Language of document : ECLI:EU:T:2020:404

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

9 septembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale ADLON – Marque de l’Union européenne verbale antérieure ADLON – Preuve de la renommée de la marque antérieure – Règle 19 du règlement (CE) no 2868/95 [devenue article 7 du règlement délégué (UE) 2018/625] – Application de la loi dans le temps – Production tardive des documents – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 – Motif relatif de refus – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure »

Dans l’affaire T‑144/19,

Kludi GmbH & Co. KG, établie à Menden (Allemagne), représentée par Me A. Zafar, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Fischer et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Adlon Brand GmbH & Co. KG, établie à Düren (Allemagne), représentée par Mes P. Baronikians, E. Saarmann et N. Dimmler, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 26 novembre 2018 (affaire R 1500/2018-2), relative à une procédure d’opposition entre Adlon Brand et Kludi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ukelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mars 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 mai 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 14 mai 2019,

à la suite de l’audience du 6 février 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 août 2012, la requérante, Kludi GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ADLON.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 11 et 17 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Thermostats ; appareils électroniques de réglage et de commande pour appareils de distribution d’eau et installations sanitaires ; programmes pour la commande d’appareils de distribution d’eau et d’installations sanitaires » ;

–        classe 11 : « Appareils de distribution d’eau et installations sanitaires ; installations pour réchauffer l’eau ; filtres de traitement de l’eau ; mitigeurs à commande thermostatique et sans contact, valves pour mitigeurs, soupapes de commande, soupapes d’arrêt, arrivées et sorties d’eau ; vannes mélangeuses en tant que pièces d’installations sanitaires, robinets à commande manuelle ou automatique pour l’amenée et l’écoulement de l’eau ; robinets de lavabos, de bidets et d’éviers, robinets de baignoires et de douches ; pommeaux de douche ; combinaisons de douches ; douches et robinets de douche, supports pour pommeaux de douche, combinaisons de douchettes, douches pour le corps, douches avec distributeurs verticaux, douches latérales, tuyaux flexibles de douche ; robinets d’arrivée et d’écoulement pour toilettes, lavabos, éviers, bidets et douches ; siphons, robinets d’eau métalliques se présentant comme des pièces d’installations sanitaires ; parties constitutives des produits précités ; cuves et éviers sanitaires, baignoires, douches, urinoirs, bidets ; panneaux de douche » ;

–        classe 17 : « Raccords enfichables non métalliques pour le raccordement de tuyaux flexibles et robinets pour conduites d’eau ».

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 199/2012, du 18 octobre 2012.

5        Le 18 janvier 2013, l’intervenante, Adlon Brand GmbH & Co. KG, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure ADLON, enregistrée le 12 avril 2005 sous le numéro 2 983 013, notamment pour les « services d’hôtellerie et de restauration, à savoir hébergement temporaire et restauration ; [la] gestion de restaurants, cafétérias et restaurants en libre-service, service traiteur ; [les] services traiteur, services pour soirées [et les] réservations de chambres d’hôtels pour le compte de tiers », relevant de la classe 43.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001)].

8        À la demande de la requérante, et en réponse à l’invitation de l’EUIPO faite en ce sens, l’intervenante a fourni, le 6 octobre 2016, des éléments de preuve additionnels visant à établir l’usage de la marque antérieure, à savoir les annexes A 9 à A 21 (ci-après les « documents litigieux »). En outre, l’intervenante a invoqué ces documents comme complétant des éléments de preuve qu’elle avait fournis le 4 avril 2016 et visant à démontrer la renommée de ladite marque.

9        Le 1er juin 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. S’agissant, plus particulièrement, du motif d’opposition fondé sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, elle a constaté que les preuves produites par l’intervenante n’étaient pas suffisantes pour prouver la renommée de la marque antérieure. À cet égard, elle a exclu de son analyse de ladite renommée les documents litigieux en considérant que leur dépôt avait été tardif.

10      Le 1er août 2018, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 26 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO, qui a uniquement examiné le motif d’opposition fondé sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, a fait droit au recours introduit par l’intervenante et a rejeté la demande d’enregistrement du signe verbal ADLON pour tous les produits revendiqués.

12      En particulier, premièrement, la chambre de recours a relevé que les éléments de preuve produits par l’intervenante, considérés dans leur ensemble, étaient suffisants pour prouver la renommée de la marque antérieure à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, au moins pour les « services d’hôtellerie et de restauration, à savoir hébergement temporaire et restauration » compris dans la classe 43. À cet égard, concernant les documents fournis par l’intervenante le 6 octobre 2016, la chambre de recours a estimé disposer d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre en considération ces documents dans son analyse de ladite renommée. Deuxièmement, la chambre de recours a constaté qu’il existait un « lien » entre les produits couverts par la marque demandée et les services pour lesquels la marque antérieure jouissait d’une renommée. Troisièmement, la chambre de recours a relevé que l’usage de la marque demandée pouvait entraîner un risque de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure et qu’il pouvait porter un préjudice à sa renommée. Dans ce contexte, elle a estimé que la requérante n’avait pas prouvé la coexistence paisible des marques en cause. Dès lors, la chambre de recours a conclu que les conditions nécessaires pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 étaient réunies en l’espèce.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois devant le Tribunal

15      L’EUIPO et l’intervenante contestent la recevabilité d’un document soumis par la requérante le 26 novembre 2019, au motif que celui-ci a été produit pour la première fois devant le Tribunal.

16      Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle n’a eu connaissance dudit élément de preuve que très récemment, dans le cadre d’une procédure parallèle devant un tribunal allemand.

17      La pièce contestée par l’EUIPO et l’intervenante consiste en des données figurant dans un extrait d’un lexique en ligne par lequel la requérante vise, en substance, à remettre en cause les résultats d’un sondage d’opinion sur la renommée de la marque antérieure réalisé par l’intervenante en 2014 et figurant à l’annexe A 2 visée dans la décision attaquée. Il s’agit plus précisément des données témoignant d’un succès du téléfilm portant, en substance, sur l’hôtel Adlon. Selon la requérante, il ne saurait être exclu qu’une grande partie des personnes interrogées dans le cadre du sondage d’opinion réalisé par l’intervenante connaissaient la marque antérieure principalement grâce à la diffusion de ce téléfilm.

18      À titre liminaire, d’une part, il importe de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité de la décision prise par la chambre de recours de l’EUIPO. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 12 mars 2014, El Corte Inglés/OHMI – Technisynthese (BTS), T‑592/10, non publié, EU:T:2014:117, point 19 et jurisprudence citée]. D’autre part, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves sont contraires à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les moyens introduits et les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarés irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, il n’est pas contesté que l’extrait du lexique en ligne a été produit pour la première fois devant le Tribunal. Par conséquent, il convient d’écarter ledit document comme irrecevable. La circonstance, invoquée par la requérante, qu’elle n’a eu connaissance de ce document qu’après l’adoption de la décision attaquée ne saurait conduire à une appréciation différente. En effet, cette seule circonstance ne saurait permettre au Tribunal de réexaminer les faits à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui, étant donné que la légalité d’une décision prise par une chambre de recours doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la chambre de recours pouvait disposer [arrêt du 18 novembre 2014, Conrad Electronic/OHMI – British Sky Broadcasting Group et Sky IP International (EuroSky), T‑510/12, non publié, EU:T:2014:966, point 27].

20      En outre, il convient également d’observer que les données figurant dans l’extrait en cause datent de 2013 et auraient pu être utilement présentées par la requérante devant les instances de l’EUIPO dans la mesure où elles témoignent que la télésérie sur l’hôtel Adlon à laquelle fait référence la requérante était largement connue sur le territoire allemand.

21      Partant, dans la mesure où l’élément de preuve mentionné au point 17 ci-dessus a été présenté pour la première fois devant le Tribunal, il ne peut pas être pris en considération aux fins du contrôle de légalité de la décision attaquée et doit, dès lors, être écarté.

 Sur le fond

22      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), le deuxième, de la violation, en substance, de l’article 27, paragraphe 4, du même règlement et de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué 2018/625

23      Par son premier moyen, la requérante invoque les dispositions de l’article 7, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué 2018/625 pour faire valoir que l’intervenante n’a pas apporté la preuve suffisante de la renommée de la marque antérieure. Plus précisément, l’intervenante n’aurait pas fourni la preuve de son propre usage de la marque antérieure, ni la preuve qu’elle aurait autorisé que celle-ci soit utilisée par un tiers avec son consentement.

