirées, la première, du caractère inapproprié des critères PBT, en particulier celui de la persistance, pour les substances inorganiques, au regard des preuves scientifiques, la deuxième, de l’application incohérente des critères PBT aux substances inorganiques dans le cadre du règlement no 1107/2009 en comparaison des autres actes réglementaires mis en œuvre dans le même domaine antérieurement et postérieurement audit règlement et, la troisième, de l’interprétation erronée du principe de précaution ainsi que de l’absence de nécessité, au regard des objectifs visés par le règlement no 1107/2009, de l’application des critères PBT aux substances inorganiques, en ce qui concerne les SDS.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée du caractère inapproprié des critères PBT,en particulier celui de la persistance, pour les substances inorganiques, au regard des preuves scientifiques

71      La requérante estime que, en appliquant les dispositions litigieuses du règlement no 1107/2009 aux composés de cuivre sans base scientifique solide, les autorités de l’Union ont manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation.

72      Dans le cadre de la première branche de son premier moyen, la requérante expose les raisons pour lesquelles les critères PBT ne peuvent être appliqués aux substances inorganiques, ce qui, d’une part, serait confirmé au regard de l’état actuel des connaissances scientifiques et, d’autre part, aurait été reconnu par l’EFSA, le Scopaff et la DG « Santé et consommateurs ».

1)      Sur la reconnaissance du caractère inapproprié de l’application des critères PBT aux substances inorganiques au regard de l’état actuel des connaissances scientifiques

73      Au regard des propriétés intrinsèques des composés de cuivre, la requérante affirme qu’il est erroné de réglementer ces derniers sur la base des critères PBT, définis afin de répondre aux dangers liés aux substances chimiques organiques synthétiques.

74      Il ressort du dossier que la requérante conteste plus particulièrement la pertinence du critère de la persistance, ce qu’elle a confirmé lors de l’audience. Cette notion serait mesurée en déterminant l’absence de dégradabilité d’une substance, généralement d’une forme biodisponible et active dans la nature vers une forme moins disponible ou moins toxique. Or, les métaux et les composés métalliques inorganiques seraient par définition présents dans la nature et ne seraient pas dégradés dans l’environnement. Par conséquent, il serait impossible pour ces derniers de ne pas être persistants. Dès lors, s’il est pertinent pour les substances organiques synthétiques, le critère de la persistance serait, en revanche, dénué de sens pour les substances inorganiques.

75      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle du caractère approprié des critères PBT est régi, quant à son intensité, par les principes énoncés aux points 64 à 68 ci‑dessus.

76      Dans ce cadre, il convient d’examiner si les éléments fournis par la requérante démontrent que la non‑applicabilité du critère de la persistance aux substances inorganiques pouvait manifestement être considérée comme étant la norme scientifique lors de l’adoption du règlement no 1107/2009.

77      À cet égard, dans son mémoire en intervention, le Conseil observe que la capacité de l’Union à légiférer ne saurait dépendre de l’existence au sein de la communauté scientifique d’un consensus parfait sur tous les éléments d’un texte législatif. Si ce point de vue peut être partagé, il ne peut, en revanche, être admis, en l’espèce, que l’Union légifère en allant à l’encontre d’un éventuel consensus scientifique sur le caractère inapproprié de l’application des critères PBT pour les composés inorganiques. En outre, à l’instar de la requérante, il doit être précisé qu’il ne s’agit pas d’exiger « un consensus parfait sur tous les éléments d’un texte législatif », mais de ne pas s’écarter d’un tel consensus, lorsqu’il existe. Si le législateur de l’Union veut délibérément s’écarter de ce consensus, il doit aborder le sujet explicitement dans le cadre du processus législatif conduisant à l’adoption d’un règlement et doit indiquer les raisons pour lesquelles il se démarque ainsi de ce consensus. Or, tel n’est pas le cas.

78      Il convient donc d’examiner si un tel consensus ressort des éléments produits par la requérante.

79      Dans ce contexte, s’il est vrai que, d’une part, dans la requête, la requérante s’est contentée de renvoyer à une annexe contenant plusieurs documents, listés en note en bas de page, sans spécifier ni les passages pertinents, ni en quoi la teneur de ces documents venaient appuyer son argumentation, ni le lien précis entre lesdits documents et les nombreux arguments qu’elle invoquait, et que, d’autre part, il est de jurisprudence constante que le Tribunal ne peut prendre en considération une annexe que dans la mesure où elle étaye ou complète les moyens ou les arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elle contient qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Slovak Telekom/Commission, T‑851/14, EU:T:2018:929, point 87 (non publié)], la Commission, le Parlement et le Conseil ont, néanmoins, fait valoir leurs observations, lors de l’audience, quant à la pertinence desdits documents. À cette occasion, la requérante a souligné l’impossibilité pour elle de se prononcer précisément sur les aspects techniques de l’espèce en raison de l’absence de son président du fait de la crise sanitaire liée à la COVID‑19 et a déposé des observations complémentaires le 4 novembre 2020, dont la recevabilité fait l’objet de contestation de la part de la Commission et des parties intervenantes.

