Language of document : ECLI:EU:T:2007:151

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 mai 2007 (*)

« Marque communautaire – Demandes de marques communautaires tridimensionnelles – Tablettes carrées blanches avec un dessin floral de couleur – Motif absolu de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Absence de caractère distinctif »

Dans les affaires jointes T‑241/05, T‑262/05 à T‑264/05, T‑346/05, T‑347/05, T‑29/06 à T‑31/06,

The Procter & Gamble Company, établie à Cincinnati, Ohio (États-Unis), représentée par Me G. Kuipers, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. D. Schennen, puis par M. G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet neuf recours formés contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI du 14 avril 2005 (affaire R 843/2004‑1), du 3 mai 2005 (affaire R 845/2004‑1), du 4 mai 2005 (affaire R 849/2004‑1), du 1er juin 2005 (affaire R 1184/2004‑1), du 6 juillet 2005 (affaires R 1188/2004‑1 et R 1182/2004‑1), du 16 novembre 2005 (affaire R 1183/2004‑1), du 21 novembre 2005 (affaire R 1072/2004‑1) et du 22 novembre 2005 (affaire R 1071/2004‑1), concernant la demande d’enregistrement de marques tridimensionnelles,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, V. Vadapalas et N. Wahl, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 29 juin (affaire T‑241/05), 18 juillet (affaires T‑262/05 à T‑264/05), 12 septembre 2005 (affaires T‑346/05 et T‑347/05) et 24 janvier 2006 (affaires T‑29/06 à T‑31/06),

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal les 30 septembre (affaires T‑241/05 et T‑262/05 à T‑264/05), 26 octobre 2005 (affaires T‑346/05 et T‑347/05) et 18 mai 2006 (affaires T‑29/06 à T‑31/06),

vu la jonction décidée le 24 octobre 2006,

à la suite de l’audience du 13 décembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mai 2000, la requérante a présenté neuf demandes de marques communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé, telles que reproduites ci‑après, sont constituées d’une forme tridimensionnelle :

–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral lilas à six pétales (affaire T‑241/05) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral vert à six pétales (affaire T‑262/05) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral lilas à quatre pétales (affaire T‑263/05) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral vert à quatre pétales (affaire T‑264/05) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral bleu à six pétales (affaire T‑346/05) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral vert à cinq pétales (affaire T‑347/05) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral bleu à cinq pétales (affaire T‑29/06) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral bleu à quatre pétales (affaire T‑30/06) :

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–        de tablette carrée blanche avec un dessin floral lilas à cinq pétales (affaire T‑31/06) :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante, identique pour toutes les demandes : « Préparations pour blanchir, laver et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; produits pour laver, nettoyer et traiter la vaisselle ; savons ».

4        Par neuf décisions prises entre le 28 juillet et le 8 novembre 2004, l’examinateur de l’OHMI a rejeté les demandes d’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

5        La requérante a formé contre ces décisions neuf recours auprès de l’OHMI, sur le fondement des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94.

6        Par neuf décisions des 14 avril (affaire T‑241/05), 3 mai (affaire T‑263/05), 4 mai (affaire T‑264/05), 1er juin (affaire T‑262/05), 6 juillet (affaires T‑346/05 et T‑347/05), 16 novembre (affaire T‑31/06), 21 novembre (affaire T‑30/06) et 22 novembre 2005 (affaire T‑29/06) (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté lesdits recours, au motif que les marques demandées étaient dépourvues de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

9        La requérante soulève, dans chacune des affaires, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

10      S’agissant du consommateur concerné, elle soutient que les produits en cause s’adressent aux consommateurs qui effectuent leurs achats quotidiennement et qui sont, ainsi, plus attentifs. De plus, les tablettes figureraient parmi les articles les plus coûteux de la catégorie des produits détergents vendus dans les supermarchés de sorte que le niveau d’attention prêté par le consommateur à leur forme et à leur dessin serait élevé.

11      En outre, les producteurs présents sur le marché concerné, caractérisé par une forte concurrence, auraient tout intérêt à distinguer l’apparence de leurs produits par rapport à ceux des concurrents, afin de capter l’attention du consommateur, comme le démontrerait le grand nombre de demandes d’enregistrement de formes de tablettes détergentes en tant que marques. Les exemples de publicité télévisée, annexés aux requêtes dans les affaires T‑29/06 à T‑31/06, confirmeraient l’argument selon lequel les tablettes sont utilisées par les producteurs à des fins distinctives. Ces arguments démontreraient que le consommateur est pleinement apte à percevoir la tablette comme une indication de l’origine commerciale du produit. Cette indication serait confirmée par la diversité des tablettes détergentes disponibles sur le marché.

