Language of document : ECLI:EU:T:2012:212

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 mai 2012(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale KARRA – Marques nationales et communautaire figuratives antérieures Kara – Dénomination sociale Conceria Kara Srl et nom commercial Kara – Motifs relatifs de refus – Article 75, première phrase, du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 8 de la convention de Paris – Mauvaise foi »

Dans l’affaire T‑270/10,

Conceria Kara Srl, établie à Trezzano sul Naviglio (Italie), représentée par Me P. Picciolini, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Mannucci, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Dima – Gida Tekstil Deri Insaat Maden Turizm Orman Urünleri Sanayi Ve Ticaret Ltd Sti, établie à Istanbul (Turquie),

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 29 mars 2010 (affaire R 1172/2009-2), relative à une procédure d’opposition entre Conceria Kara Srl et Dima – Gida Tekstil Deri Insaat Maden Turizm Orman Urünleri Sanayi Ve Ticaret Ltd Sti,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mmes I. Wiszniewska-Białecka et M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 septembre 2006, la demanderesse, Dima – Gida Tekstil Deri Insaat Maden Turizm Orman Urünleri Sanayi Ve Ticaret Ltd Sti, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal KARRA.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 18, 20, 24, 25 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, malles, valises, sacs de voyage, sacs à dos, sacs, sacs à main, sets de voyage, parapluies, parasols, cannes, porte-monnaie, portefeuilles, porte-documents, porte-clés, trousses à maquillage » ;

–        classe 20 : « Articles d’ameublement, tels que meubles, divans, miroirs, cadres, rideaux » ;

–        classe 24 : « Tissus ; rideaux pour la décoration ; serviettes de plage ; linge de bain ; linge de maison ; serviettes ; draps ; doublures ; couvertures de lit et de table ; nappes » ;

–        classe 25 : « Vêtements, robes, pantalons, chemises, chemisiers, chandails, jupes, pardessus, vêtements imperméables, gilets, vestes, ceintures, cravates, gants, chapeaux, bas, fichus, sous-vêtements, chaussures, bérets, maillots de bain, sorties de bain, pantalons et shorts (vêtements de plage), écharpes (vêtements), sandales, pantoufles, robes de chambre, peignoirs de bain, bonnets de bain, vêtements en cuir » ;

–        classe 35 : « Organisation d’expositions à buts commerciaux ou publicitaires ; services consistant à rassembler des articles de mode, tels que des produits cosmétiques, parfums, lunettes, bijouterie, horloges, montres, articles en cuir, sacs, ameublement, matières textiles, vêtements, chaussures, chapellerie (excepté leur transport), par le biais de magasins, grands magasins et sites web pour l’achat en ligne, afin de permettre au public de les visualiser facilement en vue de réaliser un achat ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 11/2007, du 19 mars 2007.

5        Le 5 juin 2007, la requérante, Conceria Kara Srl, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement nº 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque italienne figurative reproduite ci-après, déposée le 20 juin 1996 et enregistrée le 14 décembre 1998, sous le numéro 761972, pour des produits et les services relevant des classes 18 et 40 au sens de l’arrangement de Nice :

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–        la marque italienne figurative reproduite ci-après, déposée le 12 novembre 1996 et enregistrée le 29 décembre 1998, sous le numéro 765532, pour des produits relevant de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice :

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–        la marque communautaire figurative reproduite ci-après, déposée le 24 juillet 1998 et enregistrée le 4 octobre 1999, sous le numéro 887810, pour des produits relevant notamment des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice :

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–        la dénomination sociale Conceria Kara Srl, enregistrée le 19 février 1996 au Registro delle Imprese di Milano (registre des sociétés de Milan), et le nom commercial Kara utilisé dans la vie des affaires pour tous les produits et les services couverts par les marques susmentionnées.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphes 4 et 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphes 4 et 5, du règlement nº 207/2009].

8        Le 18 janvier 2008, sur requête de la demanderesse, la requérante a été invitée par l’OHMI à apporter la preuve, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94 (devenu article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009), de l’usage sérieux des marques antérieures sur le territoire pertinent, au cours des cinq années précédant la publication de la demande de marque communautaire.

