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TRADUCTION PROVISOIRE DU

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 26 janvier 1999 (1)

Affaire C-198/97

Commission

contre

Allemagne

1.
    La Commission vise dans la présente affaire à faire déclarer que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent, en vertu des articles 4, paragraphe 1 et 6, paragraphe 1 de la directive 76/160/CEE du Conseil du 8 décembre 1975 concernant la qualité des eaux de baignade (2). La Commission fait valoir que la République fédérale d'Allemagne a enfreint la directive, en omettant de prendre, dans les anciens Länder, les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 dans un délai de dix ans après la notification de ladite directive, et en effectuant les échantillonnages prescrits sans respecter la fréquence minimale fixée à l'annexe.

2.
    La directive vise à protéger la qualité des eaux de baignade dans la Communauté à l'exception des eaux destinées aux usages thérapeutiques et des eaux de piscine (3). Par eaux de baignade, on entend les eaux ou partie de celles-ci, douces, courantes ou stagnantes ainsi que l'eau de mer dans lesquelles la baignade est explicitement autorisée par les autorités compétentes de chaque Etat membre ou n'est pas interdite et est habituellement pratiquée par un nombre important de baigneurs.

3.
    L'annexe de la directive comporte une série de paramètres physiques, chimiques et microbiologiques applicables aux eaux de baignade. L'article 3 de la directive dispose que:

«1.     Les Etats membres fixent, pour toutes les zones de baignade ou pour chacune d'elles, les valeurs applicables aux eaux de baignade en ce qui concerne les paramètres indiqués à l'annexe.

    En ce qui concerne les paramètres pour lesquels aucune valeur ne figure à l'annexe, les Etats membres peuvent ne pas fixer de valeurs en application du premier alinéa tant que les chiffres n'ont pas été déterminés.

2.     Les valeurs fixées en vertu du paragraphe 1 ne peuvent pas être moins sévères que celles indiquées dans la colonne I de l'annexe.

3.    ....»

4.
    L'article 4 de la directive est rédigé comme suit:

«1.    Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 dans un délai de dix ans après la notification de la présente directive.

...

3.    Dans des cas exceptionnels, les Etats membres peuvent accorder des dérogations en ce qui concerne le délai de dix ans prévu au paragraphe 1. Les justifications d'une telle dérogation, fondées sur un plan de gestion des eaux à l'intérieur de la zone intéressée, doivent être notifiées à la Commission dans les délais les plus brefs et au plus tard dans un délai de six ans après la notification de la présente directive. La Commission procèdera à un examen approfondi de ces justifications et, le cas échéant, elle présentera au Conseil à leur sujet des propositions appropriées».

5.
    Aux termes de l'article 5 de la directive:

«1.     Pour l'application de l'article 4, les eaux de baignade sont réputées conformes aux paramètres qui s'y rapportent:

si des échantillons de ces eaux, prélevés selon la fréquence prévue à l'annexe en un même lieu de prélèvement, montrent qu'elles sont conformes aux valeurs des paramètres concernant la qualité de l'eau en question pour:

    - 95 % des échantillons dans le cas des paramètres conformes à ceux spécifiés dans la colonne I de l'annexe,

    - 90 % des échantillons dans les autres cas, sauf pour les paramètres 'coliformes totaux‘ et 'coliformes fécaux‘ ou le pourcentage des échantillons peut être de 80 %,

et si, pour les 5 %, 10 % ou 20 % des échantillons qui, selon le cas, ne sont pas conformes:

    - l'eau ne s'écarte pas de plus de 50 % de la valeur des paramètres en question, exception faite pour les paramètres microbiologiques, le pH et l'oxygène dissous,

    - les échantillons consécutifs d'eau prélevés à une fréquence statistiquement appropriée ne s'écartent pas des valeurs des paramètres qui s'y rapportent.

2.    Les dépassements des valeurs visées à l'article 3 ne sont pas pris en considération dans le décompte des pourcentages prévus au paragraphe 1 lorsqu'ils sont la conséquence d'inondations, de catastrophes naturelles ou de conditions météorologiques exceptionnelles».