12      Dans le cadre de l’appréciation des habitudes du consommateur concerné, la chambre de recours aurait retenu, à tort, le fait que les produits concernés sont généralement vendus dans un emballage sur lequel figurent un certain nombre d’éléments verbaux ou figuratifs. Les circonstances de l’utilisation envisagée des marques demandées ne sauraient avoir d’incidence sur l’appréciation du caractère distinctif [arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (TELE AID), T‑355/00, Rec. p. II‑1939, point 42]. À titre d’exemple, si les tablettes sont vendues emballées, elles pourraient néanmoins être dessinées sur l’emballage, vendues dans un emballage transparent ou dans un emballage ayant la forme de la marque demandée. Un modèle de tablette pourrait être fixé à l’emballage du produit.

13      Par ailleurs, même à supposer que la chambre de recours ait pu prendre en compte les circonstances de l’utilisation envisagée des marques demandées, elle aurait dû également prendre en considération d’autres circonstances, telles que le prix du produit, plus élevé que celui de la lessive liquide ou en poudre, ainsi que la manière dont la tablette est présentée dans la publicité.

14      En ce qui concerne les marques demandées, la chambre de recours aurait omis de prendre en compte toutes leurs particularités, à savoir :

–        la forme rectangulaire épaisse, presque cubique, de la tablette, contenant deux faces carrées aux angles arrondis ;

–        la présence de deux couleurs bien distinctes, le blanc et, selon la tablette, le lilas, le vert ou le bleu ;

–        l’agencement des couleurs, l’une de ces couleurs étant appliquée sur un dessin figurant au centre de la tablette et non sur les différentes couches constitutives de celle-ci ;

–        la forme du dessin sur la tablette.

15      Par ces éléments, les marques demandées se distingueraient nettement des tablettes de détergent disponibles sur le marché. À l’appui de cet argument, la requérante produit des représentations de tablettes commercialisées au moment du dépôt des demandes de marques en cause.

16      La chambre de recours aurait considéré à tort que les éléments en cause étaient habituels dans le secteur, voire dictés par des considérations pratiques, et qu’ils ne distinguaient pas significativement l’apparence de la tablette. Elle aurait notamment omis d’apprécier le fait que la tablette se caractérise par une forme cubique, se distinguant des formes rectangulaires plus plates des tablettes présentes sur le marché, ainsi que par deux couleurs distinctes, réparties d’une manière propre à attirer l’attention. Elle n’aurait pas établi l’existence sur le marché, à la date des demandes de marques, d’une tablette présentant des caractéristiques comparables.

17      Outre ces éléments caractéristiques, les marques demandées comporteraient un dessin au centre de la tablette, qui constituerait un élément de présentation supplémentaire et distinctif au sens des arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée avec incrustation) (T‑128/00, Rec. p. II‑2785, point 60), et Procter & Gamble/OHMI (Tablette rectangulaire avec incrustation) (T‑129/00, Rec. p. II‑2793, point 60). Au vu de cet élément, les marques demandées ne pourraient être considérées comme des signes consistant exclusivement en la forme et les couleurs du produit en cause, en l’absence de tout élément graphique.

18      Les dessins en cause représenteraient un motif floral, voire une étoile, de quatre, cinq ou six pétales. Aucune tablette présente sur le marché ne comporterait un dessin aux contours précis. La chambre de recours aurait dénaturé cet élément en considérant qu’il est comparable aux formes géométriques de base, telles que l’incrustation rectangulaire et l’incrustation triangulaire examinées dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Tablette carrée avec incrustation et Tablette rectangulaire avec incrustation, précités.

19      En outre, en estimant que les marques présentées à l’enregistrement ne contenaient pas un « dessin spécial, extraordinaire ou inhabituel », la chambre de recours aurait été excessivement exigeante quant au caractère distinctif minimal requis pour l’enregistrement d’une marque.

20      Les marques demandées auraient pu être considérées comme distinctives sur la base de ces seuls dessins, comparables à un logo ou à un signe. La requérante invoque, à cet égard, l’enregistrement par l’OHMI des marques figuratives constituées par une image florale (no 692897) et même par de simples formes géométriques (nos 2359776, 1868165, 3422631 et 1648120).

21      Par ailleurs, le dessin à six pétales ressemblerait au logo d’Ariel de la requérante, enregistré comme marque communautaire (no 814780). Le dessin à quatre pétales serait comparable à une autre marque communautaire figurative appartenant à la requérante (no 715904).