24      À cet égard, en premier lieu, la requérante avance qu’une copie de la déclaration sous serment du gérant de l’intervenante, apportée selon elle de manière tardive, attestant que la marque antérieure avait été utilisée avec le consentement de l’intervenante est entachée d’un vice de forme. Dans la mesure où, en substance, il s’agissait d’une simple copie et non d’un original, ce document ne satisferait pas aux exigences de forme applicables en droit allemand.

25      En second lieu, cette déclaration ne saurait être prise en considération en tant que preuve complémentaire dans la mesure où l’intervenante n’aurait pas fourni d’autres documents démontrant que la marque antérieure avait été utilisée avec son consentement.

26      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

27      À titre liminaire, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que l’article 7, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué 2018/625 n’est pas applicable aux faits en cause, étant donné que la phase contradictoire de la procédure d’opposition a débuté le 3 février 2015. En effet, conformément à l’article 82, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, son article 7 ne s’applique pas aux procédures d’opposition dont la phase contradictoire a débuté avant le 1er octobre 2017.

28      Cependant, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal doit interpréter les moyens d’une partie requérante par leur substance plutôt que par leur qualification [arrêts du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 54, et du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (Battistino), T‑220/18, non publié, EU:T:2019:383, point 23].

29      À cet égard, dans la mesure où, ainsi que l’a d’ailleurs relevé l’EUIPO, l’article 7, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué 2018/625 correspond, par son contenu, à la règle 19, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), en vigueur au 3 février 2015, il convient d’interpréter le premier moyen soulevé par la requérante comme tiré d’une violation de cette dernière disposition.

30      Il convient de rappeler que la règle 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2868/95 dispose ce qui suit :

« Au cours du délai visé au paragraphe 1, l’opposant produit également la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que des éléments de preuve de son habilitation à former opposition. L’opposant produit notamment les preuves suivantes :

[…]

c) si l’opposition est fondée sur l’existence d’une marque renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement, outre la preuve visée au point a) du présent paragraphe, la preuve que la marque est renommée, ainsi que la preuve ou des observations dont il résulte que l’usage sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porte préjudice. »

31      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, en vertu de la règle 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2868/95, lorsque l’opposition est fondée sur l’existence d’une marque renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il appartient à l’intervenante de produire les éléments de preuve démontrant, notamment, la renommée de sa marque.

32      À cet égard, il convient d’observer que le critère de l’usage propre de la marque antérieure n’est pas, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, un élément pertinent dans le cadre de l’appréciation de la renommée de la marque antérieure.

33      Premièrement, une telle exigence ne découle ni de la règle 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2868/95 ni de la jurisprudence pertinente en la matière. En effet, si le critère de l’usage propre de la marque ou, de manière alternative, de l’usage de la marque par un tiers avec le consentement du titulaire de la marque, peut être pertinent dans le cadre de la preuve de l’usage de la marque, notamment dans le cadre de l’examen de l’usage sérieux, il n’est pas pertinent dans le cadre de renommée de la marque.

34      Deuxièmement, dans la mesure où une marque renommée renvoie à l’idée d’une marque largement connue, il y a lieu d’observer que le seul critère pertinent dans le cadre de l’examen de la renommée réside dans la capacité d’une telle marque d’être connue par une partie significative du public pertinent, et non dans le fait qu’une telle marque était utilisée par le titulaire de la marque lui-même ou bien par un tiers avec son consentement.

35      Il convient dès lors de rejeter le moyen tiré de la violation par la chambre de recours de la règle 19, paragraphe 2, sous c), du règlement no 2868/95.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation dans la prise en compte des documents litigieux

36      Par son deuxième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir pris en considération, dans son analyse du motif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, certains des documents litigieux. En particulier, la chambre de recours aurait excédé son pouvoir d’appréciation et aurait violé le principe de disposition dont il résulte qu’il appartient à l’intervenante de produire les éléments nécessaires à l’appui de ses allégations.

37      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

38      À cet égard, à titre liminaire, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, le 4 avril 2016, l’intervenante a présenté, devant la division d’opposition, des documents portant tant sur la preuve de la renommée de la marque antérieure que sur la preuve du profit indûment tiré de celle-ci par la marque demandée, joints sous forme d’annexes A 1 à A 8. Les documents sur la renommée se composaient d’un annuaire de l’hôtel Adlon de 2010, avec une liste de nombreuses manifestations haut de gamme et d’hôtes importants, d’un sondage effectué par un institut de sondages indépendant sur la haute capacité de la marque antérieure à être reconnue, ainsi que de deux arrêts du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne) et du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), avec des précisions sur la renommée de l’hôtel Adlon. Concernant le profit indûment tiré de la marque antérieure, des extraits de résultats pertinents de moteurs de recherche ainsi que des preuves de la proximité entre les services hôteliers et les équipements hôteliers ont, entre autres, été produits.

39      Ensuite, il y a lieu de rappeler que, devant la division d’opposition, la requérante a formé une demande visant à ce que l’intervenante fournisse la preuve de l’usage de la marque antérieure.

40      Enfin, il convient de rappeler que, le 6 octobre 2016, l’intervenante a présenté, devant la division d’opposition, en réponse à l’exception soulevée par la requérante tirée du non-usage de la marque antérieure, les documents litigieux. Il s’agissait de trois catégories d’éléments de preuve, concernant, premièrement, l’usage de la marque par un tiers, deuxièmement, le chiffre d’affaires réalisé par la marque antérieure, et, troisièmement, le chevauchement entre les produits et les services couverts par les marques en cause

41      Or, ainsi qu’il ressort du point 20 de la décision attaquée, dans l’examen de la renommée de la marque antérieure, la division d’opposition n’a pas eu recours aux documents litigieux.

42      En revanche, ainsi qu’il ressort du point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a décidé d’utiliser également les documents litigieux dans le cadre de l’examen de la renommée de la marque antérieure. À cet effet, la chambre de recours s’est appuyée sur l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et sur la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2868/95 (points 22 à 27 de la décision attaquée), ainsi que, sur l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625 (point 28 de la décision attaquée).

43      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir excédé son pouvoir d’appréciation en prenant en considération les documents litigieux. À cet égard, la requérante apparaît reprocher à la chambre de recours d’avoir méconnu l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625. Toutefois, dans la mesure où, en l’espèce, les documents litigieux ont été produits pour la première fois devant la division d’opposition et non devant la chambre de recours, il convient d’analyser le présent moyen, sur le fondement de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et non sur le fondement de l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625. Une telle approche s’impose eu égard à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus.

44      En vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. Il découle du libellé de cet article que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement 2017/1001 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 42).

45      En revanche, il ressort de manière tout aussi certaine dudit libellé qu’une telle invocation ou production tardive de faits et de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de tels faits ou preuves soient pris en considération par l’EUIPO. En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de tels faits et preuves, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 investit en effet l’EUIPO d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre ceux-ci en compte (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43).

46      La prise en compte par l’EUIPO de preuves ou de faits tardivement produits est, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’opposition, en particulier susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte [voir arrêt du 2 décembre 2015, Tsujimoto/OHMI – Kenzo (KENZO ESTATE), T‑414/13, non publié, EU:T:2015:923, point 17 et jurisprudence citée].

47      Dans ce contexte, il convient également de rappeler que, afin d’enclencher l’exercice par la chambre de recours du pouvoir d’appréciation découlant de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il suffit que la partie concernée ait présenté dans le délai imparti certaines preuves, pertinentes pour démontrer l’existence, la validité et l’étendue de la protection du droit antérieur, conformément à la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 (devenue article 7, paragraphe 2, du règlement 2018/625), même si ces preuves sont insuffisantes pour démontrer tous ces éléments [arrêt du 14 mai 2019, Guiral Broto/EUIPO – Gastro & Soul (Café del Sol et CAFE DEL SOL), T‑89/18 et T‑90/18, non publié, EU:T:2019:331, point 43].

48      Il s’ensuit que la présentation de preuves supplémentaires venant s’ajouter aux preuves pertinentes produites dans le délai imparti par la division d’opposition demeure, en principe, possible après l’expiration dudit délai et qu’il n’est nullement interdit à la chambre de recours d’en tenir compte en faisant usage du pouvoir d’appréciation dont l’investissait l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

49      Ainsi, pour déterminer si la chambre de recours pouvait prendre en compte, en l’espèce, les éléments de preuve produits devant la division d’opposition après le délai fixé par celle-ci, à savoir le 4 avril 2016, il y a lieu d’examiner si les conditions mentionnées au point 46 ci-dessus sont satisfaites en l’espèce.

