Language of document : ECLI:EU:T:2011:183

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

14 avril 2011 (*)

« FEDER – Document unique de programmation concernant la région de Groningue-Drenthe – Décision portant réduction du concours financier et ordonnant le remboursement partiel des sommes versées – Obligation de motivation – Article 23, paragraphe 1, et article 24, paragraphes 1 et 2, du règlement (CEE) n° 4253/88 »

Dans l’affaire T‑70/09,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. W. Roels et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision C (2008) 8355 de la Commission, du 11 décembre 2008, portant réduction du concours financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) accordé au titre du document unique de programmation n° 97.07.13.003, relevant de l’objectif n° 2, concernant la région de Groningue-Drenthe, conformément à la décision 97/711/CE de la Commission, du 26 mai 1997,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Wiszniewska-Białecka, président, MM. F. Dehousse (rapporteur) et H. Kanninen, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 10 CE dispose :

« Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.

Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité. »

2        Aux termes de l’article 211, premier et dernier tirets, CE :

« […] la Commission :

–        veille à l’application des dispositions du présent traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci,

[…]

–        exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l’exécution des règles qu’il établit. »

3        L’article 274, premier alinéa, CE dispose :

« La Commission exécute le budget, conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l’article 279, sous sa propre responsabilité et dans la limite des crédits alloués, conformément au principe de la bonne gestion financière. Les États membres coopèrent avec la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière. »

4        L’article 7, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5), est ainsi libellé :

« Les actions faisant l’objet d’un financement par les fonds structurels […] doivent être conformes aux dispositions des traités et des actes arrêtés en vertu de ceux-ci, ainsi que des politiques communautaires, y compris celles concernant les règles de concurrence, la passation des marchés publics et la protection de l’environnement […] »

5        L’article 23, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20), dispose :

« […L]es États membres prennent, lors de la mise en œuvre des actions, les mesures nécessaires pour :

–        vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement,

–        prévenir et poursuivre les irrégularités,

–        récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence […] »

6        En vertu de l’article 24, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4253/88 :

« 1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autres autorités désignées par celui-ci pour la mise en oeuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. [À la] suite [de] cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée. »

7        Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), dispose :

« La présente directive s’applique aux marchés publics de services dont le montant estimé hors TVA égale ou dépasse 200 000 [euros]. »

8        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), prévoit :

« La présente directive s’applique aux marchés publics de travaux dont le montant estimé hors TVA égale ou dépasse 5 000 000 d’[euros]. »

 Antécédents du litige

9        Par décision 97/711/CE de la Commission, du 26 mai 1997, portant approbation du document unique de programmation pour les interventions structurelles communautaires dans la région de Groningue-Drenthe concernée par l’objectif n° 2 aux Pays-Bas (JO L 308, p. 81), modifiée par la décision C (1999) 3570 de la Commission, du 23 novembre 1999, la Commission des Communautés européennes a accordé une aide d’un montant de 93 295 000 euros au titre du document unique de programmation concernant la région de Groningue-Drenthe, pour la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999. L’intervention du Fonds européen de développement régional (FEDER) a été fixée à un montant maximal de 76 655 000 euros.

10      Au cours de la période de programmation, les autorités néerlandaises ont approuvé différents projets et effectué des paiements. Le 25 juin 2002, elles ont demandé à la Commission de clôturer le programme de financement communautaire et de verser le solde restant dû.

11      Un montant total de 241 842 971,49 euros de dépenses a été déclaré à la Commission par les autorités néerlandaises.

12      Les services de la Commission ont procédé à un audit dans le cadre de la clôture du programme. Par lettres des 29 septembre 2004 et 27 mai 2005, la Commission a adressé aux autorités néerlandaises les rapports de contrôle qui exposaient les irrégularités constatées. En raison de ces irrégularités, la Commission a notamment appliqué une correction financière forfaitaire de 2 % et déclaré un certain nombre de dépenses non éligibles.

13      Après un échange de correspondances et l’envoi par la Commission, le 30 mars 2007, d’une lettre relative à la clôture partielle du programme, une réunion a eu lieu le 5 juillet 2007 entre les autorités néerlandaises et les services de la Commission. Les autorités néerlandaises ont également été auditionnées par les services de la Commission le 4 octobre 2007. Compte tenu des observations formulées et des éléments de preuve fournis par les autorités néerlandaises au cours de cette audition et après celle-ci, la Commission a envoyé, par lettre du 2 avril 2008, une proposition modifiée de clôture partielle du programme communautaire. Les autorités néerlandaises ont fait savoir, par lettre du 25 avril 2008, qu’elles ne pouvaient pas accepter cette proposition.

