Language of document : ECLI:EU:T:2019:579

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

11 septembre 2019 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation »

Dans les affaires jointes T‑721/17 et T‑722/17,

Sergey Topor-Gilka, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Me N. Meyer, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑721/17,

OOO WO Technopromexport, établie à Moscou, représentée par Me N. Meyer, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑722/17,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix et Mme E. Salia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. T. Henze, J. Möller et R. Kanitz, puis par MM. Möller et Kanitz, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par MM. L. Baumgart, M. Kellerbauer, T. Ramopoulos et Mme E. Schmidt, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2017/1418 du Conseil, du 4 août 2017, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2017, L 203 I, p. 5), de la décision (PESC) 2018/392 du Conseil, du 12 mars 2018, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2018, L 69, p. 48), et de la décision (PESC) 2018/1237 du Conseil, du 12 septembre 2018, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2018, L 231, p. 27),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, D. Spielmann et Z. Csehi, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        OOO WO Technopromexport (ci‑après « OOO VO TPE ») est une société par actions d’ingénierie russe faisant partie de la société d’État russe Rostec et opérant notamment dans le secteur de la construction des installations énergétiques.

2        M. Sergey Topor-Gilka est le directeur général de OOO VO TPE.

3        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de protéger l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine à la suite de l’annexion illégale de deux subdivisions ukrainiennes, la Crimée et Sébastopol.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

5        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

6        Par la suite, le Conseil a adopté, le 8 septembre 2014, la décision 2014/658/PESC, modifiant la décision 2014/145 (JO 2014, L 271, p. 47), et le règlement (UE) no 959/2014, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2014, L 271, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        D’une part, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire « des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, des personnes physiques qui soutiennent activement ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques, et des personnes physiques qui leur sont associées ». D’autre part, l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques de ces personnes physiques ou des personnes physiques ou morales ainsi que des entités ou des organismes qui leur sont associés [article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/145], ainsi que « des personnes morales, des entités ou des organismes qui soutiennent matériellement ou financièrement des actions qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine » [article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 2014/145]. Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de la décision 2014/145, aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe de ladite décision, ou mis à leur profit.

8        Les modalités de ces mesures restrictives sont définies aux paragraphes suivants de l’article 2 de la décision 2014/145.

9        Le règlement no 269/2014, tel que modifié, impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145, telle que modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à d), tel que modifié, de ce règlement reprend, pour l’essentiel, l’article 2, paragraphe 1, sous a) à d), tel que modifié, de ladite décision.

10      Le 23 juin 2014, le Conseil a adopté la décision 2014/386/PESC, concernant des restrictions sur des marchandises originaires de Crimée ou de Sébastopol, en réponse à l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol (JO 2014, L 183, p. 70), ainsi que le règlement (UE) no 692/2014, concernant des restrictions sur l’importation, dans l’Union, de marchandises originaires de Crimée ou de Sébastopol, en réponse à l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol (JO 2014, L 183, p. 9).

11      Par la suite, le Conseil a adopté, le 18 décembre 2014, la décision 2014/933/PESC, modifiant la décision 2014/386 (JO 2014, L 365, p. 152), et le règlement (UE) no 1351/2014, modifiant le règlement no 692/2014 (JO 2014, L 365, p. 46), afin notamment d’étendre les restrictions et les interdictions dans certains secteurs économiques.

12      La décision 2014/386 et le règlement no 692/2014, tels que modifiés, prévoient une interdiction d’investir dans les infrastructures, notamment dans le secteur de l’énergie, et une interdiction d’exporter les équipements et les technologies essentiels destinés à ce secteur. En particulier, l’article 2 ter du règlement no 692/2014, tel que modifié, interdit de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter les biens et les technologies énumérés à l’annexe II de ce même règlement à des personnes ou à des entités en Crimée ou à Sébastopol ou en vue d’une utilisation en Crimée ou à Sébastopol. Ladite annexe II comprend, notamment, certains biens et technologies pouvant être utilisés dans le secteur clé de l’énergie, dont les turbines à gaz, visées à la position 8411 de la nomenclature combinée.

13      Le 4 août 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/1418, modifiant la décision 2014/145 (JO 2017, L 203 I, p. 5).

14      Les considérants 2 à 5 de la décision 2017/1418 énoncent en particulier ce qui suit :

« (2)      Dans le cadre de la politique de l’Union de non-reconnaissance de l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol, la fourniture d’équipements essentiels destinés à la création, à l’acquisition ou au développement de projets d’infrastructures en Crimée et à Sébastopol dans des secteurs importants, y compris l’énergie, a été interdite par le Conseil.

(3)      Des turbines à gaz, qui constituent un élément fondamental dans le développement de nouvelles centrales électriques en Crimée, ont été fournies par la Russie en violation des dispositions contractuelles liées à la vente initiale de ces turbines par une entreprise établie dans l’Union à la Russie.

(4)      L’objectif de ces centrales électriques est d’établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol, soutenant ainsi leur séparation de l’Ukraine et compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Par ailleurs, cette action compromet la politique de l’Union de non-reconnaissance de l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol.

(5)      Compte tenu de ce qui précède, des personnes, entités et organismes supplémentaires devraient être ajoutés à la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe de la décision 2014/145/PESC. »

15      Toujours le 4 août 2017, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/1417, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2017, L 203 I, p. 1).

16      Par la décision 2017/1418 et par le règlement d’exécution 2017/1417, les noms des requérants, M. Topor-Gilka et OOO VO TPE, ont été inscrits sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe de la décision 2014/145 (ci-après la « liste litigieuse ») et à l’annexe I du règlement no 269/2014.

17      Dans la décision 2017/1418 et dans le règlement d’exécution 2017/1417, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant M. Topor-Gilka en l’identifiant comme « directeur général de OAO “VO TPE” jusqu’à la faillite de celle‑ci, directeur général de OOO “VO TPE” », et par la mention des motifs suivants :

« En sa qualité de directeur général de OOO “VO TPE”, [M. Topor-Gilka] a conduit les négociations avec Siemens Gas Turbine Technologies OOO concernant l’achat et la livraison des turbines à gaz pour une centrale électrique située à Taman (région de Krasnodar, Fédération de Russie). Il a été responsable du transfert des turbines à gaz en Crimée. Cela contribue à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol afin de soutenir leur séparation de l’Ukraine, et compromet l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. »

18      En ce qui concerne OOO VO TPE, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant celle-ci en l’identifiant comme « société à responsabilité limitée “Foreign Economic Association” “Technopromexport” » et par la mention des motifs suivants :

« Propriétaire actuel des turbines à gaz initialement fournies par Siemens Gas Turbine Technologies OOO à OAO “VO TPE”. OOO “VO TPE” a transféré les turbines à gaz en vue de leur installation en Crimée. Cela contribue à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol afin de soutenir leur séparation de l’Ukraine, et compromet l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. »

19      Par lettre du 4 août 2017, adressée à OOO VO TPE, le Conseil a informé celle-ci ainsi que M. Topor-Gilka, qui était son directeur général, de l’adoption de la décision 2017/1418 et du règlement d’exécution 2017/1417, a indiqué les motifs de l’inscription de leurs noms sur la liste litigieuse et a précisé qu’il était possible de demander, auprès de l’autorité nationale compétente, l’autorisation de débloquer certains fonds et, auprès de lui, le réexamen de l’inscription, ou d’attaquer sa décision devant le Tribunal.

