Language of document : ECLI:EU:C:2022:606

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er août 2022 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 2009/65/CE – Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) – Directive 2011/61/UE – Fonds d’investissement alternatifs – Politiques et pratiques de rémunération des dirigeants d’une société de gestion d’OPCVM ou d’un gestionnaire de fonds d’investissement alternatif – Dividendes distribués à certains membres de la direction – Notion de “rémunération” – Article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit de propriété »

Dans l’affaire C‑352/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 2 juillet 2020, parvenue à la Cour le 31 juillet 2020, dans la procédure

HOLD Alapkezelő Befektetési Alapkezelő Zrt.

contre

Magyar Nemzeti Bank,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juges de la première chambre, Mme I. Ziemele (rapporteure) et M. P. G. Xuereb, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2021,

considérant les observations présentées :

–        pour HOLD Alapkezelő Befektetési Alapkezelő Zrt., par Mes Á. P. Baráti, T. Fehér, P. Jalsovszky et B. D. Zsibrita, ügyvédek,

–        pour Magyar Nemzeti Bank, par Mes T. Kende et P. Sonnevend, ügyvédek, ainsi que par M. G. Subai, conseiller juridique,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, initialement par MM. L. Havas, J. Rius Riu et Mme H. Tserepa-Lacombe, puis par MM. V. Bottka, J. Rius Riu et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

–        pour l’Autorité européenne des marchés financiers, par Mme G. Filippa, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 16 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 14 à 14 ter de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 2009, L 302, p. 32), telle que modifiée par la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014 (JO 2014, L 257, p. 186) (ci-après la « directive 2009/65 »), de l’article 13, paragraphe 1, ainsi que de l’annexe II, points 1 et 2, de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) no 1060/2009 et (UE) no 1095/2010 (JO 2011, L 174, p. 1), et de l’article 2, point 5, du règlement délégué (UE) 2017/565 de la Commission, du 25 avril 2016, complétant la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles et les conditions d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et la définition de certains termes aux fins de ladite directive (JO 2017, L 87, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant HOLD Alapkezelő Befektetési Alapkezelő Zrt. (ci-après « HOLD ») à la Magyar Nemzeti Bank (Banque nationale de Hongrie) au sujet d’une décision par laquelle cette dernière a sanctionné HOLD pour ses pratiques de rémunération.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2009/65

3        L’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/65 prévoit que, aux fins de cette directive, on entend par « société de gestion » une société dont l’activité habituelle est la gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) prenant la forme de fonds communs de placement ou de sociétés d’investissement (gestion collective de portefeuille d’OPCVM).

4        L’article 6, paragraphes 3 et 4, de cette directive dispose :

« 3.      Par dérogation au paragraphe 2, les États membres peuvent autoriser des sociétés de gestion à fournir, outre les services de gestion d’OPCVM, les services suivants :

a)      gestion de portefeuilles d’investissement, y compris ceux qui sont détenus par des fonds de retraite, sur une base discrétionnaire et individualisée, dans le cadre d’un mandat donné par les investisseurs, lorsque ces portefeuilles comportent un ou plusieurs des instruments énumérés à l’annexe I, section C, de la directive 2004/39/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1)] ; et

b)      en tant que services auxiliaires :

i)      conseils en investissement portant sur un ou plusieurs des instruments énumérés à l’annexe I, section C, de la directive 2004/39/CE,

ii)      garde et administration, pour des parts d’organismes de placement collectif.

[...]

4.      L’article 2, paragraphe 2, et les articles 12, 13 et 19 de la directive 2004/39/CE s’appliquent à la prestation des services visés au paragraphe 3 du présent article par les sociétés de gestion. »

5        L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2009/65 est ainsi libellé :

« Chaque État membre établit des règles de conduite que les sociétés de gestion agréées dans cet État membre sont tenues de respecter à tout moment. Ces règles doivent mettre à exécution au moins les principes énoncés au présent paragraphe. Ces principes obligent la société de gestion :

a)      à agir, dans l’exercice de son activité, loyalement et équitablement au mieux des intérêts des OPCVM qu’elle gère et de l’intégrité du marché ;

b)      à agir avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts des OPCVM qu’elle gère et de l’intégrité du marché ;

c)      à avoir et à utiliser avec efficacité les ressources et les procédures nécessaires pour mener à bonne fin ses activités ;

d)      à s’efforcer d’écarter les conflits d’intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, à veiller à ce que les OPCVM qu’elle gère soient traités équitablement ; et

e)      à se conformer à toutes les réglementations applicables à l’exercice de ses activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de ses investisseurs et l’intégrité du marché. »

6        L’article 14 bis de cette directive prévoit :

« 1.      Les États membres exigent que les sociétés de gestion élaborent et appliquent des politiques et des pratiques de rémunération qui soient compatibles avec une gestion saine et efficace des risques, la favorisent et n’encouragent pas une prise de risque incompatible avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des OPCVM qu’elles gèrent, ni ne nuisent à l’obligation de la société de gestion d’agir au mieux des intérêts de l’OPCVM.

2.      Les politiques et pratiques de rémunération portent notamment sur les composantes fixe et variable des salaires et les prestations de pension discrétionnaires.

3.      Les politiques et pratiques de rémunération s’appliquent aux catégories de personnel, y compris la direction générale, les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, et tout salarié qui, au vu de sa rémunération globale, se situe dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques dont les activités professionnelles ont une incidence substantielle sur les profils de risque des sociétés de gestion ou des OPCVM qu’elles gèrent.

4.      Conformément à l’article 16 du règlement (UE) no 1095/2010 [du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/77/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 84)], l’[Autorité européenne des marchés financiers (AEMF)] émet à l’intention des autorités compétentes ou des acteurs des marchés financiers des orientations concernant les personnes visées au paragraphe 3 du présent article et l’application des principes visés à l’article 14 ter. Ces orientations tiennent compte des principes relatifs à de bonnes politiques de rémunération énoncés dans la recommandation 2009/384/CE de la Commission[, du 30 avril 2009, sur les politiques de rémunération dans le secteur des services financiers (JO 2009, L 120, p. 22)], ainsi que de la taille des sociétés de gestion et de celle des OPCVM qu’elles gèrent, de leur organisation interne et de la nature, de la portée et de la complexité de leurs activités. [...] »

7        L’article 14 ter de ladite directive énonce :

« 1.      Lorsqu’elles définissent et appliquent les politiques de rémunération visées à l’article 14 bis, les sociétés de gestion respectent les principes suivants d’une manière et dans une mesure qui soient adaptées à leur taille et à leur organisation interne, ainsi qu’à la nature, à la portée et à la complexité de leurs activités :

a)      la politique de rémunération est compatible avec une gestion saine et efficace des risques, la favorise et n’encourage pas une prise de risque qui serait incompatible avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des OPCVM que la société de gestion gère ;

b)      la politique de rémunération est conforme à la stratégie économique, aux objectifs, aux valeurs et aux intérêts de la société de gestion et des OPCVM qu’elle gère et à ceux des investisseurs dans ces OPCVM, et comprend des mesures visant à éviter les conflits d’intérêts ;

[...]

