Language of document : ECLI:EU:T:2021:768

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 novembre 2021 (*)

 « Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale HALLOWIENER – Absence d’usage sérieux – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑500/20,

Selmikeit & Giczella GmbH, établie à Osterode (Allemagne), représentée par Me S. Keute, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Boehmert & Boehmert Anwaltspartnerschaft mbB - Patentanwälte Rechtsanwälte, établie à Brême (Allemagne), représentée par Me U. Ulrich, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 27 mai 2020 (affaire R 1893/2019-1), relative à une procédure de déchéance entre Boehmert & Boehmert Anwaltspartnerschaft mbB - Patentanwälte Rechtsanwälte et Selmikeit & Giczella,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et R. Mastroianni (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 février 2011, le prédécesseur en droit de la requérante, Selmikeit & Giczella GmbH, a obtenu, auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], l’enregistrement sous le numéro 9369489 de la marque de l’Union européenne verbale HALLOWIENER.

2        Les produits et les services pour lesquels la marque de l’Union européenne verbale HALLOWIENER a été enregistrée relevaient des classes 29 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viandes, charcuteries » ;

–        classe 43 : « Approvisionnement, restauration d’hôtes dans les snack-bars et restaurants ».

3        Le 24 novembre 2017, l’intervenante, Boehmert & Boehmert Anwaltspartnerschaft mbB - Patentanwälte Rechtsanwälte, a présenté une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne verbale HALLOWIENER, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, pour l’ensemble des produits et des services visés au point 2 ci-dessus, au motif de l’absence d’usage sérieux de ladite marque.

4        Le 5 février 2018, la requérante a présenté quatre éléments de preuve afin d’établir l’usage sérieux de la marque contestée. Ils consistaient en un prospectus publicitaire datant du 14 octobre 2013 du supermarché allemand A, dans lequel figurait un produit de la marque contestée, un extrait du site Internet de ladite marque en date du 3 février 2018, une facture du 4 octobre 2012 relative à une vente d’un produit de la marque contestée au supermarché allemand B et, enfin, une facture du 20 janvier 2014 du supermarché allemand C relative à l’achat de produits de la requérante au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013.

5        Le 29 mai 2018, l’intervenante a formulé ses observations sur ces éléments de preuve. La requérante a répondu auxdites observations le 28 août 2018.

6        Le 8 février 2019, la requérante a produit deux nouvelles preuves de l’usage sérieux de sa marque. Il s’agissait, d’une part, d’un contrat de licence portant sur l’utilisation, à titre gratuit, de la marque contestée par le supermarché allemand D, pour la période allant du 31 octobre 2017 au 30 novembre 2018, en vue d’une analyse de marché, et, d’autre part, de quatre images non datées ayant trait à une activité de vente de la marque contestée.

7        Le 21 juin 2019, la division d’annulation a fait droit à la demande en déchéance de l’intervenante, au motif que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période pertinente.

8        Le 21 août 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où celle-ci avait été déchue de ses droits sur la marque contestée pour les produits compris dans la classe 29.

9        Par décision du 27 mai 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Tout d’abord, après avoir précisé que la requérante ne contestait pas la déchéance de ses droits sur la marque contestée pour les services relevant de la classe 43, la chambre de recours a indiqué que la période à prendre en compte afin de démontrer l’usage sérieux de ladite marque allait du 24 novembre 2012 au 23 novembre 2017 (ci-après la « période pertinente »). À cet égard, elle a précisé qu’une importante partie des preuves produites par la requérante afin de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée ne pouvait être attribuée à la période pertinente. S’agissant des documents pouvant être affectés à ladite période, la chambre de recours a indiqué qu’ils renseignaient les chiffres de vente relativement faibles de la requérante et que ceux-ci n’étaient pas compensés par la preuve d’une intensité de l’usage de la marque contestée. Enfin, après avoir relevé que la simple existence d’un nom de domaine et d’un compte sur le réseau social Facebook ne prouvait pas l’usage de ladite marque, la chambre de recours a conclu que les documents produits étaient insuffisants, et que leur examen global ne permettait pas de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente pour les produits en cause.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande en déchéance de la marque contestée.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des renvois aux écritures devant la chambre de recours

12      L’EUIPO soutient que les renvois globaux, effectués par la requérante à plusieurs reprises dans sa requête, aux arguments présentés dans le cadre de la procédure administrative devant lui, sont irrecevables.

