Language of document : ECLI:EU:T:2021:145

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

17 mars 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Earnest Sewn – Déclaration de nullité – Motif absolu de refus – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑853/19,

Reza Hossein Khan Tehrani, demeurant à Nordhorn (Allemagne), représenté par Me D. Wiedemann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Hanf et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Blue Genes, Inc., établie à Gardena, Californie (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2019 (affaire R 531/2018‑5), relative à une procédure de nullité entre Blue Genes et M. Tehrani,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg (rapporteur) et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 mars 2020,

à la suite de l’audience du 13 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 décembre 2013, le requérant, M. Reza Hossein Khan Tehrani, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Earnest Sewn.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; fouets et sellerie ; porte-documents ; porte-bébés ; porte-bébés ; sacs de plage ; habits pour animaux ; alpenstocks ; garnitures de harnachement ; bagage ; sacs de campeurs ; peaux de chamois, autres que pour le nettoyage ; chevreau ; porte-documents ; caisses en cuir ou en carton-cuir ; filets à provisions ; sacs pour faire les courses ; gaines de ressorts en cuir ; couvertures en peaux [fourrures] ; baleines pour parapluies ou parasols ; musettes à fourrage ; mors [harnachement] ; bagage ; harnais pour animaux ; baudruche ; pièces en caoutchouc pour étriers ; colliers pour animaux ; bagage ; bagage ; poignées de valises ; sacs à main ; carcasses de sacs à main ; peaux d’animaux de boucherie ; peaux corroyées ; fers à cheval ; boîtes à chapeaux en cuir ; carnassières ; porte-cartes [portefeuilles] ; caisses en cuir ou en carton-cuir ; boîtes en fibre vulcanisée ; bourses de mailles ; porte-bébés ; mentonnières [bandes en cuir] ; sacs-housses pour vêtements pour le voyage ; martinets [fouets] ; genouillères pour chevaux ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases” ; cuir brut ou mi-ouvré ; fils en cuir ; sangles de cuir ; similicuir ; laisses ; carton-cuir ; courroies en cuir [sellerie] ; lanières de cuir ; cordons en cuir ; valves en cuir ; buffleterie ; muselières ; garnitures de cuir pour meubles ; revêtements de meubles en cuir ; moleskine [imitation du cuir] ; porte-musique ; fouets ; dépouilles d’animaux ; couvertures de chevaux ; têtières ; colliers de chevaux ; parapluies ; poignées de parapluies ; bagage ; malles ; sets de voyage [maroquinerie] ; bagage ; croupons ; sacs à dos ; sacs d’alpinistes ; selles pour chevaux ; arçons de selles ; tapis de selles d’équitation ; attaches de selles ; articles de sellerie ; œillères [harnachement] ; fourreaux de parapluies ; armatures de parapluies ou de parasols ; anneaux pour parapluies ; cannes de parapluies ; lanières pour patins à roulettes ; étuis pour clés ; cartables d’écoliers anciens ; bandoulières [courroies] en cuir ; cannes-sièges ; ombrelles ; sacs de sport ; étriers ; étrivières ; cannes ; poignées de cannes ; sacs de tous les jours ; cabas à roulettes ; dépouilles d’animaux ; havresacs ; bridons ; tapis