Language of document : ECLI:EU:T:2006:369

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

30 novembre 2006 (*)

« Union douanière – Papier de riz en provenance du Vietnam – Remise des droits à l’importation – Clause d’équité – Article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 – Erreur des autorités douanières – Notion de négligence manifeste – Principe d’égalité de traitement – Principe de bonne administration – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire T‑382/04,

Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading BV, établie à Landgraaf (Pays-Bas), représentée par Me H. de Bie, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis, en qualité d’agent, assisté de Me F. Tuytschaever, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission REM 19/2002, du 17 juin 2004, constatant que la remise des droits à l’importation n’est pas justifiée dans un cas particulier,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Généralités

1        Par l’adoption du règlement (CEE) n° 2658/87, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), le Conseil a instauré une nomenclature complète des marchandises faisant l’objet d’opérations d’importation ou d’exportation dans la Communauté (ci-après la « nomenclature combinée »). Cette nomenclature figure à l’annexe I dudit règlement.

2        La nomenclature combinée est fondée sur le système harmonisé mondial de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « système harmonisé »).

3        Afin d’assurer l’application uniforme de la nomenclature combinée dans la Communauté, la Commission peut adopter, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement n° 2658/87, des règlements visant au classement de marchandises particulières dans la nomenclature combinée (ci-après les « règlements de classement tarifaire »).

 Règles relatives au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation

4        L’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), dans sa version applicable au présent litige, tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17, ci-après le « code des douanes »), se lit comme suit :

« 1. Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations [...] :

–        à déterminer selon la procédure du comité,

–        qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnées à des conditions particulières.

2. Le remboursement ou la remise des droits pour les motifs indiqués au paragraphe 1 est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné […] »

5        L’article 239 du code des douanes a été précisé et développé par le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1, dans sa rédaction applicable à la présente espèce, ci-après le « règlement d’application »), en particulier par ses articles 899 à 909. L’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application établit que, lorsque l’autorité douanière nationale, saisie d’une demande de remise des droits, n’est pas en mesure de prendre une décision sur la base de l’article 899 et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission.

 Règles spécifiques de la nomenclature combinée concernant le classement du produit importé par la requérante

6        La version française de la description des sous-positions correspondant aux codes NC 1901 90 99 et NC 1905 90 20 dans la nomenclature combinée se lit comme suit :

« 1901

Extraits de malt ; préparations alimentaires de farines, semoules, amidons, fécules ou extraits de malt, ne contenant pas de poudre de cacao ou en contenant dans une proportion inférieure à 50 % en poids, non dénommées ni comprises ailleurs ; préparations alimentaires de produits nos 0401 à 0404, ne contenant pas de poudre de cacao ou en contenant dans une proportion inférieure à 10 % en poids, non dénommées ni comprises ailleurs :

[...]

1901 90

[...]

– autres :

1901 90 91

– – autres :

[…]

1901 90 99

– – – autres :

[...]

1905

Produits de la boulangerie, de la pâtisserie ou de la biscuiterie, même additionnés de cacao ; hosties, cachets vides des types utilisés pour médicaments, pains à cacheter, pâtes séchées de farine, d’amidon ou de fécule en feuilles et produits similaires

[...]

1905 90

– autres :

[...]

1905 90 20

– – Hosties, cachets vides des types utilisés pour médicaments, pains à cacheter, pâtes séchées de farine, d’amidon ou de fécule en feuilles et produits similaires. »


7        La version néerlandaise de la nomenclature combinée décrit la sous-position correspondant au code NC 1905 90 20 de la façon suivante :

« 1905 

Brood, gebak, biscuits en andere bakkerswaren, ook indien deze producten cacao bevatten ; ouwel in bladen, hosties, ouwels voor geneesmiddelen, plakouwels en dergelijke producten van meel of van zetmeel

[...]

1905 90 

– andere :

[...]

1905 90 20

– – ouwel in bladen, hosties, ouwels voor geneesmiddelen, plakouwels en dergelijke producten, van meel of van zetmeel. »

 Antécédents du litige

8        La requérante, établie aux Pays-Bas, est importatrice de papier de riz du Vietnam. À ce titre, elle a eu recours aux services d’un commissionnaire en douane, Switch Customs Brokers BV, qu’elle a désigné comme représentant direct au sens de l’article 5, paragraphe 2, du code des douanes. (requête, points 7 à 8)

9        La requérante a déclaré le papier de riz qu’elle importe sous le code NC 1901 90 99 de la nomenclature combinée. Par lettre du 21 mars 1996, l’administration douanière néerlandaise a indiqué à la requérante que le papier de riz en cause était effectivement à classer sous le code NC 1901 90 99.

10      Le 27 juin 1997, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1196/97 relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO L 170, p. 13, ci-après le « règlement de classement »). Selon l’annexe du règlement de classement, le groupe des produits décrit comme « préparation alimentaire, faite à base de farine de riz, de sel et d’eau, se présentant sous forme de feuilles ou de disques de différentes dimensions, séchés, translucides [qui], après un trempage dans l’eau destiné à les rendre flexibles, sont généralement utilisés pour entourer les produits dénommés ‘rouleaux de printemps’ et des produits similaires » doit être classé dans la nomenclature combinée sous le code NC 1905 90 20. Le règlement de classement a été publié au Journal officiel des Communautés européennes du 28 juin 1997 et est entré en vigueur le 19 juillet 1997.

