Language of document : ECLI:EU:T:2019:335

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 mai 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours – Concours général EPSO/AD/331/16 – Conditions d’admission – Décision du jury de ne pas admettre la requérante à l’étape suivante du concours – Erreur de droit »

Dans l’affaire T‑813/17,

Eleni Nerantzaki, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Me N. Korogiannakis, puis par Me L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes P. Mihaylova et L. Radu Bouyon, puis par Mmes Radu Bouyon, D. Milanowska et M. B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du jury du 15 mai 2017 de ne pas admettre la requérante à la phase suivante du concours général EPSO/AD/331/16 et, d’autre part, de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 14 septembre 2017 rejetant la réclamation introduite par la requérante à l’encontre de la décision du jury du concours de ne pas l’admettre à la phase suivante dudit concours,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović (rapporteur), président, MM. E. Bieliūnas et A. Kornezov, juges,

greffier : Mme E. Artemiou,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et cadre juridique

1        Le 8 janvier 2017, la requérante, Mme Eleni Nerantzaki, s’est portée candidate au concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/331/16 – Experts des technologies de l’information et de la communication (TIC) (AD 7). Ce concours a été organisé pour l’établissement de listes de réserve de recrutement d’« administrateurs », notamment, en ce qui concerne la requérante, dans le domaine 6 « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise » (ci-après le « concours »). L’avis de concours avait été publié par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l’Union européenne le 1er décembre 2016 (JO 2016, C 447 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

2        Selon l’importance du nombre de candidats, l’avis de concours prévoyait deux possibilités pour le déroulement de la procédure de sélection. En l’espèce, au vu du nombre de candidats, le concours s’est déroulé en trois étapes. Lors d’une première étape, les dossiers de tous les candidats ont été examinés afin de vérifier le respect des conditions d’admission sur le fondement des informations communiquées dans l’acte de candidature en ligne. Lors d’une deuxième étape, les candidats admis ont été sélectionnés sur la base des informations entrées dans l’onglet « Évaluateur de talent » de l’acte de candidature. Lors d’une troisième étape, les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la deuxième étape ont été invités à passer les épreuves du centre d’évaluation et des tests de type « questionnaires à choix multiples ». Les candidats ayant obtenu les meilleures notes globales à l’issue de cette phase de la procédure ont été placés sur la liste de réserve du concours.

3        S’agissant des conditions d’admission, l’avis de concours énonce notamment les conditions particulières suivantes concernant les titres et l’expérience professionnelle des candidats :

« ‑ Un niveau d’enseignement correspondant à au moins 4 ans d’études universitaires complètes dans le domaine des [TIC], sanctionné par un diplôme, suivi d’une expérience professionnelle d’au moins 6 ans dans les TIC, dont au moins 3 ans dans le domaine choisi,

ou

[…]

‑ Un niveau d’enseignement correspondant à au moins 4 ans d’études universitaires complètes, sanctionné par un diplôme, suivi d’une expérience professionnelle d’au moins 10 ans dans les TIC, dont au moins 3 ans dans le domaine choisi […] »

4        L’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Nature des fonctions », indique ce qui suit :

« Les tâches principales des lauréats recrutés à l’issue du présent concours peuvent varier d’une institution à l’autre. Néanmoins, d’une manière générale, elles comprennent les éléments suivants :

–        gestion de projet : analyse, proposition, conception, estimation des coûts, recensement et acquisition des ressources nécessaires, programmation des activités, suivi de la mise en œuvre, gestion du changement et rapports,

–        coordination/direction de l’équipe (des équipes) chargée(s) des activités liées aux projets et participation à ses (leurs) travaux.

Suivant le domaine choisi, les tâches spécifiques des lauréats du concours peuvent inclure les éléments énumérés ci-après.