6.
    L'article 6, paragraphe 1 de la directive impose aux Etats membres d'effectuer les échantillonnages dont la fréquence minimale est fixée à l'annexe.

7.
    L'article 8 de la directive dispose comme suit:

«Des dérogations à la présente directive sont prévues:

a)    pour certains paramètres marqués (0) dans l'annexe en raison de circonstances météorologiques ou géographiques exceptionnelles;

b)     lorsque les eaux de baignade subissent un enrichissement naturel en certaines substances qui provoque un dépassement des limites fixées à l'annexe.

...

    Lorsqu'un Etat membre a recours à une dérogation, il en informe immédiatement la Commission, en précisant les motifs et les délais».

8.
    L'article 13 de la directive impose aux Etats membres de communiquer à la Commission un rapport de synthèse sur les eaux de baignade et leurs caractéristiques les plus significatives pour la première fois quatre ans après la notification de la présente directive et régulièrement ensuite.

9.
    Enfin, l'article 12 de la directive exige que la directive soit mise en oeuvre dans un délai de deux ans à compter de sa notification.

I- Recevabilité

10.
    Le gouvernement allemand estime le recours irrecevable au motif que, lorsqu'elle a pris l'avis motivé et introduit le présent recours devant la Cour, la Commission a enfreint le principe de collégialité auquel elle est tenue, en vertu de l'article 163, premier alinéa du traité CE ainsi que de l'article 16 de son règlement intérieur.

11.
    Dans un arrêt récent concernant un autre recours introduit contre l'Allemagne par la Commission (4) la Cour a examiné une argumentation analogue présentée par la République fédérale d'Allemagne. Elle a noté dans cet arrêt que le principe de collégialité qui régissait le fonctionnement de la Commission reposait sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision, ceci impliquant que les décisions soient délibérées en commun et que tous les membres du collège soient sur le plan politique collectivement responsables de ces décisions. La Cour a cependant ajouté que les conditions formelles liées au respect effectif du principe de collégialité varient en fonction de la nature et des effets juridiques des actes adoptés. Au contraire de ce qui est le cas pour les décisions prises en vue du respect des règles de concurrence, la Cour a noté qu'un avis motivé ne déterminait pas de manière décisive les droits et les obligations d'un Etat membre et ne lui donnait pas de garantiesconcernant la compatibilité avec le droit communautaire d'un comportement déterminé. Il a simplement pour effet de donner à la Commission la faculté, mais non l'obligation, d'opérer une saisine de la Cour. Quant à la décision de saisir la Cour, elle ne modifie pas non plus par elle-même la situation juridique litigieuse. La Cour concluait que:

«Il résulte de l'ensemble de ces considérations que tant la décision de la Commission d'émettre un avis motivé que celle d'introduire un recours en manquement doivent être délibérées en commun par le collège. Les éléments sur lesquels ces décisions sont fondées doivent donc être disponibles pour les membres du collège. En revanche, il n'est pas nécessaire que le collège arrête lui-même la rédaction des actes qui entérinent ces décisions et leur mise en forme définitive.

En l'espèce, il est constant que tout élément que les membres du collège estimaient utile aux fins de leur prise de décision était disponible pour ces derniers, lorsque le collège a décidé, le 31 juillet 1991, d'émettre l'avis motivé et a approuvé, le 13 décembre 1994, la proposition d'introduire le présent recours.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission a respecté les règles relatives au principe de collégialité lorsqu'elle a émis l'avis motivé contre la République fédérale d'Allemagne et a introduit le présent recours» (5).

12.
    La question qui se pose dans la présente affaire est par conséquent celle de savoir si les membres de la Commission disposaient des informations sur la base desquelles la décision d'émettre un avis motivé et de saisir la Cour a été prise. La Commission a produit à la demande de la Cour, les documents qui ont été présentés au collège des Commissaires à la réunion au cours de laquelle a été adoptée la décision relative à l'avis motivé en cause. Il est vrai, comme le souligne le gouvernement allemand, que lesdits documents ne décrivaient la violation alléguée que de manière tout à fait sommaire. Toutefois, ces documents étaient des documents du type normalement présenté au collège des Commissaires, conformément à la pratique habituelle en usage dans l'institution et il convient de considérer que cette pratique a été acceptée par la Cour dans l'arrêt précité.

