Language of document : ECLI:EU:T:2020:436

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 septembre 2020 (*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreur d’appréciation – Droit de propriété – Proportionnalité – Atteinte à la réputation – Détermination des critères d’inscription »

Dans l’affaire T‑510/18,

Khaled Kaddour, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Mmes V. Davies, V. Wilkinson, solicitors, M. R. Blakeley, barrister, et Mme M. Lester, QC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. V. Piessevaux et Mme T. Haas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2018/778 du Conseil, du 28 mai 2018, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2018, L 131, p. 16), et du règlement d’exécution (UE) 2018/774 du Conseil, du 28 mai 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2018, L 131, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Khaled Kaddour, est un homme d’affaires de nationalité syrienne qui développe une activité commerciale, notamment, dans le domaine des télécommunications et du pétrole.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. Le nom du requérant n’y figurait donc pas. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

A.      Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives

5        Par la décision d’exécution 2011/367/PESC, du 23 juin 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273 (JO 2011, L 164, p. 14), le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue notamment d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités. Le nom du requérant figurait à la ligne 6 du tableau de la partie A de l’annexe concernant les personnes visées par ladite décision d’exécution, de même que la date de l’inscription de son nom sur la liste en cause, en l’occurrence le 23 juin 2011, et les motifs suivants :

« Partenaire d’affaires de Maher Al-Assad ; source de financement pour le régime. »

6        Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/273, le règlement d’exécution (UE) no 611/2011, mettant en œuvre le règlement no 442/2011 (JO 2011, L 164 p. 1). Le nom du requérant figurait à la ligne 6 du tableau de l’annexe dudit règlement d’exécution avec les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

7        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure à l’annexe I. Le nom du requérant figurait à la ligne 29 du tableau de l’annexe I concernant les personnes visées par ladite décision avec les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

8        Le 26 décembre 2011, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation des décisions 2011/273, 2011/782 et du règlement no 442/2011, tels que mis en œuvre ou modifiés jusqu’au jour de la présentation du recours, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑654/11.

9        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1). Le nom du requérant figurait à la ligne 29 du tableau de l’annexe II de ce dernier règlement avec les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

10      La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21). Le nom du requérant figurait à la ligne 28 du tableau de l’annexe I de la décision 2012/739 avec les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

11      La décision d’exécution 2013/185/PESC du Conseil, du 22 avril 2013, mettant en œuvre la décision 2012/739 (JO 2013, L 111, p. 77), visait à mettre à jour la liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figurait à l’annexe I de la décision 2012/739. Le nom du requérant figurait à la ligne 28 du tableau de l’annexe I avec les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

12      Le règlement d’exécution (UE) no 363/2013 du Conseil, du 22 avril 2013, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2013, L 111, p. 1), comportait les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

13      La décision 2012/739 a été remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14). Le nom du requérant figurait à la ligne 28 du tableau de l’annexe I de ladite décision avec les mêmes informations et motifs que ceux indiqués dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/367.

14      Par mémoires en adaptation déposés au greffe du Tribunal les 22 et 28 juin, les 23 et 31 juillet 2012 ainsi que le 7 janvier et le 24 juin 2013, le requérant a sollicité l’annulation, notamment, du règlement no 36/2012, de la décision 2012/739, de la décision d’exécution 2013/185, du règlement d’exécution no 363/2013 et de la décision 2013/255, pour autant que ces actes le concernaient.

15      Par arrêt du 13 novembre 2014, Kaddour/Conseil (T‑654/11, non publié, ci-après l’« arrêt Kaddour I », EU:T:2014:947), le Tribunal a accueilli le moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil en inscrivant le nom du requérant sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives figurant à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »). En substance, le Tribunal a considéré que le dossier du Conseil ne contenait aucun élément de preuve susceptible d’étayer les allégations selon lesquelles le requérant maintenait un lien professionnel avec M. Maher Al-Assad ou apportait un soutien financier au régime syrien. Par conséquent, faisant partiellement droit au recours du requérant, le Tribunal a annulé le règlement no 36/2012, le règlement d’exécution no 363/2013 et la décision 2013/255, pour autant qu’ils le concernaient, avec effet au 23 janvier 2015. Le recours a été déclaré irrecevable s’agissant des autres actes à l’encontre desquels il était dirigé.

16      Le Conseil n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 13 novembre 2014, Kaddour I (T‑654/11, non publié, EU:T:2014:947).

B.      Sur la réinscription et le maintien du nom du requérant sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives

17      Le 26 janvier 2015, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2015/117/PESC, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2015, L 20, p. 85). Le même jour, il a adopté le règlement d’exécution (UE) 2015/108, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 20, p. 2). Par ces actes, le nom du requérant a été réinscrit sur les listes en cause.

18      En particulier, le nom du requérant a été réinscrit à la ligne 28 du tableau comportant les listes en cause sous le titre « A. Personnes », cette réinscription se fondant sur les motifs suivants :

« Homme d’affaires syrien important, proche de Maher Al-Assad, personnalité clé du régime syrien.

Khaled Kaddour bénéficie des politiques menées par le régime syrien et soutient celui-ci ; il est associé à des personnes bénéficiant des politiques menées par le régime et soutenant celui-ci. »

19      Le 27 mars 2015, le requérant a introduit un recours devant le Tribunal visant à obtenir l’annulation de la décision d’exécution 2015/117 et du règlement d’exécution 2015/108, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑155/15.

20      Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836 modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828 modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

21      Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein », et « le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de [les] empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

22      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

23      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

24      Par lettre du 18 mars 2016, adressée aux représentants du requérant dans l’affaire T‑155/15, le Conseil a informé le requérant de son intention de modifier les motifs de l’inscription du nom de celui-ci sur les listes en cause après avoir procédé au réexamen de ladite inscription. Le Conseil a fixé un délai au requérant pour formuler d’éventuelles observations.

25      Par lettre du 13 avril 2016, les représentants du requérant dans l’affaire T‑155/15 se sont opposés au maintien du nom du requérant sur les listes en cause.

26      Le 27 mai 2016, le Conseil a adopté sa décision (PESC) 2016/850, modifiant la décision 2013/255 (JO 2016, L 141, p. 125). Le même jour, il a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/840 mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2016, L 141, p. 30). Par ces actes, le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause.

27      En particulier, le nom du requérant a été maintenu à la ligne 28 du tableau comportant les listes en cause sous le titre « A. Personnes » de l’annexe, avec la motivation suivante :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou activités dans les secteurs des télécommunications, du pétrole et de l’industrie des matières plastiques, et entretenant des relations d’affaires étroites avec Maher Al-Assad.

Du fait de ses activités commerciales, il tire avantage du régime syrien et le soutient.

Il fait partie de l’entourage de Maher Al-Assad du fait, notamment, de ses activités commerciales. »

28      Par lettre du 30 mai 2016, le Conseil a communiqué, aux représentants du requérant dans l’affaire T‑155/15, alors pendante, les nouveaux motifs à l’appui de l’inscription du requérant sur les listes en cause et il leur a envoyé un dossier contenant les preuves visant à étayer le maintien de ladite inscription.

29      Par lettre du 6 juillet 2016, les nouveaux représentants du requérant ont informé le Conseil qu’ils représentaient désormais le requérant et ils ont demandé au Conseil d’annuler l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

30      Par lettre du 26 juillet 2016, adressée aux nouveaux représentants du requérant, le Conseil a répondu à leur lettre du 6 juillet 2016 et leur a notifié une copie de la décision 2016/850 et une copie du règlement d’exécution 2016/840 ainsi que la documentation étayant ces actes.

31      Le 19 août 2016, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours visant à obtenir l’annulation de la décision 2016/850 et du règlement d’exécution 2016/840, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑461/16.

32      Par arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil (T‑155/15, non publié, ci-après l’« arrêt Kaddour II », EU:T:2016:628), le Tribunal a rejeté le recours formé par le requérant à l’encontre de la décision d’exécution 2015/117 et du règlement d’exécution 2015/108, pour autant que ces actes le concernaient. Il a considéré que la réinscription du nom du requérant sur les listes en cause était justifiée par le fait que le Conseil avait apporté un faisceau d’indices concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence que le requérant gardait des liens avec certaines personnalités clés du régime syrien telles que M. M. Al-Assad, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255 et de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012.

33      Le requérant n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628).

34      Le 29 mai 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/917 modifiant la décision 2013/255 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2017, L 139, p. 62), qui a prorogé l’application de ladite décision jusqu’au 1er juin 2018.

35      Le 28 mai 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/778, modifiant la décision 2013/255 (JO 2018, L 131, p. 16). Le même jour, il a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/774 mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2018, L 131, p. 1). Par ces actes (ci-après les « actes attaqués »), le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause.

36      Par lettre du 30 mai 2018, le Conseil a informé les représentants du requérant qu’il avait décidé, après avoir réexaminé les listes en cause, que le nom du requérant devait continuer de figurer sur lesdites listes.

37      Par arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil (T‑461/16, ci-après l’« arrêt Kaddour III », EU:T:2018:316), le Tribunal a rejeté le recours du requérant formé à l’encontre de la décision 2016/850 et du règlement d’exécution 2016/840, pour autant que ces actes le concernaient. Il a considéré que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause était justifié par le fait que le Conseil avait apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence le fait que le requérant gardait des liens avec certaines personnalités clés du régime syrien, telles que M. M. Al-Assad, de sorte que le second motif du maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, tiré du lien avec une personnalité clé du régime syrien, était suffisamment étayé et constituait une base suffisante d’inscription en vertu du critère légal établi par l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255 et par l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012.

