Language of document : ECLI:EU:T:2023:37

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

1er février 2023 (*) 

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative GC GOOGLE CAR – Marque de l’Union européenne verbale antérieure GOOGLE – Motif relatif de refus – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑568/21,

Zoubier Harbaoui, demeurant à Paris (France), représenté par Me A. Bove, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme L. Lapinskaite, MM. M. Eberl et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Google LLC, établie à Mountain View, Californie (États-Unis), représentée par Mes M. Kinkeldey et C. Schmitt, avocats,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : Mme G. Steinfatt,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la décision du Tribunal (troisième chambre), en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à Mme G. Steinfatt, siégeant en qualité de juge unique,

à la suite de l’audience du 15 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Zoubier Harbaoui, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 juin 2021 (affaire R 902/2020‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 9 janvier 2019, le requérant a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Véhicules et moyens de transport ».

4        Le 20 mai 2019, l’intervenante, Google LLC, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur treize marques de l’Union européenne antérieures, notamment sur la marque de l’Union européenne verbale no 1104306 GOOGLE, déposée le 12 mars 1999 et enregistrée le 7 octobre 2005 désignant les produits et les services relevant des classes 9, 35, 38 et 42 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs ; logiciels informatiques ; ordinateurs ; matériel informatique ; périphériques électroniques et électromécaniques pour ordinateurs ; réseaux informatiques ; programmes informatiques et langages de programmation ; microprocesseurs ; plaquettes ; accessoires pour ordinateurs ; machines commerciales ; accessoires de bureau ; semi-conducteurs ; écrans d’ordinateurs ; moniteurs pour ordinateurs ; moniteurs vidéo ; projecteurs ; circuits intégrés ; dispositifs et contrôleurs de stockage et de réseau ; données enregistrées de manière magnétique, électronique ou optique ; matériel d’instruction concernant les ordinateurs et les données, tous enregistrés de manière magnétique, optique ou électronique ; matériel d’enregistrement magnétique, optique et électronique des données » ;

–        classe 35 : « Compilation, stockage, analyse et récupération de données et d’informations ; gestion, indexation et distribution électronique de matériel d’information ; création de répertoires d’informations, sites web et autres sources d’information » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunications et de communications ; offre d’accès à des réseaux électroniques de communications et à Internet et à des extranets ; organisation de transactions commerciales sur des réseaux électroniques de communications ; transmission électronique de courrier et messages ; services d’offre de services Internet ; services d’informations dans les domaines précités, y compris ces services fournis en ligne à partir d’un réseau informatique ou via Internet ou des extranets transfert et diffusion d’informations et de données par le biais de réseaux informatiques et d’Internet services de courrier électronique et de communications de groupes de travail » ;

–        classe 42 : « Services informatiques : services de conseils en conception, test, recherche, analyse, partage de temps, assistance technique et autres services techniques et de conseils, tous concernant l’informatique et la programmation d’ordinateurs : services de conception, de création et d’hébergement de sites web ; services de portails de sites web ; recherche, développement, conception et mise à jour de logiciels ; location de bases de données informatisées ; fourniture d’accès, location de temps d’accès et fourniture des potentialités de recherche, de récupération, d’indexation, de liaison et d’organisation de données pour Internet, des réseaux de communications électroniques et des bases de données électroniques ; services d’offre de services Internet ; offre d’accès à des fonds privés d’informations ; services de moteur de recherche de sites web ; services d’informations, de conseils et d’assistance, tous concernant les domaines précités, y compris les services fournis en ligne via un réseau informatique, Internet ou extranets services de conseils et assistance ayant trait aux services de télécommunication et de communication, fourniture d’accès à des réseaux électroniques de communication et à Internet et des extranets, organisation de transactions commerciales via des réseaux électroniques de communication, transmission électroniques de courrier et messages, services de fournisseurs Internet ; y compris ces services fournis en ligne à partir d’un réseau informatique ou via Internet ou des extranets Offre d’interfaces de logiciels via un réseau afin de fournir un accès personnalisé à un réseau informatique mondial permettant le transfert et la diffusion d’informations dans le domaine des actualités, sciences, santé, famille, maison, société, divertissement, sport, éducation, voyages, informations commerciales et financières sous la forme de textes, documents électroniques, bases de données, graphiques et informations audiovisuelles ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), et à l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