[…]

Domaine 6 : gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise

Le travail des experts du domaine “Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise” portera essentiellement sur les éléments suivants :

–        coordination et/ou gestion d’initiatives informatiques horizontales d’importance stratégique,

–        mise en place et gestion d’un portefeuille d’applications et/ou vérification que le portefeuille/programme atteint ses objectifs et que les projets qui le constituent produisent les résultats requis,

–        contrôle de la portée, de la planification et du budget du portefeuille/programme et des projets qui le(s) composent, ainsi que des risques qui y sont associés,

–        élaboration et validation de produits [architecture d’entreprise], y compris des architectures (stratégiques) d’entreprise ainsi que des architectures (techniques) connexes spécifiques à un domaine, des feuilles de route, des processus métier et des architectures orientées services,

–        dans le cadre de la stratégie informatique, contribution à l’élaboration d’une vision globale dans le domaine informatique en tenant compte des possibilités technologiques. »

5        S’agissant du domaine 6, l’annexe II de l’avis de concours, intitulée « Critères de sélection », prévoit ce qui suit :

« Domaine 6 : gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise (AE)

1. Expérience professionnelle en gestion de projets et/ou en gestion d’activités et services dans le domaine des technologies de l’information et/ou de l’architecture d’entreprise.

2. Expérience professionnelle en matière de gestion de portefeuilles et/ou de programmes.

3. Expérience professionnelle dans la planification des ressources, y compris l’analyse des besoins et l’estimation et l’allocation des ressources.

4. Certification dans une méthodologie de gestion de projet (par exemple PRINCE 2 ou PMI).

5. Expérience professionnelle dans les cadres, principes et pratiques applicables aux AE et/ou certification dans les principes et pratiques applicables aux AE (par exemple TOGAF).

6. Expérience professionnelle en matière de stratégie informatique et/ou de cadres de gouvernance informatique (par exemple COBIT).

7. Expérience professionnelle dans la modélisation d’architecture d’entreprise.

8. Expérience professionnelle dans la mise en œuvre de systèmes informatiques à grande échelle. »

6        L’annexe III de l’avis de concours, intitulée « Dispositions générales applicables aux concours généraux » (ci-après les « conditions générales »), contient un point 3.3, sur la vérification du respect des conditions d’admission, qui prévoit notamment que le jury vérifie la conformité avec les conditions particulières d’admission. Ce point indique également que les informations fournies dans l’acte de candidature sont examinées au regard des pièces justificatives à un stade ultérieur. Il est encore précisé que les candidats qui ne remplissent pas toutes les conditions d’admission définies dans l’avis de concours seront exclus.

7        Le point 6.4. des conditions générales prévoit la possibilité de demander un réexamen de toute décision prise par le jury ou par l’EPSO qui établit les résultats d’un candidat et/ou détermine s’il peut passer à l’étape suivante du concours ou s’il en a été exclu. Les points 6.5 et 6.6 des conditions générales rappellent la possibilité d’introduire une réclamation auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ainsi que d’introduire un recours devant le juge de l’Union européenne.

8        Le 7 mars 2017, l’EPSO a informé la requérante que le jury avait décidé de ne pas l’admettre à la deuxième étape du concours (ci-après la « décision du 7 mars 2017 »). Plus particulièrement, l’EPSO a constaté que la requérante disposait, d’une part, d’un niveau d’enseignement correspondant à au moins quatre ans d’études universitaires complètes, sanctionné par un diplôme dans le domaine des TIC, suivi d’une expérience professionnelle d’au moins six ans dans ledit domaine ainsi que, d’autre part, d’un niveau d’enseignement correspondant à au moins quatre ans d’études universitaires complètes, sanctionné par un diplôme, suivi d’une expérience professionnelle d’au moins dix ans dans le domaine des TIC. Toutefois, dans les deux cas de figure, l’expérience professionnelle n’incluait pas un minimum de trois ans dans le domaine choisi. L’EPSO a ajouté que le jury avait défini au préalable des critères stricts concernant les qualifications et l’expérience professionnelle, nécessaires pour le type de tâches décrites dans l’avis de concours.