13      Selon la jurisprudence, une requête, pour autant qu’elle renvoie aux écrits déposés devant l’EUIPO, est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans la requête elle-même [voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, points 14 et 15, et du 25 novembre 2015, Masafi/OHMI – Hd1 (JUICE masafi), T‑248/14, non publié, EU:T:2015:880, point 14].

14      En l’espèce, le Tribunal constate que, aux points 3 à 8, 12, 13, 26 et 29 de la requête, la requérante renvoie intégralement à ses conclusions présentées devant la division d’annulation et devant la chambre de recours ainsi qu’aux documents y étant joints.

15      Force est de constater que la requérante n’a pas précisé les passages des mémoires déposés devant la division d’annulation et devant la chambre de recours de nature à étayer ses allégations devant le Tribunal. Or, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher dans les écrits présentés durant la procédure administrative devant l’EUIPO, les arguments auxquels la requérante pourrait faire référence. Il s’ensuit que la requête, pour autant qu’elle renvoie globalement aux écrits produits devant l’EUIPO, est irrecevable.

 Sur le fond

16      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait erronément considéré que les éléments de preuve produits au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits pertinents.

17      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

18      En vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements (CE) no 2868/95 et (CE) no 216/96 [devenu article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625, de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 (devenu article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

19      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d’un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 23 et jurisprudence citée].

20      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 83 et jurisprudence citée). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée].

21      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

22      Selon la jurisprudence, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].

23      Par ailleurs, l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exige pas un usage continu et ininterrompu de la marque litigieuse pendant la période pertinente, mais uniquement un usage sérieux au cours de celle-ci [voir arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 77 et jurisprudence citée].

24      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’absence d’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente.

25      À titre liminaire, le Tribunal relève que la période pertinente, au cours de laquelle la requérante devait établir que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux, s’étend du 24 novembre 2012 au 23 novembre 2017, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours.

26      Par ailleurs, s’agissant des produits et des services concernés, la requérante ne conteste pas que la déchéance de ses droits sur la marque contestée était devenue définitive pour les services relevant de la classe 43.

27      S’agissant de la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente pour les produits relevant de la classe 29, le Tribunal constate que la requérante, dans le cadre de la procédure administrative devant l’EUIPO, a produit les éléments de preuve suivants :

–        un prospectus publicitaire du 14 octobre 2013 du supermarché allemand A dans lequel figurait un produit de la marque contestée ;

–        un extrait du site Internet de la marque contestée, www.hallowiener.de, en date du 3 février 2018 (ci-après l’« extrait du site Internet ») ;

–        une facture du 4 octobre 2012 relative à la vente de produits de la marque contestée à un supermarché allemand B et dont la livraison date du 25 septembre 2012 ;

–        une facture du 20 janvier 2014 du supermarché allemand C relative à l’achat de produits de la marque contestée au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;

–        un document du 6 septembre 2017 portant sur l’utilisation, à titre gratuit, de la marque contestée par le supermarché allemand D, pour la période allant du 31 octobre 2017 au 30 novembre 2018 inclus, en vue d’une analyse de marché (ci-après le « contrat de licence ») ;

–        quatre images non datées illustrant des activités de vente de la requérante, dont une photographie d’une affiche publicitaire dans un magasin d’alimentation, sur laquelle figure la mention en lettres majuscules « HALLOWIENER », deux photographies de comptoirs à saucisses dans lesquels sont présentés de nombreux emballages de saucisses portant l’étiquette de la marque contestée ainsi qu’une image d’une annonce publicitaire pour des produits de la marque contestée sur laquelle figure une référence au supermarché allemand D et à son site Internet (ci-après les « quatre images »).