g)      lorsque la rémunération varie en fonction des performances, son montant total est établi en combinant l’évaluation au regard des performances de la personne et de l’unité opérationnelle ou de l’OPCVM concernés et au regard de leurs risques avec celle des résultats d’ensemble de la société de gestion lors de l’évaluation des performances individuelles, en tenant compte de critères financiers et non financiers ;

h)      l’évaluation des performances s’inscrit dans un cadre pluriannuel adapté à la période de détention recommandée aux investisseurs de l’OPCVM géré par la société de gestion, afin de garantir qu’elle porte bien sur les performances à long terme de l’OPCVM et sur ses risques d’investissement et que le paiement effectif des composantes de la rémunération qui dépendent des performances s’échelonne sur la même période ;

[...]

j)      un équilibre approprié est établi entre les composantes fixe et variable de la rémunération globale, la composante fixe représente une part suffisamment élevée de la rémunération globale pour qu’une politique pleinement souple puisse être exercée en matière de composantes variables de la rémunération, notamment la possibilité de ne payer aucune composante variable ;

[...]

l)      la mesure des performances, lorsqu’elle sert de base au calcul des composantes variables de la rémunération individuelle ou collective, comporte un mécanisme global d’ajustement qui intègre tous les types de risques pertinents actuels et futurs ;

m)      en fonction de la structure juridique de l’OPCVM et de son règlement ou de ses documents constitutifs, une part importante, et dans tous les cas au moins égale à 50 % de toute la composante variable de la rémunération, consiste en des parts de l’OPCVM concerné, en une participation équivalente, ou en des instruments liés aux actions ou en des instruments non numéraires équivalents présentant des incitations aussi efficaces que les instruments visés au présent point, à moins que la gestion d’OPCVM ne représente moins de 50 % du portefeuille total géré par la société de gestion, auquel cas le seuil minimal de 50 % ne s’applique pas.

Les instruments visés au présent point sont soumis à une politique de rétention appropriée visant à aligner les incitations sur les intérêts de la société de gestion et des OPCVM qu’elle gère et sur ceux des investisseurs de ces OPCVM. Les États membres ou leurs autorités compétentes peuvent soumettre à des restrictions les types et les configurations de ces instruments ou interdire certains instruments s’il y a lieu. Le présent point s’applique tant à la part de la composante variable de la rémunération reportée conformément au point n) qu’à la part de la rémunération variable non reportée ;

n)      une part substantielle, et dans tous les cas au moins égale à 40 %, de la composante variable de la rémunération, est reportée pendant une période appropriée, compte tenu de la période de détention recommandée aux investisseurs de l’OPCVM concerné ; cette part est équitablement proportionnée à la nature des risques liés à l’OPCVM en question.

La période visée au présent point devrait être d’au moins trois ans ; la rémunération due en vertu de dispositifs de report n’est acquise au maximum qu’au prorata ; si la composante variable de la rémunération représente un montant particulièrement élevé, le paiement d’au moins 60 % de ce montant est reporté ;

o)      la rémunération variable, y compris la part reportée, n’est payée ou acquise que si elle est compatible avec la situation financière de la société de gestion dans son ensemble et si elle est justifiée par les performances de l’unité opérationnelle, de l’OPCVM et de la personne concernés.

Le montant total des rémunérations variables est en général considérablement réduit lorsque la société de gestion ou l’OPCVM concerné enregistre des performances financières médiocres ou négatives, compte tenu à la fois des rémunérations actuelles et des réductions des versements de montants antérieurement acquis, y compris par des dispositifs de malus ou de récupération ;

[...]

r)      la rémunération variable n’est pas versée par le biais d’instruments ou de méthodes qui facilitent le contournement des exigences établies dans la présente directive.

[...]

3.      Les principes énoncés au paragraphe 1 s’appliquent à tout type d’avantage payé par la société de gestion, à tout montant payé directement par l’OPCVM lui‑même, y compris les commissions de performance, et à tout transfert de parts ou d’actions de l’OPCVM, effectués en faveur des catégories de personnel, y compris la direction générale, les preneurs de risques et les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de sa rémunération globale, se situe dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques, dont les activités professionnelles ont une incidence substantielle sur leur profil de risque ou sur le profil de risque de l’OPCVM qu’ils gèrent.

[...] »

 La directive 2014/91

8        Aux termes des considérants 5, 7 et 10 de la directive 2014/91 :

« (5)      Lorsqu’ils appliquent les principes en matière de bonnes politiques et pratiques de rémunération établis par la présente directive, les États membres devraient tenir compte des principes figurant dans la recommandation [2009/384] ainsi que des travaux du Conseil de stabilité financière et des engagements du G20 à atténuer le risque dans le secteur des services financiers.

[...]

(7)      Les principes en matière de bonnes politiques de rémunération devraient également s’appliquer aux paiements effectués à partir d’OPCVM vers des sociétés de gestion ou des sociétés d’investissement.

[...]

(10)      Les dispositions relatives à la rémunération ne devraient pas porter préjudice au plein exercice des droits fondamentaux garantis par le traité [UE], le traité [FUE] et la [c]harte des droits fondamentaux de l’Union européenne, aux principes généraux du droit des contrats et du droit du travail au niveau national, à la législation applicable aux droits et à la participation des actionnaires et aux responsabilités générales des organes administratifs et de surveillance des sociétés concernées ni, le cas échéant, au droit des partenaires sociaux de conclure et d’appliquer des conventions collectives, conformément au droit et aux usages nationaux. »

 La directive 2011/61

9        Les considérants 26 et 28 de la directive 2011/61 sont ainsi libellés :

« (26)      Les principes relatifs à de bonnes politiques de rémunération exposés dans la recommandation [2009/384/CE] sont cohérents avec les principes de la présente directive, et les complètent.

[...]

(28)      Les dispositions relatives à la rémunération ne devraient pas porter préjudice au plein exercice des droits fondamentaux garantis par les traités, et en particulier à l’article 153, paragraphe 5, [TFUE], aux principes généraux des conventions nationales et du droit du travail, à la législation en vigueur concernant les droits et la participation des actionnaires et aux responsabilités générales des organes administratifs et de surveillance de l’établissement concerné, ainsi que, le cas échéant, au droit des partenaires sociaux de conclure et d’appliquer des conventions collectives, conformément aux législations et traditions nationales. »

10      Conformément à son article 1er, la directive 2011/61 fixe les règles concernant l’agrément, les activités et la transparence des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs qui gèrent et/ou commercialisent des fonds d’investissement alternatifs (ci-après les « FIA ») dans l’Union européenne.

11      L’article 4, paragraphe 1, sous b), de cette directive prévoit que, aux fins de celle-ci, on entend par « gestionnaires », les personnes morales dont l’activité habituelle est la gestion d’un ou de plusieurs FIA.

12      L’article 6, paragraphes 4 et 6, de ladite directive prévoit :

« 4.      Par dérogation au paragraphe 2, les États membres peuvent autoriser un gestionnaire externe à fournir les services suivants :

a)      gestion de portefeuilles, y compris ceux qui sont détenus par des fonds de retraite et des institutions de retraite professionnelle, conformément à l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2003/41/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 3 juin 2003, concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (JO 2003, L 235, p. 10)], dans le cadre des mandats donnés par les investisseurs sur une base discrétionnaire et individualisée ;

b)      des services auxiliaires comprenant :

i)      conseil en investissement ;

ii)      garde et administration, pour des parts ou actions d’organismes de placement collectif ;

iii)      réception et transmission d’ordres portant sur des instruments financiers.