50      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans la mesure où les annexes A 10, A 11 et A 14 à A 17 n’ont pas fait l’objet d’une contestation expresse et spécifique de la part de la requérante, il n’y a pas lieu de vérifier si celles-ci satisfont aux conditions visées au point précédent.

51      En premier lieu, s’agissant notamment de la preuve démontrant l’usage de la marque antérieure par un tiers avec le consentement de l’intervenante figurant à l’annexe A 9, dans la mesure où cette déclaration a été produite en réponse à une exception d’irrecevabilité soulevée par la requérante elle-même, celle-ci doit être considérée comme nécessairement pertinente pour l’issue de l’affaire au sens de la jurisprudence visée au point 46 ci-dessus de sorte que ladite déclaration doit être considérée comme ayant été produite en temps utile.

52      En outre, il convient également de relever que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [arrêt du 13 juin 2012, Süd-Chemie/OHMI – Byk-Cera (CERATIX), T‑312/11, non publié, EU:T:2012:296, point 29].

53      À cet égard, il y a lieu de souligner qu’il ressort de l’arrêt rendu par le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets), figurant à l’annexe A 3, que l’exploitant de l’hôtel Adlon était autorisé par l’intervenante à utiliser la marque antérieure. Il ressort du dossier que le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) est parvenu à cette constatation, notamment, sur la base de la déclaration sous serment du gérant de l’intervenante.

54      Par suite, la requérante ne saurait valablement soutenir que la preuve d’usage sous forme d’une déclaration solennelle figurant à l’annexe A 9, apportée par l’intervenante, ne présente pas un lien direct avec l’arrêt du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) figurant à l’annexe A 3.

55      En second lieu, il convient de vérifier si les autres éléments de preuve apportés par l’intervenante le 6 octobre 2016 présentent un caractère nouveau ou bien si lesdits documents viennent simplement compléter les faits et les preuves déjà versés aux débats.

56      À cet égard, le Tribunal a déjà précisé que la preuve nouvelle se caractérise par l’absence de lien avec un autre document préalablement présenté ainsi que par sa production tardive alors que la preuve complémentaire ou supplémentaire est, à l’inverse, celle qui vient s’ajouter à d’autres preuves déjà présentées au préalable, dans le délai imparti (arrêt du 14 mai 2019, Café del Sol et CAFE DEL SOL, T‑89/18 et T‑90/18, non publié, EU:T:2019:331, point 42).

57      À titre liminaire, il convient d’observer qu’il n’est pas contesté que la division d’opposition a octroyé à l’intervenante un délai allant jusqu’au 6 octobre 2016 pour présenter des preuves supplémentaires et que cette dernière a satisfait audit délai en présentant les annexes A 9 à A 21 à cette date. En outre, il y a lieu de relever, à l’instar de l’observation de la chambre de recours figurant au point 27 de la décision attaquée, que ces documents ont été produits à un stade relativement précoce de la procédure de sorte que la requérante disposait de suffisamment de temps pour formuler des observations éventuelles.

58      Pour ce qui est de l’analyse du caractère complémentaire des éléments de preuve apportés par l’intervenante, premièrement, s’agissant des chiffres d’affaires réalisés par la marque antérieure figurant aux annexes A 12 et A 13, il convient de constater que c’est à tort que la requérante estime que ceux-ci ne peuvent pas être considérés comme étant complémentaires en raison du fait qu’ils concernent des circonstances particulières n’ayant pas été préalablement invoquées par l’intervenante.

59      En effet, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence exige seulement que les preuves présentées au-delà du délai imparti par la division d’opposition ne soient pas les premières et uniques preuves concernant la renommée antérieure ou le profit indûment tiré de celle-ci, ces preuves pouvant être qualifiées de preuves « complémentaires » ou « supplémentaires » venant s’ajouter à des éléments de preuve pertinents, déposés dans le délai imparti [voir, par analogie, arrêts du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, point 30, et du 29 septembre 2011, New Yorker SHK Jeans/OHMI – Vallis K.-Vallis A. (FISHBONE), T‑415/09, non publié, EU:T:2011:550, point 33].

60      S’il est vrai que les données relatives aux chiffres d’affaires de l’intervenante n’ont été produites qu’à un stade ultérieur, force est de constater que, dans la mesure où lesdits documents servent, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, à compléter et à considérer plus en détail certains aspects de la renommée de la marque antérieure, démontrant notamment l’intensité de l’usage, ils présentent un caractère nécessairement complémentaire par rapport aux éléments de preuve déposés initialement. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait se prévaloir utilement de ce que les documents figurant aux annexes A 12 et A 13 présentent un caractère nouveau au sens de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus.

61      Deuxièmement, la requérante conteste des éléments de preuve figurant aux annexes A 18 à A 21 portant sur le profit indûment tiré de la marque antérieure, sous forme d’extraits issus des sites Internet des hôtels commercialisant des biens d’équipement hôteliers et des accessoires sanitaires. À cet égard, son argument selon lequel ceux-ci présentent également un caractère nouveau ne saurait non plus prospérer.

62      En effet, force est de constater que la requérante soutient à tort que les allégations qui figurent dans ces documents n’ont pas fait partie des débats avant le 6 octobre 2016. En effet, il convient d’observer que, au cours de la procédure devant la division d’opposition, l’intervenante a déjà abordé la question du profit indûment tiré de la marque antérieure. Elle a, notamment, observé dans ses écritures qu’il était actuellement de plus en plus fréquent que les fournisseurs de services hôteliers proposent les équipements de leurs hôtels. À cet égard, elle a produit des éléments de preuve, figurant aux annexes A 7 et A 8, démontrant que les grandes chaînes hôtelières offraient sur leur sites Internet le matériel lié à l’exploitation d’hôtels.

63      Lesdits éléments ont été par la suite, à savoir le 6 octobre 2016, complétés par d’autres éléments démontrant que les hôtels commercialisaient divers biens d’équipement hôtelier tels que, à titre d’exemple, des accessoires de bain ou bien des accessoires sanitaires.

64      Il convient de considérer, dès lors, et de toute évidence, que les annexes A 18 à A 21 présentent un caractère manifestement complémentaire par rapport aux éléments de preuve versés initialement au dossier par l’intervenante.

65      À cet égard, il convient de rappeler que lesdits éléments de preuve ont été produits par l’intervenante en réponse à l’exception soulevée par la requérante tirée du non-usage de la marque antérieure. Or, selon une jurisprudence constante, les preuves d’usage et les preuves de renommée sont indissociables, de sorte que, en considérant que seul un formalisme excessif et illégitime voudrait que les preuves d’usage ne puissent pas être présentées au titre de preuves de la renommée, une chambre de recours fait usage de son pouvoir d’appréciation découlant de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 afin de décider qu’il y a lieu de prendre en compte lesdits éléments et en estimant qu’ils revêtent une réelle pertinence pour apprécier la renommée de la marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2015, KENZO ESTATE, T‑414/13, non publié, EU:T:2015:923, point 23 et jurisprudence citée).

66      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que les éléments de preuve apportés par l’intervenante le 6 octobre 2016 présentent des éléments nouveaux de sorte qu’ils ne peuvent pas être considérés comme complémentaires et, dès lors, recevables en application de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

67      Dans ces conditions, pour autant que la pertinence des documents apportés par l’intervenante en réponse à l’exception soulevée relative à l’usage de la marque n’est pas contestée en l’espèce, il pourrait être également répondu aux arguments de la requérante que, eu égard au caractère intrinsèquement lié des éléments de preuve visant à démontrer, d’une part, l’usage de la marque et, d’autre part, sa renommée, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir pris en compte les documents apportés par l’intervenante le 6 octobre 2016 dans le cadre de la démonstration de la renommée de la marque antérieure.

68      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a correctement exercé son pouvoir d’appréciation découlant de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et que, dès lors, elle n’a pas violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

69      Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen soulevé par la requérante comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

70      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir erronément constaté que les conditions nécessaires pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, étaient réunies en l’espèce. En particulier, elle fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a considéré, en premier lieu, que la marque antérieure jouissait d’une renommée et, en deuxième lieu, qu’il existait un risque de profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure par la marque demandée.