22      La chambre de recours aurait également omis de considérer l’impression globale produite par chacune des marques demandées, en les décrivant comme l’association de deux formes géométriques de base. Aucune tablette sur le marché ne présenterait la même combinaison de forme, de couleurs et d’agencement que celles présentées à l’enregistrement ; de plus, celles-ci contiendraient un dessin.

23      La requérante fait observer que l’OHMI a admis l’enregistrement des signes constitués par une tablette rectangulaire avec une lettre « s » (no 1860170) et par deux tablettes rondes contenant, respectivement, un dessin « yin-yang » (no 1207455) et une figure ressemblant à une goutte d’eau (no 1207869).

24      Elle fait également valoir l’enregistrement de certaines marques demandées par le bureau Benelux des marques.

25      Enfin, la requérante critique la prise en considération de l’impératif de disponibilité de formes géométriques de base, opérée dans sept décisions attaquées. Elle soutient que la même considération est sous-jacente au raisonnement retenu dans deux décisions qui ne la mentionnent pas explicitement, à savoir celles attaquées dans les affaires T‑346/05 et T‑347/05. La considération en cause serait infondée en l’espèce au vu du grand nombre de combinaisons possibles de formes, de couleurs et de dessins de tablettes. En outre, elle ne serait pas pertinente dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif d’un signe (arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 36).

26      L’OHMI fait valoir que les décisions attaquées font une application correcte de la jurisprudence communautaire en la matière.

27      En ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours aurait considéré à juste titre qu’il est constitué par le consommateur moyen. Ce consommateur orienterait son choix sur le producteur, puis sur le type de préparation, mais n’aurait aucune raison d’examiner attentivement la tablette.

28      Pour établir comment les tablettes de détergent seront perçues par ce consommateur moyen, les signes en cause devraient être appréciés également au regard des modalités habituelles de commercialisation de ces produits, telles que le fait qu’ils sont vendus dans un emballage. L’hypothèse consistant à vendre les tablettes dans un emballage ayant la forme des marques demandées ou à utiliser la tablette comme un badge attaché à l’emballage serait dépourvue de pertinence, une telle représentation étant perçue par le consommateur moyen comme une simple description ou présentation des produits contenus dans l’emballage. Les marques demandées ne sauraient donc être confondues avec une marque tridimensionnelle n’ayant aucun rapport avec le produit concerné.

29      En ce qui concerne l’appréciation des marques demandées, la requérante ne contesterait pas le fait qu’elles correspondent aux produits concernés, à savoir des détergents comprimés en tablette. Dans ces conditions, en l’absence d’éléments supplémentaires individualisant les tablettes en cause, le consommateur moyen les percevrait comme une forme possible et courante des produits eux-mêmes, et non comme une indication de leur origine commerciale.

30      En l’occurrence, les tablettes en cause présenteraient simplement une autre combinaison des divers éléments déjà jugés dépourvus de caractère distinctif, à savoir la forme rectangulaire avec bords biseautés, l’existence de plusieurs couches de différentes couleurs et la présence d’incrustations [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette rectangulaire vert et blanc), T‑336/99, Rec. p. II‑2589 ; Tablette carrée avec incrustation et Tablette rectangulaire avec incrustation, précités].

31      La forme des tablettes en cause, rectangulaire ou cubique, serait une forme de base venant naturellement à l’esprit pour des tablettes de détergent et habituelle sur le marché. Le rapport géométrique des divers bords du cube et le biseautage seraient de simples variations de cette forme, dépourvues de pertinence.

32      L’utilisation de différentes couleurs, en ce qu’elle suggérerait au consommateur la présence de plusieurs ingrédients actifs, répondrait à un objectif fonctionnel. Il s’agirait d’ailleurs, en l’espèce, de couleurs basiques telles que le vert, le bleu et le lilas.

33      L’adjonction d’une incrustation au milieu de la tablette serait une combinaison naturelle des différents ingrédients actifs. L’incrustation aurait pour principale fonction d’indiquer la présence d’un ingrédient actif additionnel. Il découlerait de la jurisprudence que l’utilisation d’une forme triangulaire pour une telle incrustation ne confère pas à la marque un caractère distinctif (arrêt Tablette rectangulaire avec incrustation, précité, points 59 et 60). La forme à quatre, cinq ou six pétales de l’incrustation en cause serait une forme géométrique aussi basique qu’une forme triangulaire.

