Language of document : ECLI:EU:T:2011:190

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

14 décembre 2011 (*)

« Pourvoi – Personnel employé dans l’entreprise commune JET – Application d’un statut juridique différent de celui d’agent temporaire – Indemnisation du préjudice matériel subi – Délais de recours – Tardiveté – Délai raisonnable »

Dans l’affaire T–433/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 13 juillet 2010, Allen e.a./Commission (F‑103/09, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

John Allen, demeurant à Horspath (Royaume-Uni), et les 109 autres requérants dont les noms figurent en annexe, représentés par MM. K. Lasok, QC, et B. Lask, barrister,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, J. Azizi et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les requérants, M. John Allen et les 109 autres personnes dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique (première chambre) du 13 juillet 2010, Allen e.a./Commission (F‑103/09, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté leur recours comme irrecevable pour cause de tardiveté.

 Faits à l’origine du litige

2        L’entreprise commune Joint European Torus (JET) a été constituée par la décision 78/471/Euratom du Conseil, du 30 mai 1978 (JO L 151, p. 10), et avait pour mission la réalisation du programme « Fusion » de la Communauté européenne de l’énergie atomique, qui prévoyait la construction, le fonctionnement et l’exploitation d’une grande machine torique du type Tokamak et de ses installations annexes. Initialement conçue pour une période de douze ans, JET a vu sa durée de vie être prolongée à trois reprises : d’abord, jusqu’au 31 décembre 1992 par la décision 88/447/Euratom du Conseil, du 25 juillet 1988, modifiant les statuts de la JET (JO L 222, p. 4), puis, jusqu’au 31 décembre 1996 par la décision 91/677/Euratom du Conseil, du 19 décembre 1991, approuvant la modification des statuts de la JET (JO L 375, p. 9), et, enfin, jusqu’au 31 décembre 1999 par la décision 96/305/Euratom du Conseil, du 7 mai 1996, approuvant la modification des statuts de la JET (JO L 117, p. 9). La JET a cessé ses activités le 31 décembre 1999.

3        Les requérants étaient employés et rémunérés par des sociétés tierces, avec lesquelles la JET avait conclu des contrats et qui n’avaient aucun lien juridique avec la Commission européenne.

4        Par les arrêts du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission (T‑144/02, Rec. p. II‑3381, ci-après l’« arrêt Eagle ») et Sanders e.a./Commission (T‑45/01, Rec. p. II‑3315, ci-après l’« arrêt Sanders »), le Tribunal a jugé que la Commission, en s’étant abstenue de proposer un emploi d’agent temporaire à un certain nombre de personnes qui travaillaient pour des employeurs tiers avec lesquels la JET avait conclu des contrats, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Il l’a donc condamnée à réparer le préjudice financier subi par chacune de ces personnes du fait qu’elles n’avaient pas été recrutées comme agents temporaires de la Commission pour l’exercice de leur activité au sein de la JET. Il a néanmoins demandé aux parties de rechercher un accord dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt concernant le montant des indemnités dues au titre de la réparation de ce préjudice. À défaut d’accord, elles devaient faire parvenir au Tribunal dans le même délai leurs conclusions chiffrées.

5        Par les arrêts du 12 juillet 2007, Eagle e.a./Commission (T‑144/02, Rec. p. II‑2721) et Sanders e.a./Commission (T‑45/01, Rec. p. II‑2665), le Tribunal a déterminé le montant de l’indemnité que la Commission était condamnée à payer à chacune des personnes victimes des agissements fautifs mentionnés au point 4 ci-dessus.

6        Par lettre commune du 6 février 2009, les requérants ont présenté à la Commission une demande, sur le fondement des dispositions de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), tendant à la réparation des préjudices matériels qu’ils auraient respectivement subis du fait de ne pas avoir été recrutés comme agents temporaires pour l’exercice de leur activité au sein de la JET.

7        Par lettre du 30 avril 2009, la Commission a rejeté cette demande au motif que les requérants n’avaient pas présenté leur demande en indemnité dans un délai raisonnable.

8        Par lettre commune du 18 juin 2009, les requérants ont présenté une réclamation sur le fondement des dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

9        Par décision du 25 septembre 2009, la Commission a rejeté cette réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure en première instance et ordonnance attaquée

10      Par recours introduit devant le Tribunal de la fonction publique le 22 décembre 2009, les requérants ont demandé, en premier lieu, que la décision de rejet de la réclamation soit annulée, en deuxième lieu, que leur droit à être traités en tant qu’« autre personnel » et/ou recrutés en cette qualité, conformément à l’article 8 des statuts de la JET soit reconnu, de même que le fait que ce droit aurait dû être respecté, en troisième lieu, que le fait que la Commission les a traités de manière discriminatoire, sans justification objective, au cours de leur période d’engagement au service de JET, en ce qui concerne leur rémunération, leur droit à pension et avantages afférents, ainsi qu’en ce qui concerne la garantie d’un emploi ultérieur soit constaté, en quatrième lieu, que la perte de rémunération, de pension et d’indemnité et des avantages afférents occasionnée par la violation du droit communautaire précité soit indemnisée, en incluant, le cas échéant, les intérêts portant sur ces sommes, et, en cinquième lieu, que la Commission soit condamnée aux dépens.