13.
    Il en résulte qu'il y a lieu de rejeter l'objection qui a été émise en ce qui concerne la recevabilité de la présente requête.

II- Sur le fond

A- Violation de l'article 4, paragraphe 1 de la directive

14.
    La Commission fait valoir que les informations communiquées par la République fédérale d'Allemagne telles qu'elles figurent dans les rapports communautaires annuels publiés par la Commission montrent qu'une grande partie des eaux de baignade allemandes n'est pasconforme aux valeurs impératives fixées par la directive. La Commission se fonde à cet égard sur le rapport concernant l'année 1995, bien que ledit rapport soit postérieur à l'avis motivé qui est daté du 22 juin 1994. Comme la Commission le souligne, la Cour a dit pour droit que la Commission peut, dans des procédures introduites au titre de l'article 169, se fonder soit sur des «faits déjà dénoncés dans les avis motivés et qui se sont poursuivis ultérieurement, ou des faits intervenus postérieurement à ces avis, mais de même nature que ceux qui étaient visés par ces avis et qui sont constitutifs d'un même comportement» (6). Selon le rapport concernant la saison 1995, 11,9% des 446 zones de baignade en eau de mer ne satisfaisaient pas aux valeurs impératives fixées par la directive. De plus, 6,5 % des zones de baignades n'avaient pas fait l'objet de vérifications suffisantes. En ce qui concerne les 1822 zones de baignade en eau douce, 10,3% ne satisfaisaient pas aux valeurs impératives et 42,5% n'avaient pas fait l'objet de vérifications suffisantes.

15.
    Dans sa défense, le gouvernement allemand note que le recours introduit par la Commission est expressément limité aux anciens Länder alors que le rapport qu'elle a établi en 1995 vise l'ensemble des Länder. Il ajoute en outre que ces chiffres sont dépassés et doivent être remplacés par les chiffres corrects fournis pour l'année 1995 par la banque des données des Communautés laquelle est gérée par les services compétents de la Commission. Le gouvernement allemandfonde par conséquent sa défense sur ces derniers chiffres. La Commission ne semble pas contester cette attitude.

16.
    Le gouvernement allemand note que dans les anciens Länder, 1770 lieux ont été indiqués comme zones de baignade au sens de la directive. La banque de données classe 180 (10,1 %) desdites zones de baignade dans la catégorie «non conformes» à la directive. Dans sa réplique, la Commission observe que la base des données de la Communauté mentionne 207 zones de baignade dans les anciens Länder (au lieu de 180) comme n'étant pas conformes à la directive, soit 3 zones de plus pour le Bade-Wurtemberg et 24 pour la Basse-Saxe. Dans sa duplique, le gouvernement allemand fait valoir que les 27 zones en cause relevaient dans le rapport pour la saison balnéaire 1995 des zones n'ayant pas été suffisamment contrôlées et qu'elles n'avaient été classées dans la catégorie non conforme qu'en ce qui concerne le rapport de 1996.

(a)    Les arguments relatifs aux 180 zones de baignades que la banque de données des Communautés classe pour 1995 dans la catégorie «non conformes aux valeurs limites fixées par la directive».

(i)    Les zones de baignade dont il est allégué qu'elles ont été classées de manière erronée.

17.
    Le gouvernement allemand fait valoir que parmi les 180 zones précitées, 14 ont été classées de manière erronée comme non conformes à la directive. Dans la réponse qu'elle a donnée à une question posée par la Cour, la Commission a expliqué que les informations dont elle dispose se fondent sur celles qui lui ont été fournies par le gouvernement allemand et que le gouvernement allemand n'a pas demandé à ce que ces chiffres soient corrigés dans la banque de données des Communautés. Dans son mémoire en duplique, le gouvernement allemand, tout en admettant que l'une des zones de baignade avait été correctement considérée comme non conforme à la directive (Itzehoe), maintient ses arguments selon lesquels les 13 zones restantes étaient classées de manière erronée et indique qu'il a désormais demandé, par lettre du 25 août 1998, à ce que ce classement fasse l'objet d'une correction dans la base de données. Il a également avancé des arguments pour dissiper les doutes exprimés par la Commission en ce qui concerne 5 des zones de baignade en cause.