34      Même si la forme en cause devait être interprétée comme un dessin floral, ce qui demanderait une grande attention de la part du consommateur, elle serait seulement perçue comme un élément décoratif. En outre, par rapport aux produits de lavage, une forme florale ferait référence à la fraîcheur, à la propreté et à une odeur agréable. Elle constituerait donc une variation non pertinente d’une incrustation de tablette et non un dessin distinctif.

35      L’existence de marques communautaires figuratives ayant une forme comparable à celle de l’incrustation en cause n’affecterait pas ladite considération. Le public pertinent ne percevrait pas de la même façon les marques figuratives indépendantes de la forme des produits concernés, telles qu’invoquées par la requérante, et les éléments des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit, telles que celles visées en l’espèce.

36      Les éléments des marques demandées, considérés séparément ou ensemble, ne seraient pas suffisamment frappants et distincts pour être perçus comme autre chose qu’une simple association de couleurs et de formes basiques et banales, autrement dit une tablette de détergent parmi d’autres.

37      Les décisions antérieures de l’OHMI concernant d’autres tablettes ne sauraient être utilement invoquées par la requérante [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 67]. En outre, en admettant l’enregistrement des tablettes avec la lettre « s » stylisée et avec le dessin « yin-yang », l’OHMI a considéré que lesdits éléments ne seraient pas perçus comme des éléments fonctionnels représentant un autre ingrédient actif.

38      Le fait que les signes en cause ont été enregistrés au Benelux ne saurait lier l’OHMI. En outre, lesdits enregistrements auraient été effectués avant le prononcé des premiers arrêts du Tribunal relatifs aux tablettes de détergent.

39      S’agissant, enfin, des considérations tirées de l’impératif de disponibilité, la chambre de recours aurait appliqué, pour des formes géométriques de base, la jurisprudence de la Cour concernant les couleurs (arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793). En outre, lesdites considérations n’ayant été évoquées qu’à titre d’arguments surabondants, leur prétendu défaut de pertinence ne saurait conduire à l’annulation des décisions attaquées.

 Appréciation du Tribunal

40      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

41      Le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, points 32 et 33, et la jurisprudence citée).

42      En l’espèce, il convient de relever que chaque marque demandée est constituée par la forme, les couleurs et le dessin du produit pour lequel l’enregistrement de la marque est demandé, à savoir une tablette de détergent carrée blanche avec un dessin coloré figurant au centre de la face supérieure.

43      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Néanmoins, il y a lieu de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Procter & Gamble/OHMI, précité, point 36, et arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, Rec. p. I‑5677, points 24 et 25, et la jurisprudence citée).

44      Dans ces conditions, seule une marque qui diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’identification de l’origine du produit n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (voir arrêt Storck/OHMI, précité, point 26, et la jurisprudence citée).

45      À la lumière de ces considérations, il convient d’examiner, tout d’abord, les arguments de la requérante concernant le niveau d’attention du consommateur concerné à l’égard de l’apparence de tablettes détergentes et, ensuite, ceux relatifs à l’appréciation de chacune des marques demandées.

 Sur le niveau d’attention du consommateur concerné

46      S’agissant du consommateur concerné en l’espèce, la chambre de recours a relevé que les produits en cause sont des biens de consommation courante, visant tous les consommateurs.

47      Cette considération ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante, qui n’est étayé par aucun élément de fait précis, selon lequel ces produits, bien qu’étant de consommation courante, seraient achetés par un public restreint composé des consommateurs qui effectuent leurs achats quotidiennement.

48      Il y a donc lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêts Tablette carrée avec incrustation, précité, point 52, et Tablette rectangulaire avec incrustation, précité, point 52, confirmés par arrêt Procter & Gamble/OHMI, précité, points 33 et 35).

49      Le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26). À cet égard, le Tribunal a déjà constaté que, s’agissant de produits de consommation quotidienne, le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de la forme et du dessin des tablettes pour lave-linge et pour lave-vaisselle n’était pas élevé (arrêts Tablette carrée avec incrustation, précité, point 53, et Tablette rectangulaire avec incrustation, précité, point 53).

50      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de l’apparence des produits en cause n’est pas élevé (point 23 de la décision attaquée dans l’affaire T‑241/05 et points correspondants des autres décisions attaquées).

51      Cette considération n’est pas susceptible d’être infirmée par l’argument de la requérante tiré des différences de prix entre le produit détergent vendu sous la forme de tablettes et celui qui se présente sous forme liquide ou en poudre, voire entre les tablettes détergentes et d’autres produits de consommation quotidienne. En effet, la requérante n’indique pas pour quelles raisons, alors que le produit détergent concerné est de consommation courante, le prix de ce produit justifierait une autre conclusion quant au niveau d’attention du consommateur moyen.