80      Néanmoins, le Tribunal estime qu’il y a lieu, en l’espèce, d’examiner la présente branche en tenant compte de ladite annexe et des observations complémentaires, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité (voir points 91 et 102 ci‑après).

81      En premier lieu, il convient d’examiner les cinq documents, identifiés par la requérante dans ses observations complémentaires, desquels ressortirait la démonstration de l’existence d’un consensus scientifique.

82      Premièrement, la requérante produit le résumé d’un ouvrage de la Society of Environmental Toxicology and Chemistry (Société de toxicologie et de chimie environnementales), publié dans le courant de l’année 2007 et intitulé Assessing the Hazard of Metals and Inorganic Metal Substances in Aquatic and Terrestrial Systems (Évaluation du danger des métaux et des substances métalliques inorganiques dans les systèmes aquatiques et terrestres), qui résulte des discussions ayant eu lieu lors d’un atelier s’étant tenu du 3 au 8 mai 2003, et en tire des conclusions sur la possibilité d’élaboration d’un modèle permettant de mieux évaluer les dangers représentés par les métaux, l’inadéquation du critère de la persistance aux substances inorganiques étant soulignée.

83      Si, en l’absence de la version intégrale dudit ouvrage, il ne peut être conclu avec certitude qu’il vient réellement au soutien de la position de la requérante, la valeur probante du document produit peut, en tout état de cause, être appréciée à la lumière de l’examen d’un autre document fourni par la requérante, à savoir un article publié dans le courant de l’année 2007 dans la revue scientifique Environmental Toxicology and Chemistry qui s’intitule « Can the unit world model concept be applied to hazard assessment of both organic chemicals and metal ions ? » (Le concept de modèle mondial unitaire peut-il être appliqué à l’évaluation des dangers des produits chimiques organiques et des ions métalliques ?). Or, s’il ressort bien de ce document que le critère de la persistance peut poser certaines difficultés lorsqu’il est appliqué à l’évaluation des dangers des substances inorganiques, il ne peut, en revanche, en être déduit qu’il existe un consensus scientifique selon lequel l’application des critères PBT est dénuée de pertinence pour les composés inorganiques. Tout d’abord, l’objet de l’article porte sur la possibilité d’appliquer une autre approche, commune aux substances organiques et inorganiques. Ensuite, l’approche prônée dans cet article semble révéler qu’un modèle alternatif est potentiellement envisageable, mais qu’il n’est pas exempt de difficultés d’application. Enfin, il ne ressort pas de ce modèle que le critère de la persistance est entièrement écarté, mais qu’il est seulement intégré à d’autres critères.

84      À la lumière de cet article, il apparaît donc que les propos tenus dans l’ouvrage de la Société de toxicologie et de chimie environnementales, tels que résumés dans le document annexé à la requête, dont il est implicitement question dans l’article de la revue Environmental Toxicology and Chemistry, ne reflètent que l’expression par un certain nombre de scientifiques de la nécessité de trouver une méthode mieux adaptée pour l’évaluation des dangers des métaux.

85      Deuxièmement, la requérante s’appuie sur un document intitulé Metals Environmental Risk Assessment Guidance (Lignes directrices pour l’évaluation des risques environnementaux liés aux métaux), publié au mois de janvier 2007 par l’International Council on Mining & Metals (ICMM) (Conseil international des mines et métaux). La requérante extrait un passage indiquant, de manière générale, que, étant donné que la majorité des composés évalués sont des substances organiques plutôt que des métaux inorganiques, les diverses méthodologies et documents d’orientation fournis pour réaliser ces évaluations manquent de détails sur la manière de prendre en compte les propriétés spécifiques aux métaux. Cependant, ce document porte, essentiellement, sur le critère de la bioaccumulation et non sur l’inadéquation du critère de la persistance. Or, le critère de la bioaccumulation n’ayant pas été pris en compte pour qualifier les composés de cuivre de SDS, ce document ne peut venir au soutien de la démonstration du consensus dont est recherchée la preuve de l’existence. En outre, comme le relève la Commission, le Parlement et le Conseil, ce document ne dispose pas d’une valeur probante incontestable, dans la mesure où il a été élaboré par deux associations sectorielles et une entreprise privée, dont l’indépendance n’est pas établie en l’espèce.