11      Par acte séparé adressé au greffe du Tribunal de la fonction publique, la Commission a soulevé trois exceptions d’irrecevabilité. Dans cette demande visant à ce qu’il soit statué sans engager le débat au fond, présentée conformément à l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, elle a conclu à ce qu’il plaise audit Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et de condamner les requérants aux dépens.

12      Les requérants ont soumis leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité.

13      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme irrecevable et condamné les requérants à supporter l’ensemble des dépens. Il a considéré, en substance, que la demande en indemnité, qui avait été formée plus de cinq ans après la prise de connaissance des faits, n’avait pas été présentée dans un délai raisonnable.

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

14      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 20 septembre 2010, les requérants ont formé le présent pourvoi.

15      La Commission a déposé le mémoire en réponse le 15 décembre 2010.

16      La procédure écrite a été close le 13 janvier 2011.

17      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours ;

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        rejeter les première et deuxième exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner les requérants aux dépens.

19      Par lettre du 7 février 2011, les requérants ont formulé une demande motivée, au titre de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, aux fins d’être entendus dans le cadre de la phase orale de la procédure.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à la demande des requérants et a ouvert la procédure orale.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 juillet 2011.

 En droit

22      À l’appui de leur pourvoi, les requérants soulèvent trois moyens. Le premier est tiré de l’absence d’obligation d’agir en indemnité dans un délai raisonnable. Le deuxième, avancé à titre subsidiaire, est tiré de la définition erronée de la durée et du point de départ du délai raisonnable à respecter pour introduire une demande en indemnité. Le troisième est tiré d’une erreur de droit consistant en l’omission de statuer sur la deuxième exception d’irrecevabilité.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’obligation d’agir en indemnité dans un délai raisonnable

23      Le premier moyen se divise en deux branches, tirées, d’une part, d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 90, paragraphe 1, du statut et, d’autre part, du caractère erroné des quatre considérations retenues par le Tribunal dans l’arrêt Eagle et dans l’arrêt Sanders et reprises par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée (voir point 34 de l’ordonnance attaquée).

 Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 90, paragraphe 1, du statut

24      Les requérants soutiennent, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en considérant que, si le statut ne prévoit pas expressément un délai pour présenter un recours en indemnité fondé sur un agissement fautif imputable à l’Union européenne, cela n’a pas pour effet de permettre à un requérant de saisir le juge sans limite temporelle. Selon eux, le législateur a intentionnellement prévu de ne pas fixer de délai pour présenter une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

25      La Commission conteste l’argumentation des requérants.

26      À cet égard, il y a lieu de constater que l’argument des requérants selon lequel l’absence de fixation d’un délai impliquerait automatiquement la possibilité d’introduire une demande en indemnité sans limite temporelle ne saurait prospérer. À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, dans tous les cas autres que ceux pour lesquels le législateur a défini un délai ou l’a explicitement exclu, le respect d’un délai raisonnable est requis. En effet, la base juridique de la fixation d’un délai raisonnable en cas de silence des textes est le principe de sécurité juridique qui fait obstacle à ce que les institutions et les personnes physiques ou morales agissent sans limite temporelle, risquant de mettre en péril la stabilité des situations juridiques acquises (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T‑192/99, Rec. p. II‑813, points 51 à 53 ; du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, RecFP p. I‑A‑203 et II‑903, points 46 et 47, et Eagle, point 57). Ainsi, en cas de silence des textes, il incombe au juge de fixer, compte tenu des circonstances de l’espèce, la durée du délai raisonnable pour présenter une demande en indemnité (voir, en ce sens, arrêts Dunnett e.a./BEI, précité, point 54 ; Huygens/Commission, précité, point 49 ; Eagle, point 57, et Sanders, point 58).

27      En ce qui concerne les Informations administratives n° 83-2001, du 20 septembre 2001, dans lesquelles la Commission a affirmé, selon les requérants, qu’une demande pouvait être introduite à tout moment, il convient de relever que, contrairement aux affirmations des requérants, eu égard à leur valeur juridique, elles ne sauraient avoir d’incidence sur l’interprétation retenue par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée sur le fondement du principe général de sécurité juridique.

28      Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être écartée.

Sur la seconde branche, tirée du caractère erroné des quatre considérations retenues par le Tribunal dans les arrêts Eagle et Sanders et reprises par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée

29      Les requérants contestent quatre considérations retenues par le Tribunal dans les arrêts Eagle et Sanders et reprises par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée. Ils reprochent à ce dernier d’avoir considéré, premièrement, qu’il était nécessaire de limiter les demandes en l’absence de délai fixé par le statut, deuxièmement, qu’il ’existait un devoir pour les institutions d’agir dans un délai raisonnable, troisièmement, que les personnes physiques et morales étaient obligées de limiter les pertes et, quatrièmement, qu’un fonctionnaire avait l’obligation d’agir en indemnité dans un délai raisonnable à compter du moment où il prenait connaissance d’un acte ou d’un fait nouveau substantiel.