9        Le 12 mars 2008, la requérante a communiqué à l’OHMI, à titre de preuve de l’usage de ses marques antérieures, les documents suivants :

–        une déclaration sous serment ;

–        des comptes certifiés de la requérante pour les exercices de 2004, 2005 et 2006 ;

–        des factures relatives aux années 2002 à 2007 ;

–        l’enregistrement du nom de domaine www.conceriakara.com ainsi que des extraits de celui-ci ;

–        des publicités, des catalogues de vente, des brochures et des publications dans des revues internationales ;

–        des commandes et des demandes d’échantillons faites par divers stylistes de mode ;

–        des factures de vente adressées à la demanderesse et à des clients extra européens ;

–        de la documentation publicitaire, des campagnes publicitaires, des documents relatifs à la participation à des salons et à des foires dans les années 2002 à 2004 ;

–        des publications dans des journaux et supports divers.

10      Le 7 août 2009, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition. Elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre la marque antérieure nº 761972 et la marque demandée, dû notamment à leur similitude phonétique, bien que seulement en ce qui concerne les produits « cuir et imitations du cuir » relevant de la classe 18.

11      Le 6 octobre 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 29 mars 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

13      En premier lieu, la chambre de recours a considéré que la division d’opposition avait à juste titre conclu que la requérante avait uniquement démontré l’usage sérieux de ses marques antérieures en ce qui concerne les produits « cuirs et peaux, imitations du cuir et de la peau » relevant de la classe 18 et les « services de tannerie » relevant de la classe 40.

14      En deuxième lieu, elle a estimé que l’opposition ne pouvait être considérée comme fondée qu’au regard de l’enregistrement de la marque antérieure nº 761972 en ce qui concerne uniquement les produits « cuir et imitations de cuir » relevant de la classe 18. Selon la chambre de recours, ces derniers étaient les seuls qui pouvaient être considérés comme semblables ou identiques aux produits visés par la marque demandée au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

15      En troisième lieu, la chambre de recours a indiqué que, bien que la requérante n’ait pas contesté expressément les conclusions de la division d’opposition à l’égard de l’article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement nº 207/2009 et de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de paris »), elle estimait approprié de préciser que ces conclusions devaient être considérées comme correctes.

16      En quatrième lieu, la chambre de recours a relevé que, contrairement aux arguments de la requérante, la prétendue mauvaise foi de la demanderesse ne pouvait pas fonder une violation de l’article 8 du règlement nº 207/2009, quoiqu’elle puisse être invoquée à un stade ultérieur, conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, comme cause de nullité absolue devant la division d’annulation de l’OHMI.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner la production des dossiers de procédure de l’OHMI B 1171453 et R 1172/2009-2.

18      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de production des dossiers de procédure de l’OHMI B 1171453 et R 1172/2009-2 présentée par la requérante

19      La requérante demande au Tribunal d’ordonner à l’OHMI la production des dossiers de procédure B 1171453 et R 1172/2009‑2.

20      À cet égard, il convient de relever que les dossiers de procédure B 1171453 et R 1172/2009‑2 concernent la procédure devant la division d’opposition de l’OHMI et celle devant la chambre de recours. Or, le dossier de la procédure devant la chambre de recours a été transmis au Tribunal conformément à l’article 133, paragraphe 3, de son règlement de procédure. Ce dossier contenait également une reproduction du dossier relatif à la procédure devant la division d’opposition.

21      La demande de production des dossiers de procédure B 1171453 et R 1172/2009‑2 est donc devenue sans objet. Il s’ensuit qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celle-ci.

 Sur le fond

22      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 75, première phrase, du règlement nº 207/2009, d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, et de la mauvaise foi de la demanderesse au moment du dépôt de la demande d’enregistrement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 75, première phrase, du règlement nº 207/2009

23      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’obligation qui lui incombait de motiver à suffisance de droit la décision attaquée en vertu de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009.

24      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

25      Aux termes de l’article 75, première phrase, du règlement nº 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées.

26      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation consacrée par cette disposition a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, point 73, et la jurisprudence citée].

27      Il ressort de la même jurisprudence que la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt VITATASTE et METABALANCE 44, précité, point 73, et la jurisprudence citée).