9        Le 13 mars 2017, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision du 7 mars 2017.

10      Le 15 mai 2017, l’EPSO a répondu à la demande de réexamen de la requérante en constatant que le jury avait confirmé sa décision du 7 mars 2017 de ne pas inscrire son nom sur la liste des candidats admis à la deuxième étape du concours (ci-après la « décision du 15 mai 2017 »). L’EPSO a rappelé que, avant d’entamer la procédure d’admission, le jury avait défini des critères en prenant en considération les conditions particulières de l’avis de concours et qu’il les avait rigoureusement appliquées à tous les candidats afin de garantir une égalité de traitement entre ceux-ci. Dès lors que la requérante se prévalait de quatre ans d’études dans le domaine des TIC, elle était tenue de démontrer une expérience professionnelle d’au moins six ans dans ce domaine. Le jury a considéré que l’expérience professionnelle que la requérante avait déclarée était pertinente au regard du domaine des TIC, mais qu’elle n’était pas « directement pertinente ou n’était que partiellement pertinente » au regard du domaine intitulé « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise » et que l’expérience totale dans ce domaine n’était pas équivalente aux trois ans demandés.

11      Le 7 juin 2017, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), à l’encontre de la « décision de ne pas l’admettre à la phase suivante du concours ».

12      Par décision du 14 septembre 2017 (ci-après la « décision du 14 septembre 2017 »), portant la référence Ares(2017)s. 4916702, le directeur de l’EPSO, en tant qu’AIPN, a rejeté la réclamation du 7 juin 2017 présentée par la requérante. En substance, tout d’abord, l’AIPN a fait observer que le jury avait défini au préalable des critères objectifs d’évaluation afin de garantir l’examen uniforme des candidatures. Ces critères auraient été appliqués de façon égale à tous les candidats du concours. Ensuite, l’AIPN a constaté que le jury avait reconnu que la requérante disposait d’une expérience professionnelle d’au moins six ans dans le domaine des TIC, mais que cette expérience professionnelle n’était pas « directement pertinente » pour le domaine intitulé « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise » ainsi que pour les tâches définies à l’annexe I de l’avis de concours. Enfin, l’AIPN a considéré que le raisonnement du jury ne pouvait pas être qualifié de manifestement erroné.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

14      Le 7 mars 2018, le Tribunal (septième chambre) a décidé qu’il n’y aurait pas de deuxième échange de mémoires.

15      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 29 novembre 2018.

16      Lors de l’audience, la Commission européenne a fourni deux nouveaux documents. D’une part, le président de la septième chambre du Tribunal a invité la Commission à justifier la soumission de ces documents à ce stade de la procédure et, d’autre part, il a recueilli les observations de la requérante quant à la recevabilité desdits documents. Sans prendre position sur la recevabilité de ceux-ci, il a décidé de les verser au dossier de la présente affaire et a fixé un délai à la requérante afin qu’elle puisse présenter ses observations sur ces nouvelles preuves.

17      Le 7 janvier 2019, la requérante a fourni des observations écrites sur les documents fournis par la Commission lors de l’audience.

18      Le 11 janvier 2019, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé de clore la phase orale de la procédure.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 7 mars 2017 ;

–        annuler la décision du 14 septembre 2017 ;

–        annuler « toute décision ultérieure ayant le même effet » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      À l’appui du recours, la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de son expérience professionnelle, le deuxième d’une violation de l’avis de concours et le troisième d’une violation de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 25 du statut.

22      Il convient, dans un premier temps, d’examiner l’objet du présent recours avant d’analyser, dans un deuxième temps, le deuxième moyen. Le cas échéant, les premier et troisième moyens seront examinés dans un troisième temps.

 Sur l’objet du recours

23      Dans la requête, la requérante conclut à l’annulation de la « décision […] de ne pas l’admettre à la phase suivante du concours général EPSO/AD/331/16, [lui ayant été] communiquée […] par lettre du 7 mars 2017 », de la décision du 14 septembre 2017 ainsi que de « toute décision ultérieure ayant le même effet ».