38      Le requérant n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316).

II.    Procédure et conclusions des parties

39      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2018, le requérant a introduit le présent recours. Le 3 décembre 2018, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

40      Le 25 avril 2019, le requérant a déposé au greffe du Tribunal la réplique. Le 6 juin 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal la duplique.

41      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a) et b), de son règlement de procédure, le Tribunal a, le 20 décembre 2019, posé des questions écrites au Conseil pour réponse écrite et à l’ensemble des parties pour réponse orale à l’audience. Le Conseil a répondu aux questions dans le délai imparti.

42      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 5 mars 2020. À l’issue de l’audience, la phase orale de la procédure n’a pas été clôturée et le Tribunal a invité les parties, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, à répondre à des questions supplémentaires.

43      Les parties ayant répondu à ces questions dans le délai imparti, le Tribunal a, le 14 mai 2020, clôturé la phase orale de la procédure.

44      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués pour autant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

45      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en ce qu’ils visent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision 2018/778 à l’égard du requérant jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2018/774 prenne effet.

46      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a indiqué retirer son troisième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

III. En droit

47      À l’appui du recours, le requérant invoque trois moyens tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation, le deuxième, d’une violation de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, et, le troisième, d’une violation de ses droits fondamentaux ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité.

A.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

48      Le requérant conteste les motifs de son inscription et soutient à cet égard que, premièrement, il n’est pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, deuxièmement, il n’entretient pas d’étroites relations commerciales avec M. M. Al-Assad et, troisièmement, il ne tire pas avantage ni n’apporte de soutien au régime syrien par ses activités commerciales.

49      En premier lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle il n’est pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, le requérant fait valoir qu’il n’existe aucun élément permettant d’indiquer qu’il était, et encore moins qu’il demeure, un homme d’affaires influent. À cet égard, il produit un tableau dressant l’état des lieux de ses activités professionnelles duquel il ressortirait que, hormis la propriété de certains terrains à Damas (Syrie) et dans sa région environnante, il ne possède plus aucune activité commerciale ou d’une autre nature.

50      Le requérant nie avoir eu des intérêts ou des activités dans les secteurs des télécommunications, du pétrole ou de l’industrie des matières plastiques, à l’exception d’un projet avec la société Aabar Investments PJS, société d’investissement qui a travaillé dans le secteur du pétrole du gaz, détenue en dernier lieu par le gouvernement d’Abou Dabi (Émirats arabes unis), mais qui, en tout état de cause, n’a jamais vu le jour et s’est arrêté avec le déclenchement de la guerre, sur proposition du requérant.

51      En outre, le requérant estime que le Conseil n’a produit aucun élément de preuve spécifique concernant ses activités commerciales actuelles ou passées ni ses sociétés, autre qu’un rapport de solvabilité concernant une société libanaise, Charikat Al Jazira Al Moutahida Lilnakl Al Aam Wa Tijarat Al Mochtakak La Maftia Wa Al Khadamat (ci-après la « société libanaise »), qui, en toute hypothèse, n’a pas exercé son activité en Syrie, ni n’a su identifier une seule société révélant ses intérêts supposés dans de multiples secteurs. À cet égard, la charge de la preuve incomberait au Conseil et il ne saurait être exigé du requérant qu’il produise des registres de sociétés n’existant pas, venant d’une Syrie déchirée par la guerre.

52      En ce qui concerne les éléments de preuve produits par le Conseil, le requérant considère que leur contenu découle de sources extrêmement contestables et que le Conseil n’a fait aucun effort pour vérifier les allégations qui y sont contenues ou que ses efforts n’ont pas été fructueux, de sorte qu’il n’avait d’autre choix que de se fier à ces sources et à elles seules. En outre, le requérant reproche au Conseil de se fonder sur d’anciens articles, datant de 2005 à 2015, en tant qu’éléments censés prouver que l’inscription de son nom sur les listes en cause en 2018 était justifiée, sans fournir aucune explication ni aucun élément de preuve établissant pourquoi ces anciens articles demeurent pertinents.

53      Selon le requérant, étant donné que la Syrie et M. M. Al-Assad font l’objet d’un contrôle international rapproché, le Conseil aurait dû être en mesure de produire d’autres preuves concernant un allié central du régime, qu’il croit être le requérant, que les quelques articles obsolètes et répétitifs sur lesquels il est à présent obligé de s’appuyer.

54      Le requérant souligne qu’il n’est qu’un homme d’affaires et, à de nombreux égards, un ancien homme d’affaires, qui ne saurait être considéré comme étant influent, en particulier si sa situation est comparée à celle d’autres grandes entreprises multinationales opérant en Syrie.

55      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle il n’entretient pas d’étroites relations commerciales avec M. M. Al-Assad, le requérant affirme n’avoir aucun lien, que ce soit dans le cadre de son activité ou d’une quelconque autre façon, avec M. M. Al-Assad. En outre, il soutient, en apportant des éléments de preuve à l’appui de cette allégation, que le véritable directeur de cabinet de M. M. Al-Assad était le général Ghassan Bilal.

56      En outre, tout en relevant les risques que les allégations de l’existence d’un lien entre lui et M. M. Al-Assad font peser sur lui et sa famille, risques confirmés par l’assassinat du général Bilal en septembre 2017, il estime qu’il a présenté, à l’occasion des trois recours introduits devant le Tribunal, des moyens de droit, des éléments de preuve et des arguments venant au soutien de ces moyens, démontrant qu’il n’est pas un associé de M. M. Al-Assad. Ces éléments attesteraient d’une « dissociation » publique par rapport au régime syrien qui remettrait en cause toute idée d’association persistante.

57      En troisième lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle le requérant ne tire pas avantage ni n’apporte de soutien au régime syrien par ses activités commerciales, le requérant souligne qu’il n’a actuellement pas d’activités commerciales en Syrie et ne peut pas, dès lors, de manière plausible, apporter un soutien au régime. En outre, les dommages causés par la guerre à l’économie syrienne seraient tels que l’idée que le peu de fortune qui lui reste et ses intérêts commerciaux puissent soutenir le régime d’une quelconque manière serait tout simplement fantaisiste.

58      Enfin, le requérant précise qu’il n’a jamais occupé aucun poste gouvernemental ou politique. Sa richesse et ses intérêts commerciaux ne seraient pas dus à un avantage qu’il aurait reçu du régime syrien, mais résulteraient de ses propres initiatives d’affaires, sans appui de la part du gouvernement syrien. À ce titre, le requérant affirme n’avoir jamais eu de contrat avec un organe gouvernemental ni avoir reçu de commission relative à une transaction commerciale de la part du gouvernement syrien.

59      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

1.      Considérations liminaires

60      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernées, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

61      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

62      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernées, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

63      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernées (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

64      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernées à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

65      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

2.      Sur les motifs d’inscription et la détermination des critères d’inscription

66      Compte tenu de ce que, lors de l’audience, le requérant et le Conseil ont échangé sur le fait de savoir si le nom du requérant avait été maintenu sur les listes en cause en raison de deux ou de trois motifs d’inscription, le Tribunal estime nécessaire d’apporter les précisions suivantes.

67      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 27 ci-dessus, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause n’ont pas été modifiés par rapport à la décision 2016/850 et au règlement d’exécution 2016/840, et sont les suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et/ou activités dans les secteurs des télécommunications, du pétrole et de l’industrie des matières plastiques, et entretenant des relations d’affaires étroites avec Maher Al-Assad.

Du fait de ses activités commerciales, il tire avantage du régime syrien et le soutient.

Il fait partie de l’entourage de Maher Al-Assad du fait, notamment, de ses activités commerciales. »

68      Selon l’article 28, paragraphe 1, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836 :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et à des personnes et entités qui leur sont liées, dont les listes figurent aux annexes I et II, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent.

2. Conformément aux évaluations et aux constatations faites par le Conseil dans le contexte de la situation en Syrie énoncées aux considérants 5 à 11, sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes relevant des catégories suivantes, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent, à savoir :

a) les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ; […]

3. Les personnes, entités ou organismes relevant de l’une des catégories visées au paragraphe 2 ne sont pas inscrits ou maintenus sur les listes des personnes et entités qui figurent à l’annexe I s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. »

69      L’article 15, paragraphe 1, sous a), paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, est rédigé dans des termes quasi identiques.

70      Au regard de la formulation des motifs d’inscription du nom du requérant et de celle des critères d’inscription, il convient de considérer que, en l’espèce, trois motifs d’inscription ont été retenus à son égard. Le premier alinéa, qui correspond au premier motif, est relatif à la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, le deuxième alinéa, qui correspond au deuxième motif, concerne le bénéfice tiré du régime syrien et le soutien donné à celui-ci et, le troisième alinéa, qui correspond au troisième motif, est relatif au lien avec le régime syrien.

71      Il en résulte que le premier motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause est fondé sur le critère légal défini à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et que les deuxième et troisième motifs d’inscription du nom du requérant sont fondés sur le critère légal défini à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère d’association avec le régime) en raison soit de l’avantage qu’il tire du régime syrien et du soutien qu’il lui apporte, soit de son lien avec M. M. Al-Assad, personnalité clé du régime syrien.

72      Dans la mesure où le Conseil a avancé, lors de l’audience, qu’il ne fallait pas interpréter la référence aux bénéfices tirés du régime syrien et au soutien apporté audit régime comme un troisième motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, ce à quoi le requérant ne s’est pas opposé, le Tribunal juge utile de procéder aux clarifications qui suivent.

73      Le bénéfice tiré du régime syrien ou le soutien apporté à celui-ci constitue un critère juridique autonome, prévu par l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, devant, à ce titre, être distingué de celui des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » et prévu par l’article 28, paragraphe 2, sous a), de ladite décision, ou encore de celui du lien avec des personnes appartenant audit régime, prévu par l’article 28, paragraphe 1, de cette même décision.