11      La requérante a poursuivi ses importations de papier de riz en cause sous le code NC 1901 90 99 de la nomenclature combinée après l’adoption du règlement de classement et l’administration douanière néerlandaise a encore accepté 29 déclarations en six mois (avec contrôle documentaire et, dans un cas, contrôle physique) sous ce classement. Le 16 mars 1998, l’administration douanière néerlandaise lui a néanmoins signalé que le produit en cause ne devait pas être classé sous ledit code mais sous le code NC 1905 90 20. Plus tard le même jour, elle a cependant constaté la conformité d’une déclaration concernant le produit en cause sous le code NC 1901 90 99. À compter du 17 mars 1998, la requérante a importé le produit en cause sous le code NC 1905 90 20.

12      Par lettre du 22 novembre 2000, l’administration douanière néerlandaise a informé la requérante que, pour la période du 13 novembre 1997 au 31 décembre 1998, elle procéderait à la prise en compte a posteriori de droits à l’importation pour un montant total de 645 399,50 florins néerlandais (NLG) (292 869,52 euros), au motif que la requérante avait, pendant la période susmentionnée, erronément classé les marchandises en cause, le code correct étant le code NC 1905 90 20 au sens du règlement de classement. Après adaptation, ce montant a finalement été fixé à 636 518,40 NLG (282 645,21 euros), correspondant aux déclarations déposées avec le classement erroné sous le code NC 1901 90 99 pendant la période du 25 novembre 1997 au 2 février 1998.

13      À la suite de la demande de la requérante à cet égard, le 13 septembre 2002, le Royaume des Pays-Bas a demandé à la Commission de décider, en vertu de l’article 239 du code des douanes, s’il était justifié d’octroyer la remise des droits à l’importation. (décision attaquée, point 1)

14      Le 17 juin 2004, la Commission a adopté la décision REM 19/2002 constatant que la remise des droits à l’importation n’était pas justifiée en l’espèce (ci-après « la décision attaquée »).

15      Dans la décision attaquée, la Commission constate qu’il existe une situation particulière au sens de l’article 239 du code des douanes. Toutefois, elle estime que la requérante a fait preuve d’une négligence manifeste, puisque, bien qu’elle soit un opérateur expérimenté et que le règlement de classement ait dissipé la complexité de la législation qui aurait pu exister auparavant, elle n’avait entrepris aucune démarche pour se renseigner quant à l’exactitude de la pratique de l’administration douanière néerlandaise, manifestement contraire au règlement de classement.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 16 mars 2006.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle constate que la demande de remise des droits n’était pas justifiée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 239 du code des douanes, d’une appréciation erronée des faits et d’un défaut de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 239 du code des douanes, d’une appréciation erronée des faits et d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

22      La requérante conteste essentiellement l’existence d’une négligence manifeste de sa part. Plus particulièrement, elle fait valoir que les affirmations de la décision attaquée sur lesquelles cette constatation a été fondée, dans le contexte de la complexité de la législation, de son expérience professionnelle et de la diligence montrée, sont erronées.

23      En premier lieu, en ce qui concerne la complexité de la législation, la requérante conteste l’affirmation au considérant 22 de la décision attaquée, selon laquelle le règlement de classement aurait mis fin à la complexité de la réglementation.

24      À cet égard, la requérante renvoie au point 67 de l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission (T‑309/01 et T‑239/02, Rec. p. II‑3147), et fait valoir que la Commission a omis de prendre en compte le laps de temps pendant lequel l’administration douanière néerlandaise a persisté dans son erreur. (requête, points 31 et 32)

25      En outre, elle fait valoir qu’une telle complexité découle du fait que la version néerlandaise de la position 1905 dans la nomenclature combinée, contrairement à d’autres versions linguistiques, ne comprenait pas en termes exprès certaines marchandises, à savoir les « feuilles de pâte de farine séchée ». Le libellé néerlandais justifierait alors le classement du produit en cause sous la position 1901, sur la base du texte « autrement nommé ». (réplique, point 17 ; annexe réplique, point 6.2.1.)

26      Ainsi, le règlement de classement ne pourrait lui être opposé, dès lors qu’elle n’aurait pas été en mesure de comprendre qu’il pouvait concerner le produit qu’elle avait importé. Pour cette raison, la requérante conteste également la thèse de la Commission selon laquelle le règlement de classement aurait clarifié les règles complexes en vigueur. (réplique, point 20)

27      Elle fait ensuite référence à une décision de la Commission du 4 décembre 2001 (REC 01/2001). Elle soulève que, dans cette affaire, le fait que différents fonctionnaires des douanes allemandes ont accepté à plusieurs reprises un classement inexact a joué un rôle important. En outre, à l’instar de la présente affaire, le classement proposé par l’importateur aurait été confirmé par le laboratoire de douane.

