Language of document : ECLI:EU:T:2021:657

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale JUVÉDERM VOLUMA – Paiement tardif de la taxe de recours – Irrecevabilité du recours devant la chambre de recours – Article 101, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 – Article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 – Restitutio in integrum »

Dans l’affaire T‑636/20,

Dermavita Company S.a.r.l., établie à Beyrouth (Liban), représentée par Me D. Todorov, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. E. Markakis et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Allergan Holdings France SAS, établie à Courbevoie (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 24 août 2020 (affaire R 1016/2020-4), relative à une procédure de nullité entre Dermavita Company et Allergan Holdings France,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 janvier 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 décembre 2007, Allergan Inc., le prédécesseur en droit d’Allergan Holdings France SAS, a déposé une demande de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n °207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JUVÉDERM VOLUMA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques pour le traitement des rides sourcilières, rides du visage, assymétries et défauts et conditions de la peau humaine » ;

–        classe 10 : « Implants dermiques, à savoir, produits de viscosupplémentation permettant de combler les rides ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 22/2008, du 2 juin 2008 et, le 11 décembre 2008, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 6547301.

5        Le 6 juillet 2018, Dermavita Co. Ltd. Parseghian & Partners, le prédécesseur en droit de la requérante, Dermavita Company S.a.r.l., a déposé une demande en nullité de la marque contestée, fondée sur le motif de mauvaise foi, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

6        Par décision du 27 mars 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité comme non fondée.

7        Le 22 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        La requérante n’a toutefois payé la taxe de recours visée à l’article 68, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 que le 24 juin 2020, soit en dehors du délai prévu par l’article 68, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, qui expirait le 2 juin 2020.

9        Le 17 juin 2020, le greffe des chambres de recours a informé la requérante que la taxe de recours n’avait pas été reçue par l’EUIPO à l’expiration du délai de recours et que le recours était, en conséquence, susceptible d’être réputé ne pas avoir été formé, au sens de l’article 23, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). Le greffe a alors invité la requérante à présenter ses observations ou tout élément de preuve concernant cette irrégularité dans un délai d’un mois.

10      Le 22 juin 2020, la requérante a déposé ses observations écrites concernant la notification relative à l’irrégularité liée au paiement de la taxe de recours. Elle a demandé une prorogation du délai de paiement de ladite taxe jusqu’au 30 juin 2020 ou, à titre subsidiaire, l’interruption de la procédure de recours. Pour justifier ses demandes, la requérante a relevé, en substance, que la Bulgarie était confrontée à des circonstances exceptionnelles au sens de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, à savoir la pandémie de COVID-19, frappant également le représentant de la requérante, qui aurait été mis en quarantaine entre le 30 mai et le 27 juin 2020. De ce fait, et conformément à l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, les délais applicables auraient dû être prorogés par le directeur exécutif de l’EUIPO jusqu’au 30 juin 2020. En outre, la requérante a invoqué le fait que des mesures de contrôle des capitaux étaient en place au Liban, où se trouve son siège, l’empêchant de virer des fonds en dehors dudit pays et de payer directement la taxe de recours à l’EUIPO. De telles mesures devaient, selon la requérante, entraîner une interruption de la procédure en vertu de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

11      Le 23 juin 2020, le greffe des chambres de recours a invité la requérante à préciser si elle présentait, en substance, une requête en restitutio in integrum dans les conditions prévues à l’article 104 du règlement 2017/1001.

12      Le 29 juin 2020, en réponse à la lettre du greffe mentionnée au point 11 ci-dessus, la requérante a réitéré sa demande de prorogation du délai de paiement de la taxe de recours et d’interruption de la procédure et a précisé qu’elle ne présentait pas de requête en restitutio in integrum. À cet égard, la requérante a déclaré que, si la chambre de recours lui en donnait l’instruction, elle procéderait au paiement de la taxe due pour cette procédure de restitutio in integrum. En outre, en se référant à l’article 107 du règlement 2017/1001, à la lumière duquel l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 devrait, selon la requérante, être interprété, celle-ci a fait valoir que, si la chambre de recours s’estimait incompétente pour accorder la prorogation de délai demandée au titre dudit article 101, paragraphe 4, elle devait transmettre sa demande au directeur exécutif de l’EUIPO afin qu’il adopte la décision correspondante.