[...]

6.      L’article 2, paragraphe 2, et les articles 12, 13 et 19 de la directive [2004/39] s’appliquent à la fourniture, par les gestionnaires, des services visés au paragraphe 4 du présent article. »

13      L’article 13 de la directive 2011/61 est ainsi libellé :

« 1.      Les États membres exigent que les gestionnaires aient des politiques et des pratiques de rémunération pour les catégories de personnel, y compris la direction générale, les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle et tout employé qui, au vu de sa rémunération globale, se situe dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques, et dont les activités professionnelles ont une incidence substantielle sur les profils de risque des gestionnaires ou des FIA qu’ils gèrent, qui soient compatibles avec une gestion saine et efficace des risques et la favorisent et n’encouragent pas une prise de risque incompatible avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des FIA qu’ils gèrent.

Les gestionnaires déterminent les politiques et pratiques de rémunération conformément à l’annexe II.

[…] »

14      L’annexe II de cette directive, intitulée « Politique de rémunération », prévoit :

« 1.      Lorsqu’ils définissent et mettent en œuvre les politiques de rémunération globale, y compris les salaires et les prestations de pension discrétionnaires pour les catégories de personnel y compris la direction générale, les preneurs de risques et les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout employé qui, au vu de sa rémunération globale, se situe dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques, et dont les activités professionnelles ont une incidence substantielle sur leur profil de risque ou les profils de risque des FIA qu’ils gèrent, les gestionnaires respectent les principes suivants d’une manière et dans une mesure qui soient adaptées à leur taille et à leur organisation interne ainsi qu’à la nature, à la portée et à la complexité de leurs activités :

a)      la politique de rémunération est cohérente et promeut une gestion saine et efficace du risque et n’encourage pas une prise de risque qui serait incompatible avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des FIA qu’ils gèrent ;

b)      la politique de rémunération est conforme à la stratégie économique, aux objectifs, aux valeurs et aux intérêts des gestionnaires et des FIA qu’ils gèrent ou à ceux des investisseurs du FIA, et comprend des mesures visant à éviter les conflits d’intérêts ;

[...]

g)      lorsque la rémunération varie en fonction des performances, son montant total est établi en combinant l’évaluation des performances de la personne et de l’unité opérationnelle ou du FIA concernés avec celle des résultats d’ensemble du gestionnaire ; par ailleurs, l’évaluation des performances individuelles prend en compte aussi bien des critères financiers que non financiers ;

h)      l’évaluation des performances s’inscrit dans un cadre pluriannuel adapté au cycle de vie des FIA gérés par le gestionnaire, afin de garantir qu’elle porte bien sur les performances à long terme et que le paiement effectif des composantes de la rémunération qui dépendent des performances s’échelonne sur une période tenant compte de la politique de remboursement des FIA gérés et des risques d’investissement qui y sont liés ;

[...]

j)      un équilibre approprié est établi entre les composantes fixe et variable de la rémunération globale et la composante fixe représente une part suffisamment élevée de la rémunération globale pour qu’une politique pleinement souple puisse être exercée en matière de composantes variables de la rémunération, notamment la possibilité de ne payer aucune composante variable ;

[...]

l)      la mesure des performances, lorsqu’elle sert de base au calcul des composantes variables de la rémunération individuelle ou collective, comporte un mécanisme global d’ajustement qui intègre tous les types de risques actuels et futurs ;

m)      en fonction de la structure juridique du FIA et de son règlement ou de ses documents constitutifs, une part importante, et dans tous les cas au moins égale à 50 % de la composante variable de la rémunération, consiste en des parts ou des actions du FIA concerné, ou en une participation équivalente, ou en des instruments liés aux actions ou en des instruments non numéraires équivalents, à moins que la gestion des FIA ne représente moins de 50 % du portefeuille total géré par le gestionnaire, auquel cas le seuil minimal de 50 % ne s’applique pas.

Les instruments visés au présent point sont soumis à une politique de rétention appropriée visant à aligner les incitations sur les intérêts du gestionnaire et des FIA qu’il gère et sur ceux des investisseurs du FIA. Les États membres ou leurs autorités compétentes peuvent soumettre à des restrictions les types et les configurations de ces instruments ou interdire certains instruments s’il y a lieu. Le présent point s’applique tant à la part de la composante variable de la rémunération reportée conformément au point n) qu’à la part de la rémunération variable non reportée ;

n)      le paiement d’une part substantielle, et dans tous les cas au moins égale à 40 % de la composante variable de la rémunération, est reporté pendant une période appropriée compte tenu du cycle de vie et de la politique de remboursement du FIA concerné ; cette part est équitablement proportionnée à la nature des risques liés au FIA en question.

La période visée au présent point devrait être d’au moins trois à cinq ans, à moins que le cycle de vie du FIA concerné ne soit plus court ; la rémunération due en vertu de dispositifs de report n’est acquise au maximum qu’au prorata ; si la composante variable de la rémunération représente un montant particulièrement élevé, le paiement d’au moins 60 % de ce montant est reporté ;

o)      la rémunération variable, y compris la part reportée, n’est payée ou acquise que si son montant est compatible avec la situation financière du gestionnaire dans son ensemble et si elle est justifiée par les performances de l’unité opérationnelle, du FIA et de la personne concernés.

Le montant total des rémunérations variables est en général considérablement réduit lorsque le gestionnaire ou le FIA concerné enregistre des performances financières médiocres ou négatives, compte tenu à la fois des rémunérations actuelles et des réductions des versements de montants antérieurement acquis, y compris par des dispositifs de malus ou de récupération ;

[...]

r)      la rémunération variable n’est pas versée par le biais d’instruments ou de méthodes qui facilitent le contournement des exigences de la présente directive.

2.      Les principes énoncés au point 1 s’appliquent à tout type de rémunération versée par le gestionnaire, à tout montant payé directement par le FIA lui‑même, y compris l’intéressement aux plus-values, et à tout transfert de parts ou d’actions du FIA, effectués en faveur des catégories de personnel, y compris la direction générale, les preneurs de risques et les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout employé qui, au vu de sa rémunération globale, se situe dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques, et dont les activités professionnelles ont une incidence substantielle sur leur profil de risque ou sur le profil de risque du FIA qu’ils gèrent.

[...] »

 Le règlement délégué 2017/565

15      Le règlement délégué 2017/565 prévoit, à son article 1er, paragraphe 1 :

« Le chapitre II, le chapitre III, sections 1 à 4, article 59, paragraphe 4, et article 60, et sections 6 et 8, et, dans la mesure où ils sont liés aux dispositions susvisées, le chapitre I, le chapitre III, section 9, et le chapitre IV du présent règlement s’appliquent aux sociétés de gestion conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive [2009/65] et à l’article 6, paragraphe 6, de la directive [2011/61]. »

16      L’article 2, point 5, de ce règlement délégué, figurant sous le chapitre I de celui-ci, intitulé « Champ d’application et définitions » dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

5)      ‘rémunération’ : toute forme de paiements ou d’avantages financiers ou non financiers fournis directement ou indirectement par des entreprises à des personnes concernées dans le cadre de la fourniture de services d’investissement ou auxiliaires à des clients ;

[…] ».