30      En premier lieu, s’agissant de la nécessité de limiter les demandes en l’absence de délai fixé par le statut, les requérants soutiennent que, si, comme en l’espèce, ladite absence n’est pas une omission, le Tribunal de la fonction publique a interféré dans les compétences dudit législateur, en imposant un délai que ce législateur avait décidé de ne pas imposer. Ils font valoir qu’aucun silence des textes ne peut être constaté en l’espèce et que, lorsqu’il existe une disparité entre la jurisprudence et les termes exprès du statut, ceux-ci priment pour des raisons d’équité, pour ne pas priver une personne de son droit à déposer un recours.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 26 ci-dessus, l’absence de délai fixé par le statut ne peut pas être considérée en soi comme impliquant la possibilité d’introduire une demande en indemnité sans limite temporelle, le principe général du délai raisonnable s’appliquant dans tous les cas, sauf dans ceux où le législateur l’a expressément exclu ou a fixé expressément un délai déterminé.

32      Quant à l’arrêt de la Cour du 26 février 1981, Authié/Commission (34/80, Rec. p. 665), évoqué par les requérants, ces derniers prétendent qu’il a pour conséquence que les termes exprès du statut doivent primer pour des raisons d’équité et, donc, qu’aucune exigence d’agir dans un délai raisonnable ne peut être fondée à l’encontre d’une personne qui se prévaut du statut. Toutefois, cette interprétation doit être rejetée. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 26 ci-dessus, un silence du statut quant au délai dans lequel une demande en indemnité doit être introduite ne peut pas être interprété comme une reconnaissance expresse de l’absence de délai en raison de la nécessité d’assurer la sécurité juridique et la stabilité des situations juridiques non contestées dans des délais raisonnables. Par conséquent, l’analogie proposée avec l’arrêt Authié/Commission, précité, n’est pas pertinente.

33      En deuxième lieu, s’agissant de l’existence du devoir pour les institutions d’agir dans un délai raisonnable, les requérants soutiennent que les arrêts Eagle, Sanders et l’ordonnance attaquée sont fondés sur un « point de vue juridique » erroné. Selon eux, la jurisprudence citée par le Tribunal dans les arrêts Eagle et Sanders, à laquelle le Tribunal de la fonction publique se réfère dans l’ordonnance attaquée pour démontrer l’existence de ce devoir des institutions d’agir dans un délai raisonnable, ne serait pas convaincante.

34      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, dans son arrêt du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission (C‑282/95 P, Rec. p. I‑1503, point 37), la Cour ne s’est pas limitée à établir que l’inaction de la Commission l’exposerait à un recours en carence, mais a jugé qu’une décision devait intervenir dans un délai raisonnable afin de respecter le principe de bonne administration. Dans son arrêt du 14 juillet 1972, Geigy/Commission (52/69, Rec. p. 787, point 20), la Cour a également jugé que, en l’absence de délai fixé par le législateur, l’exigence fondamentale de sécurité juridique s’opposait à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de son pouvoir d’infliger des amendes.

35      Par ailleurs, s’agissant des arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Commission/Pays‑Bas (C‑96/89, Rec. p. I‑2461), et du 4 mai 2006, Commission/Royaume-Uni (C‑508/03, Rec. p. I‑3969), il y a lieu d’observer qu’ils ont été rendus dans le cadre d’une procédure en manquement. Or, cette procédure, de par sa nature, reconnaît un pouvoir discrétionnaire très large à la Commission. Partant, le devoir pour les institutions d’agir dans un délai raisonnable ne saurait être remis en cause par l’arrêt Commission/Pays‑Bas, précité, dans lequel la Cour a jugé que la Commission n’était pas tenue de respecter un délai déterminé ou par l’arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, dans lequel celle-ci a considéré qu’un État membre ne pouvait pas invoquer le principe de sécurité juridique et le principe de protection de la confiance légitime pour faire obstacle à l’introduction par la Commission d’un recours visant à la constatation objective du non-respect par lui des obligations que lui impose une directive. En effet, l’absence de délai imposé à la Commission pour déclencher une procédure en manquement est une conséquence de la particularité de cette procédure.

36      En troisième lieu, s’agissant de l’obligation pour les personnes morales et les personnes physiques de limiter leurs pertes, les requérants soutiennent que ce facteur est dénué de pertinence, car il concerne la quantification de tout préjudice pouvant faire l’objet de dommages et intérêts et non la recevabilité d’un recours visant à l’indemnisation du préjudice.

37      À cet égard, il suffit de constater que cet argument est examiné dans les arrêts Eagle et Sanders, mais non dans l’ordonnance attaquée, de sorte qu’il est inopérant.

38      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’obligation, pour un fonctionnaire ou un agent, d’agir en indemnité dans un délai raisonnable à compter du moment où il a connaissance d’un acte ou d’un fait nouveau substantiel, les requérants contestent l’analogie établie par le Tribunal de la fonction publique entre un fonctionnaire ou un agent au sens du statut et une personne qui n’est, comme eux, ni fonctionnaire ni agent. Ils soutiennent aussi que le Tribunal, dans l’arrêt Eagle, n’a pas expliqué la « compatibilité » entre, d’une part, le point 56 et, d’autre part, les points 60 et 61 dudit arrêt.