71      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

72      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est similaire ou identique à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas semblables à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque la marque de l’Union européenne antérieure jouit d’une renommée dans l’Union, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice.

73      Le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou similaire. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, il convient de préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice [arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, EU:T:2005:179, point 40].

74      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, présuppose donc la réunion des conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit, deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porterait préjudice. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 34]. Cependant, il suffit qu’il existe un seul des types de risque susvisés pour que cette disposition s’applique (arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 36).

75      En l’espèce, il est constant que les marques en conflit sont identiques étant donné que l’élément verbal composant la marque verbale demandée ADLON est le seul élément composant la marque verbale antérieure. La première condition énoncée au point 74 ci-dessus est donc satisfaite. Il convient dès lors d’examiner les deuxième et troisième conditions exposées au même point.

–       Sur la renommée de la marque antérieure

76      Au point 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure jouissait d’une renommée, au moins pour les « services d’hôtellerie et de restauration, à savoir [l’]hébergement temporaire et [la] restauration », relevant de la classe 43.

77      La requérante fait valoir, en substance, que l’ensemble des documents produits par l’intervenante ne démontre pas de manière suffisante la renommée de la marque antérieure.

78      En premier lieu, selon elle, l’intervenante n’a pas présenté d’éléments de preuves suffisants concernant les indications nécessaires requises par la jurisprudence. À ce titre, elle estime également que la chambre de recours a erronément évalué la valeur probante des différents éléments de preuves présentés par l’intervenante.

79      À cet égard, premièrement, la requérante reproche à l’intervenante de n’avoir apporté aucune information relative à la part de marché détenue par cette dernière.

80      Deuxièmement, s’agissant de l’intensité de l’usage de la marque antérieure et de la part de marché détenue par l’intervenante, d’une part, les documents produits par celle-ci, à savoir les extraits de deux sites Internet figurant aux annexes A 12 et A 13, présenteraient des chiffres qui n’auraient pas fait l’objet de recherches empiriques, mais reposeraient essentiellement sur les propres déclarations de l’intervenante et de l’exploitant de l’hôtel. D’autre part, dans la mesure où le chiffre d’affaires n’aurait pas été confirmé par l’intervenante de manière solennelle, il ne pourrait pas, en vertu tant de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 et de la jurisprudence constante, être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de la renommée de la marque antérieure.

81      Troisièmement, en ce qui concerne la durée de l’usage, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours de s’être erronément appuyée sur les informations figurant dans un arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) figurant à l’annexe A 4 pour conclure que l’intervenante pouvait se prévaloir de l’antériorité de la dénomination sociale Hôtel Adlon datant de 1907, étant donné que cette antériorité devait se voir attribuée à une autre société. Dans ce contexte, la requérante soutient également que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) aurait uniquement constaté le caractère distinctif élevé de la dénomination sociale Hôtel Adlon et non la renommée de la marque antérieure. La constatation relative à son caractère distinctif élevé porterait, d’ailleurs, uniquement sur la période de 1907 à 1945 et serait limitée uniquement au territoire de l’Allemagne. La requérante reproche également à l’intervenante de n’avoir apporté aucun élément de preuve portant sur l’importance des investissements réalisés par le titulaire de la marque pour promouvoir la marque antérieure.

82      En second lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours s’est livrée à une appréciation erronée des différents éléments de preuve fournis par l’intervenante. Tout d’abord, il s’agirait notamment de livres consacrés à l’hôtel Adlon, lesquels ne permettraient pas de prouver la renommée de la marque antérieure dans la période pertinente, ainsi que diverses publications de presse et des extraits de sites Internet. Ensuite, la chambre de recours ne saurait, dans son appréciation de la renommée de la marque antérieure, s’appuyer sur des décisions rendues par des autorités ou des juridictions nationales. Enfin, le sondage d’opinion produit en annexe A 2 ne serait pas fiable pour deux raisons. D’une part, celle-ci aurait été réalisée plus de deux ans après la date pertinente du dépôt de la marque contestée. À cet égard, en substance, la requérante avance que l’intervenante n’a pas apporté la preuve suffisante du caractère inchangé des conditions du marché. D’autre part, la requérante fait valoir que ce sondage n’est pas fiable dans la mesure où elle repose sur un échantillon non représentatif de la population allemande.

83      Pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle. Dans le cadre de l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents en cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, EU:C:1999:408, points 24, 25, 27 et 29).

84      À titre liminaire, il convient toutefois d’observer que l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 101].

85      À cet égard, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir arrêt du 8 novembre 2017, Représentation d’une ellipse discontinue, T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 103 et jurisprudence citée).

86      Il y a lieu d’examiner si les pièces fournies par l’intervenante, appréciées globalement, établissent, contrairement à ce que la requérante fait valoir, que la marque verbale antérieure jouit d’une renommée sur le territoire pertinent.

87      En premier lieu, s’agissant de l’intensité de l’usage de la marque antérieure, l’intervenante a fourni les chiffres d’affaires pour la période 2009-2013. Force est de constater, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, que l’hôtel Adlon a réalisé au cours de cette période un chiffre d’affaires considérable s’élevant à 45 millions d’euro en moyenne par an. Il découle des annexes A 12 et A 13 que les chiffres d’affaires produits par l’intervenante se traduisent par une augmentation continue et mettent en évidence l’importance des opérations réalisées. Il convient d’observer que ceux-ci reflètent l’intensité de l’usage de la marque antérieure dans la mesure où ils sont en rapport direct avec les prestations fournies par l’exploitant de l’hôtel Adlon lequel, ainsi qu’il découle des points 53 et 54 ci-dessous, a obtenu le consentement de l’intervenante d’utiliser la marque antérieure.

88      L’intensité de l’usage de la marque antérieure est également illustrée, ainsi que le souligne pertinemment l’intervenante, par les informations résultant de l’annexe A 12 selon lesquelles l’hôtel Adlon se place en troisième position par son chiffre d’affaires en Allemagne.

89      En deuxième lieu, force est de constater que l’intervenante s’est prévalue, au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la promotion de la marque antérieure auprès du grand public. À cet égard, elle a fourni des éléments de preuve sous forme de nombreuses publications faisant état de l’histoire et de l’évolution de l’hôtel Adlon. La chambre de recours se réfère à cette promotion au point 30 de la décision attaquée.

90      Premièrement, il s’agit des livres disponibles sur le site de vente en ligne Amazon (annexe A 17), consacrés spécifiquement à l’hôtel Adlon et à son histoire. Lesdites publications le désignent comme un hôtel célèbre et réputé ayant une longue tradition qui s’étend sur une période remontant au début du XXe siècle. Il est également indiqué que l’hôtel a été un lieu d’importantes manifestations depuis son ouverture en 1907.

91      Deuxièmement, l’intervenante a produit également, à l’annexe A 13, l’entrée du dictionnaire hôtelier disponible sur le site hotelier.de/lexikon, lequel désigne l’hôtel Adlon comme légendaire. Même s’il s’agit d’un dictionnaire disponible en ligne, il convient de considérer que l’insertion d’un mot dans un dictionnaire traduit une certaine reconnaissance du public [arrêt du 16 décembre 2010, Rubinstein/OHMI – Allergan (BOTOLIST), T‑345/08 et T‑357/08, non publié, EU:T:2010:529, point 56].

92      En troisième lieu, en complément de cette activité de promotion, l’intervenante a fourni des preuves relatives à la couverture médiatique de l’hôtel Adlon auprès du grand public allemand. La chambre de recours se réfère à cette médiatisation aux points 30 et 31 de la décision attaquée. Parmi ces différentes publications, figure également l’article de presse de 2008 produit en annexe A 16, publié à l’occasion du centième anniversaire de l’hôtel Adlon, lequel fait état de sa longue histoire. Ces éléments comprennent également les extraits des articles de presse publiés sur divers sites Internet, tels que tagesspiegel.de et sueddeutsche.de, attestant que l’hôtel Adlon a accueilli des évènements importants tels que des congrès économiques et politiques (annexe A 14), des évènements sportifs et culturels (annexe A 1, A 10) ainsi qu’un sommet sur le tourisme (annexe A 15).