13      Le 6 juillet 2020, la requérante a présenté le mémoire exposant les motifs de son recours.

14      Par décision du 24 août 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a déclaré que le recours était réputé ne pas avoir été formé, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et à l’article 23, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, étant donné que la taxe de recours n’avait pas été acquittée dans le délai prévu.

15      En particulier, elle a considéré, en premier lieu, qu’elle n’était pas compétente pour prendre des décisions au titre de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et a précisé que la seule solution pour une partie n’ayant pas respecté un délai était de présenter une requête en restitutio in integrum, telle que prévue à l’article 104 du règlement 2017/1001. Elle a ajouté que la décision EX-20-4 du directeur exécutif de l’EUIPO, du 29 avril 2020 (ci-après la « décision du directeur exécutif du 29 avril 2020 »), adoptée sur la base de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et prévoyant une prorogation de certains délais jusqu’au 18 mai 2020, n’était pas applicable. Selon elle, les délais qui avaient expiré le 18 mai 2020 ou après cette date ne relevaient pas du champ d’application de cette décision.

16      En deuxième lieu, selon la chambre de recours, le paiement tardif n’aurait pu être considéré comme ayant été effectué dans le délai que si la restitutio in integrum avait été demandée en vertu de l’article 104 du règlement 2017/1001 et si les conditions prévues par cette disposition étaient remplies. Elle a considéré que tel n’était pas le cas, dès lors que, d’une part, la requérante avait expressément indiqué qu’elle n’avait pas introduit une telle demande et, d’autre part, la taxe pour la demande de restitutio in integrum n’avait pas été acquittée. La chambre de recours a ajouté qu’il ne lui appartenait pas de donner instruction à une partie d’introduire une demande ou de payer une taxe.

17      En troisième lieu, la chambre de recours a considéré que l’invocation de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’était pas fondée. Premièrement, elle a relevé que ladite disposition faisait référence au demandeur ou au titulaire d’une marque de l’Union européenne et ne s’étendait pas aux opposants ou aux demandeurs en nullité. Deuxièmement, elle a indiqué que ladite disposition exigeait l’existence d’une procédure de faillite ou d’une autre procédure similaire contre le demandeur ou le titulaire d’une marque, la survenance de difficultés avec les banques n’étant pas suffisante. Troisièmement, elle a considéré que la taxe aurait pu être payée, et avait d’ailleurs finalement été payée, à tout moment par l’intermédiaire de n’importe quelle banque dans le monde. Quatrièmement, elle a estimé que la crédibilité des allégations de la requérante concernant les contrôles restrictifs des capitaux au Liban était compromise par le fait qu’elle avait été en mesure d’introduire, le 15 juin 2020, un recours devant le Tribunal contre la décision R 877/2019-4 de la chambre de recours (enregistré sous le numéro T‑372/20) en étant représentée par le même avocat, alors que, selon elle, celui-ci était personnellement dans l’incapacité de travailler et de la représenter.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et ordonner à la quatrième chambre de recours de considérer le recours devant elle comme formé ;

–        condamner l’EUIPO et l’autre partie devant la chambre de recours aux dépens.

19      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      Au soutien du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, respectivement, le premier, de la violation de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 106, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001

21      En substance, la requérante soutient que l’EUIPO aurait dû, conformément à ses demandes des 22 et 29 juin 2020, lui accorder une prorogation du délai au titre de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Si la chambre de recours s’estimait incompétente pour accorder la prorogation de délai demandée au titre dudit article 101, paragraphe 4, elle aurait dû transmettre sa demande au directeur exécutif de l’EUIPO afin qu’il adopte la décision correspondante.

22      En premier lieu, la requérante expose les arguments destinés à établir qu’elle était confrontée à des circonstances exceptionnelles au sens de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. À cet égard, elle précise, premièrement, que la Bulgarie devait faire face à la pandémie de COVID-19, qualifiée par le gouvernement bulgare de situation épidémiologique extraordinaire jusqu’au 30 juin 2020. En conséquence, le gouvernement bulgare aurait décrété l’état d’alerte dans le pays à partir du 13 mars 2020 (état d’alerte ultérieurement prorogé jusqu’au 30 juin 2020) et le cabinet d’avocats du représentant de la requérante à Sofia (Bulgarie) aurait été fermé. Deuxièmement, compte tenu de cette situation, le représentant de la requérante aurait été mis en quarantaine entre le 30 mai et le 27 juin 2020. Troisièmement, dans la décision du directeur exécutif du 29 avril 2020, la pandémie de COVID-19 aurait été qualifiée de circonstance exceptionnelle au sens de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Il s’ensuit, selon la requérante, que le délai pour le paiement de la taxe de recours aurait dû être prorogé, en vertu de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, jusqu’à la fin de la circonstance exceptionnelle, à savoir jusqu’au 30 juin 2020, compte tenu de la situation en Bulgarie, ou jusqu’au 28 juin 2020, compte tenu de la situation personnelle du représentant de la requérante.