14      Le 11 décembre 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 8355, portant réduction du concours financier du FEDER accordé au titre du document unique de programmation n° 97.07.13.003, relevant de l’objectif n° 2, concernant la région de Groningue-Drenthe, conformément à la décision C (1997) 1362 de la Commission, du 26 mai 1997 (ci-après la « décision attaquée »)

15      En premier lieu, il ressort des considérants 66 et 67 de la décision attaquée qu’un taux de correction de 100 % du montant des dépenses déclarées à la Commission a été appliqué, d’une part, aux dépenses non éligibles et, d’autre part, aux cas dans lesquels la valeur des marchés publics se situait au-dessus des seuils des directives applicables et dans lesquels les marchés en cause avaient été octroyés sans respecter les conditions de publicité prévues dans lesdites directives.

16      En deuxième lieu, une correction financière forfaitaire de 25 % a été appliquée sur le montant des dépenses déclarées auprès de la Commission dans le cas d’un marché public dont la valeur était supérieure au seuil de la directive applicable, mais dont l’objet n’était pas précisément défini et dans lequel le marché public originaire, conclu sur la base d’une procédure d’adjudication, avait été remplacé par d’autres marchés après des négociations avec l’entrepreneur à qui ce marché public avait été octroyé (considérant 68 de la décision attaquée).

17      En troisième lieu, une correction financière forfaitaire de 10 % a été appliquée sur le montant des dépenses déclarées auprès de la Commission à raison de marchés publics qui ne tombaient pas, ou pas entièrement, dans le champ d’application de la directive applicable, mais qui, contrairement au principe de saine gestion financière, avaient été attribués de gré à gré sans la moindre publicité (considérant 69 et avant-dernière colonne du tableau figurant en annexe II de la décision attaquée).

18      En quatrième lieu, une correction financière forfaitaire de 2 % sur le total des dépenses déclarées auprès de la Commission, après déduction des 6,07 % considérés comme non éligibles, a été appliquée pour non-respect des conditions du programme ou des conditions fixées dans les lettres d’attribution (considérant 74 de la décision attaquée).

19      Ainsi, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, un montant de 947 375,85 euros a été libéré du concours du FEDER attribué dans le cadre du document unique de programmation pour la région de Groningue-Drenthe, relevant de l’objectif n° 2, pour la période allant du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999. Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée dispose que le Royaume des Pays-Bas a perçu à tort un montant de 6 064 234,11 euros qu’il devra rembourser.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2009, le Royaume des Pays-Bas a introduit le présent recours.

21      Par lettres de son greffe du 21 juin 2009, le Tribunal a demandé aux parties, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de produire certains documents. Les parties ont déféré à cette demande par lettres des 2 et 9 juillet 2009.

22      Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée en tant, d’une part, qu’elle applique une correction forfaitaire de 2 % d’un montant de 1 139 346,24 euros et, d’autre part, qu’elle déclare inéligibles des dépenses d’un montant total de 1 160 456 florins néerlandais (NLG) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

 En droit

24      À l’appui de son recours en annulation dirigé uniquement contre, d’une part, la correction financière forfaitaire de 10 % de certaines dépenses et, d’autre part, la correction financière forfaitaire de 2 % du total des dépenses déclarées, le Royaume des Pays-Bas a invoqué trois moyens d’annulation tirés, respectivement, de la violation du principe de sécurité juridique, de la violation de l’obligation de motivation et de la violation de l’article 211 CE.

25      Toutefois, lors de l’audience, le Royaume des Pays-Bas a renoncé à son premier moyen d’annulation, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation de l’existence d’un intérêt transfrontalier pour chacun des marchés publics attribués de gré à gré

 Arguments des parties

26      À l’encontre de la correction de 10 % des dépenses déclarées pour certains marchés publics (voir point 17 ci-dessus), le Royaume des Pays-Bas fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation en ne motivant pas, comme l’y oblige la jurisprudence et, notamment, l’arrêt de la Cour du 13 novembre 2007, Commission/Irlande (C‑507/03, Rec. p. I‑9777), ni le caractère transfrontalier certain de chacun des marchés publics attribués de gré à gré et dont la valeur se situait sous les seuils fixés par les directives sur les marchés publics applicables, ni l’intérêt certain que présentait chacun desdits marchés pour les entreprises installées dans d’autres États membres.