93      Il convient également de relever que, dans un article publié sur le site Internet tagesspiegel.de daté du 23 juillet 2008, figurant à l’annexe A 16, dont la chambre de recours fait état au point 31 de la décision attaquée, il est indiqué, notamment, que, en 2008, un Chef d’État américain a séjourné à l’hôtel Adlon. L’article, qui mentionne également d’autres personnalités célèbres ayant séjourné à l’hôtel au fil du temps, est accompagné d’une photo de l’hôtel Adlon sur laquelle apparaît, de manière visible, que celui-ci porte sur sa toiture le nom « Hôtel Adlon ».

94      Force est de constater que l’ensemble de ces diverses publications tend à démontrer que la marque antérieure apparaît dans plusieurs publications auprès du public pertinent, témoignant d’une certaine renommée de la marque antérieure.

95      En quatrième lieu, la promotion de la marque antérieure ressort non seulement des articles de presse et de diverses publications, mais également des extraits du 13ème annuaire de l’hôtel Adlon publié par l’exploitant de l’hôtel (Annexe A 1) dans lesquels il est fait état que, au cours des années, l’hôtel Adlon s’est associé à des personnalités de renommée internationale. S’il est vrai que le signe Adlon apparaît aux côtés de personnalités célèbres, cela ne signifie pas qu’elle a le même degré de notoriété que celui de ces personnalités. Toutefois, en associant cette marque à des évènements ou à des personnes dont la renommée n’est pas contestée, l’intervenante peut être réputée avoir entrepris certains efforts publicitaires pour la promouvoir auprès du public pertinent allemand [voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, Arnoldo Mondadori Editore/OHMI – Grazia Equity (GRAZIA), T‑490/12, non publié, EU:T:2014:840, point 61].

96      À cet égard, ces éléments de preuve témoignent, certes, d’une certaine notoriété de l’hôtel de la marque antérieure auprès de personnalités médiatiquement exposées. Il n’en demeure pas moins que la renommée de la marque doit s’apprécier au regard du public pertinent pour les produits désignés par celle-ci [arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue) (T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 105], soit, en l’occurrence, le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Dès lors, il ne saurait être tiré aucune conclusion directe de ces coupures de presse en l’absence d’éléments permettant de constater objectivement l’impact de tels articles sur la notoriété effective de la marque auprès du grand public, tels qu’un sondage d’opinion ou une étude de marché.

97      À cet égard et, en cinquième lieu, s’agissant du degré de connaissance de la marque verbale antérieure par le public pertinent, l’intervenante a fourni un sondage d’opinion indépendant réalisée en 2014 figurant à l’annexe A 2. Il découle du dossier que cette étude avait pour objet spécifique l’examen de la renommée de la marque verbale antérieure auprès de la population allemande.

98      Il ressort du point 36 de la décision attaquée que cette étude, reposant sur un échantillon de public pertinent de 1 004 personnes interrogées, permet de constater que l’élément verbal « adlon » présente une renommée spontanée de 26 % et une renommée assistée s’élevant à 90 %. Il s’avère également qu’elle montre qu’un pourcentage non-négligeable de la population allemande interrogée avait connaissance de l’hôtel, identifié par l’élément verbal « adlon ».

99      En sixième lieu, l’intervenante a présenté également deux décisions rendues par le Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) et le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) figurant aux annexes A 3 et A 4. À cet égard, il convient d’observer que même si la chambre de recours n’est pas tenue de prendre en considération les décisions des juridictions nationales produites par l’intervenante, en raison du caractère autonome du régime des marques de l’Union européenne, cela n’implique pas que ces décisions ne puissent pas présenter un caractère pertinent. En effet, il y a lieu de rappeler que les constatations figurant dans ces décisions, même si elles concernent un litige différent, constituent, en soi, un fait qui peut, s’il est pertinent, être pris en considération par le Tribunal dans le cadre de son pouvoir d’appréciation souverain des faits afin d’établir la renommée la marque antérieure (arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 78).

100    Il importe de relever que les conclusions auxquelles la chambre de recours est parvenue relative à la renommée de la marque antérieure sont valablement corroborées par ces décisions. À cet égard, premièrement, il y a lieu d’observer que la décision du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets) figurant à l’annexe A 3 a fait référence aux éléments corroborant l’existence de la renommée de l’hôtel ADLON en Allemagne au moment du dépôt de la marque contestée. Il découle du point 40 de la décision attaquée que ce jugement atteste également la longue histoire de l’hôtel, son importance en tant que lieu d’organisation d’événements importants ainsi que sa vaste couverture médiatique. Deuxièmement, s’agissant de la décision du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) figurant à l’annexe A 4, celle-ci fait référence au fait que, de 1907 à 1945, l’hôtel Adlon a acquis une réputation légendaire et un « caractère distinctif particulièrement élevé ».

101    Force est de constater que toutes ces informations sont effectivement de nature à corroborer les conclusions auxquelles la chambre de recours est parvenue sur la base des autres éléments de preuve présentés par l’intervenante, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours de les avoir pris en compte.

102    En septième lieu, et s’inscrivant dans la lignée des arguments exposés ci-dessus, s’agissant de la durée d’usage, la chambre de recours a estimé, à juste titre, au point 56 de la décision attaquée, qu’il pourrait être déduit de l’arrêt figurant à l’annexe A 4 que la dénomination commerciale ADLON, utilisée en lien avec l’hôtel en cause, pouvait revendiquer une antériorité datant de 1907. À cet égard, il convient également de rappeler qu’il ne saurait être exclu qu’une marque « historique » puisse garder une certaine notoriété résiduelle [arrêt du 3 mai 2018, J-M.-E. V. e hijos/EUIPO – Masi (MASSI), T‑2/17, non publié, EU:T:2018:243, point 58]. Il est également manifeste que l’utilisation du signe ADLON en lien avec l’hôtel est corroborée, ainsi qu’il découle du point 89 ci-dessus, par d’autres éléments de preuve.

103    Dans ces circonstances, il convient d’approuver la constatation de la chambre de recours, figurant au point 56 de la décision attaquée, selon laquelle, à défaut de preuve suggérant l’utilisation de la marque contestée avant cette date, il est raisonnable de douter que la requérante dispose des droits antérieurs sur la dénomination Adlon à ceux de l’intervenante.

104    En huitième et dernier lieu, sur le plan territorial, il a été reconnu par la jurisprudence qu’une marque de l’Union européenne jouissant d’une renommée dans l’Union devait être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle dans une partie substantielle du territoire de l’Union et que le territoire d’un État membre pouvait être considéré comme constituant une partie substantielle du territoire de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2009, PAGO International, C‑301/07, EU:C:2009:611, point 27). Dans certains cas, le territoire d’un seul État membre peut être considéré comme constituant une partie substantielle de ce territoire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 octobre 2009, PAGO International, C‑301/07, EU:C:2009:611, point 28).

105    Il y a lieu d’observer que dans les circonstances de l’espèce le territoire de l’Allemagne peut être considérée comme constituant une partie substantielle du territoire de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑629/16, EU:T:2018:108, point 81].

106    En effet, ainsi qu’il a été observé par la chambre de recours au point 42 de la décision attaquée, compte tenu de la renommée internationale des séjournants à l’hôtel Adlon et des événements internationaux qui y ont été organisés, la renommée de la marque antérieure ne saurait être limitée au seul territoire allemand.

107    À la lumière de l’ensemble des éléments de preuve présentés par l’intervenante, analysés aux points 87 à 105 ci-dessus, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 en considérant, au point 38 de la décision attaquée que la marque verbale antérieure jouissait, à la date du dépôt de la marque contestée d’une renommée sur le territoire pertinent en ce qui concerne les « services d’hôtellerie et de restauration, à savoir [l’]hébergement temporaire et restauration », relevant de la classe 43.

108    Les autres arguments avancés par la requérante ne sauraient infirmer ce constat.

109    En premier lieu, la requérante conteste la valeur probante des chiffres d’affaires fournis par l’intervenante. À cet égard, elle avance, en substance, deux griefs.

110    Par son premier grief, la requérante remet en cause la valeur probante de ces documents dans la mesure où ceux-ci reposent, selon elle, sur les données établies par l’intervenante elle-même. Un tel grief ne saurait toutefois être retenu.

111    En effet, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, les chiffres d’affaires produits par l’intervenante ne semblent pas, ainsi qu’il découle du dossier, reposer uniquement sur ses propres données.