28      En deuxième lieu, la requérante estime qu’elle ne peut pas être qualifiée d’opérateur expérimenté, puisqu’elle ne s’occupe pas des déclarations en douane. De plus, ses activités professionnelles ne consisteraient pas, pour l’essentiel, en des opérations d’importation et d’exportation, mais en des activités de fabrication et de vente. Elle rappelle que ses déclarations en douane ont été rédigées et déposées par Switch Customs Brokers, qui a agi en son nom et pour son compte comme représentant direct au sens de l’article 5 du code des douanes. (requête, point 40)

29      Par ailleurs, il ressortirait de la décision de la Commission du 8 novembre 2000 (REM 33/99) que celle-ci distingue le rôle d’importateur de celui de déclarant dans cette affaire. L’introduction tardive de la demande de remboursement n’aurait pas été opposée à l’importateur en dépit du fait que celui-ci avait eu recours aux services d’un commissionnaire en douane qui aurait dû être au courant des délais applicables. (requête, point 43)

30      La requérante invoque à cet égard une autre décision de la Commission du 8 novembre 2000 (REM 34/99), selon laquelle un commissionnaire en douane devrait être considéré comme un opérateur expérimenté sur le marché. Elle relève cependant que la Commission n’a pas prétendu que le cas d’espèce considéré impliquait deux opérateurs expérimentés. En conséquence, s’il devait y avoir un opérateur qui disposait de l’expérience nécessaire, cela aurait été Switch Customs Brokers et non la requérante. (requête, point 44)

31      Selon la requérante, il ressort des deux décisions susmentionnées que les prétendues négligences de Switch Customs Brokers ne sauraient lui être opposées et que, même s’il s’agit d’une représentation directe au sens de l’article 5 du code des douanes, l’importateur ne devient pas, par fiction, un opérateur expérimenté dans le cadre de l’application de l’article 239 du code des douanes. (réplique, point 25)

32      En outre, la requérante fait valoir que, même si elle devait être assimilée à un opérateur expérimenté, elle aurait considéré la position 1901 de la nomenclature combinée comme exacte et, malgré la publication du règlement de classement, elle aurait pu, à juste titre, avoir la conviction que le classement sous la position 1905 n’était pas possible. Il ne pourrait pas être exigé de la requérante, même si elle est un opérateur actif et expérimenté, qu’elle maîtrise et lise plusieurs versions linguistiques des dispositions de droit communautaire.

33      En troisième lieu, s’agissant de la prudence dont elle a fait preuve, la requérante déduit de la décision attaquée que, selon la thèse de la Commission, la prétendue négligence découle du seul fait qu’elle n’a pas consulté le Journal officiel dans lequel a été publié le règlement de classement. (requête, point 46)

34      À cet égard, la requérante invoque l’arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Sommer (C‑15/99, Rec. p. I‑8989), qui, selon elle, confirme que les autorités douanières d’un État membre doivent renoncer à un recouvrement a posteriori des droits dans le cas où, lors d’un contrôle sur place des importations effectuées à une époque antérieure, elles n’ont pas émis de contestations pour des opérations similaires. Quant au cas d’espèce, elle estime qu’elle s’est toujours appuyée sur le résultat de l’examen des échantillons de 1996 et sur la position tarifaire 1901 de la nomenclature combinée.

35      En tout état de cause, dans ses mémoires, la requérante conteste que l’article 1er du règlement de classement s’applique au papier de riz qu’elle importe. Dès lors, elle estime que le fait qu’elle n’a pas consulté le règlement après sa publication au Journal officiel ne peut lui être opposé. De plus, elle n’aurait pas eu de raison de supposer que le règlement de classement s’appliquait dans la mesure où les autorités douanières avaient confirmé à plusieurs reprises le classement du papier de riz qu’elle avait effectué.

36      La requérante soutient que le cas d’espèce est différent de celui dont il est question dans l’arrêt de la Cour du 26 novembre 1998, Covita (C‑370/96, Rec. p. I‑7711). Ce dernier porterait sur la situation d’un contribuable qui a connaissance du risque imminent de l’établissement d’une taxe compensatoire sur ces marchandises. Le requérant poursuit en ces termes : « Un tel opérateur ne peut s’attendre à ce que chaque bureau de douane soit immédiatement informé sur l’institution de la taxe, mais doit s’assurer, par la lecture des journaux officiels pertinents, du droit communautaire applicable. » Au contraire, la requérante, avant les importations ou au moment de celles-ci, n’aurait eu aucune raison de penser qu’un règlement de classement avait été publié ou était sur le point de l’être. Pour ce qui est du classement du papier de riz dans la nomenclature combinée, elle n’aurait reçu aucune autre information que la décision de classement du laboratoire de la douane, confirmant le classement qu’elle avait effectué.

37      La requérante estime que la négligence éventuelle de Switch Customs Brokers ne saurait la priver du bénéfice d’une remise des droits. À cet égard, elle renvoie aux arrêts de la Cour du 7 septembre 1999, De Haan (C‑61/98, Rec. p. I‑5003), et du 29 avril 2004, British American Tobacco (C‑222/01, Rec. p. I‑4683).

38      Dans le même contexte, elle fait également référence aux décisions de la Commission du 23 septembre 1992 (REM 4/92), du 8 novembre 1995 (REC 3/95), du 12 décembre 1997 (REC 2/97), du 7 janvier 1998 (REC 3/97), du 6 septembre 2002 (REC 09/2001), du 11 décembre 2002 (REM 05/2002), du 14 janvier 2003 (REC 03/02), du 11 avril 2003 (REM 02/2003) et du 6 novembre 2003 (REM 20/2002).

39      En outre, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du laps de temps pendant lequel les autorités douanières néerlandaises ont persisté dans leur erreur. Elle avance que, même à supposer que l’on puisse dans une certaine mesure lui reprocher une négligence manifeste, la façon d’agir de ces autorités présenterait un degré bien plus grand de négligence.