52      En outre, dans le cadre de l’appréciation des habitudes du consommateur concerné, il convient également de prendre en compte les modalités habituelles de commercialisation du produit en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 48]. Contrairement à ce que soutient la requérante, la prise en compte des modalités de commercialisation prévalant habituellement sur le marché concerné ne s’écarte pas de la jurisprudence selon laquelle un concept de commercialisation particulier envisagé par le demandeur d’une marque, qui dépend donc du choix de l’entreprise concernée et peut être modifié après l’enregistrement, est un facteur qui ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation du caractère enregistrable de la marque (arrêt TELE AID, précité, point 42).

53      En l’espèce, la chambre de recours a donc pu légalement prendre en considération le fait que les tablettes détergentes sont vendues, habituellement, dans des emballages portant le nom du produit et sur lesquels apparaissent, souvent, des marques verbales ou figuratives ou d’autres éléments figuratifs parmi lesquels peut être représentée l’image du produit (point 24 de la décision attaquée dans l’affaire T‑241/05 et points correspondants des autres décisions attaquées).

54      Or, il ressort de la jurisprudence que, en règle générale, le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de l’apparence des produits commercialisés de cette manière n’est pas élevé. Dans ces conditions, il appartient au demandeur d’une marque de démontrer, par des indications concrètes et étayées, qu’il en va autrement des habitudes des consommateurs sur le marché concerné (arrêt Tablette ovoïde, précité, point 48).

55      Par conséquent, il convient d’examiner si la requérante a démontré, par des indications concrètes et étayées, que le consommateur sur le marché concerné est habitué à percevoir l’apparence de la tablette détergente comme une indication de son origine commerciale.

56      Tout d’abord, l’argument de la requérante tiré de l’intérêt des producteurs concernés à distinguer l’apparence de leurs produits, illustré par la diversité des tablettes présentes sur le marché ainsi que par le nombre de demandes de marques tridimensionnelles déposées dans le secteur, ne suffit pas, à lui seul, pour conclure que l’apparence de ces produits est normalement perçue, par le consommateur concerné, comme une indication de leur origine commerciale (voir, en ce sens, arrêt Tablette ovoïde, précité, point 50).

57      S’agissant, ensuite, de l’hypothèse de la requérante, selon laquelle les tablettes peuvent être attachées à l’emballage, vendues dans un emballage transparent ou dans un emballage ayant la forme de la tablette, il convient d’observer que la requérante ne soutient pas que ces modes de présentation des produits sont habituellement utilisés sur le marché concerné. Cet argument ne permet donc pas de rendre compte des habitudes du consommateur concerné.

58      S’agissant, en outre, de l’argument de la requérante selon lequel les tablettes peuvent être dessinées sur leur emballage, il convient d’observer que celui-ci comporte habituellement un grand nombre d’éléments verbaux et figuratifs, et notamment le nom du produit et des marques verbales ou figuratives. Cette observation est confirmée par des exemples d’emballages de tablettes pour lave-linge et pour lave-vaisselle présentés par la requérante devant la chambre de recours et devant le Tribunal. Dans ces conditions, et sans exclure la possibilité que plusieurs marques figurent en même temps sur un emballage, le fait que le produit est dessiné sur un emballage ne prouve pas que le consommateur prête une attention particulière à son apparence, en tant qu’indication de son origine.

59      Enfin, en réponse à la critique selon laquelle la chambre de recours aurait omis de prendre en considération certains éléments, tels que le prix du produit et la manière dont ce dernier est présenté dans les messages publicitaires, premièrement, il convient de rappeler que la requérante n’indique pas en quoi une différence de prix des produits de grande consommation serait susceptible d’influer sur le niveau d’attention du consommateur moyen concerné (voir point 51 ci-dessus).

60      Deuxièmement, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir analysé les messages publicitaires utilisés dans le secteur concerné, alors que la requérante, comme elle l’a confirmé lors de l’audience, n’a pas invoqué ces éléments devant l’OHMI. Il convient de rappeler que, en l’espèce, il appartenait au demandeur de marque de démontrer que, sur le marché concerné, le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de l’apparence du produit est élevé (voir point 54 ci-dessus).