112    D’une part, quant aux chiffres d’affaires figurant à l’annexe A 12, il convient de relever qu’il s’agit des données publiées par une société indépendante, lesquelles reposent sur les données actuelles du marché ainsi que sur des éléments tirés des rapports d’activité publiés dans le Journal des annonces officielles. D’autre part, pour ce qui est de l’annexe A 13, il y a lieu de constater, à l’instar de l’EUIPO, que les données y figurant, tirées du site Internet d’une société tierce, proviennent également d’une source indépendante. Dans ces conditions, ces éléments de preuve doivent se voir accorder une certaine valeur probante.

113    En tout état de cause, à supposer même que les chiffres d’affaires repris dans ces deux annexes reposent sur les chiffres établis par l’intervenante, ce que celle-ci admet d’ailleurs dans ses écritures, il convient de rappeler, ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue tout en tenant compte de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable.

114    Premièrement, force est de constater que, dans la mesure où il s’agit de données provenant de deux sources indépendantes, comme indiqué au point 112 ci-dessus, il semble peu probable qu’elles ont été établies exclusivement aux fins de la procédure devant l’EUIPO afin de prouver la renommée de la marque antérieure.

115    Deuxièmement, étant donné que les informations figurant à l’annexe A 12 et A 13 sont tirées de deux sites Internet, il pourrait être soutenu qu’il s’agit d’informations publiées en ligne visant à informer le public et les investisseurs, notamment en ce qui concerne l’annexe A 12, à l’égard desquels leurs auteurs pourraient être tenus responsables en cas de divulgation d’information fausses ou trompeuses.

116    Il convient également de constater que la requérante n’avance aucun autre argument concret susceptible de remettre en cause la fiabilité des chiffres figurant sur lesdits sites mentionnés par l’intervenante.

117    Par son second grief, la requérante conteste la valeur probante des chiffres d’affaires indiqués par l’intervenante dans la mesure où celle-ci ne les a pas confirmés de manière solennelle.

118    Ce grief ne saurait convaincre.

119    En effet, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, ni la jurisprudence ni le règlement en matière des marques n’exige que les chiffres d’affaires soient confirmés par une déclaration sous serment. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, qui mentionne les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après le droit de l’État dans lequel elles sont faites, n’est relatif qu’aux mesures d’instruction pouvant être prises dans toute procédure devant l’EUIPO, de sorte qu’il ne saurait utilement être invoqué en l’espèce. En outre, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que la jurisprudence du Tribunal laisse également le choix des moyens de preuve à l’intervenante en ce qui concerne les moyens appropriés afin de démontrer la renommée de sa marque [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 37].

120    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, les chiffres d’affaires fournis par l’intervenante doivent se voir conférer, contrairement à ce qu’affirme la requérante, une certaine valeur probante.

121    En deuxième lieu, concernant les critiques de la requérante tirées de ce que certaines des publications prises en compte par la chambre de recours portent uniquement sur la période de 1907 à 1945, il s’avère que, même si certains livres et publications ne semblent pas a priori pertinents eu égard à l’ancienneté de la période couverte par ces éléments de preuve, il n’en demeure pas moins que ceux-ci peuvent néanmoins être pris en considération au titre de l’appréciation de l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la renommée de la marque antérieure [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 novembre 2016, K&K Group/EUIPO – Pret A Manger (Europe) (Pret A Diner), T‑2/16, non publié, EU:T:2016:690, point 35]. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir tenu compte de ces publications au point 30 de la décision attaquée.

122    En troisième lieu, pour ce qui est de la critique de la requérante selon laquelle l’intervenante n’aurait pas apporté d’information relative à la part de marché, force est de constater que cet argument doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, comme il ressort, en substance, de la jurisprudence citée aux points 83 à 85 ci-dessus, l’intervenante n’est pas tenue de rapporter la preuve d’une part de marché spécifique pourvu qu’elle établisse que la renommée existe dans une partie substantielle du territoire pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, GRAZIA, T‑490/12, non publié, EU:T:2014:840, point 67).

123    En quatrième lieu, s’agissant de la connaissance de la marque antérieure par le public pertinent, la requérante conteste la fiabilité du sondage d’opinion fourni par l’intervenante, visé au point 97 ci-dessus, à deux égards.

124    Par son premier grief, la requérante remet en cause sa valeur probante car, en substance, cette étude aurait été établie deux ans après le dépôt de la marque contestée. À cet égard, la requérante estime que c’est à tort que la chambre de recours n’aurait pas, à l’instar de la division d’opposition, attribué à cet élément de preuve une faible valeur probante.

125    Au préalable, il est constant entre les parties que le sondage d’opinion de 2014 produit par l’intervenante en annexe A 2 a été établie à une date postérieure à celle du 13 août 2012, date à laquelle l’appréciation de la renommée de la marque verbale antérieure devait avoir lieu.

126    À cet égard, il convient de rappeler que, si la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la marque demandée, les documents portant une date postérieure à cette date ne sauraient toutefois être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. En effet, il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt (arrêt du 16 décembre 2010, BOTOLIST, T‑345/08 et T‑357/08, non publié, EU:T:2010:529, point 52).

127    Dans ce contexte, à l’instar de la chambre de recours, il convient d’observer que, à la lumière de la jurisprudence citée au point précédent, la période de deux ans ne présente pas un caractère excessivement long pour remettre en cause la valeur probante dans la mesure où l’analyse des documents factuels figurant dans le dossier ne permet pas de conclure que, en l’espèce, les conditions du marché ont changé.

128    Premièrement, la stabilité des conditions de marché est reflétée par les chiffres d’affaires réalisés par l’hôtel Adlon au cours des années antérieures à 2012, lesquelles présentent un caractère stable et continu et se traduisent par une légère augmentation (voir annexe A 13 et point 87 ci-dessus).

129    Deuxièmement, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que la valeur probante du sondage d’opinion en question est également attestée par une tendance baissière de la renommée de la marque verbale antérieure parmi le public pertinent. En effet, la chambre de recours observe, au point 37 de la décision attaquée, que les éléments du dossier indiquent que l’hôtel Adlon a joui de sa plus grande renommée au début du XXe siècle. Cette circonstance serait reflétée par les résultats de ladite étude selon lesquels l’hôtel Adlon est plus connu des consommateurs âgés. En effet, cette étude traduit une certaine tendance baissière de la renommée de la marque en ce que de moins en moins de personnes attribueront la marque antérieure à l’intervenante ou à l’exploitant de l’hôtel.

130    Or, dans la mesure où cette tendance baissière de la renommée de la marque antérieure non seulement corrobore l’observation de la chambre de recours visée au point précédent, mais aboutit également à un résultat nécessairement moins favorable pour l’intervenante, il ne saurait être considéré que cette étude ne permet pas de tirer de conclusions fiables sur les conditions du marché au moment du dépôt de la marque contestée en 2012.

131    Dans le cadre du second grief, la requérante conteste la fiabilité de l’étude en question en alléguant que celle-ci a été réalisée auprès d’un échantillon non représentatif de consommateurs.

132    Force est de constater que la requérante n’avance aucun argument concret afin d’étayer son affirmation selon laquelle un échantillon de mille personnes interrogées ne serait pas représentatif.

133    À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il a été observé au point 97 ci-dessus, l’étude de marché produite par l’intervenante figurant à l’annexe A 2 a été réalisée par un institut de sondage d’opinion tiers spécialisé dans le domaine.

134    Ainsi qu’il ressort du dossier, d’une part, cette étude avait pour objet spécifique l’examen de la renommée de la marque verbale antérieure auprès de la population allemande et, d’autre part, elle présentait un caractère nécessairement ciblé et global en ce qu’elle analysait la renommée de la marque à travers différentes catégories du public allemand en fonction de différents paramètres.

135    En cinquième lieu, quant au grief de la requérante selon lequel l’intervenante n’a fait aucune observation relative à l’importance des investissements réalisés pour promouvoir la marque antérieure, il convient d’observer que certains efforts publicitaires ont été visés aux points 89 à 95 ci-dessus.

136    En outre, il découle de l’analyse du dossier que, après plusieurs décennies d’inactivité, l’hôtel Adlon a fait l’objet d’une reconstruction substantielle et a été ré-ouvert en 1997. Dans ces circonstances, il pourrait en être logiquement déduit, comme l’observe d’ailleurs l’intervenante et dans la mesure où le coût de rénovation s’est élevé à plusieurs millions d’euros, que cette dernière a réalisé des investissements importants visant à promouvoir sa marque. Le montant de ceux-ci est d’autant plus important qu’il s’agit, en l’espèce, d’un hôtel haut de gamme.