40      Enfin, la requérante considère qu’elle ne pouvait découvrir raisonnablement l’erreur de l’administration douanière néerlandaise. Il ne pourrait pas être exigé d’elle qu’elle consulte le libellé d’une position de la nomenclature combinée dans les autres langues que la langue officielle de l’État membre dans laquelle elle remplit les formalités douanières. Ainsi, on ne pourrait lui opposer la publication du règlement de classement, parce que la version néerlandaise officielle de la position 1905 de la nomenclature combinée ne correspondrait pas complètement au système harmonisé et, dès lors, elle aurait pu raisonnablement considérer que le règlement de classement n’était pas conforme au système harmonisé. (réplique, points 4 et 32)

41      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 905 du règlement d’application, disposition qui précise et développe la règle prévue à l’article 239 du code des douanes, constitue une clause générale d’équité, destinée, notamment, à couvrir des situations exceptionnelles qui, en soi, ne relèvent pas de l’un des cas de figure prévus aux articles 900 à 904 du règlement d’application (arrêt de la Cour du 25 février 1999, Trans‑Ex‑Import, C‑86/97, Rec. p. I‑1041, point 18). Il ressort dudit article 905 que le remboursement des droits à l’importation est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’existence d’une situation particulière et, deuxièmement, l’absence de négligence manifeste et de manoeuvre de la part de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 12 février 2004, Aslantrans/Commission, T‑282/01, Rec. p. II‑693, point 53). En conséquence, il suffit que l’une des deux conditions fasse défaut pour que le remboursement des droits doive être refusé (arrêts du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T‑75/95, Rec. p. II‑497, point 54, et Aslantrans/Commission, précité, point 53).

43      Or, il ressort de la décision attaquée que la condition de l’existence d’une situation particulière est remplie en l’occurrence, du fait de l’erreur commise par l’administration douanière néerlandaise qui a continué à accepter des déclarations contenant un classement erroné après l’entrée en vigueur du règlement de classement, sans émettre de réserves. Il est aussi constant entre les parties que la requérante n’a procédé à aucune manœuvre au sens desdites dispositions. En conséquence, l’examen du Tribunal doit porter exclusivement sur la question de savoir si la Commission a fait ou non une appréciation erronée de la prétendue existence d’une négligence manifeste de la part de la requérante.

44      Selon la jurisprudence, pour apprécier s’il y a négligence manifeste au sens de l’article 239 du code des douanes, il convient de tenir compte, notamment, de la complexité des dispositions dont l’inexécution a fait naître la dette douanière, ainsi que de l’expérience professionnelle et de la diligence de l’opérateur (arrêts de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877, point 56, et du 13 mars 2003, Pays-Bas/Commission, C‑156/00, Rec. p. I‑2527, point 92).

45      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Commission jouit d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elle adopte une décision en application de l’article 239 du code des douanes (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, points 46 et 78). Il convient également de relever que le remboursement ou la remise des droits à l’importation, qui ne peuvent être accordés que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, constituent une exception au régime normal des importations et des exportations et, par conséquent, que les dispositions prévoyant un tel remboursement sont d’interprétation stricte. En particulier, l’absence de négligence manifeste étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un remboursement ou à une remise des droits à l’importation, il s’ensuit que cette notion doit être interprétée de telle sorte que le nombre de cas de remboursement ou de remise reste limité (arrêt Söhl & Söhlke, point 44 supra, point 52).

46      Toutefois, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de l’article 239 du code des douanes, elle est tenue d’exercer ce pouvoir en mettant réellement en balance, d’une part, l’intérêt de la Communauté à s’assurer du respect des dispositions douanières et, d’autre part, l’intérêt de l’importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 133, et du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission, T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97, T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, Rec. p. II‑1337, point 225).

–       Sur la complexité de la législation

47      Premièrement, la requérante rappelle que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission, point 24 supra, le Tribunal a considéré que le fait que les autorités douanières compétentes ont corrigé leur erreur dans un délai très bref constitue un indice tendant à prouver que la législation en cause n’était pas complexe. Ainsi, dans le cas d’espèce, la persistance des autorités compétentes dans l’erreur pendant huit mois démontrerait le contraire.

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’arrêt Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission, point 24 supra, a été annulé par l’arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission (C‑499/03 P, Rec. p. I‑1751).

49      La Cour ayant considéré la législation applicable comme complexe sur la seule base de l’analyse de celle-ci, sans faire référence à la durée de la pratique administrative illégale, il ressort dudit arrêt que la question de la complexité de la législation s’apprécie principalement sur la base du contenu des dispositions en cause, de sorte que la période pendant laquelle les autorités compétentes ont persisté dans leur erreur ne saurait constituer un critère déterminant.

50      Par conséquent, la requérante ne saurait valablement prétendre que la persistance des erreurs administratives de la part des autorités douanières néerlandaises pendant une période de huit mois est susceptible de démontrer la complexité de la législation.

51      Deuxièmement, la requérante avance que la complexité de la législation résulte du fait que le libellé de la position 1905 dans la version néerlandaise de la nomenclature combinée, à la différence des autres versions linguistiques, ne contient pas les termes « feuilles de pâte de farine séchée ». Ainsi, la préparation alimentaire en cause, qui est séchée, aurait pu être classée sous la position 1901, sur la base du libellé suivant « non dénommées ni comprises ailleurs ».

52      À cet égard, il convient de relever que, s’agissant de la position 1905 de la nomenclature combinée, la version néerlandaise était effectivement moins détaillée que les autres versions linguistiques, dès lors que, par exemple, le libellé ne contenait aucun équivalent néerlandais des termes « pâtes séchées » et « rice paper » figurant respectivement dans les versions française et anglaise de ladite position.