23      En deuxième lieu, selon la requérante, la prorogation demandée relèverait de la compétence de la chambre de recours, qui aurait dû interpréter l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, conformément aux prescriptions de l’article 107 dudit règlement, en faveur d’une telle compétence. Si la chambre de recours ne s’estimait pas compétente, elle aurait dû renvoyer la demande de la requérante au directeur exécutif de l’EUIPO afin qu’il adopte la décision correspondante. En revanche, en se limitant à faire valoir son incompétence, la chambre de recours n’aurait répondu à aucun des arguments juridiques de la requérante. Dans la mesure où ni la chambre de recours ni le directeur exécutif de l’EUIPO n’auraient examiné le bien-fondé de sa demande au titre de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, la procédure aurait été méconnue.

24      En troisième lieu, la requérante estime que les faits décrits, qui se rapportent à la pandémie de COVID-19, ne relèvent pas du champ d’application de l’article 104 du règlement 2017/1001, qui n’est pas applicable en cas de circonstances exceptionnelles. En effet, il résulterait d’une lecture combinée de l’article 104, paragraphe 5, de l’article 105, paragraphe 2, et de l’article 68 du règlement 2017/1001 que la restitutio in integrum ne serait pas applicable au délai imparti pour payer les taxes de recours, à savoir le délai prévu à l’article 68 du règlement 2017/1001. C’est pour cette raison qu’elle aurait précisé qu’elle ne présentait pas de requête en restitutio in integrum, en ayant toutefois demandé à la chambre de recours, dans l’hypothèse où celle-ci considèrerait que l’article 104 du règlement 2017/1001 était applicable et compte tenu de sa communication du 23 juin 2020, de lui donner l’instruction de payer la taxe, afin qu’elle puisse procéder au paiement. Il aurait appartenu à la chambre de recours de se prononcer sur cette demande.

25      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

26      En vertu de l’article 68, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, le recours est formé par écrit auprès de l’EUIPO dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision. Aux termes de la deuxième phrase du même article, le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours. Conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, la chambre de recours déclare qu’un recours est réputé ne pas avoir été formé lorsque la taxe de recours a été acquittée après l’expiration du délai fixé à l’article 68, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001.

27      En l’espèce, il est constant entre les parties que la division d’annulation a rendu sa décision le 27 mars 2020, que cette décision a été notifiée à la requérante le jour même et que, à la suite du recours qu’elle a formé le 22 mai 2020, cette dernière n’a acquitté la taxe de recours que le 24 juin 2020, soit après l’expiration du délai de deux mois visé au point 26 ci-dessus.

28      L’article 101 du règlement 2017/1001, intitulé « Délais », dispose, à son paragraphe 4, notamment, ce qui suit :

« Si des circonstances exceptionnelles, telles qu’une catastrophe naturelle ou une grève, interrompent ou perturbent les communications entre les parties à la procédure et l’Office ou vice versa, le directeur exécutif peut décider que, pour les parties à la procédure qui ont leur domicile ou leur siège dans l’État membre concerné ou qui ont désigné des représentants ayant leur siège dans cet État membre, tous les délais qui, à défaut, expireraient le jour de la survenance de ces circonstances, ou par la suite, tels qu’il les détermine, sont prorogés jusqu’à la date qu’il détermine. Pour déterminer cette date, il évalue à quel moment ces circonstances exceptionnelles prennent fin […] ».

29      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, à juste titre, qu’elle n’était pas compétente pour adopter les décisions prises au titre de l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. En effet, en vertu de cette disposition, une telle compétence est attribuée au directeur exécutif de l’EUIPO, qui dispose d’un pouvoir d’appréciation pour accorder des prorogations des délais pour l’ensemble des parties à la procédure. Or, en l’espèce, il est constant entre les parties que le directeur exécutif de l’EUIPO n’a pas pris une décision en vertu de laquelle les délais pour la période pertinente, à savoir, a minima, celle du 18 mai 2020 au 24 juin 2020, auraient été prorogés. La décision du directeur exécutif du 29 avril 2020 prévoit ainsi une prorogation des délais jusqu’au 18 mai 2020, mais ne concerne pas les délais qui ont expiré après cette date.