74      Cela ressort des termes mêmes de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. Celui-ci prévoit, en son paragraphe 1, le gel des fonds et des ressources économiques de trois catégories de personnes, à savoir, premièrement, celles qui sont responsables de la répression violente exercée contre la population civile, deuxièmement, celles qui bénéficient des politiques menées par le régime ou soutiennent celui-ci et, troisièmement, celles qui leur sont liées. En son paragraphe 2, il envisage le gel des fonds et des ressources économiques d’une série de catégories de personnes, dont les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie. Le paragraphe 1 et le paragraphe 2 de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, visent donc, en principe, des catégories différentes de personnes, ce qui est confirmé par la possibilité uniquement offerte aux personnes relevant de l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, de se prévaloir du paragraphe 3 de cette disposition, permettant à ces dernières, à certaines conditions, de ne pas avoir leur nom inscrit ou maintenu sur les listes en cause.

75      L’interprétation littérale de cette disposition est conforme au contexte de son adoption et à l’objectif visé par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 10 mars 2005, easyCar, C‑336/03, EU:C:2005:150, point 21). En effet, il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il ressort du considérant 5 de la décision 2015/1836 que le Conseil a établi une série de catégories de personnes, introduites à l’article 28, paragraphe 2, de la décision 2013/255, afin de développer, en conservant une approche ciblée et différenciée, les mesures restrictives déjà existantes qu’il entendait maintenir. Ainsi, il a clairement exprimé sa volonté d’ajouter des critères d’inscription à ceux déjà existants et prévus à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255. Ensuite, la décision 2015/1836, qui a introduit le paragraphe 3 de l’article 28 de la décision 2013/255, a entendu ne viser que ces nouvelles catégories de personnes, ainsi que cela ressort du considérant 14 de ladite décision. Enfin, il convient de relever que la possibilité offerte par l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255 n’avait pas d’équivalent au sein de l’article 28 de ladite décision 2013/255 avant sa modification par la décision 2015/1836.

76      Le fait que l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, prévoit différentes catégories de personnes ne signifie pas, pour autant, qu’une personne ne puisse pas relever de plusieurs catégories. Cela signifie, en revanche, que, lorsque le Conseil décide d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur les listes en cause, il doit déterminer, à l’aune des éléments de preuve dont il dispose, la ou les catégories auxquelles cette personne est susceptible d’appartenir. À cet égard, il doit s’interroger sur le ou les critères qu’il entend retenir pour inscrire ou maintenir le nom d’une personne sur les listes en cause, d’une part, et sur le fait de savoir s’il dispose d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptible de démontrer le bien-fondé de chacun des motifs d’inscription, fondés sur le ou les critères qu’il a choisis, d’autre part.

77      À cet égard, il ne saurait être exclu que, pour une personne déterminée, les motifs d’inscription se recoupent dans une certaine mesure, en ce sens qu’une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme bénéficiant, dans le cadre de ses activités, du régime syrien ou comme soutenant celui-ci au travers de ces mêmes activités. Cela ressort précisément de ce que, ainsi qu’il est établi au considérant 6 de la décision 2015/1836, les liens étroits avec le régime syrien et le soutien de celui-ci apporté par cette catégorie de personnes sont l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a décidé de créer cette catégorie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, même dans cette hypothèse, de critères différents.

78      En effet, il a été reconnu par la jurisprudence que la décision 2015/1836 a introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant, celui des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influents exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 38 ; du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56, et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56).

79      Il en découle que, lorsque le Conseil décide d’inscrire le nom d’une personne en raison de sa qualité de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il n’est pas tenu de préciser, dans les motifs d’inscription de cette personne, qu’elle bénéficie ou soutient le régime syrien. S’il le fait, c’est qu’il entend aussi lui appliquer le critère prévu à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255. Cette interprétation est la plus à même de garantir l’effet utile de chacun des paragraphes de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de permettre aux personnes inscrites de déterminer avec précision sur la base de quels critères leur nom a été inscrit ou maintenu sur les listes en cause.

80      Par conséquent, si le Conseil vise, explicitement, dans les motifs d’inscription du nom d’une personne, le bénéfice ou le soutien qu’elle apporte au régime syrien, cela implique pour le Conseil de démontrer, au moyen d’un faisceau d’indices concrets, précis et concordants, comment la personne soutient ou tire avantage du régime syrien. En ce sens, bien que le Conseil estime que le bénéfice ou le soutien au régime syrien découle des activités exercées par une personne qualifiée, par ailleurs, de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, les éléments de preuve que le Conseil devrait posséder et pourrait être amené à produire afin de démontrer le bénéfice ou le soutien ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux permettant de démontrer la qualité de « femmes ou hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie ».

81      Il en résulte que, en l’espèce, contrairement à ce qu’a soutenu le Conseil, la référence aux bénéfices tirés du régime syrien et au soutien apporté audit régime par le requérant doit être interprété comme un motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause distinct de celui relatif au statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et de celui relatif à son lien avec une personnalité clé du régime syrien. Dès lors, le Conseil doit être en mesure de démontrer, par un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, le bien-fondé dudit motif.

82      Ces précisions et clarifications ayant été apportées, il convient de vérifier si, en l’espèce, le Conseil a, ainsi que le soutient le requérant, commis une erreur d’appréciation en décidant du maintien de son nom sur les listes en cause.

3.      Sur l’erreur d’appréciation

83      Afin d’étayer les motifs de maintien du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a soumis au Tribunal, en annexes au mémoire en défense, un document COREU du 20 mai 2016 portant la référence PESC/0049/16 – ST 9478/16 et les documents de séance du groupe RELEX portant la référence 340/14, du 17 décembre 2014, et portant les références 430/16 à 435/16, du 31 mars 2016.

84      Le document COREU portant la référence PESC/0049/16 – ST 9478/16 contient des liens et des références à des éléments de preuve et présente une synthèse des points pertinents des éléments de preuve qui y figurent.

85      Le document de séance du groupe RELEX portant la référence 340/14 regroupe sept des éléments de preuve visés dans le document COREU, à savoir des liens vers des sites Internet et des articles de presse publiés sur :

–        le site Internet « Lebanon Wire » (article du 31 mars 2005), qui indique que le requérant est le beau-frère de M. M. Al-Assad, a fondé Al-Shahba Telecommunications Ltd avec MM. Mohammed Hamsho et Souleiman Marouf et qu’un appartement de Beyrouth (Liban) a été transféré à un ami proche du requérant, directeur de cabinet de M. M. Al-Assad ;

–        le site Internet « Middle East Transparent » (article du 24 avril 2011), qui indique que le requérant a fondé Al-Shahba Telecommunications avec MM. Hamsho et Marouf, une société-écran contrôlée par M. M. Al-Assad ;

–        le site Internet « The Jamestown Foundation » (source The New York Times, article du 7 juin 2011), qui indique aussi que le requérant a fondé l’entreprise Al-Shahba Telecommunications avec MM. Hamsho et Marouf, dans laquelle est impliqué M. M. Al-Assad avec lequel le requérant entretient d’étroites relations ;

–        le site Internet « The Washington Institute » (organigramme du régime syrien en date de 2013), qui montre l’existence d’un lien entre le requérant et M. M. Al-Assad ;

–        le site Internet « Recherches sur le terrorisme » (en date d’octobre 2011) qui décrit le requérant comme le beau-frère de M. M. Al-Assad, son chargé d’affaires, voire comme l’un de ses hommes de paille et qui transfère des sommes importantes, provenant de la vente illégale du pétrole irakien, sur les comptes de la banque libanaise Al-Madina ;

–        le site Internet « WorldCrunch » (source Le Monde, article du 30 juin 2014), qui mentionne le requérant comme étant un des « serviteurs » de M. M. Al-Assad ;

–        le site Internet « The New York Sun » (article du 23 mars 2006), qui indique également qu’un appartement de Beyrouth a été transféré à un ami proche du requérant, décrit, par ailleurs, comme le directeur de cabinet de M. M. Al-Assad.

86      Quant aux documents de séance du groupe RELEX portant les références 430/16 à 435/16, il s’agit :

–        du document portant la référence 430/16 RELEX, à savoir un article publié le 27 mars 2012 sur le site Internet « Shabab Kurd », qui fait référence à une liste des membres du « groupe économique privé de Maher Al-Assad » décrivant le requérant comme « [l]e bras droit de Maher Al-Assad ». Dans cet article, il est également indiqué que le requérant « [p]ossède une usine de plastique et une entreprise spécialisée dans les adjudications extérieures pour l’armée » ;

–        du document portant la référence 431/16 RELEX, à savoir un article publié le 9 février 2013 sur le site Internet du journal Ya Libnan, qui contient l’affirmation selon laquelle « un appartement à B[ey]r[o]ut[h] de 2,5 millions [de] dollars sous contr[ô]l[e] de Maher, a été transféré sans co[û]ts au chargé d’affaires de celui-ci, Khaled Kaddour » ;

–        du document portant la référence 432/16 RELEX, à savoir un article publié le 26 novembre 2015 sur le site Internet « WorldCrunch », qui contient les affirmations selon lesquelles « [l]e clan des oligarques syriens comprend également Maher [A]l-Assad, le frère du président, et ses serviteurs Mohammed Hamcho, Samer Debs et Khaled Kaddour » et que, « [e]n échange de la contribution de l’État, ces hommes d’affaires transfèrent une partie de leurs bénéfices » ;

–        du document portant la référence 433/16 RELEX, à savoir un article publié le 27 mars 2005 sur le blog « Writingcompany » relatif à la faillite d’une banque libanaise et qui identifie le requérant comme « chargé d’affaires (office manager) du Lt. Col. M. Maher Al-Assad » ;

–        du document portant la référence 434/16 RELEX, à savoir un article publié le 3 juin 2015 sur le site Internet de la Syrian Democratic Union Organization, intitulé « La nouvelle mafia syrienne de Maher Al-Assad », qui contient l’affirmation selon laquelle, « en ce qui concerne la corruption de Maher Al-Assad à l’extérieur de la Syrie, elle passait par Mirza Nitham Eddin et son gendre, Khaled Nasser Kaddour, qui forment “l’organisme de gestionnaires” pour ses affaires à l’étranger » ;

–        du document portant la référence 435/16 RELEX qui contient un rapport de solvabilité, produit en décembre 2015 par Orbis, concernant la société libanaise, appartenant à M. Aiman Jaber et constituée en 2010, dans laquelle le requérant détient une importante participation, à savoir 40 % des actions de ladite société.