27      La Commission se serait bornée à faire référence, dans la décision attaquée, au programme d’initiative communautaire Interreg II, auquel les régions de Groningue-est et de Drenthe-sud-est participaient, et à en déduire qu’il existait un intérêt transfrontalier certain pour la zone frontalière allemande limitrophe. Or, selon le Royaume des Pays-Bas, il n’est pas possible de déduire que tous les marchés publics qui sont attribués dans les provinces de Groningue ou de Drenthe et qui sont d’un montant inférieur aux seuils des directives sur les marchés publics applicables présentent un intérêt transfrontalier du simple fait que les régions de Groningue-est et de Drenthe-sud-est participent au programme en cause. Dans les zones géographiques participant à ce programme, tous les marchés publics n’auraient pas forcément un intérêt transfrontalier. Par ailleurs, ledit programme couvrirait parfois des zones très étendues pouvant, pour certaines, se situer loin des frontières. Il aurait donc fallu examiner s’il existait un intérêt transfrontalier pour chaque marché public.

28      La Commission n’aurait pas non plus démontré, pour chacun des marchés publics, qu’une entreprise installée dans un autre État membre avait un intérêt certain pour le marché public en cause et qu’elle n’avait pas pu manifester son intérêt pour celui-ci faute d’accès aux informations adéquates avant l’attribution de ce marché.

29      Selon le Royaume des Pays-Bas, la Commission ne pouvait pas être déchargée de son obligation de motivation en lui adressant un reproche formulé de manière générale et en se bornant à émettre l’hypothèse que le seul fait que le territoire couvert par le programme se situait près de l’Allemagne établissait l’existence d’un intérêt transfrontalier certain pour tous les marchés dont la valeur était inférieure aux seuils. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas explicitement pris en considération le fait que la valeur des marchés publics était proche des seuils.

30      La Commission conteste l’argumentation du Royaume des Pays-Bas.

 Appréciation du Tribunal

31      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. La motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, Rec. p. I‑10901, point 26).

32      Il convient de souligner d’emblée que c’est dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 226 CE que, selon une jurisprudence constante, la Commission doit apporter à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification, par celle-ci, de l’existence du manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 avril 2007, Commission/Italie, C‑135/05, Rec. p. I‑3475, point 26, et Commission/Irlande, point 26 supra, point 33). Or, dans le cadre du deuxième moyen soulevé par le Royaume des Pays-Bas, il ne s’agit pas de vérifier l’existence d’un manquement au titre de l’article 226 CE, mais le respect par la Commission de l’obligation de motivation imposée par l’article 253 CE.

33      En l’espèce, la Commission a exposé, au considérant 69 de la décision attaquée, en renvoyant à certains considérants qu’elle a énumérés, que, dans quelques cas, les marchés publics ne tombaient pas, ou pas entièrement, dans le champ d’application des directives sur les marchés publics applicables. La Commission a indiqué que ces marchés auraient cependant pu être importants pour des acteurs économiques provenant d’autres États membres, compte tenu de leur nature, des montants concernés et de la localisation géographique de leur lieu d’exécution. Elle a ajouté que ces marchés publics ont été octroyés de gré à gré et n’ont pas fait l’objet de suffisamment de publicité pour permettre aux acteurs provenant d’autres États membres d’avoir une chance de concourir.

34      En outre, le considérant 124 de la décision attaquée indique que, dans les cas où des marchés publics portant sur des montants proches des seuils prévus par les directives sur les marchés publics applicables ont été attribués de gré à gré sans la moindre forme de publicité, une forme d’intérêt transfrontalier résidait dans ces montants eux-mêmes.

35      Par ailleurs, la Commission a rappelé, au considérant 125 de la décision attaquée, que, selon la jurisprudence, l’application des règles de base du traité et des principes généraux du traité à des procédures relatives à la passation de marchés publics inférieurs aux seuils prévus par les directives en matière de marchés publics applicables pouvait se fonder sur l’hypothèse que les contrats en question avaient un intérêt transfrontalier certain. Après avoir rappelé, au considérant 125 de la décision attaquée, la jurisprudence relative aux facteurs objectifs de nature à révéler l’existence d’un tel intérêt transfrontalier, la Commission a considéré, au considérant 126 de ladite décision, qu’un intérêt transfrontalier clair pour le territoire allemand limitrophe pouvait être démontré en l’espèce.