53      Néanmoins, force est de constater que la prise en compte a posteriori des droits d’importation par l’administration douanière néerlandaise, qui a donné suite au présent recours, concernait une période postérieure à l’adoption du règlement de classement.

54      Or, l’adoption des règlements de classement tarifaire a précisément pour objet de clarifier la position tarifaire sous laquelle la marchandise doit être classée, en vue de dissiper la complexité de la matière résultant notamment des divergences existant dans les divers États membres quant au classement tarifaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er avril 1993, Hewlett Packard France, C‑250/91, Rec. p. I‑1819, point 28).

55      Il s’ensuit que la complexité de la législation doit être appréciée uniquement pour la période qui suit l’adoption du règlement de classement, et à la lumière de ses dispositions.

56      À cet égard, force est de constater que le règlement de classement, y compris sa version néerlandaise, précise que les préparations alimentaires, faites « à base de farine de riz, se présentant sous forme de feuilles ou de disques de différentes dimensions, séchés, translucides » sont à classer sous le code 1905 90 20. Le Tribunal estime alors que cette description inclut les « feuilles de pâte de farine séchée », dans la catégorie des produits à base de riz, et, dès lors, le règlement de classement pallie l’absence de ces derniers termes dans le libellé de la position 1905 de la version néerlandaise de la nomenclature combinée.

57      En outre, la requérante a reconnu à l’audience que « le règlement de classement mentionne le papier de riz ». (Procès-verbal de l’audience, p. 22, quatrième paragraphe)

58      Au vu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la publication du règlement de classement a mis fin à l’éventuelle complexité de la législation créée par l’absence de certains termes dans la position 1905 de la version néerlandaise de la nomenclature combinée, et, dès lors, les arguments de la requérante tendant à démontrer que la Commission a commis une erreur d’appréciation à cet égard doivent être rejetés.

–       Sur l’expérience professionnelle de la requérante

59      Selon la jurisprudence, il convient de rechercher s’il s’agit d’un opérateur économique dont l’activité professionnelle consiste, pour l’essentiel, en des opérations d’importation et d’exportation et s’il avait déjà acquis une certaine expérience dans l’exercice de ces opérations (arrêt Söhl & Söhlke, point 44 supra, point 57).

60      À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas l’expérience professionnelle de Switch Customs Brokers, commissionnaire en douane qu’elle a choisi comme représentant direct au sens de l’article 5, paragraphe 2, du code des douanes, en matière d’opérations d’importation et d’exportation. Il est aussi constant entre les parties que la requérante a régulièrement importé les produits en cause avant la période donnant lieu à la naissance de la dette douanière litigieuse.

61      Néanmoins, la requérante fait valoir que, contrairement à la constatation de la Commission à cet égard, le seul fait que son représentant direct dispose de l’expérience professionnelle pertinente ne saurait suffire pour qu’elle soit qualifiée d’opérateur expérimenté.

62      Il y a lieu de rappeler que, selon la décision attaquée, la requérante est un opérateur expérimenté : « Elle a importé pendant la période considérée environ 50 produits différents et a établi environ 70 déclarations par mois pour une valeur d’environ 120 000 euros. Au surplus, le fait que [la requérante] ait confié l’accomplissement des formalités douanières à un commissionnaire en douane ne permet pas de l’exonérer de sa responsabilité. [L]e fait que le commissionnaire en douane a agi en représentation directe [...] conduit à considérer qu’il n’est intervenu que sous la responsabilité de [la requérante, laquelle] doit donc être tenu[e] pour responsable des données de la déclaration. »

63      Le Tribunal constate alors que, contrairement à ce que la requérante prétend, la Commission n’a pas uniquement fondé sa conclusion concernant l’expérience professionnelle de la requérante sur le fait qu’elle a eu recours à un commissionnaire en douane, mais aussi, voire principalement, sur le fait que la requérante procède régulièrement à l’importation d’une large gamme de produits.

64      La requérante fait néanmoins valoir qu’elle manquait d’expérience professionnelle quant aux formalités de dédouanement, et c’est pour cette raison qu’elle a fait appel aux services de Switch Customs Brokers. La responsabilité de celle-ci devrait cependant être appréciée séparément de la sienne, de sorte que l’expérience professionnelle de Switch Customs Brokers ne saurait lui être imputée.

65      À cet égard, il importe de relever que, selon l’article 5, paragraphe 2, premier tiret, du code des douanes, le représentant direct agit au nom et pour le compte d’autrui. L’article 4, paragraphe 18, dudit code définit le déclarant comme « la personne qui fait la déclaration en douane en son nom propre ou celle au nom de laquelle une déclaration en douane est faite ». Les droits et les obligations du déclarant sont stipulés dans le code des douanes sans prendre en compte que le déclarant procède lui-même à la déclaration ou que celle-ci est faite par une autre personne à son nom.

66      Dès lors, il peut être déduit des règles du code des douanes que l’importateur et son représentant direct sont à considérer, en principe, comme une seule entité aux fins de l’appréciation de la responsabilité engagée du fait du non-respect de la législation douanière communautaire applicable aux importations.

67      C’est à la lumière de cette règle générale qu’il convient d’examiner si, dans le contexte spécifique de l’application de la clause d’équité que constitue l’article 239 du code des douanes, la responsabilité du déclarant peut être séparée de celle de son représentant direct, ce qui englobe la question plus particulière de savoir si l’expérience professionnelle de ce dernier peut être imputée au déclarant.