87      Le requérant considère, en substance, que les preuves apportées par le Conseil sont anciennes et ne sont pas suffisantes pour justifier le maintien de son nom sur les listes en cause en 2018. En outre, il en conteste la fiabilité et le contenu. Enfin, il considère, à l’aune, notamment, d’éléments de preuve qu’il a produits, que c’est à tort que le Conseil a déduit de l’ensemble des documents rappelés aux points 84 à 86 ci-dessus qu’il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et qu’il est associé au régime syrien.

88      Le Conseil rappelle, en substance, que le requérant a vu son nom être maintenu sur les listes en cause par les actes attaqués sur la base des mêmes motifs que ceux se trouvant dans la décision 2016/850 et le règlement d’exécution 2016/840. Or, en ce qui concerne ces actes de 2016, il y aurait lieu de relever que le Tribunal a jugé, dans l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 102), que les éléments de preuve sur lesquels s’était appuyé le Conseil pour maintenir l’inscription du requérant sur les listes en cause constituaient un faisceau d’indices permettant de justifier une telle réinscription. En outre, le requérant n’aurait présenté aucun élément susceptible de remettre en cause l’appréciation du Tribunal telle qu’elle ressort de l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316).

89      Ainsi, il convient de s’interroger sur l’incidence, sur l’analyse du présent moyen, de l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), mais également de l’arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), dans la mesure où ces deux arrêts ont analysé les éléments de preuve repris dans la présente procédure.

90      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 30, paragraphe 3, de la décision 2013/255 et l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 36/2012 disposent que, si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concernés. Par ailleurs, conformément à l’article 32, paragraphe 4, dudit règlement, les listes en cause sont examinées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

91      Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le Conseil peut être amené, lors de tout réexamen préalable à l’adoption d’actes maintenant le nom d’une personne inscrite sur les listes en cause, voire à tout moment, à vérifier, en fonction des éléments de preuve substantiels ou des observations qui lui sont soumis, si la situation factuelle a changé depuis l’inscription initiale, la réinscription du nom de la partie requérante ou depuis un précédent réexamen, de telle manière que sa désignation n’est plus justifiée (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 46, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 50).

92      Par ailleurs, sans être lié au sens strict sous l’angle de l’autorité de la chose jugée, dès lors que l’objet des recours rejetés par les arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), n’est pas identique à celui du présent recours, le Tribunal ne saurait totalement faire abstraction du raisonnement qu’il a développé dans ces deux affaires, qui concernent les mêmes parties et soulèvent, pour l’essentiel, les mêmes questions juridiques.

93      Toutefois, rien ne permet de présumer, sans un examen des éléments de fait et de droit présentés au soutien du présent moyen, que le Tribunal parviendrait aux mêmes conclusions que celles retenues dans les arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316) (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 53).

94      En l’espèce, il ne saurait donc être exclu, sans procéder à leur examen, que les éléments présentés par le requérant dans le cadre de son moyen soient susceptibles de démontrer que c’est à tort que le Conseil a décidé, en 2018, du maintien de son nom sur les listes en cause.

95      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments du requérant.

a)      Sur la pertinence des éléments de preuve soumis par le Conseil

96      Le requérant remet en cause la pertinence des éléments de preuve soumis par le Conseil pour démontrer, en 2018, que le maintien de son nom sur les listes en cause était toujours fondé.

97      Il y a lieu de relever que, en matière de mesures restrictives prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la question qui importe lors de l’examen du maintien d’une personne sur la liste litigieuse est celle de savoir si, depuis l’inscription de cette personne sur ladite liste ou depuis le réexamen précédent, la situation factuelle a changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de cette personne dans des activités terroristes (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 82). De plus, il a été précisé, dans le cadre de mesures restrictives adoptées à l’encontre de l’Iran, que le Conseil n’est pas tenu d’invoquer de nouveaux faits pour autant que les faits motivant l’inscription initiale soient pertinents et suffisent à maintenir la partie concernée sur la liste (conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2018:720, point 182).

98      Enfin, il a été jugé que le Conseil est tenu de présenter de nouveaux éléments de preuve afin de démontrer le bien-fondé de l’inscription du nom d’une personne dès lors que le critère et les motifs de cette inscription ont changé (voir, en ce sens, ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56).

99      Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur les listes en cause, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la partie requérante sur les listes en cause, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription sont inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes.

100    À cet égard, il convient encore de relever qu’il est inhérent aux mesures adoptées dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) d’être sujettes à un réexamen périodique et d’être appliquées de manière répétée lors de périodes ultérieures. C’est notoirement le cas lorsque, malgré les mesures restrictives précédemment appliquées, la situation géopolitique n’évolue pas. Dans cette situation, le Conseil doit être autorisé à poursuivre l’application des mesures nécessaires, même si la situation n’a pas changé, pour autant que les faits à la base du maintien des mesures restrictives continuent de justifier leur application au moment de leur adoption, notamment en ce qui concerne le caractère suffisamment récent des faits (voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2018:720, points 201 et 202).

101    Ainsi, en l’espèce, dès lors que, ainsi qu’il a été mentionné au point 67 ci-dessus, les motifs d’inscription du nom du requérant n’ont pas été modifiés, il y a uniquement lieu de vérifier si, dans le dossier soumis au Tribunal, il existe des éléments pouvant laisser penser que la situation factuelle du requérant ou celle de la Syrie ont évolué d’une manière telle que les éléments de preuve soumis par le Conseil pour justifier le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause en 2016 ne seraient plus pertinents pour justifier le maintien de son nom sur lesdites listes en 2018.

102    À cet égard, d’une part, force est de constater que la situation en Syrie n’a pas connu d’amélioration entre 2016 et 2018. Les preuves apportées par le requérant dans le cadre de la requête et visant à démontrer que la situation économique en Syrie serait telle qu’il serait fantaisiste de penser qu’il serait capable de soutenir le régime avec le peu de fortune qui lui resterait ne permettent pas de considérer que le contexte syrien aurait changé de telle sorte que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne serait plus justifié. Au contraire, le rapport de 2017 du groupe de la Banque mondiale portant sur les conséquences économiques et sociales du conflit en Syrie, l’article du journal International Business Times, du 14 mars 2016, qui traite des coûts de la guerre en Syrie pour la Russie et les États-Unis et, enfin l’article du journal Time, du 9 avril 2018, qui se propose de répondre à la question de savoir pourquoi la guerre civile syrienne devient encore plus complexe, attestent que la guerre en Syrie est toujours d’actualité. Dans ce contexte, le Conseil et l’Union sont fondés à maintenir les mesures restrictives qu’ils estiment nécessaires pour faire pression sur le régime syrien.

103    D’autre part, si le requérant soutient que ses activités commerciales ont cessé et qu’il n’a jamais eu de lien avec M. M. Al-Assad, il convient de constater qu’il avait déjà évoqué de tels arguments dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 115), et qu’il n’a avancé, dans le cadre de ses écritures, aucun indice de ce que sa situation personnelle aurait changé entre 2016 et 2018. Quant aux documents soumis par le requérant afin de démontrer que le général Bilal était le chef de cabinet de M. M. Al-Assad, il convient de noter que, sans préjudice de l’examen de leur force probante et de leur capacité à remettre en cause les éléments de preuve soumis par le Conseil, réalisé au point 120 ci-après, ces preuves ne font toutefois référence qu’audit général et ne permettent pas en tant que telles de mettre en évidence un changement concret dans la situation du requérant dont le Conseil aurait pu et aurait dû avoir connaissance au moment de l’adoption de la décision de maintien du nom du requérant sur les listes en cause. En outre, ces documents visent à remettre en cause cet aspect de la relation entre le requérant et M. M. Al-Assad, mais ils ne portent pas sur les relations d’affaires existant entre ces derniers.

104    Par conséquent, sans que soit préjugée, à ce stade du raisonnement du Tribunal, la question de savoir si les éléments de preuve produits par le Conseil permettent effectivement de démontrer le bien-fondé, en 2018, des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil n’était pas tenu d’apporter des éléments de preuve supplémentaires par rapport à ceux produits en 2016 en raison de changements dans la situation du requérant ou de celle de la Syrie de nature à justifier que son nom soit retiré des listes en cause.