7        Par décision du 4 mars 2020, la division d’opposition a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

8        Le 13 mai 2020, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a conclu que les conditions nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, étaient réunies en l’espèce. En premier lieu, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure jouissait d’une renommée extrêmement élevée, liée à sa technologie de l’information, son moteur de recherche sur Internet étant un outil de recherche utilisé tous les jours. En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude. En troisième lieu, elle a constaté l’existence d’un lien entre les marques en conflit. En quatrième lieu, la chambre de recours a estimé que l’usage de la marque demandée risquait de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure, au regard de l’intensité de sa renommée et de la similitude entre les marques en conflit, la marque demandée faisant expressément référence à la marque antérieure.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12      Le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, qui s’articule en trois branches, tirées, la première, d’une comparaison erronée des signes en conflit sur les plans visuel et conceptuel, la deuxième, d’une appréciation erronée de l’existence d’un lien entre les marques en conflit et, la troisième, d’une appréciation erronée du risque d’un profit indu.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une comparaison erronée des signes en conflit sur les plans visuel et conceptuel

13      Le requérant reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur d’appréciation lors de la comparaison des signes en conflit, en ce qu’elle a conclu à une similitude moyenne entre les marques, alors que, en réalité, une telle similitude serait tout au plus faible, voire très faible.

14      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union, ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

16      L’appréciation de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier des éléments distinctifs et dominants de celles-ci [voir arrêt du 28 avril 2021, Asolo/EUIPO – Red Bull (FLÜGEL), T‑509/19, non publié, EU:T:2021:225, point 88 et jurisprudence citée]. Elle ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42).

17      En l’espèce, le requérant ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont phonétiquement similaires à un degré moyen.

 Sur la similitude visuelle

18      Selon le requérant, la chambre de recours a erronément fondé son appréciation de la similitude visuelle sur le seul élément « google ». Or, ledit élément serait en réalité négligeable dans l’impression générale du signe demandé en raison de sa configuration graphique.

19      Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, sur le plan visuel, l’élément « gc » était dominant. Toutefois, le fait que la marque antérieure GOOGLE soit contenue dans le signe de la marque demandée et en constitue un élément indépendant rendrait les signes en conflit visuellement similaires à un degré moyen.

20      Ainsi, la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation de la similitude visuelle sur le seul élément « google » dans la marque demandée, comme semble lui reprocher le requérant.

21      Au contraire, la chambre de recours a d’abord constaté que l’élément « gc » était l’élément dominant. Si elle a toutefois considéré que les marques en conflit présentaient un degré de similitude moyen sur le plan visuel, cette appréciation tient compte d’une jurisprudence selon laquelle deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, lesdits aspects pertinents étant les aspects visuel, auditif et conceptuel [voir, en ce sens,  arrêt du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, non publié, EU:T:2006:27, point 46 et jurisprudence citée].

22      En effet, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, le mot constituant la marque antérieure est entièrement contenu dans la marque demandée et en constitue un élément indépendant. Cette circonstance constitue une indication de la similitude entre ces deux marques [voir arrêt du 20 avril 2018, holyGhost/EUIPO – CBM (holyGhost), T‑439/16, non publié, EU:T:2018:197, point 33 et jurisprudence citée].

23      Ne sauraient non plus prospérer les autres arguments du requérant selon lesquels, premièrement, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’un signe verbal ou d’un signe contenant un élément verbal qu’à sa fin et, deuxièmement, l’élément verbal « google » est négligeable dans l’impression d’ensemble du signe en raison de sa configuration graphique.