28      Il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 55, et la jurisprudence citée].

29      S’agissant du premier grief selon lequel la chambre de recours aurait opéré un renvoi à caractère intégral aux conclusions de la décision de la division d’opposition sans fournir aucune motivation fondant son raisonnement, il y a lieu de relever qu’il résulte de la lecture même de la décision attaquée que l’argumentation de la requérante manque en fait.

30      En effet, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à un examen détaillé de chacun des moyens avancés par la requérante à l’appui du recours, à savoir ceux tirés respectivement du caractère suffisant de la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures (voir points 15 à 27 de la décision attaquée), de l’existence d’un risque de confusion (voir points 29 à 39 de la décision attaquée) et de la mauvaise foi de la part de la demanderesse lors du dépôt de la demande d’enregistrement (voir point 40 de la décision attaquée). Dans le cadre de cet examen, la chambre de recours a expliqué les raisons qui permettaient de considérer comme correctes les appréciations faites par la division d’opposition et a exposé les motifs qui l’amenaient à rejeter les arguments présentés par la requérante à l’encontre de telles appréciations. Le fait que la chambre de recours ait confirmé la décision de la division d’opposition dans sa conclusion (voir point 41 de la décision attaquée) ne saurait être considéré, contrairement à ce que prétend la requérante, comme un renvoi à caractère intégral dépourvu de toute motivation à la décision de la division d’opposition.

31      Il convient de relever néanmoins, à l’instar de la requérante, que, en ce qui concerne les conclusions de la division d’opposition sur l’application, au cas d’espèce, de l’article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement nº 207/2009, et de l’article 6 bis de la convention de Paris, la chambre de recours s’est limitée à affirmer qu’« elle considér[ait] comme correctes les conclusions de la division d’opposition sur lesdits motifs, pour les raisons exposées dans la décision elle-même, auxquelles la chambre renvo[yait] intégralement » (voir point 10 de la décision attaquée).

32      Or, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, sous réserve que la motivation puisse permettre aux intéressés de connaître de façon claire et non équivoque le contenu de la mesure, les chambres de recours ont toute liberté de renvoyer à la décision administrative de première instance et d’y adhérer, sans pour autant violer l’obligation de motivation qui leur incombe (voir, en ce sens, arrêt Mozart, précité, points 47, 48 et 50).

33      En l’espèce, il ressort de la décision de la division d’opposition que cette dernière a constaté que la requérante n’avait fourni, dans les délais établis à cette fin par l’OHMI, ni la preuve nécessaire pour soutenir l’existence de la protection de Conceria Kara Srl en tant que dénomination sociale, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, ni ses allégations quant au caractère renommé ou notoirement connu des marques antérieures sur le territoire de l’Union européenne, au sens, respectivement, de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009, et de l’article 6 bis de la convention de Paris (voir pages 6, 10 et 11 de la décision de la division d’opposition).

34      Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la division d’opposition a expliqué la raison pour laquelle l’application desdites dispositions n’était pas justifiée au cas d’espèce.

35      Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

36      S’agissant du deuxième grief selon lequel la chambre de recours aurait omis d’examiner et de se prononcer sur certaines preuves que la requérante a avancées aux fins de démontrer l’usage sérieux des marques antérieures, dont notamment une série de factures et des extraits de son site Internet, il y a lieu de constater, au contraire, que la chambre de recours a examiné un par un les documents communiqués à l’OHMI par la requérante le 12 mars 2008 pour une telle démonstration (voir points 15 à 25 de la décision attaquée) ainsi que les documents qu’elle a présentés pour la première fois devant la chambre de recours à cette même fin (voir point 26 de la décision attaquée).

37      En particulier, en ce qui concerne les factures de la requérante, la chambre de recours a examiné tant celles adressées à des clients européens que celles adressées à des clients en dehors de l’Union européenne, y inclus la demanderesse. Elle a expliqué, à la suite de cet examen, que ces documents permettaient de constater que l’activité de la requérante était consacrée à la fabrication et à la commercialisation de peaux et de cuirs imprimés et non pas à la confection de produits finis en peau et en cuir (voir points 20 à 22 de la décision attaquée). Par ailleurs, la chambre de recours a examiné les extraits tirés du site Internet de la requérante. En substance, elle a réitéré que ces extraits confirmaient l’activité de la requérante en tant que fabricant de peaux et de cuirs imprimés, travaillés à la main, mais non pas celle de fabricant de produits finis (voir points 23 et 26 de la décision attaquée).