20      Le 5 août 2017, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2017/1418 et le règlement d’exécution 2017/1417.

21      Le 14 septembre 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/1561, modifiant la décision 2014/145(JO 2017, L 237, p. 72), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2017/1549, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2017, L 237, p. 44).

22      Par la décision 2017/1561 et par le règlement d’exécution 2017/1549, les mesures restrictives appliquées aux requérants ont été prorogées jusqu’au 15 mars 2018.

23      Dans deux lettres adressées séparément, le 15 septembre 2017, aux requérants, le Conseil a informé ceux-ci de l’adoption de la décision 2017/1561 et du règlement d’exécution 2017/1549 et a précisé qu’ils avaient la possibilité de demander, auprès de l’autorité nationale compétente, l’autorisation de débloquer certains fonds et, auprès de lui, le réexamen de leur inscription, ou d’attaquer sa décision devant le Tribunal.

24      Le même jour, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par les actes attaqués.

 Faits postérieurs à l’introduction des présents recours

25      Par lettre du 21 décembre 2017, le Conseil a informé M. Topor-Gilka de son intention de proroger les mesures restrictives le concernant, sur la base d’une nouvelle motivation modifiée, et l’a invité à présenter d’éventuelles observations à cet égard, au plus tard le 12 janvier 2018.

26      Par lettre du 12 janvier 2018, le représentant de M. Topor-Gilka a demandé au Conseil d’avoir accès aux données et aux informations justifiant l’intention de renouveler les mesures restrictives à son égard.

27      Par lettre du 5 février 2018, le Conseil a répondu à la demande visée au point 26 ci-dessus et a indiqué que les informations sur lesquelles il s’était fondé figuraient dans les documents qui se trouvaient joints à ladite lettre.

28      Le 12 mars 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/392, modifiant la décision 2014/145 (JO 2018, L 69, p. 48), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2018/388, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2018, L 69, p. 11).

29      Par la décision 2018/392 et par le règlement d’exécution 2018/388, les mesures restrictives appliquées aux requérants ont été prorogées jusqu’au 15 septembre 2018.

30      Les motifs justifiant le maintien du nom de OOO VO TPE n’ont pas été modifiés, alors que les motifs justifiant l’inscription du nom de M. Topor-Gilka ont été modifiés, conformément à ce que le Conseil avait annoncé dans sa lettre du 21 décembre 2017, comme suit :

« En sa qualité de directeur général de OAO “VO TPE”, il a conduit les négociations avec Siemens Gas Turbine Technologies OOO concernant l’achat et la livraison des turbines à gaz pour une centrale électrique située à Taman (région de Krasnodar, Fédération de Russie). Il a ensuite été responsable, en tant que directeur général de OOO “VO TPE”, du transfert des turbines à gaz en Crimée. Cela contribue à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol afin de soutenir leur séparation de l’Ukraine, et compromet l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. »

31      Par lettre du 13 mars 2018, le Conseil a informé les requérants de l’adoption des actes mentionnés au point 30 ci-dessus et leur a indiqué qu’ils avaient la possibilité de demander, auprès de l’autorité nationale compétente, l’autorisation de débloquer certains fonds et, auprès de lui, le réexamen de leur inscription, ou d’attaquer sa décision devant le Tribunal.

32      Le même jour, le Conseil a également publié au Journal officiel de l’Union européenne deux avis à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues dans la décision 2018/392 et dans le règlement d’exécution 2018/388.

33      Le 12 septembre 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/1237, modifiant la décision 2014/145 (JO 2018, L 231, p. 27), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2018/1230, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2018, L 231, p. 1).

34      Par la décision 2018/1237 et par le règlement d’exécution 2018/1230, les mesures restrictives appliquées aux requérants ont été prorogées jusqu’au 15 mars 2019. Les motifs justifiant le maintien du nom de ceux-ci n’ont pas été modifiés.

35      Par lettre du 14 septembre 2018, le Conseil a informé les requérants de l’adoption des actes mentionnés au point 34 ci-dessus et leur a indiqué qu’ils avaient la possibilité de demander, auprès de l’autorité nationale compétente, l’autorisation de débloquer certains fonds et, auprès de lui, le réexamen de leur inscription, ou d’attaquer sa décision devant le Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 octobre 2017, M. Topor-Gilka a introduit un recours en annulation de la décision 2017/1418, enregistré sous le numéro T‑721/17.

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le même jour, OOO VO TPE a introduit un recours en annulation de la décision 2017/1418, enregistré sous le numéro T‑722/17.

38      Le 21 décembre 2017, le Conseil a déposé les mémoires en défense dans l’affaire T‑721/17 et dans l’affaire T‑722/17.

39      Le même jour, le Conseil a également présenté des demandes motivées, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir que certaines annexes des requêtes ne soient pas mentionnées dans les documents afférents à ces affaires auxquels le public a accès.

40      Par décision du président de la sixième chambre du Tribunal du 11 janvier 2018, les affaires T‑721/17 et T‑722/17 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

41      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 25 janvier 2018, la Commission européenne a demandé à intervenir dans les présentes procédures au soutien des conclusions du Conseil.

42      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 1er février 2018, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans les présentes procédures au soutien des conclusions du Conseil.

43      Par décision du 22 mars 2018, prise au titre de l’article 144, paragraphe 4, du règlement de procédure, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis ces interventions.

44      Le 23 mars 2018, les requérants ont déposé la réplique.

45      La Commission et la République fédérale d’Allemagne ont déposé leurs mémoires en intervention, respectivement, les 4 et 6 mai 2018. Les requérants et le Conseil ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

46      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2018, les requérants ont, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté les requêtes afin de viser également l’annulation de la décision 2018/392 (ci-après la « première adaptation »).

47      Le 18 mai 2018, le Conseil a déposé la duplique.

48      Les 6 et 20 juin 2018, le Conseil et la Commission ont, respectivement, formulé des observations sur la première adaptation.

49      Le 22 juin 2018, la phase écrite de la procédure a été close.

50      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2018, les requérants ont demandé la tenue d’une audience.

51      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2018, les requérants ont, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté les requêtes afin de viser également l’annulation de la décision 2018/1237.

52      Les 12 et 21 novembre 2018, le Conseil et la Commission ont, respectivement, formulé des observations sur la seconde adaptation des requêtes.

53      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

54      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 mars 2019.

55      Dans les affaires jointes T‑721/17 et T‑722/17, les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2017/1418, la décision 2018/392 et la décision 2018/1237 (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») ;

–        à titre subsidiaire, annuler les décisions attaquées en ce que celles-ci les visent.   

56      Dans les affaires jointes T‑721/17 et T‑722/17, le Conseil conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        rejeter les adaptations des requêtes ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation partielle de la décision 2017/1418 ou de la décision 2018/392 et de la décision 2018/1237, maintenir les effets desdites décisions jusqu’à ce que l’annulation de celles-ci soit effective ;

–        condamner les requérants aux dépens.