(ii)    Les zones pour lesquelles il est allégué que toutes les mesures pratiques ont été prises

18.
    Dans son mémoire en défense, le gouvernement allemand fait valoir par ailleurs que dans le cas des 85 zones restantes, il n'y a pas infraction à l'article 4, paragraphe 1 de la directive. De l'avis du gouvernement allemand, il ne saurait y avoir infraction audit article siun Etat membre a pris toutes les mesures qui peuvent être exigées de lui, en application du principe de proportionnalité.

19.
    Dans 46 de ces 85 zones, un seul cas de dépassement des valeurs limites a été noté pour 1995 et aucun pour les années 1992 à 1994 ou 1996. Dans de telles circonstances, il n'y avait aucun motif justifiant des mesures visant à améliorer la qualité des eaux. La Commission répond que de multiples infractions ou des échantillonnages insuffisants ont été relevés pour 10 de ces zones pour lesquelles la République fédérale soutient qu'il n'y a qu'une seule violation. En outre, la Commission conteste le point de vue de la République fédérale, selon lequel un seul dépassement constaté ne constitue pas une violation de la directive au motif que l'article 4, paragraphe 1 impose aux Etats membres une obligation d'atteindre un résultat.

    Dans son mémoire en duplique, le gouvernement allemand admet que de nombreuses infractions se sont produites dans un cas (Stein Neustein) mais fait observer que dans les neuf autres, il n'y a pas eu d'infraction de 1992 à 1994 et en 1996. Par conséquent, s'agissant de 45 zones, il n'y a eu infraction qu'en 1995. Le gouvernement allemand est d'avis que ladite infraction ne saurait être considérée comme contraire à la directive puisqu'il a pris toutes les mesures qui étaient nécessaires et raisonnables. L'interprétation faite par la Commission impliquerait un respect à 100% des valeurs limites. De l'avis du gouvernement allemand, l'article 5, paragraphe 1, permet une certainesouplesse et doit être considéré comme une expression spécifique du principe de proportionnalité. La République fédérale ne peut en pratique se fonder sur l'article 5, paragraphe 1, puisque la saison de baignade ne comprend que 15 à 17 semaines par an. Prélever des échantillons tous les quinze jours aurait pour résultat un maximum de 9 échantillons par saison. Un seul écart dépasserait déjà de plus de 10 % la limite fixée.

20.
    Le gouvernement allemand fait valoir que dans le cas de 7 des 85 zones de baignade, des mesures d'assainissement plus importantes ne sont pas possibles. Cinq de ces zones ont un bassin d'alimentation situé au delà des frontières allemandes avec pour résultat qu'en dépit des mesures adoptées par la République fédérale, les eaux ne sont pas conformes aux valeurs limites. Dans le cas d'une autre de ces zones, la pollution de l'eau est imputable aux oiseaux aquatiques (et l'on ne saurait prendre des mesures qui détruiraient leur habitat). Enfin, pour une septième zone (Hausen, Donau beim Campingplatz) le gouvernement allemand a fait d'abord fait valoir que la principale cause d'infraction était liée à des facteurs géographiques et que la zone en cause devait par conséquent être considérée comme une dérogation autorisée en vertu de l'article 8, sous a). Il a toutefois abandonné cet argument dans sa prise de position sur la réponse de la Commission à une question posée par la Cour.