de selles d’équitation ; sachets [enveloppes, pochettes] en cuir pour l’emballage ; sacoches à outils vides ; boyaux de saucisses ; courroies de harnais ; muselières ; brides [harnais] ; courroies de harnais » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; talonnettes pour chaussures ; talonnettes pour chaussures ; costumes ; culottes pour bébés ; layettes ; costumes de bain [maillots de bain] ; caleçons de bain ; peignoirs de bain ; bonnets de bain ; sandales de bain ; chaussures pour le bain ; bandanas [foulards] ; bérets ; jambières ; vêtements en imitations du cuir ; vêtements pour automobilistes ; vêtements ; vêtements en papier ; visières [chapellerie] ; boas [tours de cou] ; collants ; soutiens-gorge ; chasubles ; robes ; bonnets de douche ; semelles ; pochettes [habillement] ; costumes de mascarade ; mitaines ; vestes de pêcheurs ; chaussures de football ; chancelières non chauffées électriquement ; gabardines [vêtements] ; galoches ; guêtres ; ceintures porte-monnaie [habillement] ; antidérapants pour chaussures ; ceintures [habillement] ; vêtements de gymnastique ; souliers de gymnastique ; bottines ; foulards ; gants ; combinaisons [sous-vêtements] ; empiècements de chemises ; chemises ; plastrons de chemises ; sabots [chaussures] ; slips ; serre-pantalons ; jarretelles ; gaines [sous-vêtements] ; chapellerie ; carcasses de chapeaux ; vestes ; pulls ; vareuses ; camisoles ; calottes ; capuchons [vêtements] ; doublures confectionnées [parties de vêtements] ; poches de vêtements ; vêtements confectionnés ; chapellerie ; cache-corset ; corsets ; cols ; faux-cols ; cravates ; lavallières ; chemisettes ; bavettes non en papier ; vêtements en cuir ; leggins [pantalons] ; sous-vêtements ; livrées ; manipules [liturgie] ; manchettes [habillement] ; manteaux ; pelisses ; mantilles ; corsets ; mitres [habillement] ; robes de chambre ; manchons [habillement] ; casquettes ; visières de casquettes ; vêtements de dessus ; couvre-oreilles [habillement] ; combinaisons [vêtements] ; chaussons ; chapeaux en papier [habillement] ; parkas ; pèlerines ; fourrures [vêtements] ; jupons ; ponchos ; pull-overs ; pyjamas ; habillement pour cyclistes ; trépointes de chaussures ; ensembles veste pantalon imperméables ; jupes ; sandales ; saris ; sarongs ; cache-col ; écharpes ; masques pour dormir ; voilettes ; guimpes [vêtements] ; culottes [sous-vêtements] ; brodequins ; ferrures de chaussures ; chaussures ; semelles ; tiges de bottes ; bouts de chaussures ; chaussures ; blouses ; tabliers [vêtements] ; dessous-de-bras ; gants de ski ; chaussures de ski ; jupes-shorts ; slips ; chaussettes ; fixe-chaussettes ; chaussures de sport ; chaussures de sport ; bottes ; tiges de bottes ; bandeaux pour la tête [habillement] ; espadrilles ; châles ; étoles [fourrures] ; crampons de chaussures de football ; costumes de plage ; chaussures de plage ; jarretelles ; bas ; bas sudorifuges ; talonnettes pour les bas ; jarretelles ; collants ; pull-overs ; tee-shirts ; toges ; robes-chasubles ; tricots [vêtements] ; maillots de sport ; turbans ; pardessus ; uniformes ; sous-vêtements absorbant la transpiration ; slips ; combinaisons pour ski nautique ; gilets ; bonneterie ; hauts-de-forme ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2014/003, du 8 janvier 2014.