86      Troisièmement, la requérante produit un document d’orientation du Centre européen d’écotoxicologie et de toxicologie des substances chimiques (Ecetoc), publié au mois de juillet 2014. Ce document concerne les informations à prendre en considération dans le cadre de l’évaluation des critères PBT et des critères relatifs aux substances très persistantes et très bioaccumulables applicable aux produits chimiques relevant du champ d’application du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1). Or, contrairement à ce que la requérante semble faire valoir, le fait que ce document ne modifie pas le domaine d’application des critères PBT ne peut suffire à démontrer l’existence d’un consensus quant à la non‑applicabilité du critère de la persistance aux substances inorganiques, cette question n’étant pas spécifiquement abordée dans ledit document.

87      Les mêmes observations que celles relatives à la pertinence du document de l’Ecetoc en l’espèce peuvent, d’ailleurs, être formulées à l’égard du guide de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) sur les exigences d’information et l’évaluation de la sécurité chimique du mois de juin 2017, également produit par la requérante au soutien de sa position.

88      En second lieu, il peut être relevé que la requérante reste en défaut de démontrer de manière convaincante qu’il ressortirait de l’approche suivie dans d’autres pays l’existence d’un consensus au sein de la communauté scientifique et des organes législatifs compétents.

89      À cet égard, premièrement, il convient de relever que la diapositive à laquelle elle renvoie pour illustrer ses propos, dans la réplique, ne présente aucune explication quant aux textes réglementaires adoptés dans le monde qu’elle ne fait que lister. Deuxièmement, et de la même manière, dans ses observations sur le mémoire en intervention du Parlement, la requérante se contente d’affirmer que le seul texte législatif au sein de l’Union, et même dans le monde, qui applique les critères PBT (avec une attention particulière portée au critère de la persistance) à des composés inorganiques, tels que les composés de cuivre, est le règlement no 1107/2009. Troisièmement, le modèle alternatif discuté dans les documents mentionnés aux points 82 et 83 ci‑dessus date de 2007. Or, rien n’indique qu’il a été mis en œuvre depuis, alors qu’il a été développé par un groupe multidisciplinaire et international de 47 scientifiques, gestionnaires et décideurs politiques originaires d’Europe, du Canada et des États‑Unis.

90      Au regard de ce qui précède, si l’existence d’un débat quant à la pertinence de l’application du critère de la persistance dans le cadre de l’évaluation des dangers des substances inorganiques peut être admise, il ne peut cependant être conclu que la requérante a apporté la preuve que ce critère était inapplicable ou qu’il existait un consensus au sein de la communauté scientifique à cet égard. Les documents les plus pertinents dans ce contexte ne démontrent pas, en effet, que la non‑inclusion des substances inorganiques dans le cadre d’évaluations appliquant les critères PBT était la norme scientifique que le législateur aurait dû prendre en compte lors de l’adoption du règlement no 1107/2009, mais portent avant tout sur la recherche d’une méthode plus adaptée aux spécificités de ces substances permettant de mieux identifier leurs dangers, dont l’existence n’est nullement exclue (voir, à cet égard, points 82 à 84 ci‑dessus ainsi que points 110 et 111 ci‑après).

91      Par conséquent, en n’apportant pas d’éléments probants démontrant l’existence dudit consensus, la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part du législateur du fait de la non‑exclusion des substances inorganiques du champ d’application de l’évaluation appliquant les critères PBT dans le règlement no 1107/2009 au moment de l’adoption de ce dernier.

2)      Sur la reconnaissance du caractère inapproprié de l’application des critères PBT aux substances inorganiques au regard des prises de position de l’EFSA, du Scopaff et de la DG « Santé et consommateurs »

92      La requérante affirme que l’EFSA, le Scopaff et la DG « Santé et consommateurs » ont reconnu l’inadéquation des orientations relatives à l’évaluation des risques liés aux métaux pour les composés de cuivre.

93      Elle observe tout d’abord que, dans sa conclusion du 20 décembre 2017 relative à l’examen par les pairs de l’évaluation des risques liés aux pesticides consacrée aux composés de cuivre, l’EFSA indique que les données disponibles ne se sont pas avérées suffisantes pour tenir pleinement compte des spécificités du cuivre dans le cadre de l’évaluation des risques environnementaux et que les orientations disponibles dans le domaine de l’évaluation de ces risques liés aux substances actives pesticides ne couvrent pas spécifiquement les composés métalliques.

94      Elle relève ensuite que, dans son rapport final de renouvellement pour les substances actives composés de cuivre, le Scopaff mentionne spécifiquement la nécessité pour l’EFSA d’élaborer une nouvelle méthode qui tiendrait compte de la méthode disponible appliquée dans d’autres domaines par l’ECHA.

95      Elle indique enfin que, dans sa lettre du 13 février 2019, la DG « Santé et consommateurs » a donné pour instruction à l’EFSA d’élaborer de nouvelles orientations, en précisant que les documents d’orientation disponibles au sujet de l’évaluation des risques environnementaux représentés par les pesticides ne sont pas toujours directement applicables à ces composés métalliques en raison, notamment, du fait que les composés métalliques sont déjà présents dans l’environnement à des niveaux variables, soit naturellement, soit dans différentes sources. En outre, la DG « Santé et consommateurs » réclamerait une approche cohérente pour l’ensemble de la législation de l’Union.