39      À cet égard, il y a lieu de considérer que, bien que les requérants contestent l’analogie établie par le Tribunal dans les arrêts Eagle et Sanders entre, d’une part, les fonctionnaires et les agents au sens du statut et, d’autre part, eux-mêmes, qui ne sont ni l’un ni l’autre, ils ne sont pas fondés à contester le fait d’avoir été traités comme ces fonctionnaires ou ces agents, dans la mesure où leur demande en indemnité est fondée sur ledit statut. En effet, s’ils n’étaient pas assimilés auxdits agents ou auxdits fonctionnaires, leur demande en indemnité serait soumise au délai de prescription prévu à l’article 46 du statut de la Cour. Par ailleurs, en ce qui concerne la prétendue incohérence de l’arrêt Eagle, il suffit de relever que le Tribunal s’est limité à constater que l’article 90, paragraphe 1, du statut ne fixe aucun délai, mais, ainsi qu’il a été relevé au point 26 ci-dessus, ce silence n’implique pas l’inexistence d’un tel délai. En tout état de cause, les requérants n’ont pas démontré que cette prétendue incohérence était susceptible de vicier les appréciations figurant dans l’arrêt attaqué.

40      À la lumière de ces considérations, la seconde branche du premier moyen doit être écartée. Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, avancé à titre subsidiaire, tiré de la définition erronée de la durée du délai raisonnable à respecter pour introduire une demande en indemnité et sur la fixation erronée du point de départ dudit délai

41      Le deuxième moyen, avancé à titre subsidiaire, est composé de trois branches, tirées, respectivement, de la définition erronée de la durée du délai raisonnable à respecter pour introduire une demande en indemnité, d’une erreur dans la fixation du point de départ dudit délai et d’une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique aurait commise en considérant qu’aucun principe n’imposait à la Commission d’informer les requérants de l’existence de l’arrêt Sanders.

 Sur la première branche, tirée de la définition erronée de la durée du délai raisonnable

42      Les requérants font valoir que, même en supposant que le Tribunal de la fonction publique ait retenu à bon droit l’existence d’un devoir pour eux d’agir en indemnité dans un délai raisonnable, il a défini de manière erronée la durée de ce délai. À l’appui de ce grief, ils présentent quatre arguments, tirés, respectivement de l’absence de prise en considération du caractère raisonnable du délai par rapport à leur attitude, de l’obligation de prévoir une période transitoire, de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de la violation du principe de sécurité juridique.

43      Dans le cadre de leur premier argument, tiré de l’absence de prise en considération du caractère raisonnable du délai par rapport à leur attitude, les requérants soutiennent qu’ils ne peuvent pas se voir reprocher de n’avoir pas présenté leur demande en indemnité avant le 5 octobre 2004, car ils ne se savaient pas liés par une telle obligation. En outre, ils font observer que les ordonnances et l’arrêt cités par le Tribunal de la fonction publique au point 38 de l’ordonnance attaquée ne viennent pas corroborer la considération selon laquelle ils avaient l’obligation d’agir dans un délai de cinq ans.

44      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que les requérants ne peuvent pas soutenir utilement que, avant les arrêts Eagle et Sanders, le 5 octobre 2004, ils ne se savaient pas liés par une obligation d’agir dans un délai raisonnable. En effet, comme il a été relevé au point 26 ci-dessus, le Tribunal n’a pas affirmé de nouveaux principes dans lesdits arrêts, mais s’est limité à confirmer la jurisprudence selon laquelle, en cas de silence des textes, il incombe au juge de fixer, compte tenu des circonstances de l’espèce, un délai raisonnable, conformément au principe de sécurité juridique qui fait obstacle à ce qu’un particulier puisse saisir le Tribunal sans aucune limite temporelle (arrêts Dunnett e.a./BEI, précité, points 51 à 53, Huygens/Commission, précité, points 46 et 47, et Eagle, point 57).

45      En outre, lorsque le juge de l’Union est amené à fixer la durée du délai raisonnable à respecter, il doit tenir compte des circonstances de l’espèce. Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a appliqué par analogie le délai prévu par l’article 46 du statut de la Cour. Ce délai de cinq ans permet, par la mise en balance des intérêts en présence, d’une part, à l’intéressé de disposer d’une période suffisamment longue, à compter de la survenance du fait dommageable, pour évaluer l’opportunité de demander réparation d’un préjudice et pour faire valoir ses prétentions auprès de l’institution impliquée et, d’autre part, à l’Union de protéger ses intérêts, notamment financiers, face à des demandes dont les auteurs auraient fait preuve d’un comportement trop peu diligent. Il s’ensuit que les requérants ne sauraient contester la durée du délai raisonnable fixé en l’espèce par le Tribunal de la fonction publique en invoquant que, antérieurement aux arrêts Eagle et Sanders, il n’existait aucune obligation à leur égard de présenter une demande en indemnité dans un certain délai.