68      À cet égard, la requérante soutient à la fois que, d’une part, en raison de son inexpérience, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir consulté le règlement de classement et, d’autre part, une éventuelle négligence à cet égard de son représentant direct ne lui est pas imputable. Force est de constater que l’acceptation de cette thèse équivaudrait à admettre que la désignation d’un représentant direct par un importateur dispense ce dernier de toute obligation de diligence, et plus particulièrement de l’obligation de consulter le Journal officiel, et l’exonère de toute responsabilité s’agissant des conséquences résultant de la méconnaissance de la législation en vigueur, en cas d’une erreur simultanée de l’autorité douanière compétente.

69      Une telle conclusion n’est pas acceptable, parce qu’elle serait contraire au principe selon lequel nul n’est censé ignorer les dispositions du droit communautaire telles que publiées dans le Journal officiel (arrêt de la Cour du 12 juillet 1989, Binder, 161/88, Rec. p. I‑2415, point 19). Elle s’opposerait aussi au principe d’interprétation stricte de l’article 239 du code des douanes et à l’exigence visant la limitation des cas de remboursement et de remise des droits à l’importation (voir la jurisprudence au point 45 supra). De même, elle ne respecterait pas l’exigence d’équilibre qui est à préserver entre l’intérêt de la Communauté à s’assurer du respect des dispositions douanières et les intérêts des importateurs de bonne foi (voir la jurisprudence au point 46 supra), a fortiori, puisque la protection accordée par ce principe ne s’étend pas aux opérateurs omettant de consulter le Journal officiel, dès lors qu’ils ne sauraient être considérés comme étant de bonne foi.

70      Il s’ensuit que les éléments concernant l’éventuelle négligence de Switch Customs Brokers, y compris le niveau de son expérience professionnelle, doivent être mis à la charge de la requérante, dans la mesure où le commissionnaire en douane a agi au nom et pour le compte de celle-ci, sans préjudice, toutefois, de la possibilité pour elle d’introduire, le cas échéant, une action récursoire à l’encontre de ce dernier.

71      De surcroît, la requérante n’avance aucun argument valable pour démontrer la nature erronée des constatations de la décision attaquée.

72      À cet égard, il convient de relever que, dans l’affaire REM 33/99, le facteur principal pris en compte par la Commission pour accorder le bénéfice du remboursement était que l’opérateur concerné aurait dû verser la dette douanière deux fois pour remplir les conditions d’un remboursement des droits indûment perçus, ce qui aurait dépassé sa capacité financière. En ce qui concerne l’affaire REM 34/99, il suffit de rappeler que, dans un contexte de classement initialement erroné des marchandises en cause par les autorités compétentes, qui n’a pas été contesté par l’importateur, la Commission a conclu, pareillement à la présente affaire, que la remise des droits n’était pas justifiée.

73      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante, qui, déjà avant les importations litigieuses, avait régulièrement importé le papier de riz en question et une large gamme d’autres produits, ne saurait valablement s’appuyer sur une absence d’expérience professionnelle du seul fait qu’elle ne disposait pas de connaissances quant aux formalités douanières et avait confié leur accomplissement à un représentant direct au sens de l’article 5, paragraphe 2, du code des douanes, qu’elle qualifie d’expérimenté.

74      Dans ces conditions, le Tribunal constate que la Commission a conclu à juste titre que la requérante devait être qualifiée d’opérateur expérimenté.

–       Sur la diligence dont la requérante a fait preuve

75      Il y a lieu de rappeler qu’il incombe à tout opérateur, dès lors qu’il a des doutes quant à l’application exacte des dispositions dont le non-respect peut faire naître une dette douanière, de s’informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour ne pas contrevenir aux dispositions visées (arrêts de la Cour du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher, C‑64/89, Rec. p. I‑2535, point 22, et Söhl & Söhlke, point 44 supra, point 58).

76      Dans le cas d’espèce, la requérante a admis qu’elle n’avait pas consulté le règlement de classement et qu’elle ne pouvait ni confirmer ni nier que son représentant direct l’avait fait. (voir procès-verbal de l’audience, p. 30)

77      La requérante a également déclaré que ni elle ni son représentant direct n’avait contacté l’administration douanière néerlandaise pour se renseigner sur la contradiction qui existait entre la pratique de cette dernière et les dispositions du règlement de classement. (réponse à la 2ème question écrite du Tribunal)

78      La requérante fait toutefois valoir qu’aucune absence de diligence ne saurait lui être reprochée en raison de l’inobservation du règlement de classement, dès lors qu’elle pouvait raisonnablement considérer que le règlement de classement n’était pas conforme au système harmonisé.

79      Cet argument est toutefois dénué de pertinence du point de vue du présent litige, étant donné que la jurisprudence existante (voir point 75 supra) exige des opérateurs économiques, en cas de doutes quant à l’application exacte des dispositions pertinentes, qu’ils se renseignent auprès des autorités compétentes afin de ne pas contrevenir aux dispositions visées. Or, dès lors que la pratique de l’administration douanière néerlandaise était manifestement contraire au règlement de classement au cours de la période donnant naissance à la dette douanière, la requérante et/ou son représentant direct auraient dû avoir des doutes quant à l’application exacte des dispositions pertinentes, ce qui était alors en principe suffisant pour générer leur obligation de s’informer auprès des autorités compétentes quant aux raisons de cette discordance, au sens de la jurisprudence susmentionnée.

80      Ensuite, elle fait valoir qu’il découlerait de l’arrêt Covita, point 36 supra, que l’absence de la consultation du Journal officiel ne peut être reprochée qu’aux opérateurs économiques qui ont une raison de douter de l’adoption des dispositions qui les concernent.