28      La requérante soutient que la chambre de recours n’a pas procédé à une appréciation d’ensemble des éléments de preuve relatifs à l’usage sérieux de la marque contestée. À cet égard, elle fait valoir, premièrement, que, à tout le moins pour les années 2012 et 2013, ladite marque a fait l’objet d’un usage important. Deuxièmement, s’agissant des années 2014 à 2016, la requérante reconnaît qu’il y a eu un moindre usage de la marque contestée. Elle ajoute néanmoins que, au cours de cette période, son site Internet et sa page Facebook ont été maintenus, de sorte que les activités de vente et l’usage de la marque contestée ont pu être relancés les années suivantes. Troisièmement, elle fait valoir, en s’appuyant sur le contrat de licence et les quatre images, que des projets d’ordre stratégique ainsi que des discussions qui y étaient afférentes ont été menés avec des partenaires potentiels.

29      La requérante ajoute qu’il y a lieu de considérer le caractère saisonnier de la marque contestée. Elle relève que la production et la consommation des produits relevant de la classe 29 ont lieu annuellement, de manière ciblée, à l’occasion de la fête d’Halloween, pendant les mois de septembre et d’octobre. Dès lors, selon la requérante, il convient de tenir compte de ce caractère saisonnier et de fixer de plus faibles exigences en matière de preuve de l’usage sérieux.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

31      Tout d’abord, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des points 35 à 43 de la décision attaquée que la chambre de recours a apprécié globalement les éléments de preuve produits et a considéré qu’ils n’étaient pas suffisants, dans leur ensemble, pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente. L’argument de la requérante fondé sur l’absence d’appréciation d’ensemble doit donc être écarté.

32      S’agissant de l’année 2012, il convient de relever que le seul élément de preuve concernant cette année consiste en une facture du 4 octobre 2012 et porte sur une livraison du 25 septembre 2012 de produits visés par la marque contestée pour un prix de plus de 63 000 euros. La période pertinente débutant en novembre 2012, cet élément de preuve est antérieur à celle-ci.

33      Or, selon la jurisprudence, ce n’est que pour corroborer les autres éléments de preuve contenus dans le dossier que les éléments de preuve non datés ou antérieurs à la période pertinente peuvent être en compte [ordonnance du 14 janvier 2015, Recaro Holding/OHMI, C‑57/14 P, non publiée, EU:C:2015:17, point 26 et arrêt du 30 novembre 2016, K&K Group/EUIPO – Pret A Manger (Europe) (Pret A Diner), T‑2/16, non publié, EU:T:2016:690, point 35]. Il convient, par conséquent, d’examiner si l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente a été démontré afin de déterminer si cet élément de preuve est susceptible de corroborer un tel usage.

34      S’agissant de l’année 2013, il y a lieu de relever que les éléments de preuve qui se composent d’un prospectus publicitaire d’octobre 2013, mettant en avant la vente de saucisses viennoises de la marque contestée dans le supermarché allemand A, et d’une facture du 20 janvier 2014, dans laquelle figurent diverses transactions entre la requérante et le supermarché allemand D au cours de l’année 2013, pour un montant de 39 615,65 euros, sont de nature à démontrer un usage de la marque contestée pour l’année 2013, ainsi que la chambre de recours l’a constaté.

35      À cet égard, certes, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 39). Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 31].

36      Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous la marque contestée peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [voir arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, EU:T:2011:480, point 28 et jurisprudence citée].

37      Or, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours, les seuls chiffres de vente, relativement faibles, de la requérante pour l’année 2013, accompagnés du prospectus publicitaire décrit au point 33 ci-dessus, ne permettent pas de prouver une forte intensité de l’usage de la marque contestée sur l’année 2013.

38      L’argument de la requérante selon lequel la marque contestée aurait fait l’objet d’un usage et d’une exploitation commerciale importante pour l’année 2013 n’est donc aucunement étayé par d’autres facteurs commerciaux pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

39      S’agissant des années 2014 à 2016, la requérante admet avoir fait un usage moindre de la marque contestée et évoque l’absence de comptabilité spécifique pour les revenus engendrés par la marque. Elle invoque cependant l’extrait de son site Internet et sa page Facebook, dont elle souligne qu’ils ont été maintenus, de sorte que les activités de vente et l’usage de la marque contestée ont pu être relancés les années suivantes.