46      Pour le surplus, quant au délai de cinq ans retenu par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée, il y a lieu de relever la similitude des situations factuelles dans la présente affaire, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Eagle et dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sanders. Cette similitude justifie, en l’espèce, l’application par analogie du délai prévu à l’article 46 du statut de la Cour. Il s’ensuit que l’ordonnance attaquée n’est pas entachée d’une erreur de droit en ce qui concerne la détermination de la durée du délai raisonnable que les requérants devaient respecter pour introduire une demande en indemnité.

47      Enfin, s’agissant de la jurisprudence citée par le Tribunal de la fonction publique au point 38 de l’ordonnance attaquée, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique a fait référence auxdites décisions pour rappeler l’exigence du respect d’un délai raisonnable pour introduire une demande en indemnité. En outre, pour autant que les requérants soutiennent que l’ordonnance du Tribunal du 25 mars 1998, Koopman/Commission (T 202/97, RecFP p. I–A–163 et II–511) et les arrêts Dunnett e.a./BEI et Huygens/Commission, précités, ne permettent pas de fixer à cinq ans la durée du délai raisonnable à respecter pour introduire une demande en indemnité, il y a lieu de rappeler que ladite durée doit être fixée en tenant compte des circonstances de l’espèce, lesquelles dans la présente affaire sont différentes de celles des affaires ayant donné lieu aux décisions susmentionnées. Ainsi, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique n’a pas appliqué une règle de droit nouvelle, mais une règle établie sur le fondement du principe de sécurité juridique, selon laquelle, en cas de silence des textes, il incombe au juge de fixer, compte tenu des circonstances de l’espèce, la durée du délai raisonnable.

48      S’agissant de leur deuxième argument, tiré de l’obligation de prévoir une période transitoire, les requérants soutiennent que, si le législateur avait fixé une date limite pour les demandes au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, il aurait dû prévoir l’application dans le futur du nouveau délai et une période transitoire suffisante permettant aux personnes habilitées à présenter des demandes de les introduire avant que le nouveau délai ne s’applique à de telles demandes. Ils font également valoir qu’il n’existe pas de raison de priver des particuliers de la protection offerte par un tel régime transitoire lorsque le délai a été imposé par une juridiction plutôt que par le législateur.

49      En outre, les requérants contestent le renvoi fait par le Tribunal de la fonction publique aux conclusions de l’avocat général Mme Sharpston sous l’arrêt de la Cour du 6 mai 2010, Club Hotel Loutraki e.a. (C‑145/08 et C‑149/08, non encore publié au Recueil), ainsi qu’à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Micallef c. Malte du 15 octobre 2009 (n° 17056/06), afin de préciser qu’une évolution jurisprudentielle s’applique en principe à l’affaire dans laquelle elle est adoptée, sans période de transition.

50      Il y a lieu de constater que, par leur deuxième argument, les requérants proposent d’établir une analogie entre les pouvoirs du législateur et ceux du juge. À cet égard, il doit être relevé que, dans les arrêts du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C‑62/00, Rec. p. I‑6325, points 37 à 46), et du 24 septembre 2002, Grundig Italiana (C‑255/00, Rec. p. I‑8003, points 37 à 40), la Cour a considéré que, dans l’hypothèse de la réduction d’un délai par un législateur national, la compatibilité d’un nouveau délai est subordonnée à la prévision de son application dans le futur et à la fixation d’un régime transitoire, qui permet aux particuliers de ne pas être privés d’un délai pour introduire leurs demandes. Néanmoins, cette règle ne peut pas être appliquée en l’espèce. En premier lieu, il convient de relever que, en ce qui concerne les arrêts, la règle est leur entrée immédiate en application (arrêt de la Cour du 2 février 1988, Blaizot e.a., 24/86, Rec. p. 379), sauf situations exceptionnelles (arrêt de la Cour du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455). En deuxième lieu, même en admettant que la situation des requérants soit exceptionnelle, l’analogie n’est pas pertinente, car, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique n’a pas fixé un nouveau délai en réduisant un délai existant, mais s’est contenté de réitérer l’exigence du respect d’un délai raisonnable pour introduire une demande en indemnité, dont il a fixé la durée à cinq ans par une référence à la jurisprudence existante et en se fondant sur le principe de sécurité juridique. En troisième lieu, il convient de rappeler que les interprétations données à la législation européenne par le juge de l’Union se limitent à éclairer et à préciser la signification et la portée de celle-ci, telle qu’elle aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il s’ensuit que la disposition ainsi interprétée doit être appliquée même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt en question et ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi (arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 159).

51      S’agissant des conclusions de l’avocat général Mme Sharpston sous l’arrêt Club Hôtel Loutraki e.a., précitées, il suffit de relever que, en l’espèce, le cadre juridique applicable est différent de celui des affaires ayant donné lieu à l’arrêt Club Hotel Loutraki e.a., précité. En effet, aucun délai n’étant fixé à l’article 90, paragraphe 1, du statut, le principe de sécurité juridique justifiait la fixation d’un délai raisonnable à respecter par le juge de l’Union. Il n’y a donc pas eu de réduction d’un délai fixé par la législation. S’agissant de la référence par les requérants à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Micallef c. Malte, précité, il suffit de constater que l’observation des requérants selon laquelle la matière des mesures provisoires ne se rapporte nullement à la question des délais n’a aucune incidence sur l’application du principe selon lequel une évolution jurisprudentielle s’applique à l’affaire dans laquelle elle est adoptée, sans période de transition.