137    En sixième lieu, s’agissant des deux décisions de justice allemandes, la requérante avance deux séries d’arguments.

138    Premièrement, elle estime que c’est à tort que la chambre de recours a pris lesdites décisions en considération dans la décision attaquée.

139    À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été conclu au point 99 ci-dessus, que la chambre de recours n’était nullement empêchée de prendre en considération les décisions rendues par les juridictions nationales dans le cadre de son analyse.

140    Deuxièmement, en ce qui concerne plus spécifiquement la décision figurant à l’annexe A 4, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir procédé à une appréciation erronée des informations y figurant. Tout d’abord, la requérante souligne que la décision se réfère à un « caractère distinctif particulièrement élevé » et non à une renommée. Ensuite, elle observe que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a constaté le caractère distinctif élevé pour la dénomination « Hotel Adlon » et non la renommée de la dénomination « Adlon ». Enfin, la requérante fait valoir que les constatations figurant dans cette décision de justice concernaient uniquement la période de 1907 à 1945 laquelle, selon la requérante, ne constitue pas une période pertinente.

141    À cet égard, il y a lieu de souligner que lesdites décisions ne constituent pas le fondement de la décision attaquée, mais revêtent, ainsi qu’il est explicitement relevé au point 40 de la décision attaquée, un caractère supplémentaire venant uniquement corroborer certaines constatations de la chambre de recours relatives à la renommée de la marque antérieure.

142    Dans ces circonstances, il convient de rejeter les arguments de la requérante comme inopérants, puisque, à supposer même qu’ils soient fondés, ils ne sauraient entraîner l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, EU:C:2003:259, point 17), dès lors que lesdites décisions, rendues à l’occasion des litiges impliquant, en substance, l’usage de la dénomination commerciale Adlon en lien avec l’hôtel, n’ont été prises en considération par la chambre de recours qu’à titre d’indices complémentaires en vue de démontrer la renommée de la marque antérieure, ce que reconnait elle-même la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée.

143    Dans ce contexte, il ne saurait utilement être reproché à la chambre de recours d’avoir conclu que, sur la base des informations figurant dans l’arrêt figurant à l’annexe A 4, la dénomination commerciale Adlon, utilisée en lien avec l’hôtel en cause, pouvait revendiquer une antériorité datant de 1907. Force est de constater que l’intervenante a fourni, ainsi qu’il découle du point 89 ci-dessus, diverses publications relatant l’histoire de l’hôtel Adlon à compter de 1907, attestant que la marque antérieure a été utilisée en lien avec l’hôtel de sorte qu’il peut être valablement soutenu qu’elle peut effectivement revendiquer une telle antériorité. À cet égard, il convient également d’observer, à l’instar de la chambre de recours, que la requérante n’a apporté aucune preuve permettant de conclure que celle-ci disposait de droits antérieurs à ceux de l’intervenante.

–       Sur le profit indument tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure

144    S’agissant des risques visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il convient de rappeler que cette disposition vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est le risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée).

145    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve présentés par l’intervenante étaient suffisants afin de prouver que la requérante tentait effectivement de se placer dans le sillage de la marque renommée aux fins de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci. Partant, la chambre de recours a conclu, au point 59 de la décision attaquée, à l’existence du troisième type de risque visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, à savoir le risque d’atteinte constitué par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

146    La requérante fait valoir que, dans la mesure où l’intervenante n’est pas parvenue à démontrer l’existence du préjudice indu porté au caractère distinctif ou à la notoriété de la marque antérieure, en concluant à l’existence d’un tel préjudice, la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. À cet égard, elle avance une série d’arguments visant à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours.

147    En premier lieu, la requérante estime qu’il n’existe pas de chevauchements entre les produits sanitaires couverts par la marque contestée et les services d’hôtellerie visés par la marque antérieure. À cet égard, elle fait notamment valoir que l’intervenante aurait dû apporter la preuve que cette dernière, ou à tout le moins, des hôtels concurrents commercialisaient les produits sanitaires tels que couverts par la marque contestée. Elle avance que c’est à tort que la chambre a conclu à l’existence d’un lien conceptuel entre les produits et services en cause dans la mesure où les éléments de preuve produits par l’intervenante, dont la pertinence est également remise en cause par la requérante, ne permettent pas de tirer une telle conclusion,.

148    En deuxième lieu, la chambre de recours aurait erronément estimé que la marque contestée était susceptible de porter atteinte à la marque antérieure dans la mesure où les produits couverts par la marque contestée évoquaient la même époque et le même style que ceux de l’hôtel Adlon. Dans ce contexte, la requérante estime également que les éléments de preuve produits par l’intervenante à l’appui de l’opposition ne démontraient pas en quoi la marque verbale antérieure représentait « la qualité, le luxe et le design exigeant ».

149    En troisième lieu, la chambre de recours aurait tiré des conclusions erronées en ce qui concerne certains éléments de preuve fournis par l’intervenante sous la forme des annexes A 6a à A 6c. Premièrement, les informations y figurant ne permettraient pas de conclure que la requérante vise effectivement à établir un lien entre ses produits et l’hôtel Adlon. Deuxièmement, le contenu desdites annexes ne permettrait pas de conclure à l’existence d’un risque de transfert d’image au profit de sa marque.

150    En quatrième lieu, la requérante souligne qu’elle est titulaire de la marque nationale allemande depuis 1994 pour les produits sanitaires et que, jusqu’à présent, elle en a fait un usage intensif. Dans ce contexte, premièrement, elle observe que, au cours de la période où les droits sur la dénomination Adlon étaient éteints, à savoir de 1945 à 1997, rien ne s’opposait à ce qu’elle utilise la dénomination Adlon pour ses produits. Deuxièmement, en vertu d’une jurisprudence constante, le risque de confusion devrait être écarté en cas d’une coexistence paisible entre les marques, ce qui serait le cas en l’espèce.

151    En cinquième et dernier lieu, la requérante ajoute que, dans la mesure où l’intervenante n’aurait pas établi l’existence d’un profit indûment tiré dans un autre État membre que l’Allemagne, les conditions de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 ne sont pas satisfaites. Partant, il existerait, dès lors, un motif légitime justifiant l’enregistrement de la marque contestée dans les autres États membres de l’Union où il n’existe pas de risque de profit indu ou de préjudice à la renommée d’un autre signe.

152    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

153    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas [ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 25, et arrêt du 29 octobre 2015, Éditions Quo Vadis/OHMI – Gómez Hernández (“QUO VADIS”), T‑517/13, non publié, EU:T:2015:816, point 25].

154    À défaut de l’existence d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (voir ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 27 et jurisprudence citée).

155    L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels peuvent être cités comme facteurs pertinents pour apprécier l’existence du lien susvisé le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure, et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, “QUO VADIS”, T‑517/13, non publié, EU:T:2015:816, point 26 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 41 et 42).

156    Si, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice, l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 27).

157    En premier lieu, il convient de constater que, comme il a été relevé au point 75 ci-dessus, les signes en cause sont identiques.

158    En deuxième lieu, s’agissant de la nature et de la proximité des produits et services visés par les marques en conflit, la chambre de recours a considéré, au point 49 de la décision attaquée, qu’il existait un certain lien entre les services et les produits en cause dans la mesure où les produits visés par la marque contestée, étant tous en rapport avec les installations sanitaires et les installations de bain, pouvaient être installés et utilisés dans les toilettes et les salles de bain d’hôtels. Au même point, la chambre de recours fait également valoir que les hôtels constituent, en substance, des clients importants des produits tels que ceux couverts par la marque demandée. En outre, la chambre de recours a indiqué que de tels produits pouvaient par ailleurs présenter un rapport avec les hôtels, étant donné qu’ils pouvaient imiter le style d’un hôtel particulier.

159    En l’espèce, les produits sanitaires couverts par la marque demandée ne semblent pas directement et immédiatement liés aux services d’hôtellerie et de restauration protégés par la marque de l’intervenante. Cependant, une telle circonstance n’exclut pas qu’il puisse exister une certaine proximité entre ces produits et ces services (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2012, ROYAL SHAKESPEARE, T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 59).