36      La Commission a ajouté au même considérant 126 de la décision attaquée :

« Depuis 1990, les parties des deux provinces le long de la frontière entre l’Allemagne et les Pays-Bas sont à tout le moins prises en considération pour des programmes dans le cadre de l’initiative de la Communauté en matière de territoires frontaliers (Interreg) et des programmes Interreg qui en découlent entre l’Allemagne et les Pays-Bas (région Eems-Dollard) [pour la période concernée]. Dès le tout début, cette initiative communautaire […] a été un instrument ‘visant à contribuer à résoudre les problèmes de développement particuliers pour les territoires situés dans les frontières intérieures et extérieures de la Communauté, qui découlent de leur isolement relatif dans les économies nationales et au sein de la Communauté dans son ensemble’ et ‘stimuler la création et le développement de réseaux de collaboration au-delà des frontières intérieures […], dans le cadre de l’achèvement du marché interne de 1992’. Dans le cadre d’Interreg II, Oost-Groningen et Zuidoost-Drenthe ont été définies comme éligibles, alors que des mesures prises ailleurs dans les deux provinces (Delfzij et environs, Overig Groningen, Noord-Drenthe et Zuidwest-Drenthe) ont reçu un appui parce qu’il a été démontré que ces régions supplémentaires représentaient un degré élevé de collaboration transfrontalière […] »

37      Enfin, au considérant 127 de la décision attaquée, la Commission a conclu à cet égard :

« En raison de la proximité de tout le domaine du programme, même des contrats d’une valeur réduite, qui ont été octroyés dans le domaine du contrat, avaient un intérêt transfrontalier, à tout le moins pour des entreprises dans les régions limitrophes allemandes. Le défaut de transparence était donc manifestement contraire à l’un des objectifs de développement du programme transfrontalier, qui a été convenu conjointement et introduit conjointement auprès de la Commission […] »

38      Il résulte de ce qui précède que, contrairement aux allégations du Royaume des Pays-Bas, la décision attaquée contient bien une motivation de l’intérêt transfrontalier des marchés inférieurs aux seuils des directives sur les marchés publics applicables.

39      D’une part, la Commission souligne que, dans les cas où les montants des marchés publics sont proches des seuils, une forme d’intérêt transfrontalier réside dans le montant lui-même (considérant 124 de la décision attaquée).

40      D’autre part, la Commission invoque le caractère limitrophe des provinces concernées avec l’Allemagne (considérant 126 de la décision attaquée). À cet égard, il convient de souligner que, contrairement à ce que prétendent les autorités néerlandaises, la décision attaquée n’évoque pas seulement les régions de Groningue-est et de Drenthe-sud-est, mais aussi celles d’Eems-Dollard, d’Overig Groningen, Drenthe-nord et Drenthe-sud-est (considérant 126 de la décision attaquée). Au considérant 127 de la décision attaquée, la Commission fait même état de la proximité de tout le domaine du programme, pour conclure à un intérêt transfrontalier même pour les contrats d’une valeur réduite.

41      De plus, dès lors que le Royaume des Pays-Bas avait été étroitement associé à l’élaboration de la décision attaquée (voir points 12 et 13 ci-dessus), la motivation de cette dernière lui permettait, malgré son caractère général lié au fait que la décision attaquée appréhendait l’ensemble du programme concerné, de comprendre en quoi consistait l’intérêt transfrontalier des marchés publics dont les montants étaient inférieurs aux seuils fixés par les directives sur les marchés publics applicables et d’assurer ainsi sa défense. En particulier et contrairement à ce que soutient la requérante, la motivation de la décision attaquée ne requérait pas, pour respecter les exigences rappelées au point 31 ci-dessus, la preuve de l’existence concrète, pour chaque marché public en cause, d’une entreprise d’un autre État membre, ayant un intérêt certain à ce marché et n’ayant pu le manifester.