24      En effet, premièrement, en considérant que l’élément « gc » constitue l’élément dominant de la marque demandée, la chambre de recours a correctement tenu compte tant du principe rappelé par le requérant selon lequel le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’un élément verbal que du fait que l’élément « gc » soit plus grand que les autres éléments verbaux.

25      Deuxièmement, bien que l’élément « gc » soit un élément de taille importante situé au début de la marque demandée et, selon la chambre de recours, son élément dominant sur le plan visuel, l’élément verbal « google » ne passe pas inaperçu, dès lors que, bien qu’il soit écrit en lettres plus petites et positionné au milieu de la marque demandée, il a la même largeur que le premier élément verbal, en dessous duquel il est placé, et il est clairement lisible. Ainsi, il ne saurait être considéré comme négligeable dans l’impression d’ensemble de la marque demandée, mais au contraire comme révélant une similitude visuelle moyenne entre les marques en conflit.

26      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à une similitude moyenne des signes en conflit sur le plan visuel.

 Sur la similitude sur le plan conceptuel

27      Selon le requérant, la considération de la chambre de recours selon laquelle il existe une similitude conceptuelle entre les signes en conflit est erronée.

28      Or, il convient d’observer d’emblée que, dans la décision attaquée, le résultat de la comparaison conceptuelle effectuée par la chambre de recours n’a pas eu d’effet sur le résultat de la comparaison des signes en conflit dans son ensemble.

29      En effet, la chambre de recours a constaté, aux points 24 et 25 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient visuellement et phonétiquement similaires à un degré moyen. Au point 28 de la décision attaquée, elle a estimé que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude sur le plan conceptuel. Au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’il existait au moins un degré moyen de similitude entre les signes en conflit.

30      Or, cette dernière conclusion découle déjà de la comparaison sur les plans visuel et phonétique.

31      Il s’ensuit que, même dans l’hypothèse où, comme le soutient le requérant, à défaut d’une signification spécifique du mot « google », une comparaison conceptuelle n’est pas possible, la chambre de recours aurait dû conclure qu’il existe, dans l’ensemble, un degré moyen de similitude entre les signes en conflit. Ainsi, la comparaison des signes sur le plan conceptuel n’a fait que confirmer la similitude moyenne des signes en conflit.

32      En tout état de cause, le requérant n’a pas présenté d’arguments susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours quant à la similitude conceptuelle des signes en conflit.

33      Premièrement, le requérant fait valoir que la considération selon laquelle l’élément « gc » signifie « google car » est une pure supposition qui n’a été ni prouvée à suffisance par l’opposante, ni motivée dans la décision attaquée. Or, cet argument procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours n’a aucunement affirmé que l’élément « gc » signifiait « google car ». Elle a plutôt indiqué, aux points 22 et 27 de la décision attaquée, qu’il sera perçu, par le public pertinent, comme l’acronyme des deux autres éléments verbaux de la marque demandée, « google » et « car ».

34      En effet, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que le public est habitué à percevoir et à interpréter des signes commerciaux qui combinent une expression et une abréviation des initiales de cette dernière. Lors de l’audience, le représentant de l’EUIPO a rappelé, à titre d’exemple, les acronymes bien connus dans le secteur de l’automobile BMW (Bayerische Motoren Werke), VW (Volkswagen) et GMC (General Motors Company). De même, en voyant l’élément « gc » en rapport avec des véhicules et moyens de transports pour lesquels la marque en cause a été demandée, les consommateurs percevront cette suite de lettres correspondant aux lettres initiales des deux mots « google » et « car », qui le suivent, comme un sigle pour ces mots.

35      Quant au mot « car », c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, aux points 27 et 28 de la décision attaquée, que, dans son acception anglaise, il est descriptif des produits visés par la marque demandée, ce que le requérant ne conteste d’ailleurs pas.

36      Or, l’ajout d’un élément descriptif assorti de l’acronyme de la combinaison des deux mots n’affaiblit pas l’influence d’un élément indépendant ayant un caractère particulièrement distinctif du fait de sa grande renommée sur l’impression d’ensemble d’un signe.