 La recommandation 2009/384

17      Aux termes des considérants 1 à 3 de la recommandation 2009/384 :

« (1)      Des prises de risque excessives dans le secteur des services financiers [...] ont contribué à des défaillances d’entreprises financières et occasionné des difficultés systémiques dans les États membres et dans le monde. Ces difficultés ont gagné le reste de l’économie, se traduisant par des coûts élevés pour la société.

(2)      Bien qu’elles ne soient pas la cause première de la crise financière de 2007 et [de] 2008, les pratiques inadaptées suivies en matière de rémunération dans le secteur des services financiers ont, de l’avis général, elles aussi conduit à des prises de risque excessives et contribué de ce fait aux pertes importantes encourues par de grandes entreprises financières.

(3)      Les pratiques en matière de rémunération suivies par une grande partie du secteur des services financiers ont été contraires à une gestion efficace et saine des risques. Ces pratiques tendaient à récompenser les bénéfices à court terme et incitaient le personnel des entreprises financières à se lancer dans des activités exagérément risquées qui généraient certes des revenus supérieurs à court terme mais exposaient les établissements en question à des pertes potentielles plus élevées à long terme. »

 Les orientations de l’AEMF

18      Les documents de l’AEMF intitulés « Orientations relatives aux politiques de rémunération applicables aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (ESMA/2013/232), du 3 juillet 2013 (ci‑après les « orientations GFIA »), et « Orientations relatives aux bonnes politiques de rémunération au titre de la directive 2009/65/CE (ESMA/2016/575), du 14 octobre 2016 (ci-après les « orientations OPCVM »), s’appliquent, respectivement, aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (ci-après les « GFIA ») et aux sociétés de gestion au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2009/65, ainsi qu’aux autorités compétentes.

19      Les points 10 et 17 des orientations GFIA sont libellés comme suit :

« 10.      Aux fins des orientations et de l’annexe II de la directive [2011/61] uniquement, la rémunération se compose de :

(i)      toutes les formes de paiements ou d’avantages payés par le GFIA,

(ii)      toute somme payée par le [fonds d’investissement alternatif (FIA)] lui-même, y compris certains types de carried interest, et

[...]

en contrepartie de services professionnels rendus par le personnel identifié du GFIA.

Aux fins de l’alinéa (ii) de ce paragraphe, à chaque fois que des paiements, à l’exclusion des remboursements des coûts et dépenses, sont effectués directement par le FIA au GFIA pour le bénéfice des catégories pertinentes de personnel du GFIA en contrepartie de services professionnels rendus, afin d’éviter qu’il puisse en résulter un contournement des règles applicables en matière de rémunération, ils seront considérés comme une rémunération aux fins des orientations et de l’annexe II de la directive [2011/61].

[...]

17.      Il convient également d’examiner les structures d’actionnariat et structures similaires. Les dividendes ou les distributions similaires perçus par les actionnaires en tant que propriétaires de parts ou d’actions d’un GFIA ne sont pas visés par les présentes orientations, sauf si le résultat effectif résultant du paiement de ces dividendes aboutit à un contournement de la réglementation relative à la rémunération applicable, toute intention de contourner ces règles étant sans objet à cette fin. »

20      Aux termes des points 11 et 15 des orientations OPCVM :

« 11.      Aux fins des orientations et de l’article 14 ter de la directive [2009/65] uniquement, la rémunération se compose d’un ou [de] plusieurs des éléments suivants :

i)      toutes les formes de paiements ou d’avantages payés par la société de gestion,

ii)      tout montant versé par l’OPCVM lui-même, y compris toute partie de la commission de surperformance versée directement ou indirectement au profit du personnel identifié, ou

[...]

en contrepartie de services professionnels rendus par le personnel identifié de la société de gestion.

À chaque fois que des paiements, à l’exclusion des remboursements des coûts et dépenses, sont effectués directement par l’OPCVM à la société de gestion au profit des catégories pertinentes de personnel de la société de gestion, ou directement par l’OPCVM aux catégories pertinentes de personnel de la société de gestion, en contrepartie de services professionnels rendus, afin d’éviter qu’il puisse en résulter un contournement des règles applicables en matière de rémunération, ils seront considérés comme une rémunération aux fins des orientations et de l’article 14 ter de la directive [2009/65].

[...]

15.      Il convient également d’examiner les structures d’actionnariat et structures similaires. Les dividendes ou les distributions similaires perçus par les actionnaires en tant que propriétaires de parts ou d’actions d’une société de gestion ne sont pas visés par les présentes orientations, sauf si le résultat effectif résultant du paiement de ces dividendes aboutit à un contournement de la réglementation relative à la rémunération applicable, toute intention de contourner ces règles étant sans objet à cette fin. »

 Le droit hongrois

 La loi sur les investissements collectifs

21      Les directives 2009/65 et 2011/61 ont fait l’objet d’une transposition dans l’ordre juridique hongrois par l’a kollektív befektetési formákról és kezelőikről, valamint egyes pénzügyi tárgyú törvények módosításáról szóló 2014. évi XVI. törvény (loi no XVI de 2014, relative aux organismes d’investissement collectif et à leurs gestionnaires, et modifiant certaines lois en matière d’opérations financières, ci‑après la « loi sur les investissements collectifs »). L’article 26/A de cette loi prévoit :

« Le gestionnaire d’OPCVM met à exécution une politique et des pratiques de rémunération qui soient compatibles avec une gestion efficace et saine des risques et favorisent celle‑ci, et qui soient conformes aux principes énoncés à l’annexe 13. »

22      L’article 33 de ladite loi énonce :

« Le [GFIA] met à exécution une politique et des pratiques de rémunération qui soient compatibles avec une gestion efficace et saine des risques et favorisent celle‑ci, et qui soient conformes aux principes énoncés à l’annexe 13. »

23      L’annexe 13 de la loi sur les investissements collectifs, relative aux politiques en matière de rémunération, est libellée dans des termes qui correspondent, avec des modifications mineures, à ceux de l’article 14 ter de la directive 2009/65 et de l’annexe II de la directive 2011/61.

 Les recommandations de la Banque nationale de Hongrie

24      L’a javadalmazási politika alkalmazásáról szóló 3/2017. (II. 9.) MNB ajánlás (recommandation no 3 de la Banque nationale de Hongrie, du 9 février 2017, sur la mise en œuvre des politiques de rémunération), énonce, à son point 11 :

« Si les salariés d’un établissement relevant de la politique de rémunération sont en même temps les actionnaires majoritaires de cet établissement ou d’une filiale de celui‑ci, la politique de rémunération doit être conçue en tenant compte de cette circonstance spéciale. L’établissement doit, vis-à-vis de tout salarié, garantir que la politique de rémunération concorde avec les exigences des dispositions pertinentes de la [loi no CCXXXVII de 2013, relative aux établissements de crédit et aux entreprises financières] et de la [loi no CXXXVIII de 2007, relative aux entreprises d’investissement et opérateurs de bourses de commerce ainsi qu’aux règles régissant leurs activités], et avec le contenu de la présente recommandation. »

25      L’az alternatív befektetési alapkezelők által alkalmazandó javadalmazási politikáról szóló 4/2018. (I. 16.) MNB ajánlás (recommandation no 4 de la Banque nationale de Hongrie, du 16 janvier 2018, sur la politique de rémunération à mettre en œuvre par les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs) prévoit, à son point 8 :

« Les attentes formulées dans la présente recommandation ne concernent, en principe, pas les dividendes versés au propriétaire du gestionnaire de FIA ou aux versements ayant le caractère de dividendes, sauf si cela a pour conséquence en pratique un contournement des règles pertinentes en matière de rémunération, indépendamment du point de savoir si contourner les règles constituait l’objectif d’un versement. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

26      HOLD, la requérante au principal, est une société qui a été agréée par la Banque nationale de Hongrie et dont l’activité commerciale habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA.