5        La marque a été enregistrée le 17 avril 2014 sous le numéro 12302071 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Le 29 février 2016, Blue Genes, Inc., titulaire de la marque de l’Union européenne verbale GREENCASTE EARNEST SEWN, enregistrée le 30 octobre 2008 sous le numéro 6453492 pour les produits relevant notamment des classes 18 et 25, ainsi que d’autres marques verbales et figuratives Earnest Sewn, utilisées notamment aux États-Unis pour des produits tels que les jeans, a présenté une demande de nullité de la marque contestée sur le fondement de l’article 56, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 63, paragraphe 1, du règlement 2017/1001).

7        Les motifs invoqués à l’appui de cette demande étaient, d’une part, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et, d’autre part, la cause de nullité relative visée à l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 10 mai 2016, la marque GREENCASTE EARNEST SEWN, visée au point 6 ci-dessus, a été frappée de déchéance pour non-usage.

9        Le 30 janvier 2018, la division d’annulation a accueilli la demande de Blue Genes sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, sans examiner la cause de nullité relative, a déclaré la nullité de la marque contestée.

10      Le 22 mars 2018, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par décision du 4 octobre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a constaté, en substance, que le requérant avait agi de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. En particulier, elle a relevé, aux points 30 à 35 de la décision attaquée, que Blue Genes poursuivait une activité commerciale aux États-Unis sous la dénomination sociale Earnest Sewn et utilisait un certain nombre de marques, parmi lesquelles GREENCASTE EARNEST SEWN et Earnest Sewn, enregistrées ou déposées sur différents territoires, que sa marque Earnest Sewn était également présente en Allemagne et que le requérant en était sans aucun doute conscient. Ce dernier fait serait confirmé par le contrat de distribution exclusive conclu le 10 janvier 2013 entre le prédécesseur de Blue Genes et le requérant, en sa qualité de directeur général de Plusfashionbrands GmbH (ci-après le « contrat de distribution »), dans lequel il aurait été reconnu expressément que les droits exclusifs sur le territoire notamment de l’Union européenne sur la marque Earnest Sewn et les logos et marques connexes existants appartenaient au prédécesseur de Blue Genes et que ce dernier était également titulaire du goodwill qui était ou serait associé à ces marques et logos et aux activités commerciales et aux produits pour lesquels ces marques et logos ont été, sont ou seront utilisés. La chambre de recours a considéré, aux points 39 à 41 de la décision attaquée, que les droits antérieurs sur la marque Earnest Sewn revendiqués par le requérant, attestés par deux factures, l’une datée de 2006 et l’autre de 2007, ne sauraient rendre légitime le dépôt de la marque contestée, car il n’existait aucune raison logique ni trajectoire commerciale objective qui expliquerait pourquoi le requérant a décidé de conclure un tel contrat aux termes précités.

 Conclusions des parties

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’annulation ;

–        ordonner que la marque contestée demeure enregistrée ;

–        condamner l’EUIPO au dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

14      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 31 décembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

15      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs mémoires comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui a une teneur identique.

16      À l’appui du recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en ce que, selon lui, la chambre de recours a considéré à tort que la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi.

17      L’EUIPO conteste le bien-fondé du moyen.

 Sur la notion de mauvaise foi au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

18      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 prévoit que la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière.

19      À cet égard, il y a lieu de noter que la notion de mauvaise foi, visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation [voir arrêt du 14 février 2019, Mouldpro/EUIPO – Wenz Kunststoff (MOULDPRO), T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 79 et jurisprudence citée].

20      Lorsqu’une notion figurant dans le règlement no 207/2009 n’est pas définie par celui-ci, la détermination de sa signification et de sa portée doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel cette notion est utilisée et des objectifs poursuivis par ce règlement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 43 et jurisprudence citée).

21      Alors que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, cette notion doit en outre être comprise dans le contexte du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À cet égard, le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et les règlements no 207/2009 et 2017/1001 adoptés successivement s’inscrivent dans un même objectif, à savoir l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Les règles sur la marque de l’Union européenne visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée).

22      Par conséquent, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine rappelée au point 21 ci-dessus (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

23      L’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

24      En particulier, dans l’hypothèse où, au moment de la demande d’enregistrement de la marque contestée, plusieurs producteurs utilisaient, sur le marché intérieur, des signes identiques ou similaires pour des produits identiques ou similaires, ce qui prêtait à confusion, les facteurs pertinents sont, notamment, le fait que le demandeur le savait ou devait le savoir, l’intention du demandeur d’empêcher l’autre producteur de continuer à utiliser son signe ainsi que le degré de protection juridique dont jouissent le signe de l’autre producteur et le signe dont l’enregistrement est demandé (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 39 et 53, et du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 48 à 56).

25      Par ailleurs, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine de la marque contestée et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêt du 14 mai 2019, Moreira/EUIPO – Da Silva Santos Júnior (NEYMAR), T‑795/17, non publié, EU:T:2019:329, point 20 et jurisprudence citée].

26      De même, les relations contractuelles entre les parties avant le dépôt de la marque contestée peuvent fournir des indices de l’existence de la mauvaise foi du déposant [voir arrêt du 30 avril 2019, Kuota International/EUIPO – Sintema Sport (K), T‑136/18, non publié, EU:T:2019:265, point 45 et jurisprudence citée].

27      C’est notamment à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de contrôler la légalité de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a conclu à l’existence de la mauvaise foi du requérant lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

 Sur l’appréciation de la mauvaise foi dans le cas d’espèce

28      En l’espèce, compte tenu des faits à l’origine du litige et des arguments des parties, il convient d’examiner successivement les facteurs suivants, lesquels sont pertinents, conformément à la jurisprudence citée aux points 18 à 27 ci-dessus, pour apprécier l’existence de mauvaise foi dans l’esprit du requérant lors du dépôt de la marque contestée : la question de savoir si le requérant savait, au moment du dépôt de la marque contestée, que l’autre partie avait utilisé antérieurement un signe identique ou similaire à la marque contestée, l’origine du signe correspondant à la marque contestée, la nature des relations contractuelles entre les parties, la chronologie des événements et la logique commerciale dans laquelle s’inscrit la demande d’enregistrement de la marque contestée.