105    Il convient, dès lors, de rejeter les arguments présentés par le requérant et visant à contester la pertinence des preuves produites au regard de leur ancienneté ou du manque de preuves nouvelles les corroborant. Par ailleurs et en tout état de cause, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel le Conseil ne pouvait pas se fonder sur des articles que le Tribunal avait, dans le cadre de l’arrêt du 13 novembre 2014, Kaddour I (T‑654/11, non publié, EU:T:2014:947), considérés comme ne démontrant pas le bien-fondé des motifs de son inscription. En effet, l’arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, point 78), a déjà rejeté cet argument portant sur les mêmes éléments de preuve en rappelant que chaque affaire introduite devant le Tribunal dispose de son propre dossier et que chacun de ces dossiers est entièrement autonome. Ainsi, la circonstance que le Conseil apporte, dans la présente procédure, certains des documents que le Tribunal avait considérés, dans le cadre d’une autre affaire, comme ne satisfaisant pas à la charge de la preuve, ne prive pas le Conseil de la possibilité d’invoquer ces documents, parmi d’autres éléments de preuve, aux fins de la constitution d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants à même de justifier le bien-fondé du maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

106    En outre, lors de l’audience, le requérant a fait valoir, aux fins de démontrer que les éléments de preuve soumis par le Conseil n’étaient plus suffisants, qu’il n’y avait pas de trace du réexamen opéré par le Conseil. Dans la mesure où il y aurait lieu d’interpréter l’argumentation du requérant comme visant à faire valoir que le Conseil n’aurait pas dûment rempli son obligation de réexamen, ainsi prévue par l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012, force est de constater que le requérant n’a ni dans la requête ni dans la réplique, soulevé un moyen tiré de la violation de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012 en faisant valoir l’absence de tout réexamen de la part du Conseil.

107    Or, il convient de relever que, selon les dispositions combinées de l’article 76, sous d), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec ledit moyen doit être déclaré recevable (voir arrêt du 5 mai 2015, Petropars Iran e.a./Conseil, T‑433/13, EU:T:2015:255, point 54 et jurisprudence citée).

108    De plus, pour pouvoir être considéré comme une ampliation d’un moyen antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 31).

109    En l’espèce, d’une part, le requérant ne s’est prévalu d’aucun élément de fait ou de droit nouveau s’étant révélé au cours de la procédure qui aurait pu justifier la production d’un moyen nouveau tiré de la violation de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012. D’autre part, il convient de relever que, dans le cadre de son grief visant à remettre en cause la pertinence des éléments de preuve produits par le Conseil, le requérant a soutenu que le Conseil n’aurait pas correctement réexaminé sa situation, ce qui l’aurait conduit à se fonder sur des éléments de preuve devenus obsolètes. Or, il existe une différence majeure entre, d’une part, soutenir que le Conseil n’aurait pas correctement réexaminé la situation du requérant, ce qui implique, dès lors, qu’un réexamen a néanmoins eu lieu, et, d’autre part, faire valoir que le Conseil n’a pas du tout réexaminé la situation du requérant. Par conséquent, l’argument développé par le requérant lors de l’audience ne saurait être compris comme l’ampliation de son grief visant à remettre en cause la pertinence des éléments de preuve produits par le Conseil et doit donc être rejeté comme étant irrecevable.

110    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure à la pertinence de l’ensemble des éléments de preuve produits par le Conseil pour justifier le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en 2018.

b)      Sur la fiabilité des éléments de preuve

111    Le requérant a remis en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil afin d’étayer le bien-fondé des motifs d’inscription.

112    Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et, à cette fin, de tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et de se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée).

113    À cet égard, il y a lieu de remarquer que les arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), ont considéré que l’ensemble des preuves soumises par le Conseil, produites à nouveau en l’espèce, étaient fiables. En particulier, le Tribunal a estimé, aux points 86 et 87 de l’arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), que les preuves regroupées dans le document de séance du groupe RELEX portant la référence 340/14 émanaient de différentes sources d’informations numériques, d’origines géographiques variées, qu’elles provenaient, pour certaines d’entre elles, de journaux réputés au niveau mondial, pour d’autres, d’entités internationales reconnues pour l’indépendance de leurs recherches et qu’elles avaient été publiées à différentes dates. Le Tribunal a ajouté que, même si elles n’indiquaient pas toutes de manière expresse la source primaire de leurs informations, la situation de guerre en Syrie rendait, en pratique, difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Quant aux preuves regroupées dans le document COREU portant la référence PESC/0049/16 – ST 9478/16 et dans les documents de séance du groupe RELEX portant les références 430/16 à 435/16, le Tribunal a considéré, au point 108 de l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), qu’elles provenaient de sources d’informations numériques, publiquement accessibles, avaient été publiées à différentes dates et apportaient des éléments d’informations différents, mais concordants, de sorte que, au point 111 dudit arrêt, le Tribunal a conclu tant à la véracité qu’à la fiabilité de ces preuves.

114    Or, d’une part, il y a lieu de constater que les arguments du requérant visant à contester le caractère sensé et fiable des éléments de preuve en raison de leur source et de leur contenu se fondent sur les mêmes éléments de fait que ceux examinés par le Tribunal dans les arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316). D’autre part, ainsi que l’a soutenu le Conseil lors de l’audience, sans être contredit par le requérant sur ce point, ce dernier n’a pas déposé de demande de réexamen auprès du Conseil avant l’adoption des actes attaqués qui aurait contenu des observations mettant en doute la fiabilité des éléments de preuve telle qu’établie par les arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), de sorte que, ce faisant, le Conseil pouvait, lors de la procédure de réexamen ayant mené à l’adoption des actes attaqués, légitimement considérer que ces éléments de preuve possédaient un caractère sensé et fiable. Les arguments du requérant doivent, dès lors, être considérés comme étant non fondés.

c)      Sur l’existence d’un faisceau d’indices concrets, précis et concordants

115    Le requérant considère, en substance, que les éléments de preuve soumis par le Conseil ne constituent pas un faisceau d’indices concrets, précis et concordants susceptible de démontrer le bien-fondé des motifs d’inscription.

116    Il convient de relever que les éléments de preuve produits par le Conseil tant dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), que dans celle ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), ont été jugés comme relayant des informations coïncidant sur le fait que le requérant faisait partie du noyau de la classe économique dirigeante en Syrie en raison de sa gestion des affaires de M. M. Al-Assad et sur le caractère indéniable de ses liens avec le régime syrien, dans la mesure où il exerçait une influence déterminante, par ses activités commerciales et professionnelles, sur le premier cercle des dirigeants de ce régime (arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 102).

117    Dès lors, conformément aux principes mentionnés aux points 92 et 93 ci-dessus, il convient d’analyser les observations soumises par le requérant visant à contredire, à l’aune de documents qu’il a produits dans le cadre de la présente affaire, les informations contenues dans les documents produits par le Conseil et visant à démontrer, en premier lieu, son lien avec une personnalité clé du régime syrien, à savoir M. M. Al-Assad, frère du président M. B. Al-Assad.

118    À cet égard, il ressort des arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, point 100), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, points 102, 103 et 110), que le lien du requérant avec M. M. Al-Assad a été établi en raison, premièrement, de leur implication conjointe dans le transfert de sommes importantes d’argent provenant de la vente illégale de pétrole irakien, ainsi qu’il ressort de l’article publié en octobre 2011 sur le site Internet « Recherches sur le terrorisme », deuxièmement, de la création, par le requérant, de la société Al-Shahba Telecommunications, société contrôlée et utilisée par M. M. Al-Assad, information relayée par les articles publiés, respectivement, en avril 2011 et en avril 2012 sur les sites Internet « Middle East Transparent » et « The Jamestown Foundation », troisièmement, du fait que le requérant est décrit comme le « chargé d’affaires » ou l’« office manager » de M. M. Al-Assad par l’ensemble de la documentation apportée par le Conseil, quatrièmement, de ce qu’il serait le bras droit de M. M. Al-Assad, selon l’article publié le 27 mars 2012 sur le site Internet « Shabab Kurd » et, cinquièmement, de ce qu’il serait le gestionnaire des affaires à l’étranger de M. M .Al-Assad, ainsi qu’il ressort de l’article publié le 3 juin 2015 sur le site Internet de la Syrian Democratic Union Organization.

119    En ce sens, premièrement, le requérant conteste l’allégation selon laquelle il serait effectivement le directeur de cabinet de M. M. Al-Assad. Selon le requérant, ce serait le général Bilal qui aurait occupé cette fonction. À l’appui de son argument, il fournit les articles suivants :

–        l’article du blog Syria News Wire, du 21 décembre 2007, mentionnant le général Bilal comme le « director of Maher Al[-]A[s]sad’s (brother of Bashar Al[-]Assad) office » [directeur de cabinet de M. M. Al-Assad (frère de M. B. Al-Assad)] ;

–        l’article du blog NOW News, du 11 décembre 2007, décrivant le général Bilal comme le « director of the office of Maher Al-Assad, brother of the Syrian president, who was involved in the Bank Al-Madina scandal in Lebanon » (directeur de cabinet de M. M. Al-Assad, frère du président syrien, qui a été impliqué dans le scandale de la Banque Al-Madina au Liban) ;

–        article de la plateforme d’informations Stratfor Worldview, du 21 décembre 2007, mentionnant le général Bilal comme le « director of Maher Al-As[s]ad’s (brother of Bashar Al[-]Assad) office » [directeur de cabinet de M. M. Al-Assad (frère de M. B. Al-Assad)] ;

–        article publié par l’association Middle East Policy Council dans son journal de printemps 2008, décrivant le général Bilal comme le « director of the office of Maher Al-A[s]sad, brother of Syrian President Bashar Al[-]A[s]sad » (directeur de cabinet de M. M. Al-Assad, frère du président syrien M. B. Al-Assad) ;

–        article publié par le journal RFS Media, du 29 août 2016, et décrivant le général Bilal comme « the head of Maher Al[-]Assad’s office » (le chef de cabinet de M. M. Al-Assad) ;

–        reproduction du tweet du compte d’un journaliste, du 4 septembre 2017, et faisant référence au général Bilal comme étant « Maher Al[-]Assad Office Manager » (directeur de cabinet de M. M. Al-Assad) ;

–        article du journal Huffington Post Greece, du 20 septembre 2017, mentionnant le général Bilal comme le « head of the office of General Maher [A]l-Assad, brother of Bashar [A]l-Assad » (chef de cabinet du général M. M. Al-Assad, frère de M. B. Al-Assad) ;

–        article du site Internet syrien « Zaman Alwasl », du 15 novembre 2017, faisant référence au général Bilal comme « the office manager for Major general Maher [A]l-Assad » (le directeur de cabinet du général-major M. M. Al-Assad).