40      Toutefois, d’une part, il y a lieu de constater que, comme cela est indiqué au point 40 de la décision attaquée, l’extrait du site Internet a été imprimé par la requérante le 3 février 2018, soit postérieurement à la période pertinente.

41      Certes, il n’est pas exclu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuels éléments postérieurs à cette période, qui peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de ladite marque au cours de la période pertinente [voir arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 63 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, ordonnances du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31, et du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, point 41].

42      Cependant, à supposer même que l’extrait du site Internet puisse être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux au cours de la période pertinente, ce dernier indique uniquement que le site Internet pouvait être consulté en 2018. En revanche, il ne permet pas d’avoir plus d’informations sur les produits concernés ni, en particulier, de connaître leurs prix ou de savoir s’il était possible de les commander en ligne. Par conséquent, cet élément ne permet pas de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente.

43      D’autre part, l’usage de la marque contestée sur la page Facebook de la requérante n’est aucunement démontré, la dernière activité enregistrée datant d’octobre 2013.

44      La requérante invoque enfin le contrat de licence ainsi que les quatre images pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée à partir de l’année 2017. Le contrat de licence couvrant la période allant du 31 octobre 2017 au 30 novembre 2018 inclus, est établi pour une période essentiellement postérieure à la période pertinente. Il ne couvre que vingt-quatre jours de ladite période, à savoir du 31 octobre au 23 novembre 2017. En outre il s’agit d’un contrat de licence conclu avec le supermarché allemand D, portant sur l’utilisation, à titre gratuit, de la marque contestée, en vue d’une analyse de marché. Les quatre images présentent, quant à elles, des photographies d’affiches publicitaires ainsi que des photographies prises à l’intérieur du magasin d’alimentation qui est partie audit contrat de licence.

45      Or, d’une part, de tels éléments de preuve ne sont de nature à prouver l’usage de la marque contestée que pour une période de vingt-quatre jours en ce qui concerne l’année 2017 couverte par le contrat. D’autre part, malgré l’existence du contrat conclu avec le supermarché allemand D, force est de constater que la requérante n’a pas été en mesure d’apporter des preuves concrètes et objectives, au sens de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, de l’usage de la marque contestée, comme les résultats de l’analyse de marché en cause ou les preuves d’un usage sérieux en termes de ventes qui en aurait découlé. Ce contrat de licence couvrant principalement une période postérieure à la période pertinente, ne permet pas davantage de confirmer ou d’apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée au cours de ladite période, au sens de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus. De même, si les quatre images, quoique non datées, pouvaient permettre d’établir un usage de la marque contestée en octobre 2017, elles ne sont cependant pas susceptibles d’établir l’importance de l’usage de la marque contestée.

46      Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve soumis par la requérante, pris dans leur ensemble, ne sont pas suffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente en ce qui concerne les produits concernés. Dans ces circonstances, la facture du 4 octobre 2012 mentionnée aux points 32 et 33 ci-dessus, antérieure à la période pertinente, ne saurait être prise en compte.

47      Les considérations précédentes ne sauraient être remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel, au vu du caractère saisonnier de l’utilisation de la marque contestée, il conviendrait, en substance, d’atténuer les exigences de preuve de l’usage sérieux. En effet, même en admettant que le caractère saisonnier de l’usage de la marque contestée puisse influer sur la durée de l’usage et le caractère ciblé des périodes à prendre en compte, il n’y a pas lieu de fixer des exigences plus faibles en termes d’importance de l’usage. Or, en l’espèce, la requérante est restée en défaut d’apporter les éléments de preuve pertinents permettant de démontrer une utilisation sérieuse de sa marque, à tout le moins, au cours des mois de septembre à novembre de chaque année de la période pertinente, en concomitance avec la fête d’Halloween.

48      Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Selmikeit & Giczella GmbH est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.