 Sur la connaissance d’une utilisation antérieure d’un signe identique ou similaire à la marque contestée

29      Le requérant admet qu’il connaissait le prédécesseur de l’autre partie et ses marques lorsqu’il a déposé une demande d’enregistrement de la marque contestée. Il ajoute pourtant qu’une telle connaissance ne suffit pas à elle seule pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi du titulaire.

30      À cet égard, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 34 de la décision attaquée, il convient de constater qu’il ne fait aucun doute que le requérant était au fait de l’utilisation de la marque Earnest Sewn par Blue Genes. Cela est démontré par le contrat de distribution, dans lequel, notamment, il a été reconnu expressément que les droits sur le signe Earnest Sewn appartenaient au prédécesseur de Blue Genes. En effet, l’article VII, paragraphe 1, de ce contrat, lu conjointement avec son article I, points 11, 12 et 14, prévoit que le « distributeur reconnaît que le donneur de licence [prédécesseur de Blue Genes] détient les droits exclusifs sur le territoire [l’Union européenne, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Croatie et la Russie] des marques déposées, y compris les marques et les logos des produits dans toute projection [de la marque Earnest Sewn et les logos et marques connexes actuellement existant], et qu’il est également titulaire du goodwill qui est ou sera associé à ces marques et logos et aux activités commerciales et aux produits pour lesquels ces marques et logos ont été, sont ou seront utilisés ». L’existence de ce contrat et de cette reconnaissance explicite des droits relatifs à la marque contestée appartenant au prédécesseur de Blue Genes n’est pas contestée par le requérant.

31      Cependant, selon la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, le fait que le requérant savait ou devait savoir que d’autres producteurs utilisaient, sur le marché intérieur, des signes identiques ou similaires pour des produits identiques ou similaires, ce qui prêtait à confusion, n’est qu’un facteur pertinent parmi d’autres à prendre en considération dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il convient dès lors de prendre en compte les autres circonstances de l’espèce.

 Sur l’origine du signe Earnest Sewn et son usage depuis sa création

32      Premièrement, le requérant fait valoir qu’il utilisait en Allemagne le signe Earnest Sewn depuis janvier 2006, c’est-à-dire plus de sept ans avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, et continue de l’utiliser à ce jour.

33      Deuxièmement, le requérant soutient qu’il n’aurait appris l’existence de la marque GREENCASTE EARNEST SEWN qu’en 2012, lorsque Plusfashionbrands, au sein de laquelle il agissait en tant que directeur général, a été contactée par le prédécesseur de Blue Genes aux fins de la signature du contrat de distribution.

34      Le requérant ajoute que le prédécesseur de Blue Genes n’aurait jamais utilisé ses marques Earnest Sewn et GREENCASTE EARNEST SEWN sur le territoire de l’Union avant la fin de l’année 2015. Cela serait prouvé par le fait que la marque GREENCASTE EARNEST SEWN a été frappée de déchéance en mai 2016. La seule mention de sa marque américaine Earnest Sewn dans un magazine ne suffirait pas à prouver le contraire.

35      L’EUIPO conteste l’affirmation selon laquelle la mauvaise foi est exclue au motif que la marque Earnest Sewn n’a pas fait l’objet d’une utilisation antérieure par un tiers dans l’Union.

36      La chambre de recours a constaté aux points 30 et 33 de la décision attaquée que Blue Genes poursuivait une activité commerciale aux États-Unis sous la dénomination sociale Earnest Sewn et utilisait un certain nombre de marques, parmi lesquelles GREENCASTE EARNEST SEWN et Earnest Sewn, enregistrées ou déposées sur différents territoires, et que sa marque Earnest Sewn était également présente en Allemagne au moins depuis 2004.

37      La chambre de recours a considéré au point 39 de la décision attaquée que les droits antérieurs que le requérant revendique sur le signe Earnest Sewn, qui seraient attestés par deux factures, l’une datée de 2006 et l’autre de 2007, ne sauraient rendre légitime le dépôt de la marque contestée.