61      En tout état de cause, il y a lieu d’observer, s’agissant des exemples de messages publicitaires annexés aux requêtes dans les affaires T‑29/06 à T‑31/06, qu’il ne peut pas en être déduit que le consommateur concerné perçoit les images de tablettes figurant dans la publicité télévisée autrement que comme la démonstration des caractéristiques du produit, telles que le fait que le détergent sous la forme solide est pratique à utiliser et que la tablette contient plusieurs ingrédients colorés. Il en va d’autant plus ainsi que le consommateur moyen fait preuve d’un degré d’attention moins élevé, lorsqu’il perçoit les produits et les marques s’y rapportant dans des circonstances étrangères à l’acte d’achat (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, Rec. p. I‑643, point 41, et Storck/OHMI, précité, point 72).

62      Au vu de ces considérations, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité d’une partie des éléments en cause qui n’ont pas été produits devant la chambre de recours, il convient de constater que les éléments présentés par la requérante ne suffisent pas à démontrer que le consommateur concerné prête une attention particulière à l’apparence de la tablette détergente ou qu’il est habitué à la percevoir comme une indication de son origine commerciale.

63      Par conséquent, il convient de confirmer l’appréciation opérée par la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du consommateur moyen à l’égard de la forme et du dessin de la tablette de produit détergent n’est pas élevé.

 Sur les marques demandées

64      En ce qui concerne l’appréciation du caractère distinctif de chaque marque demandée, il convient d’examiner si, au regard de l’impression d’ensemble produite par la combinaison de sa forme, de ses couleurs et de son dessin, celle‑ci peut être perçue par le consommateur concerné comme une indication de son origine commerciale.

65      Cette appréciation n’est pas incompatible avec un examen successif des éléments constitutifs de la marque demandée (arrêts Tablette carrée avec incrustation, précité, point 54, et Tablette rectangulaire avec incrustation, précité, point 54, confirmés par arrêt Procter & Gamble/OHMI, précité, points 44 et 45).

66      S’agissant, tout d’abord, de la forme des tablettes concernées, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort notamment des exemples de tablettes présentés par la requérante, que les formes rectangulaires sont habituellement utilisées pour les tablettes de produit détergent. En outre, les simples formes géométriques, telles que le carré ou le rectangle, viennent naturellement à l’esprit pour un produit destiné au lave-linge ou au lave-vaisselle (arrêts Tablette carrée avec incrustation, précité, point 56, et Tablette rectangulaire avec incrustation, précité, point 56). Or, la forme en cause, carrée voire cubique avec des coins légèrement arrondis, identique pour chaque tablette concernée, ne présente pas de différence facilement perceptible par rapport aux formes habituelles des tablettes de produit détergent.

67      La chambre de recours a donc pu considérer sans erreur d’appréciation que la forme de la tablette concernée s’impose d’une manière évidente pour le produit concerné.

68      Quant à la présence de deux couleurs distinctes dans la tablette de produit détergent, il y a lieu de relever que le public concerné est habitué à la présence d’éléments de couleurs différentes dans un produit détergent. En outre, dans la mesure où la publicité réalisée par les producteurs de détergents met en exergue le fait que les éléments colorés matérialisent la présence de différentes substances actives, le consommateur concerné est amené à percevoir leur présence comme la suggestion de certaines qualités du produit, et non comme l’indication de son origine [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 51, et Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanc, tacheté de vert, et vert pâle), T‑118/00, Rec. p. II‑2731, point 61].

69      En l’espèce, le recours à deux couleurs dans les tablettes concernées, à savoir le blanc et, selon la tablette, le bleu, le vert ou le lilas, ne s’écarte pas de la présentation habituelle des produits en cause. En particulier, la requérante n’indique pas en quoi ces couleurs seraient frappantes pour des produits détergents.

70      Par ailleurs, il ne ressort aucunement des décisions attaquées que la chambre de recours a omis de prendre en compte la présence de deux couleurs. Si cet aspect de la tablette n’est explicitement évoqué que dans les décisions attaquées dans les affaires T‑346/05 (point 23) et T‑347/05 (point 24), il convient d’observer que chaque décision attaquée donne une description de la marque demandée, avec la mention des couleurs, dans les premiers points des motifs. En outre, il ressort des décisions attaquées que la chambre de recours a repris à son compte les appréciations de l’examinateur, qui, citées dans l’exposé de faits, traitent explicitement des couleurs.

71      S’agissant des dessins colorés figurant sur une face de la tablette, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé que l’ajout d’une incrustation sur la face supérieure d’une tablette de produit détergent vient naturellement à l’esprit pour combiner différentes substances actives (voir, en ce sens, arrêts Tablette carrée avec incrustation, précité, points 59 et 60, et Tablette rectangulaire avec incrustation, précité, points 59 et 60).