42      Il résulte des considérations qui précèdent que la décision attaquée est suffisamment motivée au regard des exigences rappelées au point 31 ci-dessus. Le deuxième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 211 CE, en ce que la Commission a appliqué une correction financière forfaitaire de 2 % pour non-respect des conditions nationales des projets

 Arguments des parties

43      Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que la Commission ne peut imposer aucune correction financière pour des infractions à des règles nationales. Le contrôle du respect des conditions de chaque projet échapperait à la compétence de la Commission, en application de l’article 211 CE. Il appartiendrait à l’autorité qui octroie le concours financier et, le cas échéant, aux autorités judiciaires, de mettre en balance l’intérêt du respect strict des règles concernées, l’intérêt d’une exécution correcte et rapide de l’action, y compris des projets concrets, et l’intérêt du bénéficiaire final qui a effectivement exécuté le projet et qui a exposé des frais.

44      En l’espèce, les autorités néerlandaises auraient choisi de fixer des délais plus stricts que ceux découlant de l’article 7 de la décision 97/711, afin de pouvoir, même en cas de dépassement de ces délais, achever les projets avant la date de la fin du programme communautaire. Les conditions fixées par l’autorité de gestion du concours financier ne pourraient donc pas servir de cadre de contrôle à la Commission pour évaluer le respect des conditions dudit programme.

45      Selon le Royaume des Pays-Bas, la Commission « semble avoir oublié » que, en l’espèce, le droit communautaire n’a pas été violé, de sorte que les dépenses sont régulières.

46      La Commission conteste l’argumentation du Royaume des Pays-Bas.

 Appréciation du Tribunal

47      Il importe de rappeler que, en matière de fonds structurels, l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2052/88 précise que l’action communautaire s’établit par une concertation étroite entre la Commission, les États membres ainsi que les autorités et les organismes compétents de ces États. Cette concertation se traduit en outre par un système de responsabilité résiduelle des États membres envers la Communauté en cas de perte de sommes provenant des fonds structurels à la suite d’abus ou de négligences. Les modalités de mise en œuvre de cette responsabilité figurent aux articles 23 et 24 du règlement n° 4253/88, pour lesquels la Cour a jugé que leur interprétation est indissociable, ainsi qu’à l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1681/94 de la Commission, du 11 juillet 1994, concernant les irrégularités et le recouvrement des sommes indûment versées dans le cadre du financement des politiques structurelles ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO L 178, p. 43) (voir arrêt de la Cour du 13 mars 2008, Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening, C‑383/06 à C‑385/06, Rec. p. I‑1561, ci-après l’« arrêt VNOSW », point 54, et la jurisprudence citée).

48      Par ailleurs, le principe selon lequel l’application de la législation nationale ne doit pas porter atteinte à l’application et à l’efficacité du droit communautaire exige que l’intérêt de la Communauté soit pleinement pris en considération lors de l’application de dispositions qui conféreraient un pouvoir discrétionnaire aux autorités administratives nationales pour procéder au recouvrement de fonds indûment versés (voir arrêt VNOSW, point 47 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

49      À ce titre, il convient de rappeler qu’il a été jugé que le système de subventions élaboré par la réglementation communautaire repose notamment sur l’exécution par le bénéficiaire d’une série d’obligations lui donnant droit à la perception du concours financier prévu. Si le bénéficiaire n’accomplit pas toutes ces obligations, il résulte de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 que la Commission est autorisée à reconsidérer l’étendue de ses obligations (arrêt VNOSW, point 47 supra, point 56).

50      En l’espèce, au considérant 74 de la décision attaquée, la Commission a exposé :

« […] une correction forfaitaire de 2 % a été appliquée pour le non-respect des conditions du programme ou des conditions qui ont été fixées dans les lettres d’attribution qui étaient plus sévères que celles fixées par le droit communautaire (voir les considérants 14, 19, 29, 30, 32, 33, 35, 50 et 60). Les 2 % ont été calculés sur base du montant restant des dépenses totales déclarées auprès de la Commission, après déduction des 6,07 % qui ont été considérés comme non éligibles. Dans les cas dans lesquels ces conditions n’ont pas été respectées, il existe un risque général d’utilisation inadéquate des fonds communautaires. Au cours des contrôles du projet, il est apparu que les autorités du programme éprouvaient des difficultés fondamentales pour faire respecter les conditions spécifiques du projet et du programme. La Commission estime que les cas dans lesquels les conditions du programme ou de la lettre d’attribution n’ont pas été respectées, sont indicatifs de vices fondamentaux dans le système de gestion et de contrôle. Ces vices sont considérés comme fondamentaux par le nombre de cas dans lesquels les conditions du programme n’ont pas été respectées et les dépenses qui y sont liées. »

51      Il importe, à titre liminaire, de souligner qu’il ressort clairement de la décision attaquée qu’il convient de distinguer les irrégularités concernant des dépenses non éligibles, qui sont corrigées à 100 % (considérant 66 de la décision attaquée), de la correction financière forfaitaire de 2 % visée, notamment, au considérant 74 de la décision attaquée et à l’encontre de laquelle est dirigé le présent moyen.