57      Dans les affaires jointes T‑721/17 et T‑722/17, la République fédérale d’Allemagne et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        rejeter les adaptations des requêtes ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

58      À l’appui de leurs recours, les requérants invoquent trois moyens, tirés, premièrement, d’une erreur d’appréciation, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation et, troisièmement, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

59      Sans avoir soulevé formellement une exception d’irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l’article 130 du règlement de procédure, le Conseil, soutenu par la République fédérale d’Allemagne, conteste la recevabilité des présents recours, dans la mesure où la demande principale des requérants, visant à l’annulation des décisions attaquées, excède la demande subsidiaire, visant à l’annulation des décisions attaquées en ce que celles-ci visent les requérants.

 Sur la recevabilité

60      Par leur premier chef de conclusions, les requérants demandent, à titre principal, l’annulation des décisions attaquées, alors que, par leur deuxième chef de conclusions, invoqué à titre subsidiaire, ils demandent l’annulation partielle desdites décisions, en ce qu’elles ont inscrit et maintenu leur nom sur la liste litigieuse.

61      Le Conseil, soutenu par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que les recours ainsi que les adaptations sont irrecevables pour défaut de qualité pour agir, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce que les décisions attaquées viseraient également d’autres personnes que les requérants.

62      En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, le Conseil a précisé que son exception d’irrecevabilité ne concernait que la demande d’annulation figurant dans le premier chef de conclusions, soulevé à titre principal, et que la recevabilité du deuxième chef de conclusions, soulevé à titre subsidiaire, n’était pas contestée.

63      Les requérants n’ont pris position sur cette exception ni dans leurs écritures ni lors de l’audience, en dépit d’une demande explicite en ce sens du Tribunal.

64      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

65      Or, dans la mesure où les décisions attaquées concernent les requérants, il ressort de la jurisprudence qu’elles s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale dans la mesure où elles interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités (arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 56). Il importe, en outre, de rappeler que, en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), tels que les décisions attaquées, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union européenne.

66      Il s’ensuit que les requérants, dont le nom figure sur la liste litigieuse, ne sont recevables à demander l’annulation des décisions attaquées que dans la mesure où elles les visent. En revanche, ils n’ont pas la qualité pour agir pour demander l’annulation desdites décisions en ce qu’elles visent d’autres personnes.

67      Partant, il y a lieu de considérer, à l’instar du Conseil et de la République fédérale d’Allemagne, que le premier chef de conclusions des requérants est irrecevable dans la mesure où il contient une demande d’annulation des décisions attaquées ayant une portée plus étendue que celle du deuxième chef de conclusions.

68      Par conséquent, il convient d’examiner seulement le fond de la demande d’annulation des décisions attaquées, en ce qu’elles visent les requérants, contenue dans le deuxième chef de conclusions.

 Sur le fond

69      Il convient d’examiner, d’abord, conjointement les deuxième et troisième moyens, qui sont inhérents à la légalité externe des décisions attaquées, et, ensuite, le premier moyen.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une violation des droits de la défense ainsi que du droit à une protection juridictionnelle effective

70      Dans le cadre du deuxième moyen, les requérants font valoir que la motivation des décisions attaquées ne satisfait pas aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence, en ce qu’elle serait vague et insuffisamment détaillée. Plus particulièrement, la première partie de l’exposé des motifs ne contiendrait qu’une constatation ne permettant pas d’expliquer en quoi les requérants remplissaient les critères d’inscription sur la liste. En outre, M. Topor-Gilka fait valoir que la motivation est inexacte, étant donné qu’il était à l’époque directeur général de OAO VO TPE, alors que OOO VO TPE fait valoir que sa seule position juridique en tant que propriétaire des turbines à gaz ne saurait suffire. La deuxième partie de l’exposé des motifs, concernant le transfert des turbines à gaz en vue de leur installation en Crimée, contiendrait également une constatation ne permettant pas de déterminer pourquoi les noms des requérants ont été inscrits sur la liste litigieuse ni d’établir quelle a été la base factuelle retenue par le Conseil. Enfin, la troisième partie de l’exposé des motifs serait libellée en des termes généraux et ne permettrait pas de déterminer la raison pour laquelle le Conseil a considéré que les requérants avaient contribué à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol afin de soutenir leur séparation de l’Ukraine.

71      S’agissant de la décision 2018/392, dans la première adaptation, M. Topor-Gilka précise que la correction des motifs concernant l’inscription de son nom sur la liste ne change rien aux moyens avancés dans la requête.

72      Dans le cadre du troisième moyen, les requérants font valoir que le Conseil a violé leurs droits de la défense et leur droit à une protection juridictionnelle effective et qu’une telle violation est la conséquence de la violation de l’obligation de motivation par le Conseil.

73      Le Conseil, soutenu par la République fédérale d’Allemagne, conteste les arguments des requérants.

74      Il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, EU:T:2011:716, point 32).

75      En ce qui concerne les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la PESC, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où la personne ou l’entité concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale d’inscription, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 51).

76      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une personne ou entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi énoncer les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 144).

77      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, points 76, 86 et 87).

78      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 55 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52).

79      Par ailleurs, il doit être précisé que l’absence de mention explicite du critère appliqué à l’égard d’une personne n’entraîne pas nécessairement une violation de l’obligation de motivation, pourvu qu’il résulte de manière suffisamment claire de la lecture de la motivation retenue par le Conseil quel est le critère dont celui-ci a fait application s’agissant de cette personne (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 51).

80      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que, ainsi que le souligne le Conseil, le contexte général l’ayant conduit à adopter les mesures restrictives en cause est exposé aux considérants 1 à 4 de la décision 2014/145, à laquelle la décision 2017/1418 fait explicitement référence, et aux considérants 1 à 3 du règlement no 269/2014 ainsi qu’aux conclusions des chefs d’État ou de gouvernement et du Conseil auxquelles ces considérants font aussi explicitement référence. Il ressort, en particulier, desdits considérants que les mesures restrictives en cause ont été adoptées à la suite de la violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu de provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

81      Les critères juridiques permettant d’inscrire des personnes morales ou des entités sur la liste de l’annexe de la décision 2014/145 sont énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de ladite décision, tels que modifiés (ci-après les « critères litigieux »). Ces critères visent notamment des « personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, […] des personnes physiques qui soutiennent activement ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques, et […] des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui leur sont associés » ainsi que des « personnes morales, des entités ou des organismes qui soutiennent matériellement ou financièrement des actions qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ».

82      En ce qui concerne, plus précisément, l’ajout, par la décision 2017/1418, de personnes, d’entités et d’organismes supplémentaires sur la liste litigieuse, il ressort des considérants 2 à 5 de cette décision (voir point 14 ci-dessus) qu’il convenait d’inscrire sur ladite liste le nom des personnes et des entités concernées par la fourniture de turbines à gaz, qui étaient essentielles au développement de nouvelles centrales électriques, en Crimée, dont le but était d’établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour cette région et pour Sébastopol, soutenant ainsi leur séparation de l’Ukraine et compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de celle-ci et, en même temps, la politique de l’Union de non‑reconnaissance de l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol.