24      Lors de l’audience, la requérante et la Commission ont soutenu que la décision du 15 mai 2017 constituait l’acte faisant grief en l’espèce. De plus, la Commission a précisé que l’objet de la décision du 14 septembre 2017 était une réclamation dirigée à l’encontre de la décision du 15 mai 2017. La requérante a déclaré que son troisième chef de conclusions tendant à l’annulation de « toute décision ultérieure ayant le même effet » visait spécifiquement à obtenir l’annulation de la décision du 15 mai 2017.

25      S’agissant du chef de conclusions visant à l’annulation de la décision du 7 mars 2017, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une personne dont la demande d’admission à un concours a été rejetée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d’une disposition précise liant l’administration, c’est la décision prise par le jury, après réexamen, qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, dudit statut (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 21 et jurisprudence citée). La décision prise après réexamen se substitue, ce faisant, à la décision initiale du jury (voir arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que c’est la décision du 15 mai 2017 qui constitue l’acte faisant grief en l’espèce.

26      Dans ce contexte, il y a lieu de faire observer que, par son deuxième chef de conclusions, exposé au point 19 ci-dessus, la requérante demande l’annulation de la décision du 14 septembre 2017. Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée dans la mesure où elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Europol/Kalmár, T‑455/11 P, EU:T:2013:595, point 41). En effet, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé uniquement contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, dans la mesure où le rejet de la réclamation n’aurait pas une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêts du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34, et du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27).

27      En l’espèce, étant donné que la décision du 14 septembre 2017 portant rejet de la réclamation ne fait que confirmer le refus du jury de considérer que la requérante satisfaisait à la condition consistant à justifier d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans dans le domaine intitulé « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise », il y a lieu de constater que le deuxième chef de conclusions tendant à son annulation est dépourvu de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celui-ci, même si, dans l’examen de la légalité de la décision du 15 mai 2017, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision du 14 septembre 2017, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision du 15 mai 2017 (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

28      Partant, à la lumière des considérations exposées aux points 25 à 27 ci-dessus et de la volonté expresse de la requérante et de la Commission, exprimée lors de l’audience (voir point 24 ci-dessus), dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience, il y a lieu de considérer que le présent recours tend uniquement à l’annulation de la décision du 15 mai 2017 qui constitue, en l’espèce, l’acte faisant grief à la requérante.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’avis de concours

29      Le deuxième moyen se divise en deux branches. Par une première branche, la requérante soutient que l’avis de concours est flou car il ne donne aucune définition de l’expression « systèmes informatiques à grande échelle » et ne respecte, par conséquent, pas l’obligation de prévoir clairement les conditions que doivent remplir les candidats. Par une seconde branche, la requérante estime que le jury aurait dû évaluer l’expérience professionnelle des candidats à l’aune de l’annexe II, et non de l’annexe I, de l’avis de concours. Cependant, la décision du 15 mai 2017 renvoie au fait qu’elle n’a pas rempli les besoins en recrutement de la Commission tels que décrits à l’annexe I de l’avis de concours.

30      La Commission fait valoir que, par la première branche du deuxième moyen, la requérante invoque en réalité le non-respect, par l’avis de concours, de la jurisprudence pertinente et non la violation des dispositions de l’avis de concours par le jury. Elle ajoute qu’un tel argument serait irrecevable pour tardiveté manifeste. De plus, ce critère ne serait pas pertinent pour la première étape du concours à l’issue de laquelle la requérante a été exclue. La Commission fait valoir que la requérante ne dispose donc d’aucun intérêt à l’annulation du critère en question.

31      Concernant la seconde branche du deuxième moyen, la Commission considère que la partie de l’avis de concours relative aux conditions d’admission doit être interprétée à la lumière de l’annexe I de celui-ci, décrivant la nature des tâches que les lauréats du concours pourraient être amenés à réaliser. Selon elle, les critères énumérés à l’annexe II de l’avis de concours concernent la deuxième étape du concours, et non la première.