38      Il s’ensuit que la chambre de recours a examiné les preuves que la requérante avait avancées aux fins de démontrer l’usage sérieux des marques antérieures, y compris les factures et les extraits de son site Internet. De même, elle a expliqué que cet examen l’amenait à conclure que ces preuves n’étaient pas suffisantes pour prouver un usage sérieux des marques antérieures allant au-delà de son activité de fabrication et de commercialisation de peaux et de cuirs imprimés. La requérante ne saurait, dès lors, lui reprocher de ne pas avoir motivé la décision attaquée à cet égard.

39      Le deuxième grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

40      S’agissant du troisième grief mettant en cause l’appréciation de la chambre de recours quant au caractère suffisant des preuves avancées par la requérante aux fins de démontrer l’usage sérieux des marques antérieures, il y a lieu de relever que ce grief vise à contester le bien-fondé de la motivation de la décision attaquée. Or, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation [arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, points 58 et 59, et du 17 décembre 2009, Notartel/OHMI – SAT.1 (R.U.N.), T‑490/07, non publié au Recueil, point 27]. Par conséquent, il y a lieu d’examiner ce troisième grief dans le cadre du deuxième moyen.

41      Il découle des considérations qui précèdent que la chambre de recours a suffisamment motivé sa décision, permettant ainsi à la requérante, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, de connaître les justifications de la mesure afin de défendre ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée.

42      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas violé l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009. Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009

43      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a considéré à tort que les éléments de preuve présentés par elle devant l’OHMI n’étaient pas suffisants aux fins de démontrer que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage sérieux pour la totalité des produits et des services relevant des classes 16, 18 et 25.

44      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

45      Aux termes de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 :

« 2. Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3. Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, [sous] a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée. »

46      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est celle de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié au Recueil, point 54, et la jurisprudence citée].

47      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 40]. Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient donc de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt VITAFRUIT, précité, point 42).

48      En l’espèce, il convient de relever, à titre liminaire, que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’usage des marques antérieures a été établi pour les produits « cuirs et peaux, imitations du cuir et de la peau », relevant de la classe 18, et les « services de tannerie », relevant de la classe 40 (voir point 27 de la décision attaquée), n’est pas remise en cause par la requérante.

49      En revanche, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours quant à la preuve de l’usage sérieux de ses marques antérieures en ce qui concerne les produits finis en cuir et en peau relevant de la classe 18 ainsi que les produits finis relevant des classes 16 et 25.

50      À cet égard, il y a lieu d’observer que la chambre de recours a considéré que ni les documents communiqués par la requérante à l’OHMI le 12 mars 2008 à titre de preuve de l’usage de ses marques antérieures ni les documents présentés pour la première fois devant elle à ce même titre n’étaient suffisants pour établir l’usage sérieux des marques antérieures en relation avec les produits finis relevant des classes 16, 18 et 25 (voir points 15 à 27 de la décision attaquée). En substance, la chambre de recours a estimé que ces produits et services étaient fabriqués et fournis par les clients de la requérante et non pas par la requérante elle-même.

51      S’agissant du premier grief selon lequel la chambre de recours aurait dû estimer que l’usage sérieux des marques antérieures par rapport aux produits finis visés par celles-ci découlait du fait que, lors de la confection de ces produits par les clients de la requérante, ces derniers utilisaient les matières premières qu’elle fabrique, il y a lieu de considérer qu’un tel grief ne saurait prospérer.

52      Selon la jurisprudence, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009 doit être interprété comme visant à éviter qu’une marque utilisée de manière partielle jouisse d’une protection étendue au seul motif qu’elle a été enregistrée pour une large gamme de produits ou services. Dans ces circonstances, seuls les produits qui ne sont pas essentiellement différents de ceux pour lesquels le titulaire de la marque antérieure a pu prouver un usage sérieux et qui relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire sont couverts par une telle marque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec. p. II‑2861, points 44 et 46].