21.
    Dans sa réplique et dans sa réponse à ladite question, la Commission conteste l'argumentation présentée par la République fédérale d'Allemagne, à savoir que les six dernières zones sont des zones d'impossibilité matérielle absolue. La Commission note que pour 1997, quatre de ces zones sont classées comme étant conformes à la directive, ce qui tend à indiquer qu'il n'y avait pas d'impossibilité absolue. En ce qui concerne les deux autres zones, la Commission rejette l'argumentation du gouvernement allemand, à savoir que des mesures au niveau national n'auraient aucun sens en raison de l'implantation d'installations d'épuration des eaux en amont sur le Rhin, en Suisse, au motif que les installations suisses sont de première qualité et que, compte-tenu des quantités d'eau qui s'écoulent en aval, toute pollution d'origine suisse devrait se volatiliser. La Commission ajoute qu'il serait toujours loisible à la République fédérale d'interdire la baignade et de retirer les zones concernées de la liste des zones de baignade. Le gouvernement allemand répond que le fait que trois de ces zones de baignade ont rempli en 1997 les critères fixés par la directive n'a rien à voir avec des mesures supplémentaires prises par les autorités allemandes - les stations d'épuration étant entrées en activité en 1991 et 1994. Alors qu'il est vrai pour la quatrième zone que les installations d'épuration ont été modernisées en 1996, le gouvernement allemand partage le point de vue des autorités des Länder, à savoir que la raison pour laquelle il a été satisfait aux valeurs limites en 1997 était plutôt imputable aux variations de la population d'oiseaux aquatiques - les limites n'ayant encore une fois pas été respectées en 1998. En ce quiconcerne les deux zones restantes, les installations d'épuration du côté allemand ont été améliorées et représentent l'état optimal de la technologie en la matière. La République fédérale fait valoir qu'aucune autre amélioration ne peut être apportée. Dans le cas de 6 de ces zones les dépassements ne seraient, cependant, selon elle, pas suffisamment importants pour justifier une interdiction totale de baignade.

22.
    La République fédérale d'Allemagne note que dans 32 des 85 zones, les limites ne sont plus dépassées à l'heure actuelle et qu'il n'y a par conséquent plus infraction à l'article 4, paragraphe 1. La Commission répond que le fait que les infractions soient désormais dépourvues de pertinence dans 6 des 32 zones au motif que ces dernières ont perdu leur statut de zones de baignade en 1996 ou 1997 et qu'il a été mis fin à la situation en cause dans 26 autres cas en 1996 ne modifie en rien lesdites infractions. La date retenue pour déterminer l'existence d'une violation du traité est en principe celle fixée dans l'avis motivé de la Commission. Lorsque les violations persistent, le recours peut inclure des faits qui se sont produits après que l'avis motivé ait été rendu. La requête prend pour ce motif en considération la saison balnéaire 1995, ce que la République fédérale ne conteste pas. Toutefois, les saisons postérieures ne sont pas couvertes par la requête et ne sont par conséquent pas prises en considération.

(iii)        Les zones qui ne sont pas conformes aux valeurs limites

23.
    Après avoir conclu qu'il n'y a pas d'infraction à l'article 4, paragraphe 1, en ce qui concerne les 85 zones susmentionnées, le gouvernement allemand considère que le reste des 81 zones (4,5%) qui n'ont pas été conformes aux valeurs limites en 1995 ne sont pas suffisamment importantes pour justifier qu'il soit déclaré que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent, en application de l'article 4, paragraphe 1 de la directive. Dans sa duplique, le gouvernement allemand a modifié ce chiffre en 82 de manière à inclure Stein Neustein.

(b)    Appréciation des arguments précités.

24.
    Il est clair, selon nous, que la Commission est en droit d'obtenir de la Cour la déclaration qu'elle souhaite en obtenir à cet égard. Premièrement, les parties s'accordent sur le fait que la République fédérale n'a pas satisfait aux valeurs limites fixées par la directive dans le cas de 84 zones (soit les 81 zones mentionnées au départ par la République fédérale d'Allemagne, ainsi que Stein Neustein, Itzehoe et la zone Hausen, Donau beim Campingplatz). A ces 84 zones s'ajoutent les 32 zones de baignade pour lesquelles des infractions ont été constatées en 1995 et pour les années antérieures mais qui ont par la suite perdu leur statut de zone de baignade ou pour lesquelles il a été par la suite mis fin à la situation d'infraction. Bien que l'objet du présent litige soit déterminé par la procédure précontentieuse, en cas d'infractions qui se poursuivent, la Commission est, comme nous l'avonsindiqué (7), en droit d'étendre l'objet du litige à des faits qui se produisent après la date à laquelle l'avis motivé est rendu. Par conséquent, alors que l'avis motivé rendu par la Commission le 22 juin 1994 et portant sur la qualité des eaux de baignade dans les anciens Länder allemands était fondé sur les rapports concernant la saison 1993 et les saisons précédentes, le recours que la Commission a introduit devant la Cour prenait en considération les informations les plus récentes disponibles sur les zones balnéaires concernées lors de la saisine yde la Cour, à savoir, le rapport relatif à la saison balnéaire 1995. Le fait que certaines violations ont cessé par la suite parce que les zones en cause ont perdu leur statut de zone de baignade ou qu'il a été remédié à la situation décrite, ne met pas fin à l'infraction.