32      Il y a lieu de commencer par l’examen de la seconde branche du deuxième moyen.

33      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’annexe I de l’avis de concours fait référence aux tâches que les candidats retenus devront exécuter de manière générale ainsi que de manière spécifique selon le domaine choisi.

34      Dans ce contexte, il importe de remarquer que le texte principal de l’avis de concours ne fait référence à son annexe I que dans la partie introductive, sous le titre intitulé « Quelles tâches puis-je m’attendre à devoir effectuer ? ». En effet, dans cette partie, les candidats sont invités à se reporter à l’annexe I de l’avis de concours pour plus d’informations sur les tâches types à réaliser dans chaque domaine. Il s’ensuit que, selon le libellé de l’avis de concours, son annexe I ne contient aucun critère pour la sélection des candidats sur la base de leurs titres, mais simplement des informations destinées aux personnes intéressées qui leur permettaient de décider si elles voulaient se porter candidates au concours.

35      Dans son annexe II, l’avis de concours précise les critères de sélection à utiliser lors de la sélection sur titres. S’agissant plus particulièrement du domaine intitulé « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise », cette annexe énumère des « expériences professionnelles » relatives à une série d’activités spécifiques ainsi qu’un type de certification.

36      Ensuite, s’agissant du critère d’admission exigeant une expérience professionnelle d’au moins trois ans dans le « domaine choisi », force est de constater que celui-ci figure, selon l’avis de concours, parmi les conditions particulières concernant les « titres et [l’]expérience professionnelle » des candidats.

37      De plus, il y a lieu de faire observer que, conformément à ce qui a été rappelé au point 2 ci-dessus, la vérification des conditions particulières concernant notamment les titres et l’expérience professionnelle des candidats constituait la première étape du concours. Les modalités pour la vérification du respect desdites conditions sont régies par le point 2 de l’avis de concours intitulé « Sélection sur titres ». En effet, l’avis de concours énonce que l’étape de la « sélection sur titres » consiste, d’une part, en la vérification du respect des conditions d’admission dans les actes de candidature et, d’autre part, en une notation par le jury des descriptions des candidats faites dans l’onglet « Évaluateur de talent » de leurs actes de candidature. Selon le point 2 « Sélection sur titres » de l’avis de concours, c’est son annexe II qui contient une liste des « critères » par domaine. En revanche, le point 2 concernant l’étape de la « sélection sur titres » ne contient aucune référence à l’annexe I de l’avis de concours.

38      De surcroît, il y a lieu de constater que le point 2 « Sélection sur titres » de l’avis de concours ne spécifie pas que les critères énumérés dans son annexe II s’appliqueraient uniquement lors de la deuxième étape portant sur la notation au regard de la description des candidats faite dans l’onglet « Évaluateur de talent » de leurs actes de candidature.

39      Enfin, si la Commission indique que les critères de sélection à utiliser lors de la sélection sur titres, énumérés à l’annexe II de l’avis de concours, sont exclusivement pertinents pour la deuxième étape du concours, à savoir la notation sur le fondement de la description des candidats faite dans l’onglet « Évaluateur de talent » de leurs actes de candidature, il y a lieu de constater que cette deuxième étape ne constituait pas une sélection sur titres, car elle a uniquement été effectuée sur la base des informations communiquées dans l’acte de candidature. En effet, les points 3.3, 3.4 et 3.7 des conditions générales prévoient que, lors du déroulement du concours, l’examen des pièces justificatives fournies par les candidats n’a lieu que pour vérifier le respect des conditions d’admission.

40      Or, il y a lieu de noter que, dans la mesure où le statut, en ses articles 28 et 29 et en son annexe III, permet d’organiser des concours notamment sur titres, une telle sélection sur titres nécessite l’examen de preuves écrites, produites par les candidats.