96      En premier lieu, si, comme le relève la requérante, ces documents font apparaître une certaine prise de conscience au niveau de certaines autorités de l’Union quant à la nécessité d’améliorer la méthode utilisée pour l’évaluation des risques liés au cuivre, cette prise de conscience n’équivaut cependant pas à une reconnaissance par ces autorités du caractère inapproprié des critères PBT pour l’évaluation des dangers représentés par les substances inorganiques et, a fortiori, à la démonstration de l’existence d’éléments permettant d’identifier une erreur manifeste d’appréciation commise par le législateur au moment de l’adoption du règlement no 1107/2009.

97      En deuxième lieu, il convient de relever que, si le document de l’EFSA mentionne le fait que les orientations disponibles dans le domaine de l’évaluation des risques environnementaux liés aux substances actives pesticides ne couvrent pas spécifiquement les composés métalliques, il précise néanmoins que les données disponibles sur les composés de cuivre ont été évaluées et que leur bien-fondé a été apprécié sur la base des méthodes et des connaissances actuellement disponibles, compte tenu des caractéristiques particulières du cuivre.

98      En troisième lieu, les documents fournis par la requérante portant sur les méthodes d’évaluation des risques, qui, comme elle‑même l’explique dans la réplique et dans ses observations sur le mémoire en intervention du Parlement, dépendent des utilisations envisagées, ces méthodes peuvent donc varier en fonction du domaine réglementé, ce qu’elle admet dans la réplique. Dès lors, le fait que l’EFSA et l’ECHA suivent des méthodes différentes est dénué de pertinence dans le cadre de l’argumentation de la requérante portant sur la cohérence que les méthodes d’évaluation des dangers des substances inorganiques doivent présenter en raison de l’identité des propriétés intrinsèques desdites substances.

99      En quatrième lieu et en tout état de cause, la décision du législateur relative à la non‑exclusion des substances inorganiques du champ d’application de l’évaluation appliquant les critères PBT date de l’adoption du règlement no 1107/2009, le 21 octobre 2009. Or ne ressortent d’aucun des documents des prises de position pouvant refléter avec certitude un état des connaissances scientifiques allant dans le sens de la requérante, au moment pertinent auquel le contrôle du Tribunal doit s’effectuer dans le cadre du premier moyen.

100    Par conséquent, s’il peut être admis qu’il ressort des documents de l’EFSA, du Scopaff et de la DG « Santé et consommateurs » sur lesquels s’appuie la requérante que la pertinence de l’application des critères PBT pour les substances inorganiques fait l’objet de discussions, il y a, néanmoins, lieu de relever que la requérante n’a pas produit suffisamment d’éléments de preuve permettant de conclure que la non‑applicabilité des critères PBT aux substances inorganiques était la norme scientifique lors de l’adoption du règlement no 1107/2009.

101    En outre, comme le relève le Parlement dans ses observations sur les observations complémentaires de la requérante, au‑delà de l’existence d’un simple débat sur le caractère inapproprié de l’application des critères PBT aux substances inorganiques, la chaîne d’évaluations et de procédures à laquelle les composés de cuivre ont été soumis pour obtenir leur approbation et le renouvellement de celle‑ci démontre par elle‑même l’absence de consensus scientifique sur la question.

102    Dès lors, en ne rapportant pas d’éléments probants démontrant l’existence d’un consensus, au moment de l’adoption du règlement no 1107/2009, quant à la non‑applicabilité des critères PBT aux substances inorganiques, et par là même que cette prétendue non‑applicabilité aurait constitué la norme scientifique, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être reprochée au législateur du fait de l’application des critères PBT aux composés de cuivre.

103    Au regard de ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’application incohérente des critères PBT aux substances inorganiques dans le cadre du règlement no 1107/2009 en comparaison des autres actes réglementaires mis en œuvre dans le même domaine antérieurement et postérieurement au règlement no 1107/2009

104    La requérante considère qu’il ressort du document de la Commission intitulé « Questions and Answers on Candidates for Substitution » (Questions et réponses sur les candidats à la substitution), datant du mois de janvier 2015, que les critères PBT inclus dans l’annexe II, point 4, du règlement no 1107/2009 sont utilisés pour évaluer les propriétés intrinsèques des substances. Or, elle souligne le fait que, par définition, les propriétés intrinsèques d’une substance ne varient pas en fonction de l’usage de celle‑ci. Ainsi, toute réglementation, lorsqu’elle porte sur les propriétés intrinsèques d’une substance, devrait refléter cette constance. Cependant, la requérante estime, en substance, que tel n’est pas le constat auquel son analyse de la réglementation de l’Union aboutit, dans la mesure où des incohérences ressortent au regard du règlement no 1907/2006, du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1), du règlement (CE) no 2003/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, relatif aux engrais (JO 2003, L 304, p. 1), et du règlement (UE) 2017/1432 de la Commission, du 7 août 2017, modifiant le règlement no 1107/2009 en ce qui concerne les critères d’approbation des substances actives à faible risque (JO 2017, L 205, p. 59).

