Language of document : ECLI:EU:C:2024:110

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

2 février 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Procédure d’annulation – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑598/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 septembre 2023,

Apart sp. z o.o., établie à Suchy Las (Pologne), représentée par Me J. Gwiazdowska, radca prawny,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

S. Tous, SL, établie à Manresa (Espagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, M. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Collins, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Apart sp. z o.o. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juillet 2023, Apart/EUIPO – S. Tous (Représentation du contour d'un ours) (T‑638/21, EU:T:2023:434, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 30 juillet 2021 (affaire R 1437/2020-5), relative à une procédure de déchéance d’une marque de l’Union européenne entre Apart et S. Tous, SL.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les trois moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, la requérante allègue que le Tribunal a violé les articles 21, paragraphe 1, sous e), et 22, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), en ce qu’il a rejeté, au point 24 de l’arrêt attaqué, la demande de la requérante tendant à fixer une date antérieure à la date de dépôt de la demande en déchéance, au motif que la décision de la division d’annulation était devenue définitive à l’égard des produits pour lesquels la demande en déchéance avait été accueillie et que cela n’avait pas été contesté par la requérante devant la chambre de recours. Ainsi, le Tribunal aurait omis à tort de prendre en compte l’absence d’intérêt de la requérante à agir contre la décision de l’EUIPO dans la mesure où il a accueilli la demande de déchéance partielle de la marque, introduite par la requérante.

8        Il serait important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de savoir si une marque peut être déclarée déchue à des dates différentes pour des produits et services différents lorsque les circonstances le justifient. Une clarification de la Cour à cet égard serait nécessaire tant pour les utilisateurs du système de la marque de l’Union européenne que pour les juridictions nationales, afin d’éviter tout risque d’insécurité juridique.

9        Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p.1), en ce qu’il a validé, au point 125 de l’arrêt attaqué, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’utilisation de la marque contestée sous des formes légèrement différentes du signe enregistré n’altère pas son caractère distinctif. Or, les éléments de preuve produits afin de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée concerneraient d’autres formes de la marque enregistrée qui ne sauraient être considérées comme équivalentes à celle-ci.

10      La requérante soutient qu’une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union est de savoir dans quelle mesure les changements apportés à une marque figurative simple qui ne s’écarte pas des habitudes du secteur et qui coïncide avec la forme des produits constituent des modifications qui n’altèrent pas son caractère distinctif, notamment lorsque le public visé est très attentif et que le marché est saturé de la forme de la marque. En outre, la requérante soulève les questions de savoir, d’une part, si l’acceptation de ces modifications entraîne l’extension du monopole de la marque et, d’autre part, si l’insécurité juridique qui en découle est compatible avec les principes de l’État de droit et de libre concurrence. Une réponse à ces questions aurait une incidence sur l’interprétation et le développement du droit de l’Union, en ce qu’elle conduirait à une unification de l’appréciation des juridictions à cet égard.

11      Par son troisième moyen, la requérante considère que le Tribunal s’est fondé, pour déclarer irrecevable le moyen tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p.1), aux points 59 et 60 de l’arrêt attaqué, sur des appréciations incorrectes, qui n’ont pas été expliquées ni prouvées au cours de la procédure et qui ne constituent pas des faits notoires, et aurait ainsi méconnu l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce règlement et le droit à un procès équitable. Dès lors, il serait important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de déterminer dans quelle mesure le Tribunal peut se fonder sur des éléments n’ayant pas été expliqués ni prouvés au cours de la procédure, alors qu’ils ne constituent pas des faits notoires.

12      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 novembre 2023, Consulta/EUIPO, C‑443/23 P, EU:C:2023:859, point 15).

16      En l’occurrence, s’agissant des arguments exposés aux points 7 à 10 de la présente ordonnance, portant sur la fixation de la date de déchéance ainsi que sur l’utilisation d’une marque sous une forme autre que celle pour laquelle la marque a été enregistrée, il y a lieu de relever que, si la requérante identifie des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle se limite à les énoncer et à présenter des arguments d’ordre général, sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi.

17      En effet, la requérante se borne, en substance, à invoquer un risque d’insécurité juridique sans pour autant préciser à suffisance de droit les raisons pour lesquelles les questions soulevées seraient importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Dès lors, force est de constater qu’elle n’a pas respecté les exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance.

18      En ce qui concerne l’argumentation résumée au point 11 de la présente ordonnance, tirée d’une méconnaissance de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement (UE) 2017/1001, et du droit à un procès équitable, il importe de relever que, sans préjudice de la place importante qu’occupe, au sein de l’ordre juridique de l’Union, le droit à un procès équitable, cette argumentation ne répond pas non plus aux exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 17 octobre 2023, Kaminski/EUIPO, C‑406/23 P, non publiée, EU:C:2023:787, point 17). En effet, si la requérante identifie les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, elle n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi de telles erreurs de droit, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi. À cet égard, il y a lieu de souligner que la requérante se borne à énoncer qu’il serait important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de déterminer dans quelle mesure le Tribunal peut se fonder sur des éléments ne constituant pas des faits notoires, qui n’ont pas été expliqués ni prouvés au cours de la procédure, sans plus de précisions.

19      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Apart sp. z o.o., supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.