160    Dans ce contexte, les circonstances de cas d’espèce ne sauraient faire obstacle à ce qu’il puisse être conclu, comme relevé au point 49 de la décision attaquée, qu’il existe un certain lien et une certaine proximité entre les produits et services en cause dans mesure où ceux-ci se caractérisent par une certaine complémentarité.

161    À cet égard, il convient d’observer que, selon une jurisprudence constante, les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Par définition, des produits ou des services adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, points 57 et 58 et jurisprudence citée].

162    Force est de constater que les services de restauration et d’hôtellerie utilisent nécessairement les produits sanitaires tels que ceux commercialisés par la requérante de sorte qu’il existe une complémentarité entre eux. En effet, il est évident que les hôtels ne peuvent pas fournir efficacement leurs services sans installer et utiliser les produits couverts par la marque demandée. Par ailleurs, il découle du dossier que les chaînes hôtelières proposent sur leur site Internet des accessoires de bain et de sanitaires. De tels produits sont donc utilisés et peuvent être proposés dans le cadre des services d’hôtellerie [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 15 février 2011, Yorma’s/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (YORMA’S), T‑213/09, non publié, EU:T:2011:37, point 46, et du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié, EU:T:2011:173, point 52].

163    En outre, indépendamment de cela, au vu de la renommée établie de la marque antérieure, il convient également d’observer que le public pertinent, à savoir le grand public en Allemagne, pourrait faire un lien avec l’intervenante en voyant des produits commercialisés par la requérante avec la marque contestée dans des points de vente de produits sanitaires.

164    À cet égard, ainsi qu’il découle du point 50 de la décision attaquée et des éléments de preuve évoqués, la requérante elle-même vise à ce que ses clients établissent un lien avec la marque antérieure tout en essayant de se prévaloir de la renommée de celle-ci. Cela est notamment démontré par le fait que, dans l’extrait du site Internet de la requérante, figurant notamment aux annexes A 6a à A 6c, cette dernière fait référence à l’hôtel Adlon et indique que ses produits correspondent au style particulier de ce dernier. Ladite référence est également accompagnée par deux photos présentant l’intérieur et l’extérieur de l’hôtel. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces éléments sont nécessairement de nature à corroborer le risque du transfert d’image à son profit.

165    À la lumière des circonstances visées au paragraphe précédent, étant donné qu’il est évident que la requérante elle-même essaie de se prévaloir du style particulier représenté par l’hôtel Adlon, à savoir le style d’ameublement nostalgique propre au début du XXe siècle, elle ne saurait utilement prétendre que la chambre de recours n’aurait pas démontré en quoi la marque verbale antérieure représentait « la qualité, le luxe et le design exigeant ».

166    En outre, dans la mesure où les services en cause présentent, ainsi qu’il a été constaté au point 162 ci-dessus, un caractère nécessairement complémentaire avec les produits couverts par la marque demandée, la requérante ne saurait non plus se prévaloir utilement de ses diverses critiques relatives à la pertinence de certains éléments de preuve figurant aux annexes A 18 à A 21 attestant, en substance, que les chaînes hôtelières proposent divers accessoires de douche ainsi que des accessoires sanitaires. Or, à supposer même que ces critiques soient fondées, elles ne sont pas, en tout état de cause, susceptibles de remettre en cause le raisonnement de la chambre de recours, figurant au point 48 de la décision attaquée, relatif à l’existence d’un certain lien, eu égard à leur caractère complémentaire, entre les produits en cause et les services visés par la marque antérieure. Dès lors, à la lumière de la jurisprudence citée au point 141 ci-dessus, il conviendrait de les rejeter comme inopérants.

167    C’est dès lors sans commettre une erreur que la chambre de recours a conclu, au point 48 de la décision attaquée, à l’existence d’un lien entre les produits couverts par la marque demandée et les services d’hôtellerie et de restauration couverts par la marque antérieure.

168    En troisième lieu, quant au public pertinent, il convient de rappeler que l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque demandée, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services visés par la marque demandée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 35 et 36).

169    Il ressort des appréciations figurant au point 51 de la décision attaquée que, en l’espèce, les produits et les services en conflit s’adressent notamment au grand public. Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré de la renommée de la marque doit être apprécié, en vertu de la jurisprudence citée au point précédent, eu égard au consommateur moyen des produits visés par la marque demandée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il n’en demeure pas moins que dans la mesure où, en l’espèce, il ne s’agit pas de produits achetés quotidiennement, il pourrait être soutenu que les consommateurs moyens desdits produits sont susceptibles d’être plus attentifs [arrêt du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 195].

170    Il découle de l’analyse effectuée aux points précédents que, dans le cas d’espèce, la requérante bénéficierait du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de la marque antérieure pour ses propres produits. En effet, sur le marché des produits sanitaires, ses produits attireraient l’attention du consommateur par l’association à l’intervenante et à sa marque antérieure, ce qui procurerait à la requérante un avantage commercial par rapport aux produits des concurrents. Cet avantage économique consisterait dans l’exploitation de l’effort déployé par l’intervenante pour établir la renommée et l’image de sa marque antérieure, sans aucune compensation en échange. Or, cela correspond à un profit indûment tiré par la requérante de la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

171    En effet, dans la mesure où, les signes en conflit sont identiques, les produits et services en cause présentent un certain degré de proximité eu égard à leur caractère complémentaire et du fait que l’attention du public pertinent est susceptible d’être plus élevée lors de l’achat des produits sanitaires tels que désignés par la marque contestée, c’est à bon droit que la chambre de recours a fait droit à l’opposition formée par l’intervenante.

172    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, qu’il existe, en l’espèce, un risque de rapprochement entre les deux signes.

173    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante tiré de l’existence d’un juste motif.

174    La requérante avance, en effet, que l’intervenante n’a pas fourni d’éléments permettant de conclure à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice subi en ce qui concerne l’ensemble de l’Union. Dans ses écritures, la requérante fait valoir, en substance, que, dans la mesure où les marques en conflit coexistent de manière paisible sur le territoire allemand, elle ne saurait se voir interdire d’élargir ses droits sur la marque contestée aux États membres dans lesquels il n’existe pas de risque de profit indu ou de préjudice à la renommée de la marque. Selon elle, l’intervenante aurait dû apporter la preuve de l’existence d’un tel risque en dehors du territoire allemand.

175    Premièrement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le risque de profit indu, ainsi qu’il a été constaté aux points 163 et 167 ci-dessus, n’est pas purement hypothétique, mais revêt, en l’espèce, un caractère réel. En outre, il convient également d’observer qu’il n’est nullement exigé, ainsi qu’il découle des points 104 à 106 ci-dessus, que l’existence d’un tel risque soit démontré pour l’ensemble de territoire de l’Union.

176    Deuxièmement, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, le fait que, dans une partie de l’Union, une marque de l’Union européenne renommée et un signe coexistent paisiblement, ne permet pas de conclure que dans une autre partie de l’Union, où cette coexistence paisible fait défaut, il y a un juste motif légitimant l’usage de ce signe (voir, par analogie, arrêt du 20 juillet 2017, Ornua, C‑93/16, EU:C:2017:571, point 60).

177    Troisièmement, pour ce qui est de la charge de la preuve de l’existence d’un tel risque de préjudice à la renommée d’une marque, il convient de rappeler que, lorsque l’opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne se fonde sur une marque antérieure et que la coexistence de ladite marque antérieure avec une marque identique à la marque demandée est invoquée à l’appui de l’absence de risque de confusion entre les marques en cause, il appartient à la partie invoquant cette coexistence de la prouver sur l’ensemble du territoire de l’Union [voir arrêt du 10 avril 2013, Höganäs/OHMI – Haynes (ASTALOY), T‑505/10, non publié, EU:T:2013:160, point 49 et jurisprudence citée].

178    Par analogie avec la jurisprudence citée au point précédent, il appartenait à la requérante d’apporter la preuve d’une éventuelle absence de risque de profit indu ou de préjudice à la renommée d’un autre signe en ce qui concerne l’ensemble territoire de l’Union. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait se prévaloir utilement de son argument.

179    Partant, dans la mesure où la troisième des trois conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 a été satisfaite, la chambre de recours n’a pas méconnu ladite disposition.

180    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le troisième moyen soulevé par la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

181    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

182    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kludi GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2020.

 

Signatures      

 

*      Langue de procédure : l’allemand.