105    La requérante affirme que les propriétés intrinsèques d’une substance devraient être soumises aux mêmes critères d’évaluation des dangers dans tous les cadres législatifs, donc indépendamment de l’utilisation ultérieure de la substance active, dans la mesure où, conformément au règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), il est nécessaire d’harmoniser autant que possible toutes les évaluations des dangers basées sur les propriétés intrinsèques.

106    En premier lieu, pour autant que la requérante allègue une violation du droit de l’Union du fait de l’incompatibilité de l’application des critères PBT à des substances inorganiques au titre du règlement no 1107/2009 avec d’autres actes législatifs mis en œuvre dans le même domaine antérieurement et postérieurement audit règlement, il suffit de relever qu’il n’existe pas d’obligation imposant au législateur d’harmoniser les approches suivies dans des cadres réglementaires différents. En effet, la reconnaissance de la nécessité d’adopter une approche cohérente, sur laquelle les parties s’accordent, ne crée pas pour autant une obligation légale et encore moins une cause d’illégalité ipso facto d’un acte.

107    Dans le même sens, les arguments avancés par la requérante dans la réplique au regard du règlement no 1272/2008, tendant à démontrer que la nécessité d’une harmonisation y a été établie, doivent être écartés, dans la mesure où ce règlement a spécifiquement pour objet, conformément à son article 1er, point 1, sous a), l’harmonisation des critères de classification des substances et des mélanges ainsi que des règles relatives à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges dangereux. Or, d’une part, le règlement no 1107/2009 ne poursuit pas d’objectif visant à l’harmonisation des critères d’évaluation des substances chimiques de manière transversale afin de les rendre applicables dans le contexte de tous les cadres réglementaires impliquant de telles substances et, d’autre part, la hiérarchie des normes n’impose pas une soumission du règlement no 1107/2009 au règlement no 1272/2008. À cet égard, il doit être rappelé que ces règlements reflètent des choix politiques et économiques propres à chacun de ces instruments normatifs, opérés par le législateur.

108    En second lieu, à supposer qu’il faille comprendre l’argumentation de la requérante comme soutenant que, en appliquant les critères PBT aux substances inorganiques, contrairement à ce que lui imposerait l’état des connaissances scientifiques et techniques tel qu’il transparaîtrait au regard des autres cadres réglementaires, le législateur aurait enfreint le principe de proportionnalité au point de commettre une erreur manifeste d’appréciation, cette argumentation est vouée au rejet.

109    Certes, l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 impose effectivement que la procédure d’approbation d’une substance active se fasse eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques.

110    Cependant, conformément aux conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen, il ne ressort des documents présentés par la requérante ni qu’il existe un consensus scientifique sur la question, ni que les substances inorganiques ne posent aucun danger, mais seulement que l’approche consistant à utiliser les critères PBT n’est pas optimale. Or, aux termes de son article 1er, paragraphe 3, et de son article 1er, paragraphe 4, le règlement no 1107/2009 vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et ses dispositions se fondent sur le principe de précaution (voir, à cet égard, point 68 ci‑dessus).

111    Par conséquent, en l’absence de méthode entièrement appropriée pour prendre en compte les dangers potentiels représentés par les substances inorganiques, l’application des critères PBT semble, in fine, être une mesure apte à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause. En effet, elle permet d’imposer à la substance concernée le régime relevant des SDS, qui exprime la volonté du législateur de remplacer progressivement cette substance par une solution appropriée. À cet égard, il ressort du dossier que les composés de cuivre visés par cette mesure semblent pouvoir être remplacés, contrairement à ce que soutient la requérante. Il convient, effectivement, de relever que, dans le mémoire en défense, la Commission a précisément souligné qu’il était inexact que les composés de cuivre ne pouvaient pas être remplacés par un autre fongicide ou un autre bactéricide, indiquant, à titre d’illustration et sans être contredite sur ce point par la requérante dans la réplique, que, premièrement, il existe au moins trois composés naturels approuvés comme bactéricides au niveau de l’Union et inscrits à ce titre à l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011, à savoir le bacille subtilis (entrée no 138), les huiles végétales/essence de girofle (entrée no 241) et le vinaigre (entrée no 5), deuxièmement, il existe également de nombreuses autres substances qui sont des fongicides, comme le fenhexamide, le flutianil et les phosphonates et, troisièmement, les composés de cuivre pourraient aussi être remplacés par une approche de gestion intégrée des organismes nuisibles associant d’autres composés et des variétés végétales résistantes.