27      Depuis le 20 mars 2014, HOLD applique une politique de rémunération à certaines catégories de son personnel. Parmi les employés bénéficiaires de cette politique, des employés exerçant les fonctions, respectivement, de directeur général, de directeur des investissements et de gestionnaire de portefeuilles détiennent des participations dans le capital de HOLD sous la forme d’actions ordinaires et d’actions à dividende prioritaire. En outre, deux de ces employés sont des actionnaires uniques de deux sociétés anonymes titulaires d’actions émises par HOLD. Au cours des exercices 2015 à 2018, HOLD a versé aux employés et aux sociétés concernés des dividendes sur les actions à dividende prioritaire et sur les actions ordinaires.

28      Par décision du 11 avril 2019, la Banque nationale de Hongrie a, en sa qualité d’autorité de surveillance, notamment, enjoint à HOLD de mettre en œuvre une politique et des pratiques de rémunération conformes aux exigences de la loi sur les investissements collectifs. Elle a considéré que les dividendes payés directement et indirectement aux employés concernés pouvaient, par leur nature, avoir pour conséquence que ces personnes aient intérêt à ce que HOLD génère des profits à court terme et soient ainsi incitées à prendre des risques non compatibles avec le profil de risque des fonds d’investissement gérés par celle-ci ainsi qu’avec son règlement de gestion et les intérêts des titulaires de parts des fonds, si bien que les modalités de paiement de ces dividendes devaient être considérées comme une façon de contourner les règles relatives au paiement reporté de la rémunération liée à la performance. En conséquence, la Banque nationale de Hongrie a imposé une amende à HOLD.

29      Cette dernière a introduit un recours devant la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie) contre cette décision, en faisant valoir que les dividendes ne constituent pas une rémunération variable et qu’ils ne relèvent pas du champ d’application de sa politique de rémunération. La composante variable de la rémunération serait une rétribution payée aux employés pour leurs services professionnels sur la base de critères de performance, alors que le dividende relèverait du droit de propriété de l’actionnaire, et ce indépendamment de son activité effectuée pour la société, de son emploi et de sa performance individuelle. En outre, les employés concernés auraient, en tant qu’actionnaires majoritaires, intérêt au maintien à long terme des opérations de la requérante au principal, contrairement à l’affirmation de la Banque nationale de Hongrie selon laquelle le paiement des dividendes pouvait les inciter à la recherche d’un profit à court terme.

30      La Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) a rejeté ce recours au motif que les dividendes versés aux employés concernés sont assimilables à une rémunération, même si, d’un point de vue formel, ils ne constituent pas une rétribution des services fournis. Ces dividendes, d’un ordre de grandeur sensiblement plus élevé que celui des rémunérations fixes et variables, créeraient chez ces employés un intérêt aux profits à court terme des fonds d’investissement, lequel inciterait à une prise de risques incompatible avec les intérêts des investisseurs et constituerait un mode de paiement permettant de contourner les règles applicables en matière de politique de rémunération.

31      Selon cette juridiction, HOLD aurait dû reporter le paiement d’au moins 40 % des dividendes versés sur les actions privilégiées litigieuses, en ajustant ledit paiement au cycle de vie des fonds d’investissement gérés et au remboursement des parts de fonds, et en le répartissant sur au moins trois ans. Ladite juridiction considère, en outre, que la politique de rémunération s’applique également aux dividendes payés aux sociétés contrôlées par les employés concernés car ce paiement serait aussi dans l’intérêt patrimonial de ces derniers.

32      Saisie d’un recours de la requérante au principal, la Kúria (Cour suprême, Hongrie) indique qu’il lui incombe de déterminer, notamment, si les dividendes payés directement et indirectement aux employés concernés relèvent de la politique de rémunération, au sens de l’annexe 13 de la loi sur les investissements collectifs. Le statut « double » des employés concernés, à la fois actionnaires et salariés responsables de l’efficience économique de la requérante au principal ainsi que de la mise en œuvre de la politique de rémunération de celle‑ci, serait un élément déterminant et soulèverait la question de savoir s’il faut, afin d’apprécier si les principes régissant la politique de rémunération ont été respectés, examiner dans leur ensemble les montants payés auxdits employés dans le cadre de leur relation de travail et ceux qui leur sont versés directement ou indirectement en vertu de leur qualité d’actionnaires.

33      Dans ces conditions, estimant qu’il lui est nécessaire d’obtenir une interprétation des articles 14 à 14 ter de la directive 2009/65, du considérant 28, de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe II, points 1 et 2, de la directive 2011/61 ainsi que de l’article 2, point 5, du règlement délégué 2017/565, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« [L]es dividendes versés aux employés concernés [de la requérante au principal]

a)      directement, en vertu de leur droit de propriété sur des actions à dividende prioritaire émises par le gestionnaire de fonds d’investissement, et

b)      [indirectement, par l’intermédiaire de] sociétés anonymes unipersonnelles dont ils sont propriétaires, en vertu des actions à dividende prioritaire [émises par la requérante au principal] dont celles‑ci sont titulaires,

relèvent[-ils] des politiques de rémunération des gestionnaires de fonds d’investissements ? »

 La procédure devant la Cour

34      Par lettre du greffe de la Cour du 9 septembre 2021, l’AEMF a été invitée, conformément à l’article 24, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à participer à l’audience afin de répondre aux questions écrites posées par la Cour. En réponse, l’AEMF a déposé des observations écrites, sur lesquelles les participants à l’audience ont eu l’occasion de se prononcer.

 Sur la question préjudicielle

35      À titre liminaire, il convient de relever que la question posée par la juridiction de renvoi porte, notamment, sur l’article 2, point 5, du règlement délégué 2017/565. À cet égard, il y a lieu de constater qu’il résulte d’une lecture conjointe de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement délégué ainsi que de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2009/65 et de l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2011/61 que ledit règlement délégué n’est applicable aux sociétés de gestion d’OPCVM et aux gestionnaires de FIA que dans la mesure où ces sociétés et gestionnaires sont autorisés à fournir les services mentionnés, respectivement, à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2009/65 et à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2011/61.

36      Or, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que HOLD ait été autorisée à fournir de tels services. Le règlement délégué 2017/565 étant sans rapport avec l’objet du litige au principal, il n’y a, dès lors, pas lieu de procéder à l’interprétation de son article 2, point 5.