38      À cet égard, en premier lieu, l’affirmation du requérant selon laquelle il utilisait en Allemagne le signe Earnest Sewn depuis janvier 2006, c’est-à-dire plus de sept ans avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, est contredite par les éléments de preuve produits par l’autre partie devant la chambre de recours, selon lesquels la marque Earnest Sewn était présente en Allemagne en tant que marque américaine depuis 2004. C’est à bon droit que la chambre recours a conclu, au point 40 de la décision attaquée, que si le requérant croyait réellement qu’il détenait les droits antérieurs sur la marque Earnest Sewn dans l’Union, il n’existait aucune raison logique – ni trajectoire commerciale objective – qui expliquerait pourquoi il a décidé de conclure un contrat de distribution aux termes duquel il a reconnu expressément que les droits sur la marque Earnest Sewn appartenaient à l’autre partie, renonçant ainsi à ses droits antérieurs.

39      En second lieu, concernant l’affirmation du requérant selon laquelle la marque américaine Earnest Sewn de l’autre partie n’a jamais été utilisée en Europe, d’une part, elle est contredite par le fait que ladite marque a été utilisée en Allemagne depuis 2004 (voir point 38 ci-dessus). D’autre part, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence a déjà reconnu comme pertinente, aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi, l’utilisation par un tiers d’une marque, identique ou similaire à la marque enregistrée, exclusivement en dehors de l’Union [arrêt du 28 octobre 2020, Target Ventures Group/EUIPO – Target Partners (TARGET VENTURES), T‑273/19, EU:T:2020:510, point 47].

40      Le fait que la marque de l’Union européenne GREENCASTE EARNEST SEWN de l’autre partie a été frappée de déchéance ne saurait non plus rendre légitime le dépôt de la marque contestée. D’une part, il convient de constater que cette marque a été enregistrée en 2008 et que sa déchéance n’a pris effet qu’à compter du 10 mai 2016. En effet, étant donné que la déchéance a un effet ex nunc, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il paraît que la marque GREENCASTE EARNEST SEWN était toujours valide à la date du dépôt de la marque contestée, à savoir le 31 décembre 2013, soit la date pertinente pour l’appréciation de la mauvaise foi. D’autre part, et en tout état de cause, selon la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus, est reconnue comme pertinente, aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi, l’utilisation par un tiers d’une marque, identique ou similaire à la marque enregistrée, exclusivement en dehors de l’Union. Or, en l’espèce, la constatation de l’existence de la mauvaise foi du requérant n’est pas uniquement fondée sur la marque de l’Union européenne précitée, mais également sur le fait que l’autre partie était titulaire d’autres marques identiques ou similaires à la marque contestée, enregistrées et utilisées en dehors de l’Union.

 Sur les relations contractuelles entre les parties

41      S’agissant plus particulièrement du contrat de distribution, en premier lieu, le requérant avance plusieurs arguments visant à contester sa pertinence juridique et factuelle aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi en l’espèce.

42      Premièrement, il fait valoir qu’il n’a jamais été partie à ce contrat. S’il reconnaît qu’il agissait en qualité de directeur général de Plusfashionbrands lorsque le contrat a été signé, il n’en serait pas pour autant lui-même partie audit contrat. Par conséquent, aucune des clauses de ce contrat n’aurait eu d’effet contraignant à son égard.

43      Deuxièmement, il affirme que le contrat était nul et non avenu dans la mesure où le prédécesseur de Blue Genes n’aurait jamais été titulaire d’un droit sur la marque Earnest Sewn sur le territoire de l’Union et n’aurait donc disposé, lorsque le contrat a été conclu, d’aucun droit de marque sur l’expression « earnest sewn » sur ledit territoire. S’il serait vrai que le prédécesseur de Blue Genes détenait les droits sur une marque similaire (GREENCASTE EARNEST SEWN), cela ne lui aurait pas permis toutefois d’accorder à des tiers des « droits exclusifs » sur la marque Earnest Sewn.

44      En second lieu, le requérant fait valoir que le contrat de distribution n’était plus en vigueur lorsqu’il a déposé la demande d’enregistrement de la marque contestée. Étant donné que ledit contrat n’a duré que six semaines et qu’il n’a jamais été exécuté, il ne saurait donner lieu à une relation postcontractuelle significative.

45      Comme l’atteste le point 34 de la décision attaquée, il est constant que, le 10 janvier 2013, le requérant a signé un contrat de distribution avec le prédécesseur de Blue Genes dans lequel, notamment, il a été reconnu expressément que les droits sur le signe Earnest Sewn appartenaient au prédécesseur de Blue Genes (voir point 30 ci-dessus).