112    Au regard de ce qui précède, il convient de constater que la requérante n’a pas apporté, à suffisance de droit, la preuve nécessaire à l’établissement d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le législateur en raison de l’application des critères PBT aux substances inorganiques dans le cadre du règlement no 1107/2009.

113    Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’interprétation erronée du principe de précaution ainsi que de l’absence de nécessité, au regard des objectifs visés par le règlement no 1107/2009, de l’application des critères PBT aux substances inorganiques, en ce qui concerne les SDS

114    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante, d’une part, que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 et jurisprudence citée].

115    D’autre part, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre de ce principe, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union lorsqu’elles sont amenées à réglementer des situations s’inscrivant dans un contexte technique et scientifique complexe à caractère évolutif comme en l’espèce (voir, à cet égard, point 64 ci‑dessus), seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, est susceptible d’affecter la légalité d’une telle mesure. Ainsi, il s’agit de savoir non pas si la mesure adoptée par le législateur de l’Union était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 56 et jurisprudence citée].

116    Dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen, la requérante estime que les dispositions litigieuses du règlement no 1107/2009 violent le principe de proportionnalité dans la mesure où l’inclusion des composés de cuivre dans l’évaluation appliquant les critères PBT aux fins du régime des SDS excède ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs dudit règlement.

117    Au soutien de sa position, premièrement, la requérante relève que le mécanisme d’identification des SDS poursuit l’objectif de remplacer progressivement des substances actives présentant certaines propriétés que la Commission juge préoccupantes. Or, le cuivre étant présent dans la nature, il ne pourrait être remplacé par une autre substance. Cependant, la substitution dont il est question vise les composés de cuivre qui, comme cela est expliqué au point 111 ci‑dessus, semblent pouvoir faire l’objet de remplacement. En outre, comme le souligne le Parlement dans son mémoire en intervention, la mesure contestée vise à favoriser la recherche de solutions alternatives et, ainsi, s’inscrit bien dans les objectifs poursuivis par le règlement no 1107/2009.

118    Deuxièmement, en ce qui concerne le fait que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, la requérante estime qu’il existe, en l’espèce, une possibilité d’adopter une mesure moins restrictive. En effet, dans ses observations sur le mémoire en intervention du Conseil, la requérante souligne qu’une déclaration d’exemption dans le document de travail intitulé « Evidence needed to identify POP, PBT and vPvB properties for pesticides » (Données probantes nécessaires pour identifier les propriétés POP, PBT et vPvB des pesticides), tendant à ce que les composés inorganiques ne soient pas soumis à une évaluation appliquant les critères PBT, serait suffisante.

119    Cependant, dans le cadre de l’examen des deux premières branches de ce moyen, il a été conclu qu’il ne ressortait pas des éléments apportés par la requérante que les substances inorganiques devaient être exemptées d’une évaluation des dangers, que la requérante n’avait pas démontré qu’il existait un consensus scientifique concernant le caractère inapproprié de l’application des critères PBT aux substances inorganiques et que la mesure adoptée était apte à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause.

120    Par conséquent, même si ces substances continuaient à être soumises à une évaluation des risques quant aux utilisations envisagées, il y a lieu de conclure que, étant donné que l’alternative proposée par la requérante conduirait à une exemption totale d’évaluation des dangers des substances inorganiques, sans pourtant que cela soit justifié, la mesure qu’elle envisage ne prendrait pas en compte les objectifs poursuivis par le règlement no 1107/2009.

121    Troisièmement, en réponse à l’argument, formulé par les parties intervenantes, selon lequel le législateur aurait pu opter pour une approche plus restrictive, la requérante relève que, d’une part, l’alternative envisagée par le Conseil n’est pas réaliste, car elle aurait conduit à interdire la plupart des produits phytopharmaceutiques actuellement à disposition des agriculteurs, et, d’autre part, que cela n’implique pas que le choix effectivement réalisé soit proportionné et, ainsi, qu’il convient de l’apprécier selon ses propres mérites.

122    À cet égard, il convient de noter que le système mis en place permet l’existence d’une alternative à l’éventuel non‑renouvellement de l’approbation des composés de cuivre. En outre, la réévaluation selon les données et les méthodes scientifiques les plus récentes est assurée par le réexamen du statut des SDS lors de l’évaluation du renouvellement des approbations, conformément à l’article 11, paragraphe 2, sous c), du règlement d’exécution no 844/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 3, du même règlement. Enfin, comme la requérante l’indique elle‑même dans la requête, les évolutions scientifiques peuvent conduire au réexamen du règlement no 1107/2009 afin qu’elles puissent être prises en compte.