53      Or, en l’espèce, force est de constater que les matières premières que la requérante fournit à ses clients sont soumises à un processus de transformation par ces derniers qui donne comme résultat des articles et des produits finis destinés à être vendus au consommateur final. Dans ces circonstances, même dans l’hypothèse où ces produits finis incorporent les peaux et les cuirs de la requérante ou même s’ils sont revêtus par ces matières, il y a lieu de considérer qu’il sont, tant par leur nature que par leur finalité et leur destination, essentiellement différents au sens de la jurisprudence précédente.

54      De surcroît, si la requérante fait valoir que, pour examiner l’usage sérieux des marques antérieures, la chambre de recours aurait dû prendre en considération que celles-ci sont souvent assimilées aux marques des produits finis, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut être constaté que lorsque cette marque est utilisée pour garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. Or, admettre l’argument avancé par la requérante équivaudrait à considérer qu’elle est, ensemble avec ses clients, le fabricant de ces produits finis, alors que cela, ainsi qu’il ressort de ses propres écritures lors de la procédure, ne correspond pas à la réalité de son exploitation commerciale.

55      La requérante soutient, en outre, que le fait que, lors de la confection de leurs produits finis, ses clients apposent leur propre marque et non pas la marque de la requérante est le résultat d’une simple pratique du secteur. Toutefois, à cet égard, il y a lieu de considérer que cette circonstance démontre, en revanche, la volonté des fabricants d’indiquer aux consommateurs qu’ils se trouvent à l’origine de la transformation des matières premières et de permettre aux consommateurs d’identifier qui est le créateur ultime des produits finis.

56      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’étendue de la protection d’une marque doit tenir compte des développements possibles de l’activité de l’entreprise en fonction de l’évolution du secteur et, en particulier, de la décision d’un fabricant de cuir d’exploiter la notoriété de sa propre marque et d’étendre son activité à la production de produits finis avec la même marque, il y a lieu de rappeler, au contraire, que, aux termes de l’article 42, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009, le titulaire d’une marque antérieure doit apporter la preuve de son usage sérieux au cours d’une période bien déterminée, à savoir les cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire. Il s’ensuit que le titulaire d’une marque antérieure qui n’a pas prouvé l’usage sérieux de ladite marque pour les produits visés au cours de la période indiquée ne saurait invoquer la protection de cette marque dans le cadre d’éventuels développements futurs de ces produits.

57      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de la pratique prétendument contraire de l’OHMI, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union européenne, et non sur la base d’une pratique antérieure de celles-ci [voir arrêt du Tribunal du 17 mars 2011, Jiménez Sarmiento/OHMI – Oxygène sport international (Q), T‑455/09, non publié au Recueil, point 43, et la jurisprudence citée]. Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de la pratique antérieure éventuellement contraire de l’OHMI ne saurait être accueilli.

58      Il s’ensuit que la chambre de recours a établi, à juste titre, que le seul fait que les produits finis que les clients de la requérante fabriquent et vendent au public incorporent les cuirs et les peaux confectionnés par elle ne saurait signifier que la requérante ait fait un usage sérieux des marques antérieures par rapport à de tels produits.

59      Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

60      S’agissant du deuxième grief selon lequel la chambre de recours aurait dû conclure, à la lumière des extraits du site Internet de la requérante, et, notamment, de la documentation publicitaire qui y apparaît, qu’elle fabrique des articles finis en peau et en cuir, il y a lieu de relever que ces documents démontrent, au contraire, que l’activité commerciale de la requérante ne comprend pas les produits finis relevant des classes 16, 18 et 25. En particulier, les photographies des produits finis en cuir présentes sur le site Internet de la requérante sont des démonstrations des applications possibles des produits de la requérante et ne signifient pas, en tout cas, une offre de vente. La chambre de recours a donc constaté, à bon droit, que ces photographies confirmaient l’activité commerciale de la requérante en tant que fabricant de « peaux et cuirs spéciaux imprimés, travaillés à la main », et non pas celle de producteur des produits en cuir finis.

61      Par ailleurs, quant à l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la publicité d’une marque dans un site Internet est, au sens de la jurisprudence italienne, suffisante pour démontrer son usage sérieux, il suffit de faire observer que le régime de la marque communautaire est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [voir arrêt du Tribunal du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II-1961, point 42, et la jurisprudence citée].