120    Tout d’abord, en ce qui concerne la fiabilité de ces preuves, il convient de relever que le Conseil n’a avancé aucun argument visant à contester le caractère sensé et fiable des articles produits par le requérant et provenant de différentes sources journalistiques. Ensuite, il y a lieu de noter que tant dans le mémoire en défense que lors de l’audience, le Conseil n’a pas rejeté la possibilité que le général Bilal ait pu aussi être chef de cabinet de M. M. Al-Assad. Cependant, il soutient que M. M. Al-Assad peut avoir eu différents chefs de cabinet pour ses différentes activités ou à différentes périodes. Certes, cette hypothèse ne semble être exclue par aucun des éléments de preuve soumis par le Conseil ou le requérant, mais elle ne peut pas non plus être confirmée, faute d’élément de preuve suffisant. De plus, évoquer la possibilité que plusieurs chefs de cabinet aient pu se succéder à des périodes différentes soulève la question de savoir si le requérant est encore ledit chef de cabinet et, à ce titre, entretient toujours une relation particulièrement étroite avec M. M. Al-Assad. Or, il convient de rappeler que l’impossibilité pour le Tribunal de vérifier le bien-fondé des arguments du requérant par lesquels il conteste que son comportement justifie effectivement les mesures restrictives le visant est imputable au non-respect de la charge de la preuve incombant au Conseil et joue, partant, au détriment de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran, C‑200/13 P, EU:C:2016:284, point 105). Dès lors, s’il ne saurait être exclu que le requérant ait été le chef de cabinet de M. M. Al-Assad, le Tribunal n’est, en revanche, pas en mesure de confirmer que le requérant était toujours le chef de cabinet de M. M. Al-Assad à la date d’adoption des actes attaqués.

121    Deuxièmement, le requérant produit un article du journal Fortune Magazine, du 11 mai 2006, faisant référence au transfert de l’appartement de Beyrouth dans lequel, premièrement, le nom du requérant n’est pas cité et, deuxièmement, il est indiqué que la personne ayant bénéficié du transfert serait « a friend of Maher Al-Assad’s office manager » (un ami du directeur de cabinet de M. M. Al-Assad). Selon le requérant, l’article publié le 9 février 2013 sur le site Internet du journal Ya Libnan, figurant au dossier du Conseil, renvoie à cet article du journal Fortune Magazine en citant toutefois le requérant comme étant le bénéficiaire direct de ce transfert et comme étant le directeur de cabinet de M. M. Al-Assad, de sorte que l’article produit par le Conseil contiendrait des informations erronées, voire contradictoires. À cet égard, il convient de relever que l’article du blog « Writingcompany », du 27 mars 2005, l’article du site Internet « New York Sun », du 23 mars 2006, et l’article du site Internet « Lebanon Wire », du 31 mars 2005, reprennent l’information communiquée dans l’article du journal Fortune Magazine, à savoir que le transfert a été réalisé auprès d’un ami du requérant, et non celle du journal Ya Libnan. Il n’en reste pas moins que ces différents articles confirment que c’est un ami du requérant qui a bénéficié de ce transfert et qu’il y avait des raisons de penser que l’objectif était d’en faire finalement profiter M. M. Al-Assad, dont le requérant était, à l’époque des faits relatés, le directeur de cabinet, ainsi qu’il ressort de ces différents articles.

122    Troisièmement, le requérant se prévaut d’une copie d’une recherche effectuée sur Internet afin de démontrer que la société Al-Shahba Telecommunications n’existe pas. Il convient de constater qu’un tel document n’est pas suffisant pour remettre en cause les informations se trouvant dans trois articles de sources journalistiques différentes, à savoir un article du site Internet « Lebanon Wire », du 31 mars 2005, un article du site Internet « The Jamestown Foundation » (source The New York Times), du 7 juin 2011, et un article du site Internet « Middle East Transparent », du 24 avril 2011, et indiquant que le requérant a fondé ladite société. À cet égard, il est vrai, ainsi que le soutient le requérant dans la réplique, que l’article du site Internet « The Jamestown Foundation » fait référence à celui du site Internet « Middle East Transparent ». Cependant, précisément, la source est citée et l’article du site Internet « The Jamestown Foundation » provient d’une source renommée et fiable, de sorte que la circonstance que ce dernier article reproduise celui du site Internet « Middle East Transparent » n’est pas de nature à priver l’information selon laquelle le requérant a fondé la société Al-Shahba Telecommunications de toute véracité. Dès lors, la contestation du requérant ne saurait prospérer.

123    Quatrièmement, l’argument du requérant visant à soutenir que, par l’intermédiaire de ses différents recours introduits devant le Tribunal, il aurait démontré qu’il n’était pas un associé de M. M. Al-Assad, doit être écarté dès lors que, en tout état de cause, lesdits recours ont été rejetés par les arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour II (T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628), et du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316).

124    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que, si un doute existe quant au fait de savoir si le requérant est le directeur de cabinet de M. M. Al-Assad, il n’a, en revanche, pas apporté d’indices permettant de remettre en cause, même partiellement, le lien d’affaires qui l’unit à cette personnalité clé du régime syrien. En effet, le requérant n’a pas utilement remis en cause le fait selon lequel il a fondé l’entreprise Al-Shahba Telecommunications contrôlée par M. M. Al-Assad ni, d’ailleurs, les autres éléments mentionnés au point 118 ci-dessus.

125    Par conséquent, le faisceau d’indices apporté par le Conseil est en mesure d’étayer de manière concrète, précise et concordante le troisième motif d’inscription du requérant, à savoir celui selon lequel il fait partie de l’entourage de M. M. Al-Assad du fait, notamment, de ses activités commerciales.

126    Selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée). Toutefois, le Tribunal considère que, dans les circonstances particulières de la présente espèce, il y a lieu d’examiner, en second lieu, les arguments du requérant visant à contester le premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

127    À cet égard, il ressort de l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 125), que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison, notamment, de la détention par celui-ci d’une usine de plastique et d’une entreprise spécialisée dans les adjudications extérieures pour l’armée, tel que cela ressort de l’article publié le 27 mars 2012 sur le site Internet « Shabab Kurd », et de sa participation, s’élevant à 40 % du capital de la société libanaise avec M. A. Jaber, ainsi que cela ressort du rapport de solvabilité de 2015. Le Tribunal a ajouté, dans le même arrêt, que le requérant avait lui-même reconnu être un homme d’affaires influent en Syrie avant le déclenchement de la guerre sans apporter d’éléments permettant de considérer que tel n’était plus le cas.

128    Premièrement, le requérant soutient qu’il ne saurait être un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie dès lors que la société libanaise ne réalise aucun commerce sur le territoire syrien. À l’appui de son argument, le requérant a fourni les preuves suivantes :

–        les rapports d’audit relatifs à cette société pour les années 2011 à 2015. Ces rapports d’audit ont été rédigés par le même expert-comptable libanais et sont tous datés du même jour, à savoir le 19 août 2016. Il ressort de ces rapports d’audit que la société n’a fait aucun commerce sur le territoire libanais et que le requérant possède 40 % des parts de cette société ;

–        une lettre de la Fédération des chambres de commerce syrienne et une lettre du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien, toutes deux en date du 17 août 2016, attestant, d’une part, que la société libanaise n’est inscrite à aucune chambre de commerce syrienne et, d’autre part, qu’elle ne possède pas d’établissement en Syrie.

129    Par mesures d’organisation de la procédure, les parties ont été invitées par le Tribunal, à l’issue de l’audience, à répondre à deux questions concernant l’activité de la société libanaise.

130    En réponse à la première question, le requérant a précisé que la référence, dans la requête, à une société opérant au Liban, n’était pas destinée à faire état de l’exercice d’activités commerciales au Liban, mais à indiquer que la société avait son siège au Liban et opérait à partir du Liban. Selon le requérant, le point essentiel étayé par les rapports d’audit est que la société libanaise a été une société dormante depuis sa constitution et n’a jamais exercé d’activités où que ce soit dans le monde, ni au Liban ni a fortiori en Syrie. Ainsi que les rapports d’audit le démontreraient, aucune activité commerciale n’a été exercée et le seul actif de la société serait sa part du capital social à la constitution.

131    En réponse à la seconde question, le requérant a précisé que, afin d’exercer des activités en Syrie, les sociétés étrangères devaient s’enregistrer auprès de la direction du commerce extérieur du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien et se conformer aux exigences d’enregistrement prévues par la loi no 34 de 2008 relative aux succursales de sociétés étrangères, notamment en s’immatriculant auprès d’une chambre de commerce syrienne. L’article 3 de la loi no 34 de 2008 prévoirait qu’une personne morale étrangère n’est pas autorisée à exercer son activité principale, ni la moindre activité commerciale, en Syrie, ou à créer une succursale ou un bureau en Syrie, à moins qu’elle ne soit enregistrée conformément aux dispositions de cette loi, après l’obtention d’une autorisation d’exercer conformément aux lois et aux règlements en vigueur. Dès lors, les lettres de la Fédération des chambres de commerce syrienne, du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien produites en l’espèce démontreraient que la société libanaise n’exerce pas d’activités en Syrie.