83      Des lors que les actes mentionnées aux points 80 et 82 ci-dessus sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne et qu’ils sont expressément visés dans les décisions attaquées, qui ont été communiquées individuellement aux requérants, ceux-ci ne sauraient prétendre ne pas avoir eu connaissance du contexte et des critères généraux justifiant, d’abord, l’inscription et, ensuite, le maintien de leur nom sur la liste litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 57).

84      En second lieu, il convient de relever que la motivation spécifique retenue à l’égard des requérants pour justifier l’inscription de leur nom sur la liste litigieuse par la première décision attaquée est, en ce qui concerne M. Topor-Gilka, celle exposée au point 17 ci-dessus et, en ce qui concerne OOO VO TPE, celle exposée au point 18 ci-dessus.

85      Force est de constater, ainsi que le suggère le Conseil, que cette motivation se compose, en substance, de trois parties et que seule la troisième partie est commune aux requérants.

86      S’agissant de M. Topor-Gilka, il convient d’observer que, dans la première partie de la motivation, il est fait référence à sa qualité de directeur général de OOO VO TPE et au fait qu’il a conduit les négociations avec Siemens Gas Turbine Technologies OOO (ci-après « Siemens ») concernant l’achat et la livraison des turbines à gaz pour une centrale électrique située à Taman, en Russie, et que, dans la deuxième partie de la motivation, il est identifié comme responsable du transfert de ces turbines en Crimée.

87      S’agissant de OOO VO TPE, il convient d’observer que, dans la première partie de la motivation, il est fait référence à sa qualité de propriétaire actuelle des turbines initialement fournies par Siemens à OAO VO TPE et que la deuxième partie de la motivation indique qu’elle a transféré lesdites turbines en vue de leur installation en Crimée.

88      Enfin, la troisième partie de la motivation, qui est commune aux requérants, précise les conséquences du transfert et de l’utilisation des turbines à gaz en Crimée. Il y est en effet indiqué que cela contribue à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol afin de soutenir leur séparation de l’Ukraine, compromettant ainsi l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de ce pays.

89      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que prétendent les requérants, si les considérations figurant dans la motivation retenue par le Conseil à leur égard sont similaires à celles sur le fondement desquelles d’autres personnes ou entités mentionnées dans la liste litigieuse ont été soumises à des mesures restrictives, elles visent néanmoins à décrire leur situation concrète et sont dès lors suffisantes (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑346/14, EU:T:2016:497, point 82 et jurisprudence citée).

90      En effet, le Conseil a expliqué que, par le biais du transfert des turbines à gaz en vue de leur installation en Crimée, afin d’y établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante, les requérants soutenaient des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et que l’inscription de leur nom sur la liste litigieuse pouvait, de ce fait, être fondée sur les critères litigieux.

91      Les raisons du choix du Conseil ayant été clairement indiquées dans la décision 2017/1418 et ultérieurement précisées, en ce qui concerne M. Topor-Gilka, dans la décision 2018/392, le Tribunal est en mesure d’évaluer le bien‑fondé des décisions attaquées.

92      Par ailleurs, la question de savoir si la motivation est fondée ne relève pas de l’appréciation du présent moyen, mais de celle du premier moyen. À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

93      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen, le bien-fondé des motifs énoncés par le Conseil à l’égard des requérants devant être apprécié dans le cadre du moyen tiré d’une erreur d’appréciation.

94      Dans la mesure où, ainsi que l’ont reconnu explicitement les requérants lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, les deuxième et troisième moyens sont strictement connexes, ce dernier étant fondé sur une prétendue violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective des requérants découlant de la violation de l’obligation de motivation, le troisième moyen ne peut qu’être rejeté à l’instar du deuxième moyen, le Tribunal n’ayant pas constaté l’existence d’une violation de l’obligation de motivation de la part du Conseil.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

95      Dans le cadre de ce moyen, les requérants soutiennent, en substance, que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que les critères litigieux étaient remplis en l’espèce. À cet égard, ils avancent plusieurs griefs visant, en substance, d’une part, à remettre en cause la base factuelle ayant fondé la décision du Conseil d’inscrire, puis de maintenir, leurs noms sur la liste litigieuse et, d’autre part, à mettre en doute le fait que la motivation fournie pour l’inscription de ces noms relève desdits critères.

96      À titre liminaire, les requérants prétendent que l’inscription de leur nom sur la liste litigieuse ne saurait se justifier par référence au règlement no 1351/2014, car celui-ci vise un autre cercle de personnes.

97      Ensuite, suivant un schéma qui est commun aux deux requêtes, ils abordent, successivement, les questions liées à la prétendue violation contractuelle qui leur est reprochée par le Conseil, au transfert des turbines en Crimée et à l’approvisionnement électrique indépendant de cette région.

98      Premièrement, s’agissant de la question liée à la prétendue violation contractuelle, M. Topor-Gilka fait valoir, à titre liminaire, que, lors de la signature, le 10 mars 2015, du contrat ayant pour objet l’achat et la livraison de turbines à gaz entre Siemens et OAO VO TPE (ci-après le « contrat du 10 mars 2015 »), il était directeur général de cette dernière et non, comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs de la décision 2017/1418, de OOO VO TPE. S’agissant, plus particulièrement, du prétendu non-respect du lieu de livraison, les requérants font valoir que, si cet aspect était effectivement un élément essentiel dudit contrat, la question se poserait alors de savoir si une livraison présumée faite à un endroit autre que Taman pourrait constituer une violation contractuelle. À cet égard, il conviendrait de se fonder non seulement sur ledit contrat, mais également sur le droit applicable, qui, en l’espèce, est le droit russe, de sorte que, en vertu de ce seul droit, il serait possible de conclure à l’existence d’un manquement contractuel.

99      Dans la réplique, les requérants font observer que, par décision du 17 janvier 2018, le tribunal arbitral de Moscou a rejeté le recours de Siemens visant à obtenir l’annulation du contrat du 10 mars 2015 et la restitution des turbines à gaz faisant l’objet de celui-ci. Selon ledit tribunal arbitral, une tromperie intentionnelle de OOO VO TPE, lors de la conclusion dudit contrat, n’aurait pas pu être démontrée. Plus particulièrement, selon ce tribunal, la prétendue obligation de respecter les mesures restrictives imposées par l’Union irait à l’encontre des fondements de l’ordre juridique et de l’ordre public de la Fédération de Russie et porterait ainsi atteinte à la souveraineté de celle-ci.

100    Dans ce contexte, les requérants contestent également comme étant inopérant l’argument du Conseil selon lequel l’invocation de la nullité de la clause interdisant le transfert des turbines violerait le principe de bonne foi. En effet, selon eux, Siemens a soutenu, dans la procédure arbitrale, que le contrat du 10 mars 2015 était sans effet et a, de ce fait, réclamé la restitution des turbines à gaz livrées. De son côté, OOO VO TPE n’aurait fait que s’opposer à une telle prétention, ce qui, en soi, n’irait pas à l’encontre du principe de bonne foi. En tout état de cause, le principe juridique du venire contra factum proprium s’appliquerait aux deux parties au contrat, dans la mesure où il s’agirait de deux sociétés russes opérant dans le cadre de l’ordre juridique russe. En effet, si OAO VO TPE avait agi avec le but conscient de contourner l’interdiction de transférer les turbines, de manière symétrique, Siemens aurait repris une telle interdiction dans le contrat, tout en sachant qu’elle était contraire à l’ordre public russe et était, de ce fait, sans effet.