30      La chambre de recours n’était pas non plus tenue de renvoyer les demandes de la requérante des 22 et 29 juin 2020 au directeur exécutif de l’EUIPO afin que celui-ci adopte la décision correspondante et elle ne disposait pas elle-même de la compétence pour appliquer l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Une telle obligation et une telle compétence ne résultent ni de l’article 107 du règlement 2017/1001 ni du fait que la chambre de recours n’a pas tenu compte des raisons invoquées par la requérante pour expliquer le retard en cause.

31      En effet, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que la seule solution pour une partie n’ayant pas respecté un délai résidait dans la présentation d’une requête en restitutio in integrum.

32      Dans le cadre de la procédure de restitutio in integrum, la requérante aurait pu faire valoir l’ensemble de ses arguments de fond, à savoir le fait que la Bulgarie était confrontée à des circonstances exceptionnelles au vu de la pandémie de COVID-19, frappant également son représentant qui aurait été mis en quarantaine, ainsi que les mesures de contrôle des capitaux qui étaient en place au Liban et qui l’auraient empêchée de virer des fonds en dehors de ce pays.

33      Ainsi, au vu de la procédure de restitutio in integrum qui était à la disposition de la requérante, il n’était pas nécessaire d’interpréter l’article 101, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 à la lumière de l’article 107 du même règlement et contrairement au libellé de cette première disposition, afin de reconnaitre une compétence propre de la chambre de recours pour l’application cette même disposition.

34      En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante n’a pas présenté de requête en restitutio in integrum.

35      Les raisons pour lesquelles la requérante a, au contraire, expressément indiqué qu’elle ne présentait pas une telle requête ne sont pas fondées. En effet, contrairement à ce qu’elle fait valoir, la restitutio in integrum est applicable au délai imparti pour payer les taxes de recours, à savoir le délai prévu à l’article 68 du règlement 2017/1001, tandis que l’article 104, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 exclut cette voie de recours notamment en ce qui concerne le délai imparti pour demander la « poursuite de la procédure » au titre de l’article 105, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. En tout état de cause, dans la présente affaire, une telle demande de poursuite de la procédure n’est pas admise lorsque, conformément à l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, le délai prévu à l’article 68 du règlement 2017/1001 n’a pas été respecté.

36      L’EUIPO n’était pas tenue de donner instruction à la requérante de présenter une requête en restitutio in integrum pour qu’elle puisse faire valoir les raisons justifiant le non-respect du délai prévu à l’article 68 du règlement 2017/1001. En effet, à cet égard, il suffit de relever qu’aucune disposition ne fait obligation à l’EUIPO d’informer une partie des procédures qui sont à sa disposition au titre de l’article 104 du règlement 2017/1001 et de l’article 68 du règlement délégué 2018/625. Il ne lui incombe pas non plus de conseiller à ladite partie de suivre une voie procédurale quelconque [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2018, Skyleader/EUIPO – Sky International (SKYLEADER), T‑34/17, non publié, EU:T:2018:256, point 43 et jurisprudence citée]. En outre, comme le relève l’EUIPO dans ses écritures, des indications pour les parties figurent dans les directives relatives à l’examen pratiqué à l’EUIPO, notamment en cas d’expiration d’un délai.

37      Il ne saurait donc être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des raisons de fond invoquées par la requérante pour expliquer le retard en cause.

38      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

39      La requérante fait valoir que la chambre de recours aurait violé l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en rejetant ses demandes des 22 et 29 juin 2020, présentées à titre subsidiaire, visant à obtenir l’interruption de la procédure du fait des contrôles restrictifs des capitaux ex lege imposés par le gouvernement libanais sur tous les comptes bancaires détenus auprès de banques libanaises, y compris le compte de la requérante.

40      À cet égard, elle relève que, en tant que société de droit libanais, qui exerce son activité au Liban, elle fait l’objet de restrictions légales en matière de contrôle des capitaux. Plus précisément, les virements bancaires entre le Liban et l’étranger seraient interdits par la législation libanaise et la requérante aurait ainsi été empêchée de virer, dans le délai imparti, une quelconque somme à l’étranger, y compris aux fins de s’acquitter de la taxe de recours exigée par l’EUIPO.