123    Quatrièmement, en ce qui concerne le fait que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés, il y a lieu de relever que la requérante estime illogique de faire subir aux producteurs de composés de cuivre de l’Union les conséquences du régime des SDS alors que la substitution du cuivre est impossible. À cet égard, tout d’abord, il a déjà été indiqué aux points 111 et 117 ci‑dessus que le remplacement visé par l’application du régime des SDS aux composés de cuivre est envisageable et que, par conséquent, les inconvénients causés par l’exigence d’effectuer une évaluation comparative ne sont pas démesurés par rapport aux buts poursuivis. Ensuite, l’absence d’automaticité de la délivrance d’une autorisation sur la base de la reconnaissance mutuelle n’exclut pas la possibilité pour les États membres de continuer à appliquer un tel mécanisme, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1107/2009 (voir également point 49 ci‑dessus). Enfin, si le raccourcissement de la durée du renouvellement peut conduire à un accroissement de certains coûts du fait de l’augmentation de la fréquence des renouvellements d’approbation, il permet néanmoins de faire valoir plus tôt les éventuelles évolutions scientifiques.

124    Cinquièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le principe de précaution ne peut justifier le choix du législateur de soumettre les substances inorganiques à une évaluation appliquant les critères PBT, il suffit de rappeler qu’il ne ressort pas des éléments apportés par celle-ci que les substances inorganiques doivent être exemptées d’une évaluation des dangers, mais seulement que, dans ce contexte, l’application des critères PBT fait débat (voir, à cet égard, points 82 à 84 et points 110 et 111 ci‑dessus). Par conséquent, les dangers dont il est question relèvent non pas de situations hypothétiques, mais bien de situations potentielles, conformément aux exigences posées par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 184).

125    En outre, à l’instar de la Commission, il y a lieu de rappeler que la classification des composés de cuivre comme SDS poursuit l’objectif de trouver progressivement des solutions de remplacement. Or, comme le relève le Conseil, bien que les substances en cause ne soient pas, au moment de l’évaluation, connues pour entraîner des risques tels qu’il faille empêcher leur approbation, elles ont toutefois des propriétés qui pourraient poser un plus grand risque pour la santé humaine et pour l’environnement qu’une solution de remplacement moins dangereuse.

126    Sixièmement, en ce qui concerne les arguments soulevés par la requérante quant au degré suffisant de protection offert par le régime applicable antérieurement à l’adoption du règlement no 1107/2009, il suffit de rappeler que, conformément à son article 1er, paragraphe 3, ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. Par conséquent, comme le souligne le Parlement dans son mémoire en intervention, le législateur est entièrement fondé à renforcer le degré de protection. Le fait que les composés de cuivre fassent l’objet d’autres utilisations dans le même compartiment environnemental ou qu’ils soient utilisés en tant qu’engrais ou fumier ne conduit pas à conclure à une disproportion de la mesure. En effet, comme cela a été souligné au point 106 ci‑dessus, il n’existe pas d’obligation juridique visant à harmoniser l’ensemble des cadres réglementaires applicables au cuivre. Par conséquent, le caractère proportionné de la mesure doit s’analyser dans le contexte des situations régies par le règlement no 1107/2009.

127    Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’est parvenue à démontrer ni que l’application des critères PBT aux substances inorganiques dépassait les limites de ce qui était nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1107/2009, ni que ce dernier interprétait erronément le principe de précaution.

128    Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée et, partant, que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

3.      Sur le deuxième moyen, relatif à l’illégalité du règlement d’exécution 2015/408 en ce qui concerne la qualification des composés de cuivre en tant que SDS

129    La requérante soulève, ad cautelam, une exception d’illégalité à l’encontre du règlement d’exécution 2015/408, dans la mesure où, bien que non cité dans le règlement attaqué, celui-ci a mis en œuvre l’article 80, paragraphe 7, du règlement no 1107/2009 en établissant une liste des SDS incluant les composés de cuivre.

130    Étant donné que l’exception d’illégalité soulevée dans le cadre du premier moyen à l’encontre du règlement no 1107/2009 vise à retirer les composés de cuivre du champ d’application des critères PBT, la requérante estime que toute application desdits critères aux composés de cuivre doit être couverte par les effets d’une annulation potentielle du règlement no 1107/2009. Ainsi, elle soutient que, si le Tribunal fait droit à son premier moyen, les effets de cette conclusion doivent inévitablement entraîner la suppression des effets de l’inscription des composés de cuivre sur la liste des SDS approuvée par le règlement d’exécution 2015/408.

131    Or, dans la mesure où il est conclu au rejet du premier moyen et où les arguments soulevés dans le cadre du présent moyen sont identiques, il y a lieu, dès lors, de rejeter le deuxième moyen.