132    Le Conseil a fait valoir, en substance, que, s’agissant de la première question, le requérant n’avait pas démontré que la société libanaise n’avait pas exercé d’activités après 2016 alors qu’il précise que, selon le droit des procédures fiscales libanais, une société même dormante a l’obligation de soumettre chaque année un rapport financier aux autorités fiscales compétentes. Par conséquent, le Conseil estime que le requérant aurait dû être en mesure de prouver que la société libanaise n’avait pas eu d’activités après 2016. Il en déduit que le rapport de solvabilité de 2015 est toujours valable.

133    En ce qui concerne la seconde question, le Conseil a indiqué ne pas être en mesure de confirmer ou de nier les allégations du requérant relatives au droit syrien. En revanche, il rappelle que les preuves relatives à la société libanaise ne sont pas les seules sur lesquelles il s’est fondé pour considérer que le requérant avait le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

134    Il peut être raisonnablement déduit, tant des éléments de preuve produits par le requérant que des réponses apportées aux mesures d’organisation de la procédure, que la société libanaise n’a réalisé aucune activité commerciale sur le territoire libanais ni sur le territoire syrien entre 2011 et fin 2015. À cet égard, si le rapport de solvabilité produit par le Conseil a bien été réalisé en 2015, il convient néanmoins de remarquer qu’il ne contient aucune information permettant de conclure que la société libanaise a effectivement exercé une activité à cette date-là. Au contraire, ce rapport semble suggérer qu’aucune donnée concernant cette société n’a été enregistrée après février 2012. Il n’en demeure pas moins que cette société continue d’exister et que le requérant en possède 40 % des parts, alors que M. A. Jaber en possède également 40 % et que M. Mohamed Jaber en possède 20 %, ce qui ressort tant du rapport de solvabilité de ladite société produit par le Conseil que des éléments de preuve soumis par le requérant. Or, il convient de relever que M. A. Jaber est un homme d’affaires influent syrien inscrit sur les listes en cause et que M. M. Jaber est également inscrit sur lesdites listes, notamment en raison du fait qu’il est un associé de M. M. Al-Assad pour la milice Shabiha.

135    Ainsi, ces éléments de preuve démontrent l’existence de relations d’affaires du requérant avec des personnes soumises à des mesures restrictives en raison de leur statut d’homme d’affaires influent exerçant leurs activités en Syrie. Par conséquent, s’il est vrai que ces preuves ne sont pas suffisantes à elles seules pour démontrer le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant, en raison, précisément, de l’impossibilité de confirmer l’existence d’activités en Syrie de la société libanaise, elles constituent néanmoins un indice de ce que le requérant est susceptible d’appartenir au cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, proches du régime syrien, ce dernier élément étant renforcé par les liens existant entre M. M. Jaber et M. M. Al-Assad. Enfin, il convient de relever que la traduction du nom de cette société a été communiquée par le Conseil, lors de l’audience. Le nom peut être traduit par « United Island company for public transport, trade in oil derivatives and oil services » (société des îles unies pour les transports publics, le commerce des dérivés pétroliers et les services pétroliers), ce qui démontre que le requérant a bien des intérêts dans le secteur des transports et du pétrole.

136    Deuxièmement, en ce qui concerne le tableau reprenant les activités commerciales du requérant et censé démontrer que celles-ci ont disparu, force est de constater qu’il s’agit de simples affirmations de la part du requérant, qu’aucun élément de preuve concret ne permet de corroborer. À cet égard, les photographies produites par le requérant et visant à démontrer que l’usine de tabac qu’il détenait a été détruite ont déjà été examinées par le Tribunal dans l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 116), et ont été considérées comme insuffisantes pour établir que les activités commerciales du requérant auraient cessé. Or, le requérant n’a pas fait d’effort pour présenter des indices supplémentaires qui auraient pu donner plus de crédibilité à ces photographies. À ce titre, il aurait pu, ainsi que l’avait déjà suggéré le Tribunal dans l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 116), compléter ses preuves en apportant, par exemple, une preuve de l’arrêt de toute activité. Par conséquent, cet argument est non fondé.

137    Troisièmement, en ce qui concerne les arguments et les preuves avancés par le requérant et visant à démontrer qu’il existerait en Syrie des sociétés internationales exerçant ou susceptibles d’exercer une plus grande influence que le requérant, il suffit de constater que, en tout état de cause, ils sont inopérants pour démontrer que le requérant n’est pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

138    Quatrièmement, s’agissant de l’usine de plastique et de l’entreprise spécialisée dans les adjudications extérieures pour l’armée, le requérant conteste la fiabilité de l’article publié le 27 mars 2012 sur le site Internet « Shabab Kurd », mais n’a pas apporté d’élément visant à contredire de manière circonstanciée cet élément de preuve, dont le Tribunal a déjà reconnu le caractère sensé et fiable, dans le cadre de l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316), ainsi qu’il a été rappelé au point 113 ci-dessus. Partant, cet argument doit être rejeté.

139    Dès lors, bien qu’il existe de sérieux doutes quant au caractère actif de la société libanaise sur le territoire syrien, il n’en demeure pas moins que le requérant entretient des liens d’affaires avec des personnes inscrites sur les listes en cause en raison de leur statut d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie et qu’il n’a pas utilement contesté la poursuite de ses autres activités commerciales.

140    Par conséquent, le faisceau d’indices apporté par le Conseil est en mesure d’étayer de manière concrète, précise et concordante le premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

141    Au vu de tout ce qui précède, il convient de constater que les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et de son lien avec une personnalité clé du régime syrien sont suffisamment étayés, de sorte que, au regard de ces critères, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause est bien fondée.

142    Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 126 ci-dessus, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments du requérant relatifs au deuxième motif d’inscription, de rejeter le premier moyen.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 27, paragraphe 3, de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828

143    Le requérant considère qu’il a le droit de bénéficier des dispositions de l’article 27, paragraphe 3, de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

144    À cet égard, les conditions posées par ces dispositions ne seraient pas cumulatives, de sorte que, contrairement à ce que soutient le Conseil dans le mémoire en défense, il lui serait possible d’invoquer le bénéfice desdites dispositions dès lors qu’il remplirait une des conditions qui y sont établies.

145    En tout état de cause, le requérant estime qu’il remplit toutes ces conditions. En effet, premièrement, le requérant ne serait pas associé au régime syrien et, en toute hypothèse, il se serait publiquement dissocié de ce régime. En outre, s’il avait été un jour chef de cabinet de M. M. Al-Assad, il aurait été établi qu’il ne le serait plus à présent. Deuxièmement, il serait improbable de laisser entendre que le requérant exercerait une influence sur le régime syrien. Troisièmement, le requérant ne poserait pas le moindre risque de contournement des mesures prises à l’égard d’autres personnes ou entités désignées.

146    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

147    À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, les personnes, entités ou organismes relevant de l’une des catégories visées aux paragraphes 2 de ces articles ne sont pas inscrits ou maintenus sur les listes des personnes et entités qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. Les mêmes conditions ont été reprises, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

148    S’agissant, tout d’abord, de l’argument du requérant selon lequel ces conditions seraient alternatives et non cumulatives, il nécessite une interprétation de ces dispositions. Selon la jurisprudence, il convient d’interpréter les dispositions en tenant compte non seulement de leurs termes, mais également de leur contexte et de leurs objectifs (voir, en ce sens, arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 10 mars 2005, easyCar, C‑336/03, EU:C:2005:150, point 21).

149    À cet égard, il y a lieu de noter que les conditions énumérées à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi qu’à l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, sont séparées par la conjonction de coordination « ou ». Cette conjonction peut, d’un point de vue linguistique, revêtir un sens soit alternatif, soit cumulatif, et doit, par conséquent, être lue dans le contexte dans lequel elle est utilisée et à la lumière des finalités de l’acte en cause [voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié), C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 102].

150    Or, l’objectif poursuivi par le régime des mesures restrictives institué par la décision 2013/255 et par le règlement d’exécution no 36/2012 est d’interdire toute forme de soutien au régime syrien afin de faire pression sur celui-ci pour qu’il modifie sa politique de répression à l’égard de la population civile. Pour parvenir à cet objectif, le Conseil a adopté la décision 2015/1836, modifiant la décision 2013/255, car, précisément, il a constaté que le régime syrien tentait de contourner les mesures restrictives de l’Union pour continuer de financer et soutenir sa politique de répression violente exercée contre la population civile (considérant 4 de la décision 2015/1836). Ainsi, pour assurer l’efficacité desdites mesures, le Conseil a défini certaines catégories de personnes et d’entités revêtant une importance particulière pour l’accomplissement d’un tel objectif (considérant 5 de la décision 2015/1836), personnes et entités à l’égard desquelles des mesures de gels des fonds devaient, notamment, être adoptées. Ces catégories de personnes et d’entités ont été définies au regard du lien qu’elles présentent avec le régime, de l’influence qu’elles peuvent exercer sur celui-ci ou du soutien, sous quelque forme que ce soit, qu’elles sont susceptibles de lui apporter (considérants 6 à 12 de la décision 2015/1836).

151    Par conséquent, la formulation retenue dans l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi qu’à l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, doit être comprise comme reflétant les différentes manières par lesquelles une personne est amenée à favoriser le régime syrien actuellement en place sans qu’elles puissent être considérées comme étant exclusives les unes des autres. Compte tenu de ce contexte et de l’objectif poursuivi par la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012, les conditions énumérées à ces différents articles sont nécessairement cumulatives.