41      Par conséquent, la notation sur le fondement de la description des candidats faite dans l’onglet « Évaluateur de talent » de leurs actes de candidature n’étant pas effectuée dans le cadre de l’examen de titres étayés de preuves, mais dans le cadre de l’analyse des seules déclarations non vérifiées faites dans les actes de candidature, la deuxième étape du concours ne constitue pas une sélection sur titres au sens des articles 28 et 29 du statut ainsi que de l’annexe III de ce dernier.Il s’ensuit que la seule sélection sur titres qui est effectuée dans le cadre du point 2 de l’avis de concours intitulé « Sélection sur titres » est la première étape portant sur la vérification des conditions particulières concernant notamment les titres et l’expérience professionnelle.

42      Il découle donc du libellé de l’avis de concours que l’examen de l’expérience professionnelle des candidats dans le « domaine choisi » devait être fait, à tout le moins, à l’aune de l’annexe II de l’avis de concours.

43      Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument de la Commission selon lequel la partie de l’avis de concours relative aux conditions d’admission doit être interprétée à la lumière de la partie décrivant la nature des tâches. En effet, il est vrai que, selon la jurisprudence, étant donné le but de l’avis de concours, qui est d’informer les intéressés d’une manière aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, il y a lieu d’interpréter les conditions d’admission à la lumière des finalités du concours en cause, telles qu’elles résultent de la description des fonctions relatives au poste à pourvoir. En conséquence, la partie concernant la nature des fonctions et la partie concernant les conditions d’admission de l’avis de concours doivent être considérées ensemble (arrêt du 14 juillet 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑146/99, EU:T:2000:194, point 34). Toutefois, cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme exigeant que l’expérience professionnelle des candidats soit examinée exclusivement à l’aune des tâches décrites à l’annexe I de l’avis de concours, de sorte que cet examen reviendrait à s’écarter des prescriptions de l’avis de concours.

44      Partant, le jury a commis une erreur de droit en considérant, dans la décision du 15 mai 2017, que seules les tâches énumérées à l’annexe I de l’avis de concours étaient pertinentes afin d’examiner la question de savoir si la requérante disposait d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans dans le « domaine choisi ». En outre, il y a lieu de constater que, également dans le cadre des décisions des 7 mars et 14 septembre 2017, seul un examen au regard de ladite annexe I a été opéré.

45      Il en résulte que le jury n’a pas examiné la candidature de la requérante au regard de tous les critères que l’avis de concours avait prescrits et qu’il a donc commis une violation de l’avis de concours.

46      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la Commission soutient dans son mémoire en défense que le jury n’a pas retenu la « gestion de projets » parmi les types d’expérience pertinents ou partiellement pertinents au regard du domaine intitulé « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise ». Toutefois, l’annexe I de l’avis de concours mentionne la « gestion de projets » en tant que « tâche principale » et son annexe II inclut, dans la partie portant sur le domaine intitulé « Gestion de portefeuille/programme informatique et architecture d’entreprise », l’« expérience professionnelle en gestion de projets […] dans le domaine des technologies de l’information et/ou de l’architecture d’entreprise » dans la liste des critères de sélection. Étant donné que la requérante avait soutenu dans son acte de candidature qu’elle disposait d’une expérience professionnelle dans la gestion de projets, qui n’a pas été prise en compte par le jury, ni par l’AIPN, il ne peut être exclu qu’une prise en compte de cette expérience aurait abouti à son admission à la prochaine étape du concours.

47      Il en résulte qu’il y a lieu d’accueillir la seconde branche du deuxième moyen.

48      Partant, il convient d’annuler la décision du 15 mai 2017 dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen, la première branche du deuxième moyen ou le troisième moyen soulevés par la requérante.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du 15 mai 2017 de ne pas admettre Mme Eleni Nerantzaki à la phase suivante du concours général EPSO/AD/331/16 est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Bieliūnas

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.