101    Deuxièmement, les requérants reprochent au Conseil de ne pas avoir établi que OOO VO TPE avait transféré les turbines en Crimée en vue de leur installation sur place. Une telle preuve ne saurait être apportée par des communiqués et des articles de presse très disparates, généraux et non univoques. De tels documents pourraient tout au plus conduire à de simples présomptions, qui ne suffiraient pas, selon la jurisprudence, à étayer une décision portant sur l’application de mesures restrictives. Par ailleurs, les articles diffusés par Siemens ne seraient pas fiables, dès lors que cette dernière aurait un intérêt propre à faire reconnaître qu’elle n’avait aucune responsabilité dans le transfert en Crimée desdites turbines. En outre, le prétendu « lien temporel et logique », invoqué par le Conseil, entre le contrat du 10 mars 2015, l’adoption du décret no 703, signé le 13 juillet 2015 par le Premier ministre russe, dégageant des ressources budgétaires pour la construction et la modernisation d’installations de production d’énergie thermique et électrique, notamment en Crimée, au bénéfice de la société russe Rostec, et prévoyant que celle-ci redistribuerait une partie de ces ressources, en guise de subvention, à OOO VO TPE, désignée comme développeur des projets d’approvisionnement en électricité (ci-après le « décret no 703 »), ainsi que le contrat du 16 octobre 2015 entre OAO VO TPE et OOO VO TPE (ci-après le « contrat du 16 octobre 2015 »), reposerait sur des sources qui ne sauraient être vérifiées.

102    En réponse à l’argument de la République fédérale d’Allemagne tiré de ce que la Fédération de Russie aurait confirmé que les turbines transférées en Crimée appartenaient à Siemens, les requérants font valoir qu’une telle allégation n’implique pas qu’il s’agit précisément des mêmes turbines que celles que Siemens a livrées à OAO VO TPE ou des turbines que cette dernière a cédées par la suite à OOO VO TPE.

103    En définitive, le Conseil se fonderait, d’une part, sur des articles de presse qui ne sont toutefois pas susceptibles de constituer un faisceau d’indices, car ils se basent, à leur tour, sur des communiqués de presse s’appuyant sur des sources incertaines, et, d’autre part, sur la prétendue existence d’un « lien temporel et logique », qui ne serait qu’une simple présomption.

104    Troisièmement, s’agissant de l’approvisionnement électrique indépendant de la Crimée prétendument réalisé par le biais des turbines, les requérants font valoir que les présentes affaires portent, en dehors de toute intervention ou responsabilité de leur part, sur le lancement ou la sécurisation de l’exploitation d’une ou de plusieurs centrales électriques ou unités de centrales électriques à Sébastopol. À cet égard, ils rappellent que le gouvernement russe a énoncé, dans le décret no 703, qu’il se considérait comme responsable de la sécurisation de l’approvisionnement énergétique de la Crimée et de Sébastopol, au vu des nombreuses coupures de courant et, notamment, de l’expiration, le 31 décembre 2015, du contrat russo‑ukrainien de fourniture d’énergie, par lequel l’Ukraine fournissait jusqu’alors la Crimée en énergie, qui auraient empêché de garantir un approvisionnement énergétique fiable de celle-ci.

105    S’il est vrai qu’un tel objectif serait, de prime abord, également propre à favoriser la séparation de la Crimée de l’Ukraine, une sanction isolée fondée sur ce motif serait toutefois illégale, car en contradiction avec certains principes fondamentaux du droit international. En effet, la décision de l’Ukraine de ne plus fournir la Crimée et Sébastopol en énergie aurait été prise par celle-ci de manière indépendante et souveraine, ce qui impliquerait qu’il appartiendrait à la Fédération de Russie de garantir un tel approvisionnement énergétique. Il pourrait éventuellement être considéré que la participation de l’Ukraine à la situation énergétique actuelle n’a pas d’incidence sur la question de savoir si la réalisation par la Fédération de Russie d’un approvisionnement énergétique indépendant de la Crimée ne contrevient pas tout de même aux décisions du Conseil de sanctionner tout ce qui contribue à séparer cette dernière de l’Ukraine. Une telle conclusion méconnaîtrait toutefois le fait que le règlement no 269/2014 garantit le respect des droits fondamentaux et respecte les principes reconnus, en particulier, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

106    Ainsi, si l’action de la Fédération de Russie visant à rétablir en Crimée un approvisionnement énergétique fiable devait s’avérer conforme aux principes du droit international humanitaire, la décision du Conseil la sanctionnant pourrait, a contrario, être considérée comme illégale. En l’espèce, ce droit serait constitué du règlement annexé à la convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à La Haye le 18 octobre 1907, et de la quatrième convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, signée à Genève le 12 août 1949. Ces deux actes s’appliqueraient dans tous les cas de guerre déclarée ou de conflit armé, à condition que la puissance occupante exerce un contrôle effectif et total sur le territoire occupé, ce qui serait le cas de la Fédération de Russie au regard de la Crimée. Plus particulièrement, en vertu, notamment, de l’article 43 du règlement annexé à la convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ainsi que des articles 55 et 56 de la quatrième convention de Genève susmentionnés, la Fédération de Russie serait tenue d’assurer un approvisionnement énergétique de la population ainsi que de l’ensemble des établissements publics en Crimée.

107    Au demeurant, il ressortirait d’un rapport du Haut-Commissaire des Nations unies concernant la situation des droits de l’homme en Crimée et à Sébastopol que l’accès à l’énergie fait partie du droit à un logement décent et que les coupures de courant en Crimée ont gravement perturbé la conservation des vivres, l’éclairage, les services sanitaires, les transports publics et l’activité économique. Ce rapport indiquerait également que, en tant que puissance occupante, la Fédération de Russie a l’obligation, conformément au droit international humanitaire, de garantir une hygiène satisfaisante ainsi que la santé publique. Dès lors que le rétablissement d’un approvisionnement énergétique fiable était une obligation résultant du droit international humanitaire, dont le respect s’imposerait également au Conseil en vertu de la Charte, les requérants estiment que les agissements d’une personne spécifique censée y avoir concouru ne sauraient être sanctionnés.

108    Ainsi, au moment de décider si le rétablissement d’un approvisionnement énergétique fiable était susceptible de menacer ou de compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le Conseil aurait dû considérer, d’une part, qu’il existait un besoin humanitaire urgent d’approvisionnement électrique fiable et, d’autre part, que le droit international humanitaire imposait à la Fédération de Russie de garantir un tel approvisionnement. Il s’ensuivrait que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la construction de deux centrales électriques avait pour but de compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

109    Le Conseil, soutenu par la République fédérale d’Allemagne et par la Commission, conteste les arguments des requérants.