46      Or, tout en tenant compte des autres circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce, l’existence d’une telle clause contractuelle constitue un indice péremptoire que, au moment du dépôt de la marque contestée, à peine un an après la signature du contrat, le requérant était de mauvaise foi.

47      En effet, dans la mesure où le requérant a reconnu, dans ledit contrat, que les droits exclusifs sur le territoire de l’Union sur la marque Earnest Sewn appartenaient, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 25, à une autre partie, il ne pouvait qu’être de mauvaise foi lorsqu’il a déposé, à peine un an plus tard, une demande d’enregistrement, sous son propre nom, de la même marque et pour les mêmes produits.

48      En premier lieu, contrairement à ce que fait valoir le requérant, cette constatation ne saurait être remise en cause par le fait que la partie du contrat en cause était Plusfashionbrands et non pas le requérant lui-même, ni par le fait que ce contrat a été ensuite résilié et n’était donc plus en vigueur au moment du dépôt de la marque contestée.

49      Premièrement, ainsi que l’observe à juste titre l’EUIPO, s’il est vrai que ce contrat ne liait pas formellement le requérant en tant que personne physique, il n’en reste pas moins qu’il a été signé par lui en sa qualité de directeur général de Plusfashionbrands. Dès lors, si la partie du contrat était ladite société et non le requérant, c’est pourtant lui qui a marqué l’accord, au nom et pour le compte de ladite société, sur le contenu du contrat, y compris de son article VII, paragraphe 1. Dans ces circonstances, l’intention du demandeur d’enregistrement d’une marque étant un élément subjectif (voir point 23 ci-dessus), le fait que le requérant n’était pas partie au contrat en tant que personne physique est dénué de pertinence aux fins de l’appréciation, en l’espèce, de ladite intention.

50      Deuxièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel sa reconnaissance, dans le cadre du contrat de distribution, des droits du prédécesseur de Blue Genes doit en tout état de cause être réputée nulle et non avenue, étant donné que ce dernier n’aurait disposé, lorsque ledit contrat a été conclu, d’aucun droit de marque sur le signe Earnest Sewn sur le territoire de l’Union, il convient également de le rejeter.

51      Ce qui importe, aux fins de l’appréciation de l’intention du requérant au moment du dépôt de la marque contestée, est le contenu matériel de cette reconnaissance. Le requérant a expressément reconnu les droits exclusifs de l’autre partie à la marque Earnest Sewn sur le territoire de l’Union, ce qui a été d’ailleurs réitéré par lui, à tout le moins indirectement, au moment de la résiliation du contrat de distribution (voir point 67 ci-après).

52      En second lieu, est dénuée de pertinence, également, aux fins de cette appréciation, la résiliation du contrat de distribution en février 2013.

53      Or, d’une part, comme le relève à juste titre l’EUIPO, ce qui importe, aux fins de l’appréciation de l’intention du requérant, n’est ni la valeur juridique spécifique ni la nature contraignante du contrat en cause. Ce qui est significatif est son contenu matériel, et notamment son article VII, paragraphe 1.

54      D’autre part, il ressort du dossier dont dispose le Tribunal que, à la suite de la résiliation du contrat de distribution, le requérant a entamé des négociations avec le prédécesseur de Blue Genes, ayant pour objet l’acquisition des droits exclusifs que cette dernière détenait sur la marque Earnest Sewn faisant l’objet dudit contrat (voir point 67 ci-après). Or, cette tentative d’acquisition ayant échoué, le requérant a décidé de faire enregistrer, en son nom, la marque contestée, à peine quelque mois après l’échec de ladite tentative. Cette séquence d’événements démontre que la résiliation du contrat de distribution avant le dépôt de la demande d’enregistrement n’ôte en rien la mauvaise foi du requérant et que son intention, loin d’être le fruit d’une certaine naïveté, comme il l’a fait valoir lors de l’audience, était en réalité de s’approprier ladite marque d’une manière ou d’une autre.

55      Par conséquent, les arguments du requérant avec lesquels il tente de remettre en cause la pertinence du contrat de distribution aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi en l’espèce ne peuvent qu’être rejetés.