37      Ainsi, il convient de comprendre que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 14 à 14 ter de la directive 2009/65, l’article 13, paragraphe 1, et l’annexe II, points 1 et 2, de la directive 2011/61 doivent être interprétés en ce sens que les dispositions relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération sont applicables aux dividendes qu’une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA verse directement ou indirectement à certains de ses employés exerçant les fonctions de directeur général, de directeur des investissements ou de gestionnaire de portefeuilles en vertu de leur droit de propriété sur les actions de cette société.

38      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 14 bis, paragraphes 1 à 3, de la directive 2009/65 et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2011/61, les États membres exigent que, respectivement, les sociétés de gestion et les gestionnaires élaborent et appliquent des politiques et des pratiques de rémunération qui soient compatibles avec une gestion saine et efficace des risques, la favorisent et n’encouragent pas une prise de risque incompatible avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des OPCVM et des FIA gérés.

39      S’agissant du champ d’application personnel desdites politiques et desdites pratiques de rémunération, l’article 14 bis, paragraphe 3, de la directive 2009/65 et l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2011/61 prévoient qu’elles s’appliquent aux catégories de personnel, y compris la direction générale, les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, et tout salarié qui, au vu de sa rémunération globale, se situe dans la même tranche de rémunération que la direction générale et les preneurs de risques dont les activités professionnelles ont une incidence substantielle sur les profils de risque des sociétés de gestion et des gestionnaires ou des OPCVM et des FIA que ceux-ci gèrent.

40      La juridiction de renvoi ne fait état d’aucun doute quant au fait que les employés concernés relèvent, dans le cadre du litige au principal, du champ d’application personnel des politiques et des pratiques de rémunération tel que défini à l’article 14 bis, paragraphe 3, de la directive 2009/65 et à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2011/61. En revanche, elle s’interroge sur le champ d’application matériel de ces politiques et de ces pratiques, et, notamment, sur la question de savoir si, afin d’apprécier le respect des dispositions relatives auxdites politiques et auxdites pratiques, il convient de prendre en compte les montants que la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA verse auxdits employés, directement ou indirectement, sous la forme de dividendes en vertu de leur droit de propriété sur les actions de cette société.

41      À cet égard, s’agissant de l’interprétation de la notion de « rémunération », aux fins de l’application des directives 2009/65 et 2011/61, il y a lieu de rappeler, d’une part, que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme [arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité), C‑439/19, EU:C:2021:504, point 81 et jurisprudence citée].

42      D’autre part, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie (arrêt du 15 mars 2022, Autorité des marchés financiers, C‑302/20, EU:C:2022:190, point 63).

43      Tout en prévoyant que les États membres exigent que les sociétés de gestion d’OPCVM et les GFIA élaborent et appliquent des politiques et des pratiques de rémunération, les directives 2009/65 et 2011/61 ne comportent aucun renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la portée du terme « rémunération ».

44      S’agissant du libellé de l’article 14 bis, paragraphe 1, de la directive 2009/65 et de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2011/61, il y a lieu de constater que la notion de « rémunération » n’y est pas définie. Selon son sens ordinaire, cette notion désigne toutefois une prestation en argent ou en nature en contrepartie d’un travail ou d’un service.

45      L’article 14 bis, paragraphe 2, de la directive 2009/65 prévoit que les politiques et les pratiques de rémunération portent sur les composantes fixe et variable des salaires et les prestations de pension discrétionnaires. Il découle également de l’annexe II, point 1, de la directive 2011/61 que les politiques de rémunération globale comprennent les salaires et les prestations de pension discrétionnaires.

46      L’énoncé de ces deux catégories dans le libellé de ces dispositions n’exclut cependant pas l’application de ces politiques et de ces pratiques à d’autres formes de paiements que les salaires et les prestations de pension discrétionnaires.

47      En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrivent ces dispositions, il importe de relever qu’il ressort de l’article 14 ter, paragraphe 3, de la directive 2009/65 et de l’annexe II, point 2, de la directive 2011/61 que les principes relatifs à la politique de rémunération s’appliquent, respectivement, à tout type d’avantage et à tout type de rémunération payés par la société de gestion d’OPCVM ou par le GFIA et à tout montant payé directement par l’OPCVM ou par le FIA lui‑même, y compris les commissions de performance, et à tout transfert de parts ou d’actions de l’OPCVM ainsi qu’à l’intéressement aux plus-values, et à tout transfert de parts ou d’actions du FIA, effectués en faveur des catégories de personnel qui entrent dans le champ d’application personnel desdites politiques.

48      Les politiques de rémunération ont ainsi vocation à s’appliquer à tout paiement ou à tout autre avantage versé en contrepartie des services professionnels rendus par les employés des sociétés de gestion d’OPCVM ou des GFIA qui entrent dans le champ d’application personnel desdites politiques.

49      Certes, des dividendes tels que ceux en cause au principal sont versés non pas au titre d’une telle contrepartie, mais en vertu d’un droit de propriété sur les actions de la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA.

50      Toutefois, conformément à l’article 14 ter, paragraphe 1, sous r), de la directive 2009/65 et à l’annexe II, point 1, sous r), de la directive 2011/61, il doit être évité que la rémunération variable soit versée au moyen d’instruments ou de méthodes qui facilitent le contournement des exigences de ces directives.

51      Il s’ensuit que les dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération doivent s’appliquer au versement de dividendes d’actions qui, bien que n’étant pas la contrepartie de services professionnels rendus, est néanmoins de nature à encourager les employés concernés de la société de gestion d’OPCVM ou du GFIA à des prises de risques incompatibles avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des OPCVM ou des FIA gérés par cette société ou ce gestionnaire, ou nuisibles aux intérêts de ces OPCVM ou de ces FIA et des personnes ayant investi dans ceux-ci, et à faciliter ainsi le contournement des exigences découlant de ces dispositions.

52      Ainsi que le relève Mme l’avocate générale en substance aux points 34 et 41 de ses conclusions, une telle interprétation s’impose au regard des objectifs de ces directives consistant à protéger les investisseurs, notamment lorsque leurs intérêts peuvent entrer en conflit avec ceux des gestionnaires de fonds tant du point de vue du risque que de la durabilité des décisions d’investissement, ainsi qu’à garantir la stabilité du système financier.

53      Par ailleurs, ainsi qu’il découle des considérants 1 à 3 de la recommandation 2009/384, les pratiques inadaptées suivies en matière de rémunération dans le secteur des services financiers, qui tendaient à récompenser les bénéfices à court terme et incitaient le personnel des entreprises financières à se lancer dans des activités exagérément risquées qui généraient certes des revenus supérieurs à court terme, mais exposaient les établissements en question à des pertes potentielles plus élevées à long terme, ont conduit à des prises de risque excessives et contribué, de ce fait, aux pertes importantes encourues par de grandes entreprises financières. Conformément au considérant 5 de la directive 2014/91 et au considérant 26 de la directive 2011/61, il convient de tenir compte de la recommandation 2009/384 lors de la mise en œuvre de politiques et de pratiques de rémunération établies par les directives 2009/65 et 2011/61.