110    À cet égard, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

111    Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

112    C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

113    À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

114    Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

115    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

116    À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument des requérants selon lequel l’inscription et le maintien de leur nom sur la liste litigieuse ne saurait se justifier par référence au règlement no 1351/2014. En effet, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, il est certes vrai que le considérant 2 de la décision 2017/1418 fait, de manière indirecte, référence au règlement no 1351/2014 et, plus précisément, à son article 2 bis, qui modifie, notamment, l’article 2 ter du règlement no 692/2014, aux termes duquel il est interdit de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, notamment, certains biens et technologies pouvant être utilisés dans le secteur de l’énergie, dont les turbines à gaz, à toute personne ou entité en Crimée ou à Sébastopol, ou en vue d’une utilisation dans ces lieux. Toutefois, dès lors que les mesures litigieuses ne reposent que sur la décision 2014/145, telle que modifiée, il est sans incidence que les requérants figurent parmi les possibles destinataires du règlement no 692/2014, tel que modifié par le règlement no 1351/2014.

117    En l’espèce, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 85 ci-dessus, la motivation du Conseil justifiant l’inscription du nom des requérants sur la liste litigieuse se subdivise en trois parties.

118    En ce qui concerne M. Topor-Gilka, la motivation est, s’agissant de la décision 2017/1418, celle rappelée au point 17 ci-dessus et, s’agissant de la décision 2018/392, celle légèrement modifiée rappelée au point 30 ci-dessus. En ce qui concerne OOO VO TPE, la motivation de l’inscription de son nom, qui n’a pas été modifiée par les décisions 2018/392 et 2018/1237, est celle rappelée au point 18 ci-dessus.

119    Il convient d’examiner tout d’abord le bien-fondé de la première partie de la motivation concernant M. Topor-Gilka.

120    Premièrement, la fonction de directeur général exercée par M. Topor-Gilka au sein de OAO VO TPE, jusqu’à la faillite de celle-ci, et au sein de OOO VO TPE résulte de la structure organisationnelle de ces deux sociétés telle qu’elle est affichée sur le site Internet de celles-ci, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par l’intéressé. À cet égard, il convient de relever, à l’instar du Conseil, qu’une éventuelle inexactitude quant à l’ordre indiqué dans lequel M. Topor-Gilka a exercé les fonctions de directeur général de chacune de ces deux sociétés, ayant une dénomination quasi identique et les mêmes adresse et société mère, n’a pas d’incidence sur la légalité des mesures restrictives en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Nabipour e.a./Conseil, T‑58/12, non publié, EU:T:2013:640, point 166).

121    Deuxièmement, il n’est pas contesté, en substance, que M. Topor-Gilka, d’une part, a joué un rôle important dans la phase des négociations relatives au contrat du 10 mars 2015 et était, en sa qualité de directeur général, le principal interlocuteur de Siemens pour l’achat des turbines à gaz et, d’autre part, qu’il était directeur général de OOO VO TPE lors de la conclusion du contrat du 16 octobre 2015.

122    Il s’ensuit que M. Topor-Gilka non seulement était directement impliqué dans les agissements de OOO VO TPE, mais occupait également la principale fonction de direction de cette société, en assumant ainsi la responsabilité de ses agissements (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Nabipour e.a./Conseil, T‑58/12, non publié, EU:T:2013:640, point 110).

123    Troisièmement, le contrat du 10 mars 2015, dont certains extraits étaient à la disposition du Conseil, prévoyait, notamment, l’utilisation des quatre turbines à gaz pour la construction de nouvelles centrales électriques sur la presqu’île de Taman et excluait toute autre utilisation ou tout transfert en Crimée, ce qui est d’ailleurs confirmé par certains articles de la presse internationale ainsi que par des communiqués de presse versés aux dossiers, tous publiés au cours du mois de juillet 2017.

124    Il s’ensuit que la première partie de la motivation concernant M. Topor-Gilka, qui n’a d’ailleurs pas été véritablement contestée par celui-ci, repose sur une base factuelle solide.

125    Il convient ensuite d’examiner la première partie de la motivation concernant OOO VO TPE.

126    Premièrement, ainsi qu’il a été précisé au point 123 ci-dessus, il est constant que des turbines à gaz ont été initialement fournies par Siemens à OAO VO TPE, en exécution du contrat du 10 mars 2015.

127    Deuxièmement, il convient d’observer que l’affirmation selon laquelle OOO VO TPE est le « propriétaire actuel » des turbines à gaz, et donc qu’elle les a acquises auprès de OAO VO TPE, repose sur des faits dont le Conseil avait pris connaissance avant d’adopter les mesures restrictives en cause. En effet, il ressort du contrat du 16 octobre 2015, auquel se réfère d’ailleurs le tribunal arbitral de Moscou dans sa décision du 27 février 2017, et dont la conclusion est, du reste, confirmée par OOO VO TPE elle-même, qu’il avait pour objet la livraison des quatre turbines à gaz initialement livrées par Siemens à OAO VO TPE. Il convient d’ailleurs d’observer que les clauses de ce contrat correspondaient en grande partie à celles du contrat du 10 mars 2015.

128    Il s’ensuit que la première partie de la motivation concernant OOO VO TPE, qui n’a d’ailleurs pas été véritablement contestée par celle-ci, repose sur une base factuelle solide.

129    S’agissant de la deuxième partie de la motivation, concernant le transfert des turbines à gaz en vue de leur installation en Crimée, il doit être observé que, hormis une petite nuance dans la formulation concernant l’affirmation de la responsabilité de M. Topor-Gilka dans ledit transfert, cette partie de la motivation est, en substance, la même pour les requérants.

130    À l’égard de cette nuance, il convient d’observer, à l’instar du Conseil, que la responsabilité de M. Topor-Gilka, en ce qu’il a concouru au transfert des turbines à gaz en pleine connaissance de cause, est inhérente aux fonctions de directeur général qu’il a exercées au sein des deux entités susmentionnées (voir point 120 ci-dessus), qui se sont succédé dans la titularité de la propriété desdites turbines à la suite de leur vente initiale de la part de Siemens.

131    Or, premièrement, force est de constater, ainsi que le suggère le Conseil, que plusieurs sources d’information étaient à la disposition de celui-ci lors de l’adoption de la décision 2017/1418 (voir point 123 ci-dessus) et que ces sources indiquent clairement que les turbines à gaz ont été transférées par OOO VO TPE en Crimée afin d’être utilisées pour y installer des centrales électriques. Par ailleurs, des sources officielles russes, d’une part, confirment ce transfert et, d’autre part, indiquent que OOO VO TPE construit des centrales électriques en Crimée.

132    Deuxièmement, tout ce qui précède est confirmé, en substance, par les requérants, dans la mesure où ils font état, dans leurs écritures, de l’existence des contrats des 10 mars et 16 octobre 2015 ainsi que du décret no 703 (voir point 101 ci-dessus).

133    En définitive, les requérants ne contestent pas qu’il y a eu un transfert en Crimée des turbines à gaz initialement livrées par Siemens, mais plutôt le manque de preuve d’un tel transfert dans la mesure où le Conseil se serait appuyé uniquement sur des articles et des communiqués de presse disparates, généraux et non univoques.