152    Il ne saurait en être autrement, sauf à risquer de vider de son sens le régime des mesures restrictives en cause. En effet, cela reviendrait à admettre qu’une personne ou une entité soit retirée des listes en cause parce qu’elle ne serait plus associée au régime alors, par exemple, qu’elle exercerait une influence sur lui ou qu’elle serait associée à un risque réel de contournement.

153    Ensuite, s’agissant de l’application, en l’espèce, de ces dispositions, il convient de rappeler qu’il a été établi au point 71 ci-dessus que l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause est fondée à la fois sur l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, et sur l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

154    Or, dès lors que les conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et par l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, ne s’appliquent pas aux personnes inscrites sur les listes en cause en raison du critère d’association avec le régime syrien, ainsi prévu par l’article 27, paragraphe 1, l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et par l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant inopérant dans cette mesure.

155    En tout état de cause, dans la mesure où il a été constaté, au point 124 ci-dessus, que les arguments et éléments de preuve produits par le requérant ne sont pas à même de remettre en cause les conclusions du Conseil quant à l’existence d’un lien entre le requérant et une personnalité clé du régime syrien, ils ne sauraient, a fortiori, démontrer que le requérant remplit la condition relative à l’absence ou à la disparition du lien avec le régime syrien ainsi prévue par l’article 27, paragraphe 3, l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et par l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

156    À cet égard, l’argument du requérant selon lequel il se serait dissocié publiquement du régime syrien en introduisant ses recours devant le Tribunal ne saurait prospérer, dans la mesure où, d’une part, ses recours ont été rejetés et, d’autre part, l’introduction de tels recours n’est pas, en tant que telle, de nature à établir que le requérant se serait clairement dissocié du régime syrien et de justifier le retrait de son nom des listes en cause.

157    Par conséquent, l’une des conditions cumulatives posées par l’article 27, paragraphe 3, l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et par l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, n’étant pas remplie, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé dans cette mesure.

158    Il en résulte que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant pour partie inopérant et pour partie non fondé.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux du requérant ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité

159    Le requérant soutient que les actes attaqués violent ses droits fondamentaux, à savoir, d’une part, le droit au respect de sa réputation et, d’autre part, le droit de propriété tels qu’ils sont garantis par les articles 7 et 17 de la Charte ainsi que par l’article 8 et l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Le maintien de son nom sur les listes en cause constituerait en effet une ingérence très importante dans ses droits et serait manifestement disproportionné.

160    Le requérant rappelle, en premier lieu, que le Tribunal doit apprécier la proportionnalité des mesures restrictives à l’aune des motifs réellement établis par le Conseil. Or, d’une part, le Conseil ne serait pas en mesure d’étayer les motifs qu’il a fournis et, d’autre part, le requérant remplirait les conditions de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. En tout état de cause, quels que soient son association, son influence ou le risque de contournement qu’il représenterait, ceux-ci seraient minimes. Partant, les graves conséquences préjudiciables du maintien de son nom sur les listes en cause seraient totalement disproportionnées en comparaison. À cet égard, le requérant reproche au Conseil d’aborder la proportionnalité des mesures restrictives de manière générale, alors que lui, qui ne conteste pas, en soi, la licéité du régime des mesures restrictives à l’égard de la Syrie, attendait que le Conseil fournisse des arguments relatifs à son cas particulier.

161    En deuxième lieu, réimposer des mesures restrictives au requérant ne serait pas susceptible d’avoir un impact sur les objectifs du régime de sanctions ni ne mettrait de pression sur le régime syrien, dès lors que le requérant ne ferait pas partie de ce régime et n’occuperait aucun poste d’influence.

162    En troisième lieu, le maintien du nom du requérant sur les listes en cause par les actes attaqués causerait un préjudice considérable à sa réputation, tant à l’intérieur de l’Union qu’en-dehors de celle-ci. En particulier, il serait présenté comme faisant partie du régime syrien et comme un partisan loyal de celui-ci alors qu’il aurait publiquement désavoué toute association avec celui-ci et s’en serait dissocié.

163    En quatrième lieu, les mesures restrictives seraient draconiennes et empêcheraient le requérant d’avoir une jouissance paisible de ses biens et d’exercer sur eux tous les droits normaux qui découlent du statut de propriétaire.

164    En cinquième et dernier lieu, le requérant et sa famille auraient subi un préjudice réel par l’imposition des mesures restrictives. À cet égard, il fait valoir la destruction de ses entreprises, conséquence du ciblage dont il ferait l’objet en raison du maintien de son nom sur les listes en cause, les menaces et la surveillance dont lui et sa famille seraient victimes et le fait que sa capacité à apporter le soutien matériel nécessaire à sa famille serait compromise.

165    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

166    En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument du requérant tiré de la violation de son droit de propriété, il convient de relever que ce droit fait partie des principes généraux du droit de l’Union et se trouve consacré par l’article 17 de la Charte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 96 et jurisprudence citée).

167    Cependant, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété ne jouit pas, dans le droit de l’Union, d’une protection absolue. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit fondamental, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti [voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121, et du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 59 (non publié)].

168    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie, les restrictions au droit de propriété évoquées par le requérant ne sont pas disproportionnées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 106), d’autant plus que la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012 prévoient certaines exceptions permettant aux personnes et aux entités visées par des mesures restrictives de faire face aux dépenses essentielles.

169    En effet, la décision 2013/255 et le règlement no 36/2012 prévoient la possibilité d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques et de réviser périodiquement la composition des listes en vue de permettre que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer dans la liste litigieuse en soient radiées (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, points 102 et 105).

170    Or, il convient de relever que le requérant n’a pas, au soutien de son allégation relative à la violation de son droit de propriété, avancé d’arguments fondés sur des éléments de fait et de droit différents de ceux écartés par le Tribunal dans l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, points 135 et 136), de sorte qu’il y a lieu de la rejeter, pour les mêmes raisons, à savoir que le requérant n’a jamais évoqué le besoin d’accès à l’ensemble ou à une partie des fonds gelés. En outre, le requérant n’a pas fait valoir avoir présenté une demande afin de pouvoir utiliser ses biens et fonds dans l’objectif, notamment, d’aider sa famille, demande qui aurait été rejetée.

171    En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argument du requérant tiré d’une atteinte au droit à la réputation, il y a lieu de rappeler que ce droit n’est pas une prérogative absolue et que son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent la réputation de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

172    Or, force est de constater que le requérant n’a apporté aucun élément de fait et de droit différents de ceux écartés dans l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 138), de sorte qu’il y a lieu de rejeter ses allégations, pour les mêmes raisons, à savoir que, en tout état de cause, le requérant n’apporte aucun élément de nature à démontrer que les mesures prises à son égard ont causé une atteinte à sa réputation.

173    En ce qui concerne, en troisième lieu, l’argument du requérant tiré d’une violation du principe de proportionnalité, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs [arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122 ; du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié), et du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 149].

174    Certes, les droits du requérant sont restreints dans une certaine mesure du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu’il ne peut pas, notamment, disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union, ni les transférer vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières. De même, les mesures visant le requérant peuvent, le cas échéant, susciter une certaine méfiance ou défiance de ses partenaires et de ses clients à son égard.

175    Toutefois, dès lors que le premier et le deuxième moyens ont été rejetés comme non fondés, il en ressort que le Conseil a, à juste titre, maintenu le nom du requérant sur les listes en cause en se fondant sur les relations entretenues avec des personnalités clés du régime, notamment avec M. M. Al-Assad, et sur son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

176    Ainsi, la décision du maintien du nom du requérant sur les listes en cause est apte à réaliser l’objectif d’intérêt général poursuivi par la politique des mesures restrictives adoptée par le Conseil, à savoir la fin de la répression exercée contre la population civile en Syrie, qui a coûté la vie à des milliers de civils. Cet objectif s’inscrit dans le cadre plus général des efforts liés au maintien de la paix et de la sécurité internationales, prévus à l’article 21 TUE, qui vise les dispositions de l’action extérieure de l’Union, et est, par conséquent, légitime.

177    Quant au caractère prétendument disproportionné du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, force est de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 168 et 169 ci-dessus, que l’article 28, paragraphe 6, de la décision 2013/255, dans sa version modifiée, prévoit la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 364, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127).

178    En outre, il convient de prendre en considération le fait que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait être qualifié de disproportionné en raison de son prétendu caractère potentiellement illimité. En effet, ce maintien fait l’objet d’un réexamen périodique (au moins annuel) en vue d’assurer que les personnes et les entités ne répondant plus aux critères pour figurer sur lesdites listes en soient radiées (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 365, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 129).

179    Quant aux préjudices allégués par le requérant qui auraient été causés à la suite du maintien de son nom sur les listes en cause et selon lesquels ses entreprises auraient été détruites et sa vie ainsi que celle de sa famille seraient en danger, il y a lieu de constater que, afin de démontrer l’existence des préjudices allégués, le requérant s’est borné à présenter les mêmes éléments de droit et de fait que ceux présentés au Tribunal et écartés par lui dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2018, Kaddour III (T‑461/16, EU:T:2018:316, point 146), de sorte qu’il y a lieu de rejeter ses arguments pour les mêmes raisons, à savoir que des photocopies de photographies en noir et blanc d’un bâtiment détruit ne sauraient être suffisantes pour démontrer l’existence desdits préjudices.

180    Enfin, il convient de rappeler que l’importance des objectifs poursuivis par les actes attaqués est de nature à justifier que ceux-ci aient pu avoir des conséquences négatives, même considérables, pour le requérant sans que cela affecte leur légalité (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 191).

181    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les restrictions au droit de propriété et de réputation du requérant causées par les actes attaqués sont justifiées par un objectif d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés.

182    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen, tiré d’une violation de droits fondamentaux et du principe de proportionnalité et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

183    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Khaled Kaddour est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.