25.
    Il est clair, en outre, que 116 zones de baignade dans les anciens Länder de la République Fédérale d'Allemagne sont en infraction aux valeurs limites qui ont été fixées. Cette constatation serait suffisante en elle-même, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres zones litigieuses, pour étayer la conclusion selon laquelle la République fédérale d'Allemagne a manqué à ses obligations. Comme le fait observer la Commission, un Etat membre ne saurait, dans le cadre d'une action introduite en application de l'article 169 du traité, faire valoir que les infractions qu'il a commises sont des infractions mineures ou dépourvues de pertinence. La Cour a constamment jugé que le recours en manquement a «un caractère objectif et que la Commission apprécieseule l' opportunité de son introduction devant la Cour» (8). En toute hypothèse, il nous semble que la Commission avait suffisamment de motifs de saisir la Cour, s'agissant des infractions précitées.

26.
    Il est en outre clair que, comme l'affirme la Commission, le fait de ne pas remplir les critères de la directive dans 45 zones pour une seule saison constitue également une infraction à la directive. Contrairement à l'opinion du gouvernement allemand, la directive impose aux Etats membres, sauf dérogations spécifiquement prévues, d'atteindre un résultat et pas simplement de prendre toutes les mesures possibles. Dans l'arrêt Commission/Royaume-Uni, la Cour a jugé que (9):

    «Il résulte, en effet, de l'article 4, paragraphe 1, de la directive que les États membres doivent prendre les dispositions nécessaires pour que les eaux de baignade soient rendues conformes aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 dans un délai de dix ans après la notification de la directive, ce délai étant plus long que celui prévu pour la transposition de celle-ci, soit deux ans à compter de sa notification (article 12, paragraphe 1), afin de permettre aux États membres de satisfaire à l'exigence susmentionnée.

    Les seules dérogations à l'obligation des États membres de rendre leurs eaux de baignade conformes aux exigences de la directive sont celles prévues à l' article 4, paragraphe 3, à l' article 5, paragraphe 2 et à l' article 8, dont le contenu a été rappelé ci-dessus. Il s'ensuit que la directive impose aux États membres de faire en sorte que certains résultats soient atteints sans qu' ils puissent invoquer, en dehors de ces dérogations, des circonstances particulières aux fins de justifier le non-respect de cette obligation.

En conséquence, l'argument, invoqué par le gouvernement défendeur, selon lequel il aurait pris toutes les mesures raisonnablement possibles, ne saurait justifier le manquement à l'obligation de rendre les eaux litigieuses au moins conformes à l'annexe de la directive, en dehors des dérogations expressément prévues.»

27.
    Le gouvernement allemand ne cherche pas à invoquer les dérogations prévues par la directive en ce qui concerne ces zones. Il en résulte qu'il y a lieu d'ajouter le fait que pour ces 45 zones, il n'a pas respecté les valeurs limites pour la saison balnéaire 1995 aux autres infractions plus durables mentionnées ci-dessus.