81      Cette thèse de la requérante ne saurait prospérer. Il convient de rappeler que les règlements de classement tarifaire font obligatoirement l’objet d’une publication au Journal officiel. À compter de cette publication, nul n’est censé ignorer le classement des produits qu’il instaure (voir, en ce sens, arrêt Binder, point 69 supra, point 19, et, par analogie avec la publication d’une taxe compensatoire, arrêt Covita, point 36 supra, point 26).

82      En effet, il ressort de la jurisprudence que la seule situation où l’inobservation des dispositions publiées au Journal officiel ne pourrait pas être reprochée à la requérante serait celle où le Journal officiel publiant le règlement de classement n’aurait pas été disponible pendant la durée de l’erreur de l’administration douanière néerlandaise concernant le classement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 15, et Covita, point 36 supra, point 27). Or, la requérante ne prétend pas, dans le cas d’espèce, que la version néerlandaise du Journal officiel n’était pas disponible au moment où elle a commencé à procéder aux importations donnant naissance à la dette douanière litigieuse.

83      Ensuite, la requérante fait valoir que, même si on suppose la présence d’une négligence de sa part, la Commission a toutefois omis de prendre en compte la négligence de l’administration douanière néerlandaise. Elle estime, en substance, qu’on ne peut exiger des déclarants ni une connaissance plus étendue ni une diligence plus élevée que celles des fonctionnaires des autorités douanières.

84      Cet argument de la requérante ne peut pas être retenu. En effet, ériger en principe l’approche de la requérante conduirait à la conséquence que le remboursement ou la remise des droits serait automatique dans les cas où la situation particulière requise pour l’application de l’article 239 du code des douanes réside dans une erreur commise par un fonctionnaire des douanes, dès lors que ce fonctionnaire est toujours censé être compétent. Une telle interprétation serait contraire à la nature de la clause d’équité de l’article 239 du code des douanes, qui doit être interprété d’une façon stricte, de sorte que le nombre de cas de remboursement ou de remise des droits reste limité (arrêt Söhl & Söhlke, point 44 supra, point 52 ; voir également, en ce sens, arrêt Deutsche Fernsprecher, point 75 supra, points 16 et 17).

85      En outre, l’approche proposée par la requérante priverait les opérateurs économiques concernés de toute motivation à se renseigner auprès des autorités douanières lorsqu’ils s’aperçoivent de la nature illégale d’une pratique administrative qui est néanmoins plus favorable pour eux que ne le serait l’application correcte des dispositions pertinentes.

86      De même, la requérante ne saurait valablement s’appuyer sur l’arrêt Sommer, point 34 supra. Cet arrêt exige, pour que les droits ne soient pas pris en compte a posteriori dans le cas des contrôles sur place des importations, qu’il n’apparaisse pas que l’opérateur économique, ayant respecté toutes les dispositions applicables, ait pu avoir des doutes quant à l’exactitude du résultat du contrôle physique. Cette condition n’est pas satisfaite en l’occurrence, dès lors que la lecture du règlement de classement non seulement aurait dû susciter des doutes quant à l’exactitude du classement fait par l’administration douanière néerlandaise à la suite des contrôles physiques du produit importé en cause, mais était également susceptible de révéler clairement la nature incorrecte dudit classement.

87      À la lumière de ce qui précède, le Tribunal considère que, en ne se renseignant pas auprès des autorités compétentes sur les raisons de la discordance entre la pratique de classement de l’administration douanière néerlandaise et les dispositions du règlement de classement, la requérante et son représentant direct n’ont pas satisfait aux exigences relatives à la diligence requise dans le cadre de l’application de l’article 239 du code des douanes.

88      Toutefois, la requérante fait valoir que ce n’est qu’à son représentant direct, qui est spécialisé en matière de classement tarifaire, qu’il peut être reproché un manque de diligence. Ce manquement ne pourrait pas lui être imputé. Pour soutenir cette allégation, elle fait d’abord référence aux arrêts De Haan et British American Tobacco, point 37 supra.

89      Le Tribunal observe néanmoins que le contexte juridique et factuel de ces arrêts diverge sensiblement du cas d’espèce. Premièrement, il convient de souligner que dans les affaires susmentionnées la situation particulière était constituée d’une fraude douanière, à la différence du cas d’espèce, où elle s’est manifestée par une erreur de l’autorité douanière concernant le classement. Deuxièmement, il s’agissait du régime communautaire du transit externe, qui n’implique pas l’importation de biens dans la Communauté, et ne concerne dès lors pas la question du classement des produits importés. Troisièmement, en vertu de la réglementation communautaire, les droits et obligations du principal obligé, qui était le sujet de la dette douanière dans les affaires évoquées par la requérante, sont différents de ceux du déclarant. Quatrièmement, les personnes auxquelles le principal obligé a fait appel n’ont pas été qualifiées de « représentants directs » au sens de la réglementation communautaire applicable à l’époque.

90      Pour ces raisons, il convient de constater que l’invocation des arrêts susmentionnés par la requérante est sans incidence sur l’appréciation de l’imputabilité de la négligence de Switch Customs Brokers à la requérante.

91      Ensuite, s’agissant des décisions de la Commission que la requérante invoque à cet égard, force est de constater que cette dernière se borne à la simple énumération de ces décisions sans préciser les raisons pour lesquelles elles seraient pertinentes.