 Sur la chronologie des événements et la logique commerciale dans laquelle s’inscrit la demande d’enregistrement de la marque contestée

56      En premier lieu, le requérant fait valoir que, dans la mesure où il utilisait le signe Earnest Sewn depuis janvier 2006 et continue de l’utiliser à ce jour, il ne fait aucun doute qu’il a agi dans le seul but de protéger sa propre activité des tiers. L’unique intérêt du requérant aurait été de protéger le « droit acquis » qu’il aurait obtenu en utilisant le signe Earnest Sewn sur le territoire de l’Union depuis janvier 2006 sans avoir déposé la marque par imprudence. Le requérant aurait donc poursuivi un objectif légitime et l’utilisation de la marque tant avant qu’après son enregistrement aurait répondu à une logique commerciale. Enfin, le requérant ajoute que le fait que l’autre partie ait déposé, le 18 janvier 2016, une demande d’enregistrement de la marque Earnest Sewn démontrerait qu’il aurait eu raison de déposer la marque contestée.

57      En deuxième lieu, le requérant avance plusieurs raisons d’être du contrat de distribution. Premièrement, Plusfashionbrands aurait décidé de conclure ce contrat dans l’objectif d’associer le stock (réduit) GREENCASTE EARNEST SEWN du prédécesseur de Blue Genes au stock (bien plus important) Earnest Sewn du Plusfashionbrands et d’unir ainsi leurs potentiels commerciaux. Deuxièmement, lorsqu’il a commencé à négocier avec le prédécesseur de Blue Genes en 2012 et en 2013, le requérant n’était titulaire d’aucune marque Earnest Sewn ni d’aucune autre marque similaire sur le territoire de l’Union. Ce serait la raison pour laquelle il aurait, dans un premier temps, manifesté son intérêt pour le rachat d’éventuels droits sur des marques antérieures, qui étaient susceptibles de bénéficier d’un droit de priorité plus avantageux que s’il avait procédé à un nouvel enregistrement de marque. Il serait tout à fait normal d’évaluer les opportunités du secteur afin de ne pas passer à côté d’une aubaine. Troisièmement, Plusfashionbrands espérait une collaboration fructueuse avec le prédécesseur de l’autre partie dans la mesure où les deux sociétés travaillaient dans le même secteur avec des marques similaires et que de telles collaborations n’auraient rien de répréhensible et seraient « monnaie courante ». 

58      En troisième lieu, le requérant reproche à la chambre de recours de ne pas avoir reconnu que son comportement correspondait à celui de tout homme d’affaires prudent, dès lors que le contrat de distribution aurait uniquement servi d’appât afin de lui vendre l’insolvable Earnest Sewn Inc. avec sa marque américaine GREENCASTE EARNEST SEWN.

59      En quatrième lieu, ne déposant la demande d’enregistrement de la marque contestée que neuf ou dix mois après la résiliation du contrat de distribution, le requérant aurait largement laissé le temps au prédécesseur de l’autre partie de présenter lui-même une telle demande.

60      L’EUIPO conteste ces arguments.

61      Il y a lieu de rejeter les arguments du requérant à cet égard.

62      En premier lieu, s’agissant de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit la demande d’enregistrement de la marque contestée, c’est à bon droit que la chambre de recours a tenu compte du fait que, au moment du dépôt de cette demande, premièrement, le requérant avait connaissance des droits sur la marque Earnest Sewn dont jouissait le prédécesseur en droit de Blue Genes, deuxièmement, il avait expressément reconnu l’existence desdits droits (point 35 de la décision attaquée), troisièmement, il aurait dû savoir que l’autre partie avait enregistré la marque GREENCASTE EARNEST SEWN en tant que marque de l’Union européenne (point 38 de la décision attaquée) pour conclure que le dépôt de la marque contestée serait clairement allé à l’encontre des usages commerciaux honnêtes.

63      Contrairement à ce que fait valoir le requérant, cette constatation ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par ce dernier. En effet, l’allégation du requérant selon laquelle, lors du dépôt de la marque contestée, il n’avait l’intention que de protéger ses propres activités des tiers est contredite par ses agissements objectifs. Ainsi, il ressort de la chronologie des événements en cause que, au moment où il a appris que le prédécesseur de l’autre partie avait décidé d’étendre ses activités au marché européen et, dès lors, de devenir un concurrent potentiel sur ce marché, le requérant a conclu le contrat de distribution avec celui-ci dans lequel il reconnaissait les droits exclusifs du prédécesseur de l’autre partie sur la marque Earnest Sewn sur le territoire de l’Union.