54      Ainsi qu’il est rappelé au point 38 du présent arrêt, les politiques et les pratiques de rémunération encadrées par les directives 2009/65 et 2011/61 visent, dans ce contexte, à favoriser la gestion saine et efficace des risques ainsi qu’à ne pas encourager une prise de risque incompatible avec les profils de risque, le règlement ou les documents constitutifs des OPCVM ou des FIA.

55      Afin de mettre en œuvre ces objectifs, les directives 2009/65 et 2011/61 prévoient, plus particulièrement à l’article 14 ter, paragraphe 1, sous m), de la première directive et à l’annexe II, point 1, sous m), de la seconde directive, que les politiques de rémunération doivent comporter des mécanismes visant à aligner les incitations sur les intérêts, respectivement, de la société de gestion et des OPCVM gérés par celle-ci, ou du GFIA et des FIA gérés par celui-ci, ainsi que sur les intérêts des investisseurs dans ces OPCVM ou FIA.

56      Ainsi, tout d’abord, afin de ne pas privilégier un mode de rémunération variable susceptible d’inciter à la recherche de performances à court terme, l’article 14 ter, paragraphe 1, sous j), de la directive 2009/65 et l’annexe II, point 1, sous j), de la directive 2011/61, sans définir une proportion entre les composantes variable et fixe de la rémunération globale, prévoient qu’un « équilibre approprié » est établi entre celles‑ci, de telle sorte que « la composante fixe représente une part suffisamment élevée de la rémunération globale ».

57      Ensuite, l’article 14 ter, paragraphe 1, sous m), de la directive 2009/65 et l’annexe II, point 1, sous m), de la directive 2011/61 prévoient qu’une part au moins égale à 50 % de la composante variable de la rémunération consiste, en principe, en des parts de l’OPCVM ou du FIA concerné, celles-ci étant par ailleurs soumises à une politique de rétention appropriée.

58      Enfin, l’article 14 ter, paragraphe 1, sous n) et o), de la directive 2009/65 et l’annexe II, point 1, sous n) et o), de la directive 2011/61 prévoient que, d’une part, au moins 40 % de la composante variable de la rémunération doit être reportée pendant une « période appropriée » d’au moins trois ans et, d’autre part, la rémunération variable, y compris la part reportée, n’est payée ou acquise que si elle est compatible avec la situation financière de la société de gestion ou du gestionnaire dans son ensemble et si elle est justifiée par les performances de l’unité opérationnelle, de l’OPCVM, du FIA et de la personne concernés.

59      À cet égard, ainsi que le relève Mme l’avocate générale aux points 62 et 63 de ses conclusions, ces dispositions visent à rapprocher les intérêts des employés de ceux des investisseurs et à s’assurer que les employés soient également affectés par d’éventuelles pertes des OPCVM et des FIA et qu’ils ne se contentent pas de participer aux bénéfices. En outre, ces dispositions visent à garantir qu’une augmentation de valeur à court terme qui disparaît de nouveau au cours de la période de détention recommandée aux investisseurs de l’OPCVM ou du cycle de vie et de la politique de remboursement du FIA concerné n’apporte pas prématurément, et donc de manière injustifiée, un avantage aux employés de la société de gestion d’OPCVM ou du GFIA.

60      Afin de garantir tant la réalisation des objectifs que l’effet utile des directives 2009/65 et 2011/61, les dispositions de celles-ci régissant les politiques et les pratiques de rémunération doivent être applicables à tout paiement ou à tout avantage qu’une société de gestion d’OPCVM ou un GFIA verse à des employés relevant du champ d’application personnel de ces dispositions lorsque ce paiement ou cet avantage, quoique n’étant pas constitutif d’une rémunération versée en contrepartie de services professionnels rendus, n’en est pas moins de nature à inciter ces employés à des prises de risques telles que décrites au point 51 du présent arrêt et à faciliter ainsi le contournement des exigences résultant de ces mêmes dispositions.

61      Une telle interprétation est, par ailleurs, corroborée par le point 17 des orientations GFIA et par le point 15 des orientations OPCVM, selon lesquels les dividendes ou les distributions similaires perçus par les actionnaires en tant que propriétaires de parts ou d’actions d’un GFIA ou d’une société de gestion d’OPCVM ne sont pas visés par lesdites orientations, sauf si le résultat effectif résultant du paiement de ces dividendes aboutit à un contournement de la réglementation relative à la rémunération applicable, toute intention de contourner ces règles étant sans objet à cette fin.

62      Il s’ensuit que, lorsque des employés d’une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, qui relèvent du champ d’application personnel des dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 en matière de rémunération, perçoivent, directement ou indirectement, des dividendes de cette société, il importe de vérifier si la politique de versement de ces dividendes est d’une nature telle que celle visée au point 60 du présent arrêt.

63      S’agissant de dividendes versés par une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA à ses employés qui détiennent des actions de celle-ci acquises au titre d’un investissement et non en contrepartie de services professionnels rendus, il y a lieu de souligner que la seule circonstance que les bénéfices de cette société soient influencés par les bénéfices des OPCVM et des FIA gérés par celle-ci ne saurait, en tant que telle, suffire, ainsi que le souligne Mme l’avocate générale aux points 48 et 49 de ses conclusions, à considérer que ces employés seraient ainsi amenés à adopter des décisions de nature à porter atteinte à une gestion saine et équilibrée de ces fonds d’investissement ainsi qu’aux intérêts des personnes ayant investi dans ceux-ci.

64      En revanche, il convient de vérifier s’il existe, entre les bénéfices réalisés par les OPCVM et les FIA, les bénéfices réalisés par la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA et les montants versés par cette dernière à ses employés au titre de dividendes attachés aux actions détenues par ceux-ci dans ladite société, un lien tel que ces employés auraient un intérêt à ce que les OPCVM et les FIA réalisent, à court terme, les bénéfices les plus élevés possibles.

65      Il en irait, notamment, ainsi d’un mécanisme prévoyant qu’une commission de résultat est versée par l’OPCVM ou par le FIA à la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA dès le dépassement d’un rendement cible durant une période de référence donnée et que cette commission est redistribuée, en tout ou en partie, par cette société, sous forme de dividendes, aux employés concernés ou aux sociétés contrôlées par ceux-ci, indépendamment des résultats réalisés par l’OPCVM ou le FIA postérieurement à cette période, et, en particulier, des pertes encourues par l’OPCVM ou le FIA. Pareil mécanisme serait, en effet, de nature à inciter lesdits employés à adopter des décisions telles que celles visées au point 63 du présent arrêt.

66      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, dans l’affaire au principal, l’existence d’un lien tel que visé au point 64 du présent arrêt, ainsi que de vérifier, à la lumière, notamment, de ce lien éventuel, mais aussi de l’ampleur des participations détenues par les employés concernés, directement ou au moyen de sociétés contrôlées par eux, dans le capital de la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, des droits de vote attachés à ces participations, du type d’actions détenues dans ladite société, de la politique et du processus décisionnel de distribution des bénéfices de cette dernière ainsi que du caractère éventuellement modeste, au regard des services professionnels rendus, du montant de la rémunération fixe versée par cette même société à ces employés, si ces derniers se trouvent ainsi incités à des prises de risques excessives telles que décrites au point 51 du présent arrêt, ce qui serait alors de nature à faciliter le contournement des exigences des directives 2009/65 et 2011/61 en matière de politiques et de pratiques de rémunération.