37      Au contraire, l’ajout d’un acronyme représentant les initiales des autres éléments verbaux de la marque peut même avoir pour effet d’appuyer la perception par le public de ces éléments, en simplifiant son usage et en facilitant sa mémorisation (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Strigl et Securvita, C‑90/11 et C‑91/11, EU:C:2012:147, point 32). Ainsi, en l’espèce, l’élément « gc » renforce davantage l’évocation de la marque antérieure GOOGLE au regard du public pertinent.

38      Deuxièmement, le requérant fait valoir que l’appréciation de la chambre de recours est incohérente dans la mesure où, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à une similitude conceptuelle élevée entre les signes en conflit compte tenu de la coïncidence au niveau du terme « google » bien que, au point 26 de la décision attaquée, elle ait constaté que le mot « google » n’avait pas de signification spécifique en tant que tel. En effet, les signes en conflit ne pourraient être conceptuellement similaires si les éléments en question n’ont aucune signification. Ils ne pourraient pas non plus l’être s’il est allégué qu’un tel mot constitue une marque renommée dans un secteur commercial spécifique.

39      Or, si la chambre de recours a certes constaté, au point 26 de la décision attaquée, que le mot « google » n’avait pas de signification spécifique en tant que tel, elle a ajouté, au même point, que, toutefois, ce mot est généralement associé au moteur de recherche sur Internet de l’intervenante ou à des recherches sur Internet en général, comme le démontre son entrée dans le dictionnaire de langue anglaise en ligne Collins. Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté une similitude élevée sur le plan conceptuel du fait de la coïncidence des signes en conflit au niveau du terme « google ».

40      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à une similitude moyenne des signes en conflit.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée de l’existence d’un lien entre les marques en conflit

41      Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la renommée de la marque antérieure repose sur les services de moteur de recherche. Cette circonstance, ainsi que l’existence d’une marque spécifique et différente, enregistrée et utilisée par l’intervenante pour des voitures, excluraient que la marque demandée évoque, dans l’esprit des consommateurs, l’idée que les produits qu’elle vise proviennent de l’intervenante. Les consommateurs n’établiraient donc pas de lien entre les marques en conflit.

42      En deuxième lieu, le constat de la chambre de recours, au point 36 de la décision attaquée, selon lequel, en raison de la présence de l’élément « google » dans la marque demandée, il est très probable que les consommateurs pensent à la marque de l’intervenante du fait de son caractère unique, serait en contradiction avec son constat au point 35 de la décision attaquée selon lequel le niveau d’attention du public pertinent est plus élevé en ce qui concerne les produits compris dans la classe 12.

43      En troisième lieu, le requérant conteste que les consommateurs comprendront le terme « google » comme une référence à des voitures autonomes fabriquées par l’intervenante.

44      Premièrement, l’existence de la marque WAYMO, détenue par l’intervenante et couvrant, notamment, les « voitures » relevant de la classe 12, exclurait la possibilité d’un lien entre les signes GC GOOGLE CAR et GOOGLE. En effet, les consommateurs reconnaîtraient la marque spécifique WAYMO, que l’intervenante utiliserait pour exercer ses activités dans le secteur automobile, comme la marque sous laquelle l’intervenante commercialise une voiture et des prestations sur les voitures. La chambre de recours aurait, au point 38 de la décision attaquée, commis une erreur de droit en estimant qu’un lien entre les signes pourrait être établi du fait que le projet de conduite autonome de l’intervenante serait toujours couramment désigné dans la presse sous le nom de Google car.

45      Deuxièmement, la demande d’enregistrement de la marque demandée viserait les « véhicules » en général, sans spécifier qu’il s’agit de « voitures autonomes ».