134    À cet égard, il convient de relever que la lecture du communiqué de presse de l’agence Reuters du 5 juillet 2017 et des extraits fournis par le Conseil, notamment les articles et les communiqués de presse mentionnés dans les documents portant les références « Coreu CFSP/0085/17 » et « CFSP/0087/17 », à savoir, plus particulièrement, les articles apparus dans le Spiegel Online du 7 juillet 2017, dans le New York Times du 10 juillet 2017, dans le magazine Ostexpert du 10 juillet 2017, dans le RP Online du 11 juillet 2017 et dans le Manager Magazin du 12 juillet 2017, permet de constater que les éléments d’information qui y figurent ne sont pas vagues ni abstraits, comme les requérants le prétendent, mais, au contraire, qu’ils sont concrets, précis et concordants.

135    Il s’ensuit que l’argumentation des requérants selon laquelle la documentation apportée par le Conseil ne contiendrait que des assertions vagues et abstraites ne saurait être retenue.

136    S’agissant, par ailleurs, du grief selon lequel les articles et les communiqués de presse mentionnés par le Conseil se rapporteraient tous à une même source, à savoir les communiqués de presse de Siemens, et manqueraient, de ce fait, d’objectivité et de force probante, il doit être rappelé que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité du juge de l’Union est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 26 octobre 2016, Jaber/Conseil, T‑154/15, non publié, EU:T:2016:629, point 86 et jurisprudence citée).

137    En l’espèce, il y a lieu de constater, d’abord, que les éléments dont la force probante est contestée par les requérants émanent de différentes sources d’information d’origines variées. À cet égard, il importe de relever que, selon une jurisprudence bien établie, des articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits – en l’espèce le fait que des turbines à gaz ont été transférées en Crimée afin d’être utilisées pour y installer des centrales électriques – lorsqu’ils émanent de plusieurs sources différentes et qu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits, comme en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 147 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il doit être souligné que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, rassembler des preuves concrètes, comme celles concernant le transfert des turbines à gaz en Crimée, est, à tout le moins, excessivement difficile (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 153).

138    Ensuite, les éléments produits par le Conseil sont confirmés, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 132 ci-dessus, par les arguments soulevés par les requérants dans leurs écritures et, d’autre part, par des documents émanant de sources officielles russes versés aux dossiers, qui ne contestent pas le fait que les turbines utilisées dans les centrales électriques de Simferopol (Ukraine) et de Sébastopol sont celles livrées initialement par Siemens à OAO VO TPE.

139    Par ailleurs, il importe d’observer que, alors que, dans leurs écritures, les requérants contestent globalement la force probante des extraits apportés par le Conseil, ils n’avancent aucun indice qui serait de nature à remettre en cause leur crédibilité.

140    Il s’ensuit que l’argumentation des requérants quant à l’absence de force probante des éléments d’information apportés par le Conseil, tirée notamment du fait qu’ils se rapporteraient tous à une même source, doit être rejetée.

141    Enfin, il doit être observé que, à tout le moins en ce qui concerne la légalité des décisions 2018/392 et 2018/1237, le Conseil a fondé la décision de maintenir le nom des requérants sur la liste litigieuse sur d’autres éléments également importants. Il s’agit, notamment, des communiqués de l’agence de presse russe TASS des 8 septembre et 14 décembre 2017, rapportant des propos du vice-ministre russe de l’Énergie précisant, notamment, que les turbines destinées aux centrales électriques de Simferopol et de Sébastopol avaient été livrées par Siemens, d’un article du Neue Zürcher Zeitung du 11 janvier 2018, d’un article de 5hotnews du 15 mars 2018 et de la décision du tribunal arbitral de Moscou du 17 janvier 2018.

142    Au regard de la décision du tribunal arbitral de Moscou du 17 janvier 2018, il y a lieu de relever que, si celle-ci ne peut être prise en considération, le cas échéant, qu’en ce qui concerne l’appréciation de la légalité de la décision 2018/1237, dans la mesure où la légalité des actes par lesquels les institutions de l’Union adoptent des mesures restrictives ne peut, en principe, être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels lesdits actes ont été adoptés, il n’en demeure pas moins qu’un élément communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives peut être pris en considération par le juge de l’Union aux fins de confirmer l’appréciation de la légalité des actes contestés fondée sur les éléments de fait et de droit sur la base desquels lesdits actes ont été adoptés (voir arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 115 et jurisprudence citée).

143    Ainsi, les éléments d’information apportés par le Conseil, pris dans leur ensemble, sont susceptibles d’être considérés comme étant fiables au sens de la jurisprudence citée au point 136 ci-dessus, compte tenu également de la difficulté objective de rassembler des preuves concrètes en l’absence de pouvoirs d’enquête dans le pays tiers concerné (voir point 137, in fine, ci-dessus).

144    S’agissant de l’argument des requérants selon lequel il ne saurait être exclu que, en application du droit russe, la livraison des turbines dans un lieu différent de celui contractuellement fixé ne constituait pas une violation des dispositions contractuelles, il convient de relever que la qualification juridique d’une telle livraison en droit russe est sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de la légalité des décisions attaquées et ne saurait en aucun cas étayer l’existence d’une erreur d’appréciation de la part du Conseil.

145    Ainsi que le souligne la Commission, les divers éléments motivant la décision d’inscription sur la liste litigieuse ne sauraient être considérés isolément, mais dans leur contexte général et également à la lumière de la raison d’être générale des mesures restrictives en cause. Celle-ci consiste, en substance, en ce que les turbines ont été transférées en Crimée à l’encontre de l’interdiction énoncée par la décision 2014/386 et le règlement no 692/2014 et qu’elles ont été utilisées pour y établir une source indépendante d’approvisionnement en électricité.

146    À cet égard, la mention, dans la décision 2017/1418, du fait que le transfert des turbines à gaz en Crimée constituait, en substance, une violation du contrat du 10 mars 2015 ne revêt pas, contrairement à ce que prétendent les requérants, un rôle essentiel, mais plutôt descriptif et contextuel. Par ailleurs, il ne saurait être exclu qu’une telle mention ait été formulée dans le but de préciser qu’aucune responsabilité dans ledit transfert illégal ne saurait viser Siemens. Au demeurant, à l’instar du Conseil et de la Commission, il doit être relevé que la « violation des dispositions contractuelles liées à la vente initiale [des] turbines par une entreprise établie dans l’Union en Russie » n’est mentionnée qu’au considérant 3 de la décision 2017/1418 et non pas dans l’exposé individuel des motifs figurant à la quatrième colonne de la liste litigieuse, telle que modifiée. Cet argument est dès lors dénué de pertinence.

147    En tout état de cause, il convient de relever que les requérants ne contestent pas le fait que le transfert des turbines constitue une violation du contrat du 10 mars 2015. En effet, il ressort, en substance, de l’article 32 du contrat du 10 mars 2015, lu en combinaison avec l’article 1.1 de celui-ci, que le transfert des turbines ou leur utilisation dans d’autres pays que celui de destination finale de la livraison, à savoir la Russie, ou pour d’autres projets ne sont pas autorisés, et que, dans le cas où l’acheteur demanderait à utiliser le matériel dans un autre lieu, une telle modification devrait être approuvée par le fournisseur.

148    Les requérants contestent plutôt le fait qu’une telle violation puisse être constituée aux termes du droit russe applicable en l’espèce, qui tiendrait pour nulle toute transaction visant à violer les fondements du droit, de l’ordre public ou de la morale. À l’appui de cette argumentation, les requérants invoquent, en dernier lieu, la décision du tribunal arbitral de Moscou du 17 janvier 2018 rejetant le recours de Siemens visant à l’annulation du contrat du 10 mars 2015 et à la restitution des turbines à gaz qu’elle avait initialement livrées.