92      Outre les considérations déjà mentionnées dans le contexte de l’analyse de l’impact de l’expérience professionnelle du représentant direct sur celle du déclarant (voir point 65 et suivants), il y a lieu d’observer que la non-imputabilité aux déclarants de la négligence de leurs représentants directs priverait tant les uns que les autres de toute motivation à signaler leurs doutes ou à se renseigner auprès des autorités compétentes dans les situations où celles-ci appliquent, par erreur, des dispositions douanières plus favorables que celles qui sont véritablement pertinentes. Au contraire, ils auraient intérêt à laisser l’autorité compétente persister dans son erreur, afin de pouvoir continuer à bénéficier du traitement illégal plus favorable.

93      Ainsi, la non-imputabilité de l’imprudence du représentant direct priverait de tout effet utile la jurisprudence citée au point 75 supra, selon laquelle « il incombe à l’opérateur, dès lors qu’il a des doutes quant à l’application exacte des dispositions dont l’inexécution peut faire naître une dette douanière, de s’informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour ne pas contrevenir aux dispositions visées », dans le cas d’un recours aux services d’un représentant direct.

94      Dès lors, le Tribunal constate que la Commission a considéré à juste titre que l’imprudence du représentant direct, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du code des douanes, est à prendre en considération comme celle de l’intéressé aux fins de l’application de l’article 239 du code des douanes.

95      Dans ces conditions, le Tribunal estime que la Commission a correctement apprécié, dans la décision attaquée, la complexité de la législation, l’expérience professionnelle de la requérante et le niveau de diligence qu’elle a montré.

96      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a démontré ni la violation de l’article 239 du code des douanes, ni une appréciation erronée des faits, ni un défaut de motivation. Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de bonne administration et d’égalité de traitement

 Arguments des parties

97      La requérante soulève que la rigueur que la Commission a montrée vis-à-vis d’elle dépasse les exigences qu’elle a imposées dans les cas relevant de contextes factuels similaires, où elle a considéré que les intéressés n’étaient pas manifestement négligents. Dès lors, la décision attaquée serait contraire au principe d’égalité de traitement et ne serait pas raisonnable ni équitable. (réplique, point 34)

98      Plus particulièrement, en ce qui concerne la complexité de la réglementation, la Commission ne prêterait pas attention au fait que l’administration douanière néerlandaise a elle-même appliqué les règles de classement de manière incorrecte. À cet égard, la requérante fait référence à l’arrêt du 17 septembre 2003, Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission, point 24 supra, ainsi qu’à la décision de la Commission dans l’affaire REC 01/2001. (réplique, point 35)

99      Quant à l’expérience professionnelle de l’intéressée, la requérante invoque une nouvelle fois les décisions rendues dans les affaires REM 33/99 et REM 34/99. Dans ces deux cas, un recours de l’importateur aurait été accueilli sur la base de l’article 239 du code des douanes et les connaissances et/ou la négligence de l’opérateur ayant effectué la déclaration n’auraient pas été opposées à l’importateur. (réplique, point 36)

100    En ce qui concerne sa diligence, la requérante estime que la Commission lui impose des exigences strictes de manière inappropriée par rapport aux autres décisions (voir point 38 supra). Ainsi, même si son représentant direct avait agi de manière négligente, cela ne pourrait pas lui être opposé. Bien qu’il s’agisse d’une toute autre affaire, la requérante estime qu’elle peut se fonder sur la doctrine confirmée par les arrêts De Haan et British American Tobacco, point 37 supra. (réplique, point 37)

101    En outre, la requérante se réfère aux arguments exposés sous le premier moyen.

102    La Commission conteste la validité des arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

103    La requérante avance une nouvelle fois que la Commission n’a pas tenu compte de la négligence commise par l’administration douanière néerlandaise, qui constituerait une violation du principe de bonne administration. À cet égard, il y a lieu d’observer que cet élément est apprécié lors de l’établissement d’une situation particulière au sens de l’article 239 du codes des douanes, mais ne saurait dispenser la requérante des conséquences de sa propre négligence (voir la jurisprudence au point 84 supra). Il n’est pas contesté en l’espèce que la Commission a pris en compte l’erreur de l’administration douanière néerlandaise résultant de l’inobservation du règlement de classement lors de l’examen de l’existence d’une situation particulière.

104    Quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que celui-ci n’est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309).

105    Or, il résulte de l’analyse du premier moyen par le Tribunal que le contexte factuel des arrêts et des décisions invoqués par la requérante à cet égard diffèrent sensiblement de celui du cas d’espèce, de sorte que la requérante ne saurait valablement se fonder sur ces affaires pour la démonstration d’une violation du principe d’égalité de traitement.

106    Dans ces circonstances, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

107    La requérante soutient que la Commission lui impose un devoir de diligence exagéré et injustifiable, alors que les négligences de l’administration douanière néerlandaise demeurent sans aucune conséquence.

108    Elle considère que, à la lumière des faits et des circonstances de l’espèce, du droit communautaire en vigueur, des décisions précédentes de la Commission et de la jurisprudence, les sanctions la frappant sont disproportionnées. (réplique, point 41)

109    En outre, la requérante renvoie à ce qui a été exposé sous le premier moyen.

110    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

111    Lorsque les conditions d’application de l’article 239 du code des douanes ne sont pas remplies, le refus de remboursement ou de remise des droits litigieux ne constitue pas une violation du principe de proportionnalité [voir, par analogie avec l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, arrêt de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, Rec. p. I‑2465, point 114].

112    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être également rejeté.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider qu’elle supportera, outre ses propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le néerlandais.