46      Troisièmement, le « centre de gravité » des activités commerciales de chacune des parties serait éloigné, ce qui réduirait considérablement le risque de création d’un lien entre les signes en conflit dans l’esprit des consommateurs.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

48      L’existence d’un lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 20 et jurisprudence citée]. Parmi ces facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont enregistrées ou demandées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (voir arrêt du 6 juillet 2012, ROYAL SHAKESPEARE, T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 21 et jurisprudence citée).

49      En premier lieu, il convient de constater que le requérant ne conteste pas la renommée de la marque antérieure.

50      En deuxième lieu, le fait que la marque demandée vise les « véhicules et moyens de transport » relevant de la classe 12, tandis que la marque antérieure couvre des produits et des services relevant des classes 9, 35, 38 et 42, ne suffit pas, à lui seul, à exclure l’existence d’une certaine proximité entre les produits et services au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, un lien direct et immédiat entre eux n’étant pas nécessaire [voir arrêt du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 159 et jurisprudence citée].

51      À cet égard, la chambre de recours a constaté, à juste titre, au point 37 de la décision attaquée, que, bien que les produits visés par la marque demandée ne soient pas similaires aux produits pour lesquels la marque antérieure jouit d’une renommée, le public pertinent connaîtra la renommée de Google et associera ainsi la marque demandée à une voiture liée à Google, dont les logiciels sont connectés à Internet.

52      En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le niveau d’attention du public pertinent à l’égard des produits visés par la marque demandée est élevé, il convient de constater que la chambre de recours a dûment tenu compte de ce fait. C’est à juste titre qu’elle est parvenue à la conclusion selon laquelle, même avec un niveau d’attention élevé, les consommateurs penseront à la marque antérieure en raison de son caractère unique. En effet, la marque antérieure très renommée GOOGLE est omniprésente dans le quotidien du grand public ainsi que du public spécialisé de tout secteur, y compris le secteur automobile, comme l’a expliqué la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée. Comme l’EUIPO le soulève à juste titre, ce public, lors de l’achat d’un véhicule ou d’un moyen de transport vendu sous la marque demandée, reconnaîtra clairement le terme « google » et supposera que les véhicules et moyens de transport intègrent des technologies et des outils de Google ou qu’ils ont été développés par Google ou en coopération avec Google. Ainsi, c’est à juste titre que l’intervenante relève que, confronté à une marque qui intègre de manière identique la marque GOOGLE, l’une des marques de technologie ayant le plus de valeur dans le monde, le public pertinent se concentrera naturellement sur cet élément et le percevra comme la principale indication de l’origine de la marque complexe.

53      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’affirmation du requérant selon laquelle il est exclu que les consommateurs percevront l’élément verbal « google » comme une référence à des voitures autonomes fabriquées par l’intervenante, il convient de constater que, premièrement, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre au point 38 de la décision attaquée, le fait que l’intervenante ait utilisé un nom différent (WAYMO) pour son propre projet dans l’industrie automobile est dénué de pertinence pour savoir si le public pertinent établira un lien entre les marques en conflit. En effet, d’une part, la seule existence d’une marque distincte utilisée par l’intervenante pour ses voitures n’affecte en rien le fait que le consommateur établisse un lien entre les signes GC GOOGLE CAR et GOOGLE. D’autre part, c’est à juste titre que la chambre de recours a expliqué, en s’appuyant sur des preuves produites par l’intervenante, que ledit projet est couramment désigné dans la presse sous les noms de Google car, de Google’s WAYMO ou de Google’s self-driving car, de sorte que les consommateurs établiront nécessairement un lien entre les marques en conflit.

54      Deuxièmement, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel le fait que les produits visés par sa demande ne soient pas des voitures autonomes, mais des véhicules en général exclurait l’établissement d’un lien entre les marques en conflit. En effet, les véhicules, en tant que catégorie plus large, englobent les voitures, y compris les voitures autonomes.