149    À cet égard, il doit être observé, premièrement, que le Tribunal ne saurait être lié par les conclusions d’une telle décision. Deuxièmement, force est de relever que le tribunal arbitral de Moscou, d’une part, a constaté expressément que le contrat mentionné au point 148 ci-dessus contenait une clause excluant le transfert des turbines à gaz en Crimée et, d’autre part, tout en rejetant la demande de Siemens, n’a pas pris directement position sur la question de la validité de l’interdiction de transférer lesdites turbines et, plus particulièrement, n’a pas indiqué qu’un tel transfert ne constituait pas une violation des dispositions contractuelles.

150    Il s’ensuit que la deuxième partie de la motivation repose également sur une base factuelle suffisamment solide.

151    S’agissant de la troisième partie de la motivation, à savoir celle relative à la circonstance selon laquelle le transfert des turbines à gaz contribuerait à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol, il convient de relever que, sur la base des informations inhérentes au contrat du 10 mars 2015, le Conseil pouvait considérer que les turbines à gaz contenaient chacune la turbine proprement dite et le générateur ainsi que d’autres composants essentiels, et que ces éléments étaient destinés à la construction de nouvelles centrales électriques ayant une capacité de 230 mégawatts (MW). Dès lors, la construction de centrales électriques comportant plusieurs turbines à gaz de cette capacité a des conséquences considérables sur l’approvisionnement en énergie de la région alimentée par ces centrales. Les turbines à gaz étant destinées à être utilisées en Crimée, l’approvisionnement en électricité de celle-ci est sans doute facilité. Ainsi, le transfert des turbines dans ce territoire contribue à établir une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol.

152    De surcroît, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, celui-ci disposait d’autres informations précises, émanant du ministère de l’Énergie russe, sur la situation énergétique de la Crimée et sur le fait que deux centrales électriques supplémentaires contribueraient à réduire considérablement la dépendance énergétique de ce territoire ainsi qu’à son développement. En outre, le ministre russe de l’Énergie, dans un document du 25 juillet 2017 versé aux dossiers, sur lequel s’appuie le Conseil, fait état d’une capacité globale des centrales électriques de 940 MW, qui correspond, en substance, à la capacité des quatre turbines livrées initialement par Siemens, ayant chacune une capacité de 230 MW, d’après les indications contenues dans le contrat du 10 mars 2015. Cette information correspond également, ainsi que le fait valoir le Conseil, aux dispositions du décret no 703 prévoyant une subvention pour la construction en Crimée, par OOO VO TPE, de centrales électriques d’une puissance d’au moins 900 MW (voir point 101 ci-dessus).

153    La troisième partie de la motivation indique également que la réalisation, par le biais du transfert des turbines à gaz, d’une source d’approvisionnement en électricité indépendante pour la Crimée et Sébastopol a pour but de soutenir leur séparation de l’Ukraine et compromet l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de cette dernière.

154    S’agissant, premièrement, du soutien à la séparation de la Crimée et de Sébastopol de l’Ukraine, il convient d’observer, à l’instar du Conseil, qu’il n’est pas contesté que l’établissement d’une telle source d’approvisionnement en électricité a pour conséquence que la Crimée et Sébastopol ne dépendraient pas, ou du moins plus dans la même mesure, de l’approvisionnement électrique en provenance de l’Ukraine.

155    Ainsi, le Conseil n’a pas commis d’erreurs d’appréciation en considérant que l’objectif poursuivi était de renforcer le soutien à la séparation de la Crimée et de Sébastopol de l’Ukraine.

156    S’agissant, deuxièmement, de l’affirmation selon laquelle ladite séparation compromettrait l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, elle découle, ainsi que le souligne le Conseil, de tous les éléments de fait exposés précédemment.

157    Dès lors, la troisième partie de la motivation repose également sur des faits suffisamment solides.

158    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérants selon lequel la Russie, en tant que puissance occupante, serait tenue, en vertu des dispositions du droit international humanitaire applicables en l’espèce, d’assurer, notamment, l’approvisionnement énergétique de la Crimée et de Sébastopol, ce qui aurait comme conséquence que les agissements des requérants, ayant concouru à réaliser un tel approvisionnement, ne sauraient être sanctionnés.

159    À titre liminaire, il convient de préciser qu’il doit être exclu, même en vertu des réponses des requérants à des questions posées par le Tribunal lors de l’audience, que, par le biais d’un tel argument, ceux-ci aient entendu soulever une exception d’illégalité, à la supposer recevable, du critère d’inscription énoncé à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145, tel que modifié. En effet, les requérants font valoir, en substance, que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que leurs agissements n’étaient pas justifiés par les dispositions de droit international humanitaire invoquées.

160    Or, s’agissant du bien-fondé dudit argument, il doit être relevé, à l’instar de la Commission, que, indépendamment de la question de l’existence et de l’étendue d’une telle obligation découlant des dispositions du droit international humanitaire ainsi que de l’invocabilité de celles-ci par les requérants, qui restent en défaut de fournir toute précision à cet égard, l’appréciation des actes de la Fédération de Russie au regard du droit international ne fait l’objet ni des décisions attaquées, ni, par conséquent, du présent litige. De même, l’interdiction d’effectuer des livraisons dans certains domaines clés, prévue par la décision 2014/386 et le règlement no 692/2014, ne fait ni directement ni indirectement l’objet du présent litige, l’objet des recours introduits par les requérants étant l’inscription de leur nom, par les décisions attaquées, sur la liste litigieuse.

161    Au demeurant, ainsi que le fait valoir le Conseil, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre des requérants n’a aucune influence sur l’approvisionnement énergétique de la Crimée. À supposer même qu’il ait fallu tenir compte de l’interdiction de vente et de fourniture prévue par la décision 2014/386 et par le règlement no 692/2014, il conviendrait, en tout état de cause, de rappeler que des autorisations peuvent être accordées, conformément à l’article 4 quinquies de la décision 2014/386 et à l’article 2 sexies du règlement no 692/2014, tels que modifiés, afin de permettre des dérogations pour assurer, notamment, la santé et la sécurité des personnes.

162    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas commis d’erreurs d’appréciation en inscrivant puis en maintenant le nom des requérants sur la liste litigieuse, étant donné que les situations juridiques de ceux-ci correspondent aux critères d’inscription énoncés, s’agissant de M. Topor-Gilka, à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/145, tel que modifié, et, s’agissant de OOO VO TPE, à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette même décision, tel que modifié.

163    Partant, il convient de rejeter le présent moyen ainsi que le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les demandes de traitement confidentiel présentées par le Conseil.

 Sur les dépens

164    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

165    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République fédérale d’Allemagne et la Commission supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Sergey Topor-Gilka et OOO WO Technopromexport supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La République fédérale d’Allemagne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2019.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Faits postérieurs à l’introduction des présents recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur les deuxième et troisième moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une violation des droits de la défense ainsi que du droit à une protection juridictionnelle effective

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.