52      Pour ce qui concerne la correction financière forfaitaire de 2 %, la Commission ne prétend pas, dans la décision attaquée, que les dépenses visées ne sont pas éligibles. Toute argumentation visant à démontrer l’éventuelle régularité ou éligibilité des dépenses visées par rapport aux conditions du programme en cause est donc inopérante.

53      Ladite correction financière forfaitaire de 2 % vise, de manière générale, le non-respect des conditions du programme communautaire et du projet (considérants 74 et 128 de la décision attaquée). Elle ne se limite donc pas à la sanction du non-respect des conditions du projet par les bénéficiaires finaux, comme le laisse entendre le Royaume des Pays-Bas. Au contraire, dans la conclusion de la décision attaquée, au considérant 179 de cette décision, le non-respect des conditions du programme en cause est expressément mentionné.

54      En outre et surtout, il ressort des considérants 74 et 180 de la décision attaquée que cette correction financière forfaitaire de 2 % vise les autorités néerlandaises, dont les systèmes de gestion et de contrôle, comportant des vices fondamentaux (considérant 74 de la décision attaquée) ou étant inadéquats, ont mené au non-respect de la réglementation communautaire (considérant 180 de la décision attaquée).

55      Or, en application, notamment, de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88, les États membres ont une obligation de contrôle des actions financées par la Communauté. Ils doivent aussi, en application de l’article 274 CE, coopérer avec la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière. La Commission a, quant à elle, l’obligation de veiller à l’application des dispositions du traité ainsi qu’à celle des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci. L’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, l’habilite à réduire un concours financier en cas d’irrégularité.

56       Il en résulte que la Commission est compétente pour constater des vices fondamentaux dans le système de gestion et de contrôle des autorités néerlandaises au niveau national.

57      En l’espèce, la Commission a constaté une série de vices que le Royaume des Pays-Bas ne conteste pas. Ainsi, il n’est pas nié que les délais fixés dans les lettres d’attribution des projets aux bénéficiaires finaux n’ont pas été respectés ni que des dépenses ont été encourues avant le début de certains projets (considérants 79 et 85 de la décision attaquée), ni que certains projets ont été achevés après la date prévue dans l’adjudication et que le solde a été versé avant l’achèvement ou la mise en service (considérants 91 et 94 de la décision attaquée). Les autorités néerlandaises ne contestent pas davantage qu’elles ont prolongé tacitement ou oralement certains délais et exonéré rétroactivement en 2005 certains bénéficiaires finaux de certaines conditions du programme. Ce dernier élément est du reste confirmé par les documents qu’elles ont produits à la demande du Tribunal.

58      Dès lors, les autorités néerlandaises n’ont pas veillé au respect des conditions du programme, ni d’ailleurs à celui des conditions qu’elles avaient fixées elles-mêmes dans les lettres d’octroi des concours financiers. Or, ces dernières conditions les liaient autant que les bénéficiaires finaux et étaient, par ailleurs, intimement liées aux conditions du programme. Le fait que les conditions fixées dans les lettres d’octroi des concours financiers aient parfois pu être plus strictes, à certains égards, que celles figurant dans le programme lui-même ou dans la décision 97/711, est sans incidence sur ces constatations. En tolérant que le bénéficiaire final manque à ses obligations, les autorités néerlandaises ont manqué à l’obligation que leur impose l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 de vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement et de prévenir toute irrégularité.

59      C’est par conséquent à tort que le Royaume des Pays-Bas présente la correction forfaitaire de 2 % comme ne reposant que sur le prétendu non-respect des conditions nationales des projets, lesquelles ne s’imposeraient qu’aux bénéficiaires finaux et ne relèveraient pas de la compétence de la Commission.

60      Il en résulte que la Commission n’ayant pas enfreint l’article 211 CE en imposant la correction financière forfaitaire de 2 % en cause, le présent moyen doit être rejeté.

61      Aucun des moyens invoqués par le Royaume des Pays-Bas n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume des Pays-Bas ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.

Wiszniewska-Białecka

Dehousse

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.