4.      Sur le troisième moyen, relatif à la violation du principe de proportionnalité par le règlement attaqué en ce qu’il renouvelle l’approbation des composés de cuivre en tant que SDS

132    À titre subsidiaire, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité en ce que la Commission a renouvelé l’approbation des composés de cuivre comme SDS au lieu de les soumettre au régime général, et ce alors qu’elle savait, au moment de l’adoption du règlement attaqué, que les orientations n’étaient pas adéquates pour évaluer les composés de cuivre.

133    D’une part, la requérante estime, en substance, que la Commission a dépassé les limites de ce qui était approprié et nécessaire, dans la mesure où elle aurait dû soumettre les composés de cuivre au régime général en raison, premièrement, de l’inadéquation du critère de la persistance pour ces composés, deuxièmement, du fait que la législation sectorielle tient déjà compte des propriétés intrinsèques des composés inorganiques et que l’approche générale suivie est que ces derniers ne doivent pas être soumis aux critères PBT et, troisièmement, du fait que soumettre les composés de cuivre au régime des SDS n’est pas nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi par le règlement attaqué. D’autre part, la requérante relève que la législation applicable prévoit déjà une procédure de notification complexe impliquant un examen approfondi de la sécurité d’une substance et que le cuivre y avait déjà été soumis.

134    Le troisième moyen repose sur la prémisse selon laquelle la Commission savait, au moment de l’adoption du règlement attaqué, que l’application des critères PBT aux composés de cuivre n’était pas appropriée. Or, bien que le caractère inapproprié de cette application n’ait pas été démontré dans le cadre de l’analyse de l’exception d’illégalité soulevée dans le premier moyen, il y a, toutefois, lieu d’examiner si la requérante a apporté la preuve que des éléments apparus entre l’adoption du règlement no 1107/2009 et l’adoption du règlement attaqué pouvaient modifier cette appréciation.

135    À cet égard, d’une part, il peut être relevé que, si l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 ne mentionne plus, depuis 2012, l’exclusion des substances inorganiques du champ d’application des critères PBT, le guide publié par l’ECHA au mois de juin 2017 affirme explicitement que, dans ce cadre réglementaire, les critères PBT ne sont pas applicables aux substances inorganiques. Cependant, l’impact d’un tel document dans le cadre de la détermination d’une violation du principe de proportionnalité par la Commission lors de l’adoption du règlement attaqué doit faire l’objet des mêmes réserves que celles exprimées au point 110 ci‑dessus.

136    D’autre part, il convient de noter que le diaporama produit par la requérante en annexe à la réplique contient une diapositive sur laquelle figure la mention selon laquelle « les critères PBT ne sont pas appropriés pour les substances aux propriétés non hydrophobes (substances ioniques, composés perfluorés, substances UVCB, microplastiques, etc.) ». Or, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la signification de cette citation qui fait l’objet d’une interprétation différentes de la part de la Commission, il suffit de relever que cette mention se trouve sur une diapositive intitulée « Emerging issues » (problématiques émergentes) datant du 24 mai 2019. Par conséquent, il ne peut être conclu qu’il existait, lors de l’adoption du règlement attaqué, des données scientifiques certaines quant à la nécessité de ne pas appliquer les critères PBT aux substances inorganiques. De nouveau, en l’absence de consensus scientifique à cet égard, aucune erreur manifeste ne peut être retenue à l’encontre de la Commission et il ne peut lui être reproché d’avoir pris en compte ces critères pour soumettre les composés de cuivre au régime des SDS. Ainsi, il y a lieu de constater qu’aucun élément permettant d’identifier de nouvelles données ou méthodes scientifiques qui aurait pu conduire à une conclusion différente concernant le statut des composés de cuivre en tant que SDS ne ressort du dossier.

137    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

138    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

C.      Sur la demande de nommer un expert

139    En vertu de l’article 96 du règlement de procédure, la requérante demande au Tribunal de nommer un expert possédant les qualifications scientifiques et l’impartialité requises, qui pourrait élaborer un rapport ou effectuer une déclaration orale sur l’applicabilité des critères PBT pour l’évaluation des composés de cuivre.

140    Cependant, au regard des différentes conclusions tirées de l’analyse des éléments du dossier, la demande de désignation d’un expert doit être rejetée.

141    En effet, même si un expert venait conclure à l’inapplicabilité des critères PBT aux substances inorganiques, il n’en ressortirait pas pour autant une obligation pour le législateur en 2009 ou pour la Commission en 2018 de prendre en compte une telle conclusion.

142    Or, l’identification d’une telle obligation ne dépend pas uniquement du caractère prétendument inadapté des critères PBT aux substances inorganiques, mais également d’éléments qui conduisent à conclure à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la non-prise en compte de ce caractère. En l’espèce, la requérante est restée en défaut de fournir de tels éléments.

IV.    Sur les dépens

143    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

144    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

145    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      European Union Copper Task Force est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.