52      En ce qui concerne leur troisième argument, tiré de la violation de leur droit à une protection juridictionnelle effective, les requérants font valoir, en substance, qu’ils pouvaient légitimement s’attendre à ce que, dans un délai raisonnable, il leur soit possible d’introduire une demande en indemnité et que, en appliquant les arrêts Eagle et Sanders, le Tribunal de la fonction publique les a privés d’une voie de recours effective.

53      À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans son arrêt Eagle (point 64), le Tribunal a relevé que le droit des justiciables à un procès impartial, tel qu’il est reconnu par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ne s’opposait pas à ce que la juridiction saisie tire les conséquences, même en l’absence de règles expresses de forclusion, de ce que l’action a été introduite dans un délai manifestement excessif. En outre, l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Melnyk c. Ukraine, du 28 mars 2006 (n° 23436/03), invoqué par les requérants à l’appui de leur argumentation, concerne des changements apportés par le législateur et, notamment, la réduction du délai par la loi, alors que, dans la présente affaire, le cadre juridique est différent. En effet, comme il a été relevé au point 26 ci-dessus, aucun délai fixe n’est prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut et le principe de sécurité juridique justifie la fixation d’un délai raisonnable par le juge, compte tenu des circonstances de l’espèce.

54      S’agissant de la prétendue violation du principe de confiance légitime, il convient de relever que, bien que ce ne soit que dans les arrêts Eagle et Sanders que le Tribunal ait donné des précisions concernant la durée du délai raisonnable en matière de recours en indemnité se fondant sur un acte non décisionnel, il y a lieu d’observer que les règles reconnues par le Tribunal dans ces arrêts sont plus précises que celles appliquées auparavant. En effet, antérieurement auxdits arrêts, dont les principes ont été repris par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée, la durée du délai considéré comme raisonnable était plus courte que celle définie dans ces arrêts, à savoir trois mois dans l’arrêt Dunnett e.a./BEI, précité (point 55) et dix mois dans l’arrêt Huygens/Commission, précité (point 49). Par ailleurs la détermination par le juge de l’Union du caractère raisonnable du délai à respecter pour introduire une demande en indemnité étant nécessairement soumise aux circonstances de chaque cas d’espèce, les requérants ne sauraient ni faire valoir la nécessité de prévoir une période transitoire pour la définition d’un tel délai, ni tirer une confiance légitime de la jurisprudence antérieure concernant la détermination de ce délai dans d’autres cas d’espèce. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à invoquer une violation du principe de confiance légitime.

55      S’agissant de leur quatrième argument, les requérants soutiennent que la conception adoptée par le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée est contraire au principe de sécurité juridique, tel qu’il a été exposé par la Cour dans l’arrêt du 28 janvier 2010, Uniplex (UK) (C‑406/08, Rec. p. I‑817).

56      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur de droit en relevant que le cadre juridique applicable était différent dans le présent litige et dans l’affaire Uniplex (UK), précitée. En effet, dans cette dernière affaire, était en cause un délai fixé par le législateur qui pouvait être réduit par le juge, alors que, en l’espèce, il n’y a aucun délai fixé par le législateur et, partant, il incombe au juge de l’établir, conformément au principe de sécurité juridique.

57      À la lumière de toutes ces considérations, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur dans la fixation du point de départ du délai raisonnable

58      Les requérants soutiennent que, même à supposer qu’il existe une obligation leur incombant d’agir en indemnité dans un délai raisonnable, ce délai devrait courir à partir de la publication d’un arrêt qui corrigerait les arrêts Eagle et Sanders, ces derniers ne prévoyant pas de période transitoire pour les demandes dont les requérants pouvaient se prévaloir au 5 octobre 2004, mais qui n’avaient pas été introduites dans le délai raisonnable déterminé par le Tribunal.

59      Il suffit de constater que, dans les arrêts Eagle et Sanders, le Tribunal a considéré que l’événement à partir duquel le délai pour présenter une demande en indemnité commence à courir est la date à laquelle la personne concernée prend connaissance de la situation potentiellement illégale dans laquelle elle aurait été placée, faute de s’être vue proposer par la Commission un contrat d’agent temporaire au sens du statut. Or, en l’espèce, les requérants sont des anciens employés de la JET, qui a cessé son activité le 31 décembre 1999. Il s’ensuit que le fait qui aurait éventuellement pu engendrer leur droit à une indemnisation s’est nécessairement vérifié avant cette date. Le Tribunal de la fonction publique, en se fondant sur lesdits arrêts et en suivant la démarche adoptée dans ces arrêts, a retenu, dans l’ordonnance attaquée, que le point de départ devait être la conclusion de chaque contrat annuel, initial ou de renouvellement. Partant, le Tribunal de la fonction publique a correctement fixé le point de départ de la durée du délai raisonnable à respecter en l’espèce pour introduire une demande en indemnité. La deuxième branche du deuxième moyen doit donc être écartée.