62      Le deuxième grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

63      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a avancé aucun argument permettant de considérer que l’examen de la chambre de recours quant à l’usage sérieux de ses marques antérieures est entaché d’erreur.

64      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas violé l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009. Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 et d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009

65      La requérante fait valoir, en substance, deux griefs. Le premier grief est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 et de l’article 8 de la convention de Paris. Le deuxième grief est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 et, en particulier, du principe d’interdépendance reconnu par la jurisprudence.

66      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

67      S’agissant du premier grief selon lequel la chambre de recours, lors de l’examen du risque de confusion, aurait dû prendre en compte le fait que le terme « kara » fait partie de la dénomination sociale de la requérante ainsi que de son nom commercial, protégés tant par l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009 que par l’article 8 de la convention de Paris, il convient de rappeler, d’abord, que, aux termes de la première de ces dispositions, l’existence d’une marque antérieure non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque légitime l’opposition si ceux‑ci remplissent les conditions suivantes : être utilisés dans la vie des affaires ; avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; conférer à leur titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente ; le droit aux signes en question doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où les signes ont été utilisés avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire [arrêts du Tribunal du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI – Mission Productions (Dr. No), T‑435/05, Rec. p. II‑2097, point 35, et du 14 septembre 2011, K-Mail Order/OHMI – IVKO (MEN’Z), T‑279/10, non publié au Recueil, point 17].

68      Selon la jurisprudence, les conditions précédentes sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne peut aboutir (voir, en ce sens, arrêts Dr. No, précité, point 35, et MEN’Z, précité, point 17).

69      En l’espèce, si la requérante fait valoir que le terme « kara » devrait bénéficier, en tant que composante de sa dénomination sociale ou de son nom commercial, de la protection prévue par l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 207/2009, force est de constater que, ainsi qu’il a été établi tant par la division d’opposition (voir page 11 de la décision de la division d’opposition) que par la chambre de recours, celle-ci à titre de renvoi (voir point 10 de la décision attaquée), elle n’a avancé aucun argument spécifique permettant de vérifier l’existence des conditions requises par ladite disposition.

70      Ensuite, en ce qui concerne l’article 8 de la convention de Paris, il y a lieu de relever que cette disposition se limite à énoncer que « le nom commercial sera protégé dans tous les pays [dans lesquels s’applique la convention] sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou de commerce ». Or, ce texte ne définit ni l’étendue ni les conditions de la protection conférée au nom commercial, mais se borne à formuler l’exigence de mettre en œuvre une telle protection. Cette imprécision du texte fait, à elle seule, obstacle à la création de droits dont la requérante pourrait se prévaloir devant le juge de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 novembre 2006, Camper/OHMI – JC (BROTHERS by CAMPER), T‑43/05, non publié au Recueil, points 83 et 84]. Dès lors, même en admettant que le terme « kara » soit un nom commercial au sens de cette disposition, la requérante ne peut pas se fonder sur le seul article 8 de la convention de Paris pour invoquer la protection de son nom commercial.

71      Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

72      S’agissant du deuxième grief, il convient de rappeler, d’abord, que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

73      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Cela présuppose à la fois une identité ou une similitude des signes en conflit ainsi qu’une identité ou une similitude des produits ou des services qu’ils désignent [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

74      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 15 novembre 2011, Hrbek/OHMI – Outdoor Group (ALPINE PRO SPORTSWEAR & EQUIPMENT), T‑434/10, non publié au Recueil, point 66].

75      En l’espèce, la requérante fait valoir que l’OHMI n’a pas correctement appliqué le principe d’interdépendance découlant de la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus. Or, à cet égard, il y a lieu de relever que l’application du principe d’interdépendance exige la constatation préalable de l’existence tant d’une similitude entre les signes en conflit que d’une similitude entre les produits et services visés par ces signes (arrêt easyHotel, précité, point 42). Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits et services pour lesquels la requérante avait prouvé l’usage sérieux des marques antérieures, à savoir les « cuirs et peaux, imitations du cuir et de la peau » relevant de la classe 18 et les « services de tannerie » relevant de la classe 40, étaient distincts des produits et services visés par la marque demandée tant par leur nature que par leur destination et par leur clientèle (voir point 36 de la décision attaquée). Dans ces circonstances, même en acceptant que les signes en conflit gardent un haut degré de similitude phonétique, ainsi que la requérante le fait remarquer, le principe d’interdépendance ne s’applique pas étant donné l’absence de similitude des produits et services concernés. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n’avance aucun argument aux fins de mettre en cause une telle appréciation.