28.
    Nous ne sommes pas convaincu par l'argumentation présentée par le gouvernement allemand, à savoir que, compte-tenu de la brièveté des saisons balnéaires, il faut en pratique respecter à 100 % les obligations fixées par la directive, au motif qu'il suffit d'un échantillonqui ne les respecte pas pour dépasser les valeurs fixées par l'article 5. Premièrement, l'article 5, paragraphe 2 dispose que les dépassements qui sont la conséquence d'inondations, de catastrophes naturelles ou de conditions météorologiques exceptionnelles ne sont pas pris en considération dans le décompte des pourcentages prévus au paragraphe 1 relatifs aux valeurs limites. Deuxièmement, les dispositions combinées de l'article 6 de la directive et de l'annexe ne font que fixer une fréquence minimum pour le prélèvement d'échantillons; il semble par conséquent que rien ne fait obstacle à ce que la République fédérale d'Allemagne effectue des prélèvements plus fréquents, en réduisant de ce fait la proportion du total que représentent les échantillons qui ne satisfont pas aux conditions requises. Enfin, la relative brièveté de la saison balnéaire dans le nord de l'Europe est en toute hypothèse un facteur dont on peut penser qu'il a été pris en considération par la République fédérale d'Allemagne - et d'autres Etats membres - lorsqu'il ont défini les limites fixées par la directive.

29.
    Puisqu'il est clair que dans 161 des zones de baignade, la République fédérale d'Allemagne n'a pas satisfait aux critères fixés par la directive, nous ne pensons pas nécessaire de résoudre la question des 27 zones qui figurent, selon la Commission, dans la base des données de la Communauté comme non conformes à la directive mais qui, selon le gouvernement allemand, sont considérées comme non suffisamment contrôlées dans le rapport de la Commission pour la saison 1995. Pour des raisons analogues, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire deparvenir à une conclusion s'agissant des six zones pour lesquelles le gouvernement allemand allègue une impossibilité absolue. Il n'est pas nécessaire non plus de parvenir à une opinion définitive sur les 13 zones dont le gouvernement allemand allègue qu'elles ont été mal classées dans la banque de données; sur ce dernier point, nous noterons toutefois qu'il serait difficile de considérer l' infraction relative aux zones en cause comme fondée, étant donné que l'argumentation de la Commission repose sur les informations fournies par le gouvernement allemand, dont ce dernier allègue désormais - sans être contredit par la Commission - qu'elles sont incorrectes.

B - Violation de l'article 6, paragraphe 1 de la directive - il n'a pas été satisfait aux prescriptions en matière d'échantillonnage

30.
    Le gouvernement allemand admet dans son mémoire en défense que, même après qu'il ait procédé à un certain nombre de modifications des chiffres présentés dans le rapport 1995, il subsiste encore 591 zones balnéaires qui n'ont pas fait l'objet d'un échantillonnage suffisant. Il admet par conséquent qu'il a manqué à ses obligations de se conformer à l'article 6, paragraphe 1 de la directive.

Conclusion

    Par conséquent, la Cour devrait selon nous:

1)    déclarer que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4, paragraphe 1 et 6, paragraphe 1 de la directive 76/160/CEE du Conseil du 8 décembre 1975 concernant la qualité des eaux de baignade

    (i)    en omettant de prendre dans les anciens Länder les dispositions nécessaires pour garantir que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées en vertu de l'article 3 de la directive, dans un délai de 10 ans après sa notification,

    (ii)    en ne respectant pas la fréquence minimale d'échantillonnage prévue à l'annexe de la directive;

2)    condamner la République fédérale d'Allemagne aux dépens.

    


1: Langue originale: l'anglais.


2: -     JO 1976, L 31, p. 1.


3: -     Article 1, paragraphe 1.


4: -     Arrêt du 29 septembre 1998, Commission/Allemagne (C-191/95).


5: -     Points 48 à 50 de l'arrêt.


6: -     Arrêt du 22 mars 1983, Commission/France (42/82, Rec. p. 1013, point 20)


7: -     Point 14 précité.


8: -     Voir par exemple l'arrêt du 21 mars 1991, Commission/Italie (209/89, Rec. p. I-1575.


9: -     Arrêt du 14 juillet 1993 (56/90, p. I-4109, points 42 à 44 de l'arrêt. Voir également l'affaire Commission/Espagne, (C-92/96, Rec. p. I-505, points 28 et 29.