72      Étant donné que le consommateur concerné est habitué au fait que les éléments colorés matérialisent la présence de différentes substances actives dans la tablette (voir point 68 ci-dessus), la considération exposée au point précédent vaut également pour l’ajout d’une incrustation colorée. Cette considération est d’ailleurs confirmée par des exemples tirés des emballages de tablettes présentés par la requérante devant le Tribunal, qui se réfèrent explicitement au fait que l’incrustation colorée, ronde ou ovale matérialise la présence d’une substance active différente.

73      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que l’ajout d’un dessin sur la face supérieure de chaque tablette, décrit comme une « figure [rectangulaire, pentagonale ou hexagonale] sous la forme d’un dessin floral à [quatre, cinq ou six] pétales » où une « forme irrégulière [octogonale] avec les coins arrondis » où encore une « figure à pétales », ne confère pas à celle-ci de caractère distinctif. La chambre de recours a indiqué que l’ajout d’une incrustation fait partie des solutions évidentes pour combiner les différentes substances actives et que la combinaison de la forme et du dessin de la tablette concernée se présente comme l’association « de deux formes géométriques de base », voire « d’une forme géométrique de base et d’une incrustation irrégulière », faisant partie des variantes de la présentation du produit venant naturellement à l’esprit (points 28 et 29 de la décision attaquée dans l’affaire T‑241/05 et points correspondants des autres décisions attaquées).

74      À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de ces considérations que la chambre de recours a dénaturé l’un quelconque des dessins concernés en le comparant à la forme géométrique de base. En effet, le Tribunal a déjà admis qu’une forme irrégulière peut être décrite comme une variante des formes géométriques de base, dans la mesure où les différences par rapport à ces formes basiques ne sont pas facilement perceptibles (voir, en ce sens, arrêt Tablette ovoïde, précité, points 55 à 57). En l’espèce, la chambre de recours a donc pu comparer le dessin symétrique des tablettes concernées représentant une figure florale à quatre, cinq ou six pétales à une variante d’une forme géométrique rectangulaire, pentagonale ou hexagonale, sans dénaturer cet élément.

75      Or, compte tenu de la simplicité des dessins en cause et de leur faible écart par rapport aux formes géométriques de base, qui se prêtent le plus à l’ajout d’un ingrédient actif au milieu de la tablette de détergent, la chambre de recours a pu considérer, sans commettre d’erreur d’appréciation, que chaque dessin en cause serait perçu comme une incrustation signalant la présence d’un autre ingrédient actif.

76      Il n’y a donc pas lieu de faire droit à l’argument de la requérante selon lequel le dessin coloré de chaque tablette concernée ne se confond avec aucun aspect du produit en cause, ni à l’argument selon lequel ce dessin présente un élément susceptible d’influencer significativement la perception de la marque demandée.

77      Enfin, la chambre de recours a pu relever à bon droit, dans le cadre de l’appréciation de l’impression d’ensemble produite par chaque marque demandée, que la combinaison de la forme, des couleurs et du dessin est, dans chaque tablette, une variante de la présentation habituelle du produit concerné, impropre à identifier ce produit comme provenant d’une entreprise déterminée et à le distinguer de ceux d’autres entreprises, et que le consommateur moyen concerné percevra chaque marque demandée exclusivement comme la forme d’un détergent et non comme une indication de son origine commerciale (points 30 à 33 de la décision attaquée dans l’affaire T‑241/05 et points correspondants des autres décisions attaquées).

78      En effet, il convient de considérer que l’ajout, au milieu de la tablette, d’une figure symétrique telle que celle que représente chacun des dessins en cause ne modifie pas l’apparence de la tablette de manière significative. Le combinaison de la forme carrée blanche des tablettes concernées avec un dessin coloré, à savoir les images florales à quatre, cinq ou six pétales en cause, ne s’écarte pas de façon significative de la présentation venant naturellement à l’esprit de la tablette de détergent, dans laquelle les diverses substances actives sont réparties de façon décorative.

79      Au vu de ce qui précède, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours aurait omis de prendre en considération l’impression d’ensemble de chaque marque demandée, ni qu’elle aurait méconnu le fait qu’un signe peut remplir plusieurs fonctions simultanées.

