Language of document : ECLI:EU:C:2024:400

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

30 avril 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑102/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 février 2024,

Transport Werk GmbH, établie à Offenbach am Main (Allemagne), représentée par Me D. Donath, Rechtsanwältin,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Haus & Grund Deutschland Zentralverband der Deutschen Haus-, Wohnungs- und Grundeigentümer eV, établie à Berlin (Allemagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mme O. Spineanu-Matei et M. J.-C. Bonichot (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme T. Ćapeta, entendue,

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Transport Werk GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2023, Transport Werk/EUIPO - Haus & Grund Deutschland (Haus & Grund) (T‑779/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:854), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 26 octobre 2022 (affaire R 84/2022-5), relative à la procédure de nullité entre Transport Werk et Haus & Grund Deutschland Zentralverband der Deutschen Haus-, Wohnungs- und Grundeigentümer eV.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante précise qu’elle soulève deux moyens dans son pourvoi, tirés d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement. Elle fait valoir, en substance, que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir conclu à tort, aux points 66 à 71 de l’arrêt attaqué, que la marque contestée « Haus & Grund » est dépourvue de caractère descriptif en ce qui concerne les produits et services contestés relevant des classes 16, 35, 38 et 45 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après, l’« arrangement de Nice »), et que cette marque présente à cet égard un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

8        En deuxième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a motivé l’arrêt attaqué de manière contradictoire, incohérente et contraire à la jurisprudence pertinente. En effet, le Tribunal aurait souligné que la marque contestée était descriptive pour les produits et services concernés relevant des classes 9, 36 et 42 de l’arrangement de Nice, mais pas pour les produits et services concernés relevant des classes 16, 35, 38 et 45 dudit arrangement. Or, selon la requérante, ces derniers produits et services peuvent, s’agissant des produits, contenir des informations sur des biens immobiliers bâtis et non bâtis et, concernant les services, avoir pour objet thématique de tels biens et ainsi couvrir le thème décrit par l’objet de la marque contestée. Elle ajoute que, pour conclure au caractère descriptif d’une marque, il suffit, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, que celle-ci puisse servir pour désigner une des caractéristiques mentionnées à ladite disposition.

9        En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, que, en l’espèce, la question de droit qui est importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union est celle de savoir s’il convient de conclure au caractère descriptif d’un signe au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 et, partant, à l’absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, uniquement lorsque les produits ou services en cause se réfèrent directement à l’objet de la marque contestée et désignent directement celui-ci, ou si, au contraire, il est possible de conclure au caractère descriptif d’un signe même lorsque les produits ou services en cause sont susceptibles de couvrir l’objet de la marque sans le désigner concrètement. Selon la requérante, il est primordial que l’EUIPO et les offices nationaux des marques appliquent le droit de l’Union tel qu’il a été adopté par le législateur de l’Union. Or, le Tribunal aurait créé une insécurité juridique en raison des différences dans son appréciation du caractère descriptif et de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. Elle ajoute que la question de droit soulevée concerne également les procédures en nullité fondées sur des motifs absolus de refus qui visent aussi bien les marques de l’Union européenne que des marques nationales.

 Appréciation de la Cour

10      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:202:601, point 18).

11      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:202:601, point 19).

12      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:202:601, point 20).

13      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 2 février 2024, Apart/EUIPO, C‑598/23 P, EU:C:2024:110, point 15).

14      En l’occurrence, en ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation de la requérante exposée au point 7 de la présente ordonnance, relative à la prétendue appréciation erronée par le Tribunal du caractère descriptif et distinctif de la marque contestée, il importe de relever que, par cette argumentation, la requérante cherche, en réalité, à remettre en cause l’appréciation factuelle opérée par le Tribunal. Or, une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (voir, par analogie, ordonnance du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO, C‑611/23P, EU:C:2024:3, point 14 et jurisprudence citée).

15      En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation de la requérante évoquée au point 8 de la présente ordonnance, tirée d’une contradiction de motifs de l’arrêt attaqué, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que la question de savoir si un arrêt du Tribunal est entaché d’un défaut, d’une insuffisance ou d’une contradiction de motivation constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance 23 février 2024, Breville/EUIPO, C‑707/23 P, EU:C:2024:168, point 18 et jurisprudence citée).

16      En revanche, le fait qu’un pourvoi soulève une telle question de droit ne permet pas, en soi, de considérer que ce pourvoi doit être admis par la Cour au sens de l’article 58 bis du statut. En effet, une telle admission est, ainsi qu’il découle du points 2 à 4 de la présente ordonnance, subordonnée au respect de conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, notamment, que, indépendamment des questions de droit invoquées dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (ordonnance 23 février 2024, Breville/EUIPO, C‑707/23 P, EU:C:2024:168, point 19 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, si la requérante soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs, elle se limite à affirmer, en substance, que la motivation du Tribunal consacre une approche différente du caractère descriptif et de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée et que cette approche est contraire à la jurisprudence pertinente du Tribunal. Or, force est de constater que la requérante ne précise pas les raisons pour lesquelles cette prétendue contradiction de motifs de l’arrêt attaqué soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, en méconnaissance des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance.

18      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’argumentation fondée sur la méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 18 mai 2021, Embutidos Monells/EUIPO, C‑59/21 P, EU:C:2021:396, point 19, et du 19 février 2024, Balaban/EUIPO, C‑651/23 P, EU:C:2024:140, point 21).

19      En troisième et dernier lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante exposée au point 9 de la présente ordonnance, il importe de relever que, afin d’établir que la question de droit soulevée est importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, la requérante se borne à alléguer, de manière générique, que le Tribunal a créé une insécurité juridique en raison des différences dans son appréciation du caractère descriptif et de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, alors qu’il est primordial que l’EUIPO et les offices nationaux des marques appliquent le droit de l’Union tel qu’il a été adopté par le législateur de l’Union, et que la question de droit soulevée concerne également les procédures en nullité fondées sur des motifs absolus de refus qui visent tant les marques de l’Union européenne que des marques nationales. Or, pareilles allégations sont trop générales pour être de nature à démontrer, d’une manière respectant l’ensemble des exigences mentionnées au point 12 de la présente ordonnance, une telle importance.

20      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

21      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

22      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

23      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles‑ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Transport Werk GmbH supporte ses propres dépens.


Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.