64      En outre, le fait que l’autre partie a déposé, le 18 janvier 2016, une demande d’enregistrement de la marque Earnest Sewn est dénué de pertinence. Selon la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi doit être opérée par rapport au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

65      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel, en substance, il ne pourrait lui être reproché d’avoir conclu le contrat de distribution étant donné qu’il serait tout à fait normal d’évaluer les opportunités du secteur, il convient également de le rejeter.

66      En effet, indépendamment des éventuels motifs du requérant qui l’auraient amené à signer le contrat de distribution, ce qui importe dans le cas d’espèce est qu’il l’a signé au nom et pour le compte de Plusfashionbrands (distributrice) et, dans le cadre de ce même contrat, a reconnu les droits exclusifs de l’autre partie (donneur de licence) à la marque Earnest Sewn sur le territoire de l’Union.

67      Par ailleurs, il ressort du dossier administratif que, immédiatement après que le prédécesseur de Blue Genes a annoncé au requérant la résiliation du contrat de distribution, ce dernier a réagi en adressant le 22 février 2013 aux représentants du prédécesseur de Blue Genes un courriel exprimant, dans une lettre d’intention jointe, la volonté d’acheter la marque Earnest Sewn pour l’Europe notamment, et donc pas seulement pour « d’autres pays, tels que les États-Unis », comme le requérant semble le suggérer dans sa requête. Or, ce faisant, le requérant a réitéré, en dehors du cadre du contrat de distribution, ce qu’il avait reconnu au nom de Plusfashionbrands dans le cadre de ce contrat.

68      Il convient d’ajouter que les circonstances dans lesquelles le requérant avait ainsi reconnu les droits exclusifs du prédécesseur de Blue Genes sur la marque Earnest Sewn en ce qui concerne notamment le territoire de l’Union n’ont pas substantiellement changé depuis lors. En particulier, le fait que, à la suite de la résiliation du contrat de distribution, le prédécesseur de Blue Genes a « rapidement vendu sa marque à l’autre partie » ne signifie aucunement, dans les circonstances de l’espèce, que, lors du dépôt de la marque contestée, le requérant a agi de bonne foi puisque cela ne signifiait manifestement pas que le prédécesseur de Blue Genes avait choisi d’abandonner ses droits. Au contraire, le transfert desdits droits n’est qu’une expression de l’exercice effectif de ses droits exclusifs sur cette marque.

69      En troisième lieu, s’agissant du temps que le requérant aurait « laissé », après la résiliation du contrat de distribution, au prédécesseur de Blue Genes pour présenter lui-même une demande d’enregistrement de la marque contestée, il est vrai que l’écoulement d’une période assez longue entre la fin des relations commerciales entre les parties en cause et la demande d’enregistrement de la marque contestée est un élément parmi d’autres qu’il convient de prendre en considération dans le cadre de l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 64 et 65).

70      Toutefois, en l’espèce, il convient de constater qu’il ressort du dossier que, pendant la période de neuf ou dix mois entre la résiliation du contrat de distribution et le dépôt de la marque contestée, le requérant était conscient du fait que le prédécesseur de l’autre partie était en train de vendre la marque à un nouveau titulaire et que le requérant lui-même a entamé des discussions afin d’acheter ladite marque (voir point 67 ci-dessus). Dans ces circonstances, la période de neuf ou dix mois s’étant écoulée entre la résiliation du contrat de distribution et le dépôt de la marque contestée n’est ni particulièrement longue, ni susceptible de démontrer que le requérant a agi de bonne foi, sa tentative d’acquérir au préalable les droits sur les marques du prédécesseur de Blue Genes ayant échoué.

71      Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, premièrement, du fait que le requérant savait au moment du dépôt de la marque contestée que l’autre partie avait utilisé antérieurement un signe identique ou similaire à celle-ci, deuxièmement, de l’origine du signe Earnest Sewn et de son usage depuis sa création, troisièmement, de la relation contractuelle entre les parties et, quatrièmement, de la chronologie des événements et de la logique commerciale dans laquelle s’inscrit la demande d’enregistrement de la marque contestée, force est de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, le requérant était de mauvaise foi au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

72      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter l’unique moyen du requérant, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Reza Hossein Khan Tehrani est condamné aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.