80      En outre, dans la mesure où la requérante critique la formulation des motifs des décisions attaquées relatifs à l’appréciation de l’impression d’ensemble de chaque tablette concernée, il convient d’observer qu’il ne ressort pas desdites décisions que la chambre de recours a présenté des exigences erronées ou excessives dans le cadre de l’appréciation en cause. En effet, si la chambre de recours s’est référée, à titre d’exemple, à l’absence d’un « nom, logo ou signe » sur la tablette ainsi qu’au manque de caractère « spécial, extraordinaire ou inhabituel » de son dessin, elle s’est en réalité fondée sur l’absence d’un élément de présentation susceptible d’influencer la perception du consommateur moyen concerné ainsi que sur l’absence d’un dessin susceptible d’être aperçu et mémorisé par ce consommateur (point 31 de la décision attaquée dans l’affaire T‑241/05 et points correspondants des autres décisions attaquées).

81      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’absence de caractère distinctif d’une marque ne saurait être infirmée par le nombre plus ou moins grand de formes similaires présentes sur le marché [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette rectangulaire rouge et blanc), T‑335/99, Rec. p. II‑2581, point 57, confirmé par arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 62], ni par l’absence sur le marché de formes identiques à celle dont l’enregistrement est demandé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, Rec. p. II‑1511, point 40].

82      Ainsi, en l’espèce, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que chaque marque demandée constituait une variante des éléments venant naturellement à l’esprit pour les produits concernés, même si une combinaison similaire n’était pas présente sur le marché. L’argument de la requérante tiré de l’absence alléguée sur le marché de tablettes contenant un dessin coloré ne saurait donc, en tout état de cause, prospérer.

83      L’absence de caractère distinctif ne saurait non plus être remise en cause par le fait que la chambre de recours n’a pas fourni d’exemples concrets de tablettes détergentes utilisées dans le commerce. En effet, une telle conclusion peut être légalement fondée sur des faits notoires, résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de consommation générale, sans qu’il y ait nécessairement lieu de fournir des exemples concrets [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec. p. II‑3849, point 58].

84      S’agissant des arguments tirés des enregistrements antérieurs effectués par l’OHMI, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 40/94 et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 48, et la jurisprudence citée).

85      En tout état de cause, il convient de relever que, en l’espèce, les enregistrements antérieurs invoqués par la requérante ne permettent pas de démontrer le caractère distinctif des marques demandées.

86      Premièrement, s’agissant des enregistrements comme marques communautaires de formes géométriques élémentaires et d’images florales, il convient de rappeler que le consommateur moyen ne perçoit pas de la même manière un signe figuratif indépendant de l’aspect des produits qu’il désigne et les éléments d’un signe tridimensionnel qui se confond avec l’apparence du produit (voir point 43 ci-dessus). Deuxièmement, la ressemblance alléguée entre la figure à six pétales de certaines marques demandées (affaires T‑241/05, T‑262/05 et T‑346/05) et le logo d’Ariel n’est pas facilement perceptible. Troisièmement, s’agissant des marques tridimensionnelles communautaires revêtant la forme de tablettes comportant des figures ressemblant à une lettre « s », à un symbole « yin-yang » et à une goutte d’eau, il convient d’observer que celles-ci contiennent des éléments qui ne sont pas comparables à ceux des marques demandées.

87      En ce qui concerne l’enregistrement de certains signes en cause par le bureau Benelux des marques, il est de jurisprudence constante que les enregistrements effectués dans des États membres constituent des éléments qui, sans être déterminants, peuvent être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire (voir, en ce sens, arrêt Tablette ronde rouge et blanc, précité, point 58, et la jurisprudence citée). Or, la requérante ne présente aucun élément d’argumentation qui pourrait être tiré, en l’espèce, de la décision du bureau Benelux des marques.

88      S’agissant, enfin, des critiques que la requérante dirige contre la prise en considération de l’impératif de disponibilité des formes géométriques de base, qui résulte des motifs de sept des neuf décisions attaquées (voir, à titre indicatif, points 35 à 39 de la décision attaquée dans l’affaire T‑241/05), il convient d’observer que cet argument, qui est certes mal fondé en droit, ne figure dans les décisions, de façon explicite, qu’à titre surabondant et ne saurait donc justifier leur annulation.

89      Il s’ensuit que l’argument tiré de ces mentions inappropriées doit être rejeté comme inopérant.

90      Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que la chambre de recours a démontré à suffisance de droit, pour chacune des marques demandées, que, au regard de l’impression d’ensemble qui se dégage de la combinaison de la forme, des couleurs et du dessin des tablettes concernées, celles-ci ne permettront pas au consommateur moyen concerné d’identifier l’origine commerciale des produits en cause, lorsqu’il sera appelé à arrêter son choix lors d’un achat.

91      Par conséquent, il convient de rejeter les recours comme non fondés.

 Sur les dépens

92      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Vadapalas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’anglais.