55      Troisièmement, doit également être écarté l’argument selon lequel le « centre de gravité » des activités commerciales des parties au présent litige est éloigné, ce qui réduit, selon le requérant, le risque de création d’un lien entre les signes en conflit dans l’esprit des consommateurs. En effet, il existe un chevauchement des activités commerciales notamment du fait de l’activité de l’intervenante dans le secteur automobile qui a d’ailleurs, en ce qui concerne le projet de voiture autonome, suscité un écho dans la presse, tel qu’il ressort du point 38 de la décision attaquée. Même si cette nouvelle activité de l’intervenante ne constitue pas son activité principale et si la marque antérieure ne jouit pas d’une protection pour ces produits, cela n’exclut pas que le consommateur puisse avoir l’impression que les produits commercialisés sous la marque GC GOOGLE CAR proviennent de l’intervenante ou intègrent des éléments provenant de l’intervenante, ou sont dotés de services rendus par elle.

56      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que le public pertinent établira un lien entre les marques en conflit.

57      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la troisième branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée du risque d’un profit indu

58      Le requérant reproche à la chambre de recours d’avoir erronément conclu à l’existence d’un risque d’un profit indu. En l’espèce, la marque WAYMO, détenue par l’intervenante et couvrant les « voitures » relevant de la classe 12, l’empêcherait de tirer indûment profit de la marque GOOGLE ou de la vider d’une bonne partie de sa substance.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

60      Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés. S’agissant de l’intensité de la renommée et du degré de caractère distinctif de la marque antérieure, il résulte de la jurisprudence que plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque sont importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise [arrêts du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, EU:C:2009:378, point 44, et du 28 mai 2020, Galletas Gullón/EUIPO – Intercontinental Great Brands (gullón TWINS COOKIE SANDWICH), T‑677/18, non publié, EU:T:2020:229, point 121]. Plus l’évocation de la marque antérieure par la marque postérieure est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future de la marque postérieure tire un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porte préjudice [voir arrêt du 7 décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑59/08, EU:T:2010:500, point 53 et jurisprudence citée].

61      En l’espèce, aux points 44 à 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, compte tenu de la référence plus que manifeste à la marque antérieure et de la renommée extrêmement élevée de cette dernière, le requérant bénéficierait indûment du pouvoir d’attraction de ladite marque.

62      À cet égard, le requérant fait valoir que la possibilité qu’une marque soit évoquée dans l’esprit des consommateurs n’implique pas nécessairement qu’un tel lien porte atteinte aux droits du titulaire de la marque au titre de l’article 8, paragraphe 5 du règlement 2017/1001. Toutefois, il n’avance aucun argument spécifique susceptible de remettre en cause l’analyse de la chambre de recours.

63      Dans la présente affaire, le risque de parasitisme est flagrant, étant donné que l’un des trois éléments composant le signe de la marque demandée est identique à la marque antérieure, laquelle jouit d’une renommée extrêmement élevée.

64      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la marque WAYMO, détenue par l’intervenante et couvrant les « voitures » relevant de la classe 12, l’empêcherait de tirer indûment profit de la marque antérieure, il y a lieu de constater que cette affirmation n’a aucunement été étayée. Par ailleurs, la seule existence d’une marque supplémentaire détenue par le titulaire de la marque antérieure ne saurait avoir pour effet de réduire voire même éliminer le risque de parasitisme au détriment de la marque antérieure dès lors que le public pertinent établit un lien entre les marques en conflit.

65      Compte tenu des similitudes entre les marques en conflit ainsi que du lien qu’établira le public pertinent entre elles, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu, au point 47 de la décision attaquée, que l’usage de la marque demandée risque de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure, qui est présente dans une multitude de domaines de la vie quotidienne des consommateurs, et de se placer dans le sillage de la marque antérieure, bénéficiant ainsi indûment de l’attractivité de cette dernière.

66      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucune des trois branches du moyen unique invoquées par le requérant au soutien de ses conclusions ne devant être accueillie, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

68      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Zoubier Harbaoui est condamné aux dépens.

 

      Steinfatt      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2023.

Signature


*      Langue de procédure : l’anglais.