41      La requérante estime que cette interdiction légale pourrait être qualifiée de « raisons juridiques résultant d’actions engagées contre ses biens » au sens de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de sorte que l’interruption de la procédure aurait été justifiée. En revanche, les motifs retenus dans la décision attaquée pour rejeter sa demande seraient contradictoires et erronés. Tout d’abord, contrairement à ce qu’il ressortirait de la décision attaquée, le champ d’application de ladite disposition ne serait pas limité aux « procédures de faillite ou [aux] procédures similaires ». En outre, contrairement à ce qu’a soutenu la chambre de recours dans la décision attaquée, les restrictions légales ne pourraient être qualifiées de « difficultés avec les banques ». Ensuite, la chambre de recours aurait illégalement exigé de la requérante qu’elle détienne des comptes bancaires auprès de banques situées en dehors du pays où se situent son siège et son lieu d’établissement, à savoir le Liban. Enfin, contrairement à ce qu’il ressortirait de la décision attaquée, la crédibilité des allégations de la requérante relatives aux contrôles restrictifs des capitaux au Liban ne serait pas compromise par le fait que celle-ci aurait été en mesure d’introduire, le 15 juin 2020, un recours devant le Tribunal contre la décision R 877/2019-4 de la chambre de recours. En effet, la chambre de recours aurait omis le fait que les recours formés devant le Tribunal seraient gratuits, raison pour laquelle elle n’aurait pas été contrainte de payer de taxe au Tribunal en rapport avec ledit recours. En outre, la requérante précise que la taxe de recours a, par la suite, été payée pour son compte par un tiers, une société de droit bulgare.

42      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

43      L’article 106 du règlement 2017/1001, intitulé « Interruption de la procédure », dispose, à son paragraphe 1, notamment, ce qui suit :

« La procédure devant l’Office est interrompue :

[…]

b) au cas où le demandeur ou le titulaire de la marque de l’Union européenne est empêché, pour des raisons juridiques résultant d’une action engagée contre ses biens, de poursuivre la procédure devant l’Office ;

[…] ».

44      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que l’invocation, par la requérante, de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’était pas fondée dans la mesure où cette disposition faisait référence au demandeur ou au titulaire d’une marque de l’Union européenne et ne s’étendait pas aux opposants ou aux demandeurs en nullité.

45      Il convient de confirmer cette appréciation de la chambre de recours, dans la mesure où le libellé de l’article 106, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 restreint son champ d’application au demandeur ou au titulaire d’une marque de l’Union européenne, tandis qu’une demande en nullité au sens de l’article 59 du règlement 2017/1001 peut être présentée, en vertu de l’article 63, paragraphe 1, sous a), du même règlement, par toute personne physique ou morale ainsi que tout groupement constitué pour la représentation des intérêts de fabricants, de producteurs, de prestataires de services, de commerçants ou de consommateurs et qui, aux termes de la législation qui lui est applicable, a la capacité d’ester en justice. Il importe, de surcroît, de relever que la requérante n’a avancé aucun argument tendant à remettre en cause cette appréciation. En outre, au vu de la procédure de restitutio in integrum qui était à la disposition de la requérante, il n’y a pas lieu d’interpréter l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 dans un sens contraire à son libellé. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 32 ci-dessus, la requérante, dans le cadre d’une telle procédure, aurait pu faire valoir l’ensemble de ses arguments de fond, notamment le fait que les mesures de contrôle des capitaux qui étaient en place au Liban l’empêchaient de virer des fonds en dehors de ce pays.

46      En outre, à titre surabondant, il convient de relever que les mesures évoquées par la requérante, à savoir les contrôles restrictifs des capitaux ex lege imposés par le gouvernement libanais sur l’ensemble des comptes bancaires détenus auprès de banques libanaises, y compris le compte de la requérante, ont une portée générale et, de ce fait, ne relèvent pas du champ d’application de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qui régit spécifiquement une action engagée contre les biens de la personne visée à cette même disposition.

47      Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a considéré que la requérante n’était pas fondée à invoquer l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments avancés dans la décision attaquée.

48      Le second moyen doit donc être rejeté. Par suite, aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la deuxième branche du premier chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

50      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dermavita Company S.a.r.l. est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.