76      Le deuxième grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

77      Enfin, il y a lieu de relever que, dans la mesure où une partie des arguments avancés par la requérante, dans le cadre du présent moyen, tient à faire constater au Tribunal l’erreur de la part de la chambre de recours en ce qu’elle n’aurait pas pris en compte la mauvaise foi de la demanderesse lors de l’examen du risque de confusion, il convient de les examiner dans le cadre du quatrième moyen.

78      Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré une erreur de la part de la chambre de recours en ce qui concerne ses conclusions quant au risque de confusion entre les signes en conflit.

79      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a violé ni l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 ni l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. Partant, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la prétendue mauvaise foi de la demanderesse au moment du dépôt de la demande d’enregistrement

80      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération, dans le cadre de l’examen sur l’opposition, la mauvaise foi dont aurait fait preuve la demanderesse lors du dépôt de la demande d’enregistrement.

81      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

82      Il convient de relever, d’abord, que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours n’a nullement constaté l’existence d’une intention délibérée de créer une confusion de la part de la demanderesse. En effet, elle s’est bornée à indiquer, en réponse à un argument soulevé en ce sens par la requérante, que, si cette dernière considérait que la demanderesse avait agit de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement, elle conservait la possibilité d’invoquer une telle circonstance, à un stade ultérieur, dans le cadre d’une action en nullité devant la division d’annulation de l’OHMI (voir point 40 de la décision attaquée).

83      Ensuite, s’agissant du reproche selon lequel la chambre de recours aurait dû prendre en considération, lors de l’examen de l’existence du risque de confusion, la mauvaise foi de la demanderesse, il convient de considérer, au contraire, que la chambre de recours a considéré à bon droit que la prétendue mauvaise foi de la demanderesse ne pouvait jouer aucun rôle dans le cadre de cet examen.

84      En effet, la mauvaise foi, en tant que comportement abusif, est un facteur particulièrement pertinent dans le contexte d’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Or, elle ne constitue, en revanche, pas un élément qui doit être pris en compte dans le contexte d’une procédure d’opposition introduite sur la base de l’article 8 du règlement n° 207/2009 [arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, non encore publié au Recueil, point 47, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 2010, Amen Corner/OHMI – Comercio Electrónico Ojal (SEVE TROPHY), T‑192/09, non publié au Recueil, point 50].

85      La constatation précédente ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante fondé sur l’arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, Rec. p. I‑4893, point 53). En effet, dans cet arrêt, la Cour, saisie d’une question préjudicielle, a explicité les conditions permettant de constater l’existence de la mauvaise foi de la demanderesse au moment du dépôt d’une demande de marque communautaire, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En revanche, elle ne s’est pas prononcée sur la question de savoir s’il appartenait à l’OHMI, dans le cadre d’une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, de prendre en compte la mauvaise foi aux fins de constater l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

86      Par ailleurs, il y a lieu de rejeter comme dénuée de pertinence l’invocation par la requérante de la jurisprudence italienne à l’égard des actes qui, dans la juridiction nationale, constituent des actes déloyaux. En effet, bien que ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence des États membres [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, point 71], il ressort de la jurisprudence constante que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une jurisprudence nationale [arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, précité, point 53 ; arrêts du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 37, et du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 30].

87      En outre, le principe d’autonomie du régime communautaire des marques, consacré dans la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus, est applicable a fortiori dans des situations comme celle en l’espèce, la jurisprudence italienne n’étant pas fondée sur des règles analogues à celles du règlement nº 207/2009, mais sur des règles nationales relatives à la concurrence déloyale [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española), T‑363/04, Rec. p. II‑3355, point 41].

88      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne prenant pas en compte, dans le cadre de l’examen sur l’opposition, la prétendue mauvaise foi de la demanderesse lors du dépôt de la demande d’enregistrement. Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen.

89      Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Conceria Kara Srl est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.