67      Si, à la lumière des critères mentionnés au point précédent, il s’avère que la politique de versement, par la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, de dividendes à ses employés relevant du champ d’application personnel des dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 en matière de rémunération comporte une telle incitation, ce versement doit être soumis aux principes encadrant les politiques et les pratiques de rémunération, et notamment à ceux rappelés aux points 56 à 58 du présent arrêt, étant précisé que, conformément au considérant 7 de la directive 2014/91, ces principes peuvent être appliqués aux paiements effectués à partir d’OPCVM vers la société qui gère ceux-ci.

68      Invoquant le considérant 10 de la directive 2014/91 et le considérant 28 de la directive 2011/61, HOLD soutient, en substance, que l’interprétation qui précède serait contraire au droit de propriété des actionnaires, consacré à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

69      Il importe de rappeler que, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Dès lors, d’une part, l’interprétation des directives 2009/65 et 2011/61 doit être conforme à la Charte. D’autre part, et étant donné que le contrôle par les autorités nationales du respect, par une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, des principes énoncés par la législation nationale transposant ces directives, qui encadrent les politiques et les pratiques de rémunération, constitue une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51 de la Charte, celle-ci est applicable dans le cadre de l’affaire au principal.

70      À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant, en temps utile, une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.

71      Par ailleurs, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des limitations peuvent être apportées à l’exercice des droits et des libertés consacrés par celle-ci, tel le droit de propriété, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ces droits et de ces libertés et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

72      En premier lieu, s’agissant du point de savoir si l’article 17, paragraphe 1, de la Charte est applicable à la propriété d’actions et au droit de percevoir les dividendes qui y sont liés, il y a lieu de relever que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique concerné, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire (arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

73      Les actions d’une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, telles que celles en cause au principal, revêtent une valeur patrimoniale et confèrent à leur titulaire une position juridique acquise permettant l’exercice autonome des droits qui en découlent. Elles relèvent donc du champ d’application de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.

74      En second lieu, il importe de relever que l’interprétation des directives 2009/65 et 2011/61 découlant des points 41 à 67 du présent arrêt n’a pas pour effet de remettre en cause le droit de propriété des employés concernés sur les actions de la société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA pour laquelle ils travaillent et n’est, dès lors, pas constitutive d’une privation de propriété, au sens de l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, de la Charte.

75      Il n’en demeure pas moins que l’application, corrélative à cette interprétation, des principes visés au point 67 du présent arrêt à des dividendes d’actions constitue une réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte, susceptible de porter atteinte à l’exercice de ce droit de propriété, et, en particulier, à la possibilité pour les employés actionnaires concernés de tirer profit de cette propriété, compte tenu, notamment, des règles de rétention et de report de paiement mentionnées aux points 57 et 58 de cet arrêt.

76      À cet égard, il ressort d’une lecture combinée de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte que l’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général et dans le respect des conditions énoncées par la seconde de ces dispositions et rappelées au point 71 du présent arrêt.

77      En l’occurrence, les limitations aux droits des actionnaires qui résulteraient de l’application au versement de dividendes par une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, à certains de ses employés, des principes encadrant les politiques et les pratiques de rémunération découlent des directives 2009/65 et 2011/61 ainsi que de la législation nationale transposant celles-ci. Elles sont donc prévues par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

78      Dès lors que l’application des règles de rétention et de report de paiement mentionnées aux points 57 et 58 du présent arrêt n’entraîne pas une privation de propriété, mais constitue une réglementation de l’usage des biens, ainsi qu’il a été relevé aux points 74 et 75 de cet arrêt, elle ne saurait être considérée comme portant atteinte à la substance même du droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, BPC Lux 2 e.a., C‑83/20, EU:C:2022:346, point 53).

79      En ce qui concerne les objectifs poursuivis par les dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 en matière de politiques et de pratiques de rémunération, et, notamment, par ces règles de rétention et de report, il a été relevé au point 52 du présent arrêt que ceux-ci consistent à protéger les investisseurs ainsi qu’à garantir la stabilité du système financier. En effet, des prises de risques excessives, que ces dispositions visent à dissuader, peuvent non seulement nuire aux intérêts de l’OPCVM ou du FIA, mais également occasionner des difficultés systémiques dans le secteur financier.

80      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la protection des investisseurs constitue un objectif d’intérêt général poursuivi par l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular), C‑410/20, EU:C:2022:351, point 36 et jurisprudence citée]. Il en va de même des objectifs consistant à assurer la stabilité du système bancaire et financier ainsi qu’à éviter un risque systémique (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 92 ainsi que jurisprudence citée).

81      Dès lors, les limitations à l’exercice des droits des actionnaires qui résulteraient de l’application au versement de dividendes par une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA, à certains de ses employés, des principes encadrant les politiques et les pratiques de rémunération répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

82      Enfin, dans la mesure où une telle application est circonscrite aux situations dans lesquelles la politique de versement de dividendes d’actions à des employés relevant du champ d’application personnel des dispositions des directives 2009/65 et 2011/61 relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération est de nature à inciter ces employés à des prises de risques excessives, nuisibles aux intérêts des OPCVM et des FIA concernés ainsi qu’à ceux des investisseurs dans ceux-ci, et est, partant, susceptible de faciliter le contournement des exigences découlant de ces dispositions, ces limitations apparaissent proportionnées au regard des objectifs poursuivis par lesdites dispositions.

83      Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la question préjudicielle que les articles 14 à 14 ter de la directive 2009/65, l’article 13, paragraphe 1, et l’annexe II, points 1 et 2, de la directive 2011/61 doivent être interprétés en ce sens que les dispositions relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération sont applicables aux dividendes qu’une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM et de FIA verse directement ou indirectement à certains de ses employés exerçant les fonctions de directeur général, de directeur des investissements ou de gestionnaire de portefeuilles en vertu de leur droit de propriété sur les actions de cette société, lorsque la politique de versement de ces dividendes est de nature à inciter ces employés à des prises de risques nuisibles aux intérêts des OPCVM ou des FIA gérés par ladite société ainsi qu’à ceux des investisseurs dans ceux-ci et à faciliter ainsi le contournement des exigences découlant de ces dispositions.

 Sur les dépens

84      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

Les articles 14 à 14 ter de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), telle que modifiée par la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014, l’article 13, paragraphe 1, et l’annexe II, points 1 et 2, de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) no 1060/2009 et (UE) no 1095/2010,

doivent être interprétés en ce sens que :

les dispositions relatives aux politiques et aux pratiques de rémunération sont applicables aux dividendes qu’une société dont l’activité habituelle est la gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et de fonds d’investissement alternatifs (FIA) verse directement ou indirectement à certains de ses employés exerçant les fonctions de directeur général, de directeur des investissements ou de gestionnaire de portefeuilles en vertu de leur droit de propriété sur les actions de cette société, lorsque la politique de versement de ces dividendes est de nature à inciter ces employés à des prises de risques nuisibles aux intérêts des OPCVM ou des FIA gérés par ladite société ainsi qu’à ceux des investisseurs dans ceux-ci et à faciliter ainsi le contournement des exigences découlant de ces dispositions.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.