 Sur la troisième branche, tirée d’une erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique aurait commise en considérant qu’aucun principe n’imposait à la Commission de les informer de l’existence de l’arrêt Sanders

60      Les requérants font valoir que la Commission devait les informer de leur situation juridique, de telle sorte qu’ils soient mis en mesure de décider utilement s’il convenait d’introduire ou non leurs demandes en indemnité. Ils soutiennent que ce devoir d’information découlerait des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, énoncés par le Tribunal dans les arrêts du 6 mars 1996, Becker/Cour des comptes (T‑93/94, Rec. p. II‑141), et du 14 juillet 2005, Le Voci/Conseil (T‑371/03, RecFP p. I‑A‑209 et II‑957). Ils contestent ainsi, en substance, la considération du Tribunal de la fonction publique selon laquelle aucun texte et aucun principe n’imposaient à la Commission de les informer de l’existence de l’arrêt Sanders afin de leur permettre de former une demande en indemnité dans un délai raisonnable.

61      S’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu d’observer que, contrairement aux requérants, certains de leurs anciens collègues au sein de la JET, qui étaient parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sanders, avaient présenté dans un délai raisonnable une demande en indemnité. Il s’ensuit que, dans ce contexte, la référence au principe d’égalité de traitement est dépourvue de fondement.

62      S’agissant de la prétendue violation du principe de bonne administration, il suffit de relever que l’arrêt Sanders a été rendu en audience publique le 5 octobre 2004 et a été publié, notamment sur le site Internet de la Cour de justice. Compte tenu de l’accessibilité dudit arrêt, le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur de droit en décidant que, en l’espèce, aucune obligation d’information des requérants quant à l’existence dudit arrêt ne pesait sur la Commission. En effet, il incombait aux requérants de s’enquérir des informations relatives à cet arrêt. En outre, il convient d’ajouter que les requérants n’ont pas fait preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée de leur préjudice (arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, Rec. p. I‑3061, point 33, et arrêt Eagle, point 59), dans la mesure où ils ont attendu presque dix ans après le fait qui aurait pu engendrer leur droit à réparation pour présenter une demande en indemnité. La troisième branche du deuxième moyen doit donc être écartée.

63      À la lumière de ces considérations, le deuxième moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit consistant en l’omission de statuer sur la deuxième exception d’irrecevabilité

64      Les requérants soutiennent que, dès lors que la première exception d’irrecevabilité soulevée en première instance était dépourvue de fondement, c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique n’a pas statué sur la deuxième exception d’irrecevabilité en se fondant sur la constatation selon laquelle leurs demandes étaient irrecevables au titre de la première exception.

65      En outre, les requérants font valoir que cette deuxième exception soulevée par la Commission devant le Tribunal de la fonction publique est irrecevable au motif que, ladite exception n’a pas été exposée de façon suffisamment claire et précise pour permettre au Tribunal de la fonction publique (ou au Tribunal) de statuer. En tout état de cause, cette exception serait dépourvue de fondement, dès lors qu’à l’occasion des échanges précontentieux entre les parties, la Commission n’avait jamais affirmé ne pas avoir reçu d’informations suffisantes sur leurs demandes.

66      À cet égard, contrairement à ce que les requérants soutiennent, il suffit de constater que, à la lumière des considérations développées aux points 23 à 63 ci-dessus, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme irrecevable dans le cadre de son examen de la première exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission devant lui. Par conséquent, étant fondé sur une prémisse erronée, le troisième moyen doit être rejeté.

67      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

68      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

70      Les requérants ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, ils supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. John Allen et les 109 autres requérants dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2011.

Signatures

Annexe

David Barnes, demeurant à Long Wittenham (Royaume-Uni),

Robin Barnsley, demeurant à Forcalquier (France),

Keith Betts, demeurant à Abingdon (Royaume-Uni),

John Bird, demeurant à Calcot, Reading (Royaume-Uni),

Adrian Blunt, demeurant à Hermitage, Thatcham (Royaume-Uni),

Roger Bolt, demeurant à Wallingford (Royaume-Uni),

James Bradshaw, demeurant à Newbury (Royaume-Uni),

Malcom Bright, demeurant à Didcot (Royaume-Uni),

Philip Butcher, demeurant à Brize Norton (Royaume-Uni),

Arthur Callaghan, demeurant à Abingdon,

Dave Case, demeurant à Wantage (Royaume-Uni),

Ian Clarke, demeurant à Bilton, Rugby (Royaume-Uni),

Paul Coates, demeurant à Abingdon,

Ivor Coffey, demeurant à Abingdon,

Clifford Cole, demeurant à Abingdon,

Robert Cook, demeurant à Abingdon,

Kenneth Cornwall, demeurant à Wheatley (Royaume-Uni),

Gerard Corrigan, demeurant à Sutton Courtney (Royaume-Uni),

Adrian Couchman, demeurant à Abingdon,

Ronald Denyer, demeurant à Wantage (Royaume-Uni),

Richard Devitt, demeurant à Abingdon,

Simon Dillon, demeurant à Farnham (Royaume-Uni),

Patrick Doyle, demeurant à Abingdon,

Paul Edwards, demeurant à Grove (Royaume-Uni),

Darrel Elford, demeurant à Abingdon,

Clive Elsmore, demeurant à Farnham,

Glyn Evans, demeurant à Bicester (Royaume-Uni),

George Ewart, demeurant à Sutton, Courtney (Royaume-Uni),

Jim Forbes, demeurant à Headington (Royaume-Uni),

Timothy Franklin, demeurant à Didcot,

Richard Fraser, demeurant à Sutton, Courtney,

Phillip Goodfellow, demeurant à Abingdon,

Alex Goodyear, demeurant à Oxford (Royaume-Uni),

Kelvin Greenough, demeurant à Swindon (Royaume-Uni),

Klaus Guenther, demeurant à Berlin (Allemagne),

Geoff Hackney, demeurant à Fleet (Royaume-Uni),

Steve Hallworth-Cook, demeurant à Reading (Royaume-Uni),

Nigel Hammond, demeurant à Headington (Royaume-Uni),

Alan Hancock, demeurant à Abingdon,

Jeffrey Harrington, demeurant à Marlborough (Royaume-Uni),

Steve Harris, demeurant à Wallingford,

Thomas Hartrampf, demeurant à Abingdon,

Ian Hewitt, demeurant à Hartlepool (Royaume-Uni),

Mark Hill, demeurant à Abingdon,

Mike Hitchin, demeurant à Clapton-on-the-Hill (Royaume-Uni),

Owen Hockey, demeurant à Long Wittenham,

Colin Hogben, demeurant à Abingdon,

Michael Hopkins, demeurant à Didcot,

Alan Horton, demeurant à Abingdon,

Mark Hough, demeurant à Ambergate (Royaume-Uni),

Zachary Hudson, demeurant à Seascale (Royaume-Uni),

Harold Hughes, demeurant à Sutton, Courtney,

John Hunt, demeurant à Minster Lovell (Royaume-Uni),

John Inglett, demeurant à Didcot,

Richard Johnson, demeurant à Witney (Royaume-Uni),

Grayham Jones, demeurant à Upper Brutingthorpe (Royaume-Uni),

Tom Kinsella, demeurant à Abingdon,

Vasili Kiptily, demeurant à Didcot,

Terry Knight, demeurant à Dubai (Émirats arabes unis),

Johan Lingertat, demeurant à Berlin,

Richard Lucock, demeurant à Oxford,

Andrew Mackenzie, demeurant à Abingdon,

James Marsh, demeurant à Winchester (Royaume-Uni),

Jan McClean, demeurant à Abingdon,

Paul McCullen, demeurant à Compton (Royaume-Uni),

Terry McLoughlin, demeurant à Hartlepool (Royaume-Uni),

Steve Meigh, demeurant à High Wycombe (Royaume-Uni),

Andy Meigs, demeurant à Oxford,

John Mills, demeurant à Wallingford,

Robert Minchin, demeurant à Kidlington (Royaume-Uni),

Michael Mortimer, demeurant à Abingdon,

Roger Nicholson, demeurant à Didcot,

Steve Osbourne, demeurant à Wantage,

Danny O’Shea, demeurant à Abingdon,

John O’Shea, demeurant à Abingdon,

Steve Parish, demeurant à Abingdon,

Leslie Pedrick, demeurant à Dursley (Royaume-Uni),

Sergey Popovichev, demeurant à Abingdon,

Adrien Porter, demeurant à Wantage,

Colin Prior, demeurant à Alicante (Espagne),

Ian Prior, demeurant à Radley (Royaume-Uni),

Phil Prior, demeurant à Abingdon,

Krishan Purahoo, demeurant à Kennington (Royaume-Uni),

Mark Rainford, demeurant à Marston (Royaume-Uni),

Barry Runham, demeurant à Bracknell (Royaume-Uni),

Simon Rutter, demeurant à Didcot,

Eric Searle, demeurant à Leamington Spa (Royaume-Uni),

Peter Seymour, demeurant à Woodley (Royaume-Uni),

Sergei Sharapov, demeurant à Abingdon,

Steven Skeats, demeurant à Buckland (Royaume-Uni),

James Spence, demeurant à Abingdon,

Mike Stead, demeurant à Grove,

Will Studholme, demeurant à Oxford,

Keith Summerell, demeurant à Wallingford,

Roman Szuszkiewicz, demeurant à Didcot,

Adrian Talbot, demeurant à Wantage,

Adrian Terrington, demeurant à Upper Sundon (Royaume-Uni),

Gareth Thomas, demeurant à Didcot,

Dave Thrower, demeurant à Abingdon,

Jonathan Todd, demeurant à Islip (Royaume-Uni),

Amrithal Vadgama, demeurant à Crawley (Royaume-Uni),

Mike Vincent, demeurant à Curridge (Royaume-Uni),

Stuart Webster, demeurant à Abingdon,

Martin Wheatley, demeurant à Cholsey (Royaume-Uni),

Ken Williams, demeurant à Caernarfon (Royaume-Uni),

Alan Wilson, demeurant à Didcot,

Brian Wilson, demeurant à Didcot,

David Witts, demeurant à Didcot,

Bruce Wright, demeurant à Didcot